mardi 22 janvier 2019

ARLEQUIN OU SGANARELLE ?

J’ai envie de défendre Eric Drouhet, attaqué par Marlène Schiappa, la Morano des temps nouveaux. Qu’entends je ce soir dans la bouche de Marlen pas Lily.

« Monsieur Drouhet n’a pas saisi la chance de débattre avec le Premier Ministre »

Il faut donc remettre les pendules à l’heure. Payés par le budget national, les ministres mais plus généralement toute la classe politique et administrative, doivent leur salaire aux citoyens. Ce qui permet d’affirmer sans risque de contradiction que les politiques sont payés par les citoyens pour être à leur service. Il ne faut donc pas inverser les rôles. Eric Drouhet n’a pas eu envie de parler à son valet. C’est aussi simple que ça.

J’ai choisi « valet » malgré mon amour pour Sgnanarelle parce que « domestique » n’allait pas. Le domestique est chargé de veiller sur la maison (domus) et, vu l’état de la maison France, la qualité de la domesticité que nous avons choisie laisse beaucoup à désirer.

Soyons justes :voilà des années que nous laissons trop de liberté à nos employés en leur donnant trop de gages. Trop d‘années que nous avons oublié qu’ils étaient à notre service et non nous au leur. Nous avions oublié ce fameux proverbe médiéval : « Oignez vilain, il vous poindra, poignez vilain il vous oindra ». L’onction dont ils se parent est celle du suffrage universel, c’est l’onction que nous leur avons donnée.

Exemple suivant, même émission, un pontifiant imbécile, député de surcroît et répondant au doux nom de Garot (serrons lui le kiki, ça changera de la guillotine) déclare : « Ce n’est pas mépriser les gens que de leur faire de la pédagogie ». Ecoute moi bien, tour de cou. Je ne suis pas un gens. Je suis un citoyen. J’ai appris avec des pédagogues, depuis mon instituteur né à Béguios, jusqu’à mon directeur de thèse au Collège de France. Pour apprendre, j’ai toujours eu ce qu’il fallait, merci la République, et ce que j’ai appris surtout, c’est à reconnaître les discours du mépris, les geais parés et les grenouilles qui gonflent. Ta suffisance, collier franquiste, était insupportable et je te conseille gentiment et pédagogiquement : ce que tu as à m’apprendre peut prendre place dans ta raie culière, je n’en ai pas besoin. Tout ce que je te souhaite c’est une greffe de sphincter au niveau du larynx pour que tu puisses contrôler tes paroles aussi bien que tes défécations

Nous avons été mal habitués : l’Etat et les citoyens étaient servis par des serviteurs de haute qualité, des Vatels et non des valets. Nous sommes au temps du fast food qui se pare du pourpoint de Vatel sans avoir ses compétences. Et nous avons accepté cette dégradation, oubliant que la dignité d’un serviteur reflète la dignité de celui qu’il sert.

Ce sont les prémices du Grand Débat et il est déjà pipé. De diverses manières, le gouvernement montre dans quel mépris il tient ses interlocuteurs. Le choix d’Hanouna en est une preuve supplémentaire. Il ne manquait pas de gens de talent et je vais encore citer Pascal Praud qui sait mener des débats à la portée de tout un chacun.. Sauf que Hanouna a été choisi pour « faire le show ». On ne saurait mieux dire « aux gens » qu’ils ne peuvent rien comprendre aux sujets sérieux si on n’y met pas une rasade de divertissement. En voulant faire « peuple », Schiappa a mis la barre du mépris à belle hauteur, sous les conseils avisés du Président lequel ne peut parler sans laisser entrevoir son sentiment de supériorité. Je l’imagine apostrophant ses ministres ; « Qui t’a fait comte ? » sans que quiconque renvoie « Qui t’a fait Roi ? ».

Moquant De Gaulle, André Ribaud a tenu pendant des années une chronique de la Cour. C’est impossible aujourd’hui : on ne chronique pas les basses-cours.

lundi 21 janvier 2019

L'EUROPE EST UNE PRISON

Ça y est, c’est clair… Moi je croyais, comme la plupart des gens, que l’Europe était un choix, pas une prison.  J’y suis allé à reculons malgré tout. J’ai voté NON en 2005 et puis on me l’a mis bien profond en transformant mon NON en OUI. J’ai pas trop râlé en me disant qu’on pouvait toujours sortir.

T’AS QU’A CROIRE.. Les Anglais aussi, ils pensaient ça et ils l’ont exprimé dans un référendum historique. Un an après, on nous explique que, vu la complexité de la construction européenne, vu les couts, vu tout un tas de bonnes et mauvaises raisons, ils doivent rester dans l’Europe et qu’il convient de refaire le référendum.

Voilà, c’est dit : L’EUROPE EST UNE PRISON d‘où on ne peut pas sortir.

Où est la souveraineté nationale ? Où est la démocratie ? La volonté du peuple ? Ce peuple que notre Président veut consulter tout en prévenant que rien ne changera. Ce Président qui propose des référendums tout en sachant qu’on peut s’asseoir dessus.
Quand je mets en évidence cet empêchement qu’à  Madame May de faire respecter la volonté de son peuple, que n’entends je pas ?

Que ce sont les institutions anglaises qui…. Que c’est Barnier qui…. Que si la France voulait…. On m’a même dit que si les Anglais avaient adopté l’Euro, ce serait plus simple…Le Premier Ministre se prépare à un Brexit « dur ». C’est donc que ce n’est pas aussi simple que ça..

Tous ces discours m’inquiètent. J’ai de plus en plus le sentiment qu’on nous a vendu un énorme pipeau. Qu’un principe simple a été largement dévoyé. Tiens déjà, le Parlement européen, pour lequel on va voter dans six mois. Il ne peut voter que des textes proposés par la Commission. Quoi ? Il ne peut pas se saisir lui même ? Non. Ce serait une entorse à la démocratie. On déconne ou pas ? Et puis ce qu’il vote doit être validé par le conseil des ministres. A l’unanimité. En clair, la Lettonie peut bloquer un texte adopté par la majorité.

On nous a vendu ça comme un parangon de démocratie !!! Un Parlement qui ne peut voter que des textes qu’on lui propose et qui doivent ensuite être validés, on appelle ça une chambre d’enregistrement.

Dans les faits, depuis Delors et peut être avant, le discours sur l’Europe est un discours lénifiant, un discours d‘escrocs que le Brexit fait sauter en éclats. La publicité mensongère est interdite dans le commerce mais autorisée en politique.

Alors, il ne nous reste qu’une chose à faire pour éclaircir les choses. Voter pour un parti souverainiste. Même le… ? Même.

Tout d’abord, il faudra que le parti souverainiste lance le Frexit. Et au pîed du mur, il sera nécessaire d‘expliquer que ce n’est pas possible. L’abcès sera crevé. On aura compris qu’on ne peut pas sortir de l’Europe ce qui relativisera nos choix politiques et qui casera les discours dominants.

Et donc, on restera dans l’Europe. Non. Quand les Français auront enfin compris, ils ne supporteront pas de rester en cellule, et ça risque de faire vilain.


On en reparlera…

mercredi 9 janvier 2019

SCIENCES PO ET LE BISTRO

Pour moi, le meilleur institut de sondage, c’est le bistro. Questions simples, réponses simples. Pas de langue de bois, même si, avec les heures, l’élocution devient pâteuse.

Après un long apéro, t’écoutes les débats entre spécialistes et tu rigoles. Parce que les réalités, tu les connais.

1/ Les Français sont racistes, antisémites, etc… Oui. Majoritairement. C’est pas bien, mais c’est comme ça. Trente ans de « pédagogie », d’indignations, de Licra, de touche pas à mon pote, n’ont rien changé. Personne n’a jamais gommé le temps où les lettres de dénonciation arrivaient par sacs à la Gestapo. Marine est la petite fille spirituelle de Pétain et elle séduit un électeur sur trois.
C’est que l’étranger, le pas pareil, c’est toujours un danger. On a amélioré le panel en stigmatisant les Asiatiques, en ajoutant le niaque au melon, au youpin et au mal blanchi.

Au bistro, ça se rassemble et les qualités admises deviennent des défauts. Sont pas fainéants, c’est bien vrai, mais c’est pour mieux nous manger. Les mots flottent dans le discours et tel chroniqueur préférant les amours orientales parle « d‘asiats ».

Personne ne veut dire que le « china bashing » si commode pour parler d’économie retombait sur toutes les minorités et pas seulement la communauté asiatique. Parce que le bistro est le lieu du « ouais, c’est comme… ». A Sciences Po, on discrimine, au bistro, on agglutine.

2/ Les Français ne font plus confiance à leurs représentants politiques. Oui. Majoritairement. Evidemment, l’exemple emblématique est le référendum de 2005. Tu votes contre, ça devient pour. Après un coup comme ça, tu peux ranger  toute la panoplie linguistique avec démocratie, choix électoral, etc… En un geste Sarko a dévalué toute une discursivité, il a gommé un gros bout du lexique politique traditionnel.

3/ Les Français sont sexistes, homophobes.. Oui. Majoritairement. C’est pas bien mais ça va avec le reste. Encore un peu de vocabulaire. A la télé, le mot qui tourne le plus c’est « enfumage » avec des déclinaisons comme « enfumé ». Au bistro, je ne l’entends jamais à l’opposé de son cousin moins flaccide « enculé ». Lui, c’est toutes les trois phrases. Il est devenu une bannière, un gonfanon, totalement décroché du réel car le plus souvent l’enculé est celui qui trompe. Clairement, l’enculeur est un enculé. Avec une telle récurrence linguistique, on ne peut pas attendre que l’homophobie recule. Mais on ne peut interdire les mots.

Jeune étudiant en sciences politiques, si, au cours d’un exposé, tu préfères « enfumé » à « enculé », change de voie : tu apprends à parler comme tes professeurs, pas comme tes électeurs. Tu aras ton diplôme, mais pas leurs voix.

Il nous manque une étude linguistique sérieuse. Entendu au bistro : « Par contre, X…, quand il fait rentrer Y…, c’est une énorme connerie ». Ce que nous traduirons par : « En revanche, le dernier changement de première ligne, fut une erreur de coaching. »

Il y a là un marqueur linguistique fort : « par contre » au zinc devient « en revanche » devant la caméra. Celui là est simple. Il y en a d‘autres : « pareil » devient « équivalent » ou « les sondés » se changent en « l’opinion ». Exemple : « Les sondés soutiennent le Président à 28% ». « Oui, l’opinion est en train de basculer ».

Quand on ne parle pas la même langue, la communication devient chaotique, d‘autant plus qu’elle sera chargée de connotations perçues négativement. Le phénomène est ancien. « Traverser la rue » répond à « manger de la brioche ».

Le peuple est très sensible aux écarts linguistiques. Johnny Halliday devait avoir quantité de surnoms Celui qui surnage, c’est « le taulier », fort peu artistique : le taulier, c’est l’homme qui tient les clefs du fonds de commerce, celui qui a le pouvoir. Ses fans préfèrent « taulier » à « boss » alors que le second sent plus les santiags et la route 66. Ils remettent Johnny à sa place de chef de clan prolo et bien français. Sa vraie place certainement, à leurs yeux, plus que Memphis.

Et je suppose que les conseillers du Président ont fait le choix inverse. Ils ont un boss pas un taulier.


Le grand débat, c’est pas gagné.

lundi 7 janvier 2019

Jean-François ARMINGAUD

Je ne le connais pas. Il est vrai qu’il est mort. Mais il soulève en moi des questions.

Il est franc-maçon affilié à la loge bayonnaise La Zélée où il est chargé de la Colonne d‘Harmonie. Il est vrai qu’il enseigne le violon, au 25 rue Majour (aujourd’hui rue d‘Espagne). On le dit originaire de Montauban, comme Ingres, autre violoniste connu. Je ne suis pas allé plus loin : il est une recherche collatérale dans mes priorités.

C’est à lui que le père Alard confie l’éducation musicale de son fils Delphin. Nous sommes au début des années 1820. Et voilà qu’à douze ans, le jeune Delphin Alard exécute à merveille une sonate de Viotti devant un public mélomane et médusé. Jusque là, rien d’admirable : un gosse doué confié à un bon professeur. Delphin Alard rejoindra la classe d’Habeneck, obtiendra un Premier Prix du Conservatoire national où il deviendra professeur de violon avant de devenir le prof de Sarasate. La filiation est intéressante.

Mais voilà que notre prof conçoit un fils, Jules, né en 1820, et auquel il va enseigner le violon. Naturellement, Alard le prend sous son aile, mais pas très longtemps : les deux jeunes gens sont trop différents. Alard crée avec Franchomme un quatuor de musique de chambre romantique qui devient un élément important de la musique du Second Empire. Les concerts d’Alard-Franchomme (deux profs au Conservatoire) sont prisés de la bourgeoisie parisienne. Jules Armingaud, pour sa part, ne mange pas dans l’écuelle du pouvoir. Il a participé aux journées de 1848 avant de créer avec Edouard Lalo, le quatuor Armingaud-Lalo, politiquement progressiste. Jules est le violoniste préféré de George Sand qui l’invite souvent à Nohant.

Les deux quatuors sont souvent en rivalité. Non sur le plan musical qui suscite peu de critiques, mais essentiellement sur le terrain de l’idéologie. Les conservateurs du Conservatoires sont défiés. par les musiciens libres. Ils cherchent les meilleurs musiciens du temps : Alard travaille avec Francis Planté quand Armingaud embauche Madame Français, lilloise et amie de Lalo.

On peut gloser sur cette rivalité à condition de se souvenir qu’un même arbre a porté ces deux fruits. Les deux quatuors ont surtout suscité des émules, des dizaines de formations vouées au quatuor romantique.

D’où cette évidence : Bayonne a été le berceau du quatuor romantique français et Armingaud en est le père.

Sur la Côte basque, toutes les sociétés de mélomanes organisent des concerts où le quatuor se taille la part belle. Il existe une jolie section de musique de chambre au Conservatoire de Bayonne. Rien, ni personne, n’évoque jamais Jean-François Armingaud.

Il faut toujours un vieux ronchon pour parler des racines. On nous bassine avec Sarasate. Le gamin Sarasate est né en Navarre. Le berceau du musicien est posé aux rives de l’Adour


Il fallait que ce fut dit : au moins une fois

dimanche 6 janvier 2019

SCIENCES PO CONTRE LA ZUP

C’est reparti ! Pas vraiment, ça ne s’était pas vraiment arrêté. Et la situation est bloquée.

Je ne change pas mon analyse. Et d’abord qu’il n’y a rien à analyser car la parole est bloquée. Personne ne le dit, car tout le monde veut parler mais ce qui saute aux yeux, c’est l’impossibilité de communiquer.

Selon le gouvernement, relayé par les journalistes, il a été débloqué 10 milliards pour le peuple. Le peuple regarde et dit : Mais où sont ils ? Ce qui ne l’aide pas à croire le discours. A quoi, on répond en parlant de pédagogie, posant ainsi en prémices que certains savent (les pédagogues) et d’autres pas. Et donc, certain discours sera légitime, l’autre pas. Pour construire une passerelle, c’est pas le meilleur moyen.

J’ai envie de prendre le Président par la main et de l’emmener à la ZUP. Seul. Le service de protection rapprochée, je l’ai. Mes copains du COB sont plus fiables que Benalla. J’ai aussi les interprètes, ceux qui diront au Président : Là, ça va pas. On comprend rien. L’argent, il est où ?

Et peut être que le Président comprendra cette évidence. A Sciences Po, on n’apprend pas à parler au peuple. On apprend à parler du peuple, mais ça n’a rien à voir. Je ne veux pas faire de simplification extrême mais rien de ce que dit le gouvernement n’est audible. Ce n‘est ni le style, ni le vocabulaire. Ils le savent, les Gilets jaunes : Ils nous enfument. C’est le mot qui revient le plus : enfumage. Normal : le Président promet 100 euro, la presse commente : dix milliards…et rien sur le compte en banque. Il nous enfume. Comment le dire autrement ? On me promet 100 euro, on m’accuse de couter dix milliards et j’ai pas une thune de plus sur mon compte.

A partir de là, on voit, avec effarement, le gouvernement promettre un débat et les manifestants le refuser. Ils savent bien que débattre ne sert à rien quand on ne parle pas le même langage. Ils vont nous enfumer.

Voilà longtemps que le lien est défait entre les mots et les choses. Désormais, il est défait entre les mots eux-mêmes. La langue, en politique, sert aux Sciences Po de gauche pour communiquer avec les Sciences Po de droite. Les « corps intermédiaires » (novlangue qui désigne les syndicalistes) ont adopté le même registre linguistique afin que l’Etat les considère comme des interlocuteurs acceptables. Moyennant quoi, le peuple les a abandonnés. Quand Henri Krasucki parlait de grève, le peuple se sentait défendu. Fini… Ce n’est pas une avancée démocratique.

Les journalistes ont fait les mêmes écoles que les politiques et ils parlent le même langage. Par voie de conséquence, le peuple les met dans le même sac. Qu’attendre d’autre ? La haine du politique retombe sur les journalistes. C’est la haine de Sciences Po, la haine du discours abscons.

J’écoute avec inquiétude les partisans d’un bord et les tenants de l’autre. Le gouffre est patent, les arguments inconciliables. Est-il utile d’avoir tant de communicants pour ne plus savoir communiquer ?

C’est que la communication consiste d‘abord  à dévaloriser l’autre, en lui collant des étiquettes infamantes ou supposées telles.

C’est ainsi que « populiste » est devenu un synonyme de « fasciste », ce qui a le double avantage de dévaloriser autant le locuteur que le peuple qui l’écoute. Il faut parfois faire un peu de linguistique. Qu’est ce que le populisme ? D’après le CNRTL, «  tout mouvement, toute doctrine faisant appel exclusivement ou préférentiellement au peuple en tant qu’entité différenciée ». Rien à dire. Presque. Les marxistes ont été les premiers à combattre le populisme qui chassait sur leurs terres. Le problème, c’est « indifférencié ». C’est pas prolétariat ou classe ouvrière, les marxistes aimaient pas. Le peuple comme un mélange. Nous y sommes.

Le peuple comme cible. Un leader populiste sait parler au peuple, il sait se faire comprendre du peuple. Merde ! C’est plus de jeu. A quoi ça sert de faire des études si c’est pour parler dans les ronds-points. ?

Il n’y a donc plus de leader populiste. C’est vulgaire. Personne n’en veut, ni les libéraux ni les marxistes. Y’a bien Mélenchon qui s’efforce. Mais il est moins bon que Tapie. Lui, il sait parler au peuple. Il en vient, il a baigné dedans. Tapie, c’est la revanche des footeux.

On n’a pas fini d’en reparler



jeudi 3 janvier 2019

CLICHQUER

J’ai huit ans. Neuf ans… Dans ces eaux là

Je passe la nuit chez Robichon. C’est à Ondres. Personne ne sait où c’est. Un village improbable. Rien à voir avec mon imposante maison bourgeoise. Je dors dans un galetas que fréquentent les rats. Je n’ai pas peur. Robichon dort dans la chambre du dessous. Il ne peut rien m’arriver.

Je dors chez Robichon parce que c’est week-end de chasse. La nuit importe peu, seule compte l’aurore quand Robichon viendra me ramener au monde. J’aimerais avoir des souvenirs, longtemps je me suis couché de bonne heure. Rien. Des nuits sans rien.

« Allez, Ramuntcho, il est l‘heure ». Je ne regarde pas ma montre. Je n’ai pas de montre car je n’ai pas fait ma première communion. Il est l’heure. Le bol de Ricoré m’attend. Robichon ne fume pas. Nous avalons notre Ricoré, face  à face. Je suis un homme qui part à la chasse. Le soleil dissipe les premières brumes.

La cabane est derrière la maison, je connais le chemin. Avant d’y arriver, Robichon me tend le chioulet, le sifflet, un rond métallique que je vais coincer dans ma bouche, entre mes lèvres. Le chioulet, c’est tout un art. Il peut tout imiter, le rouge-gorge comme le chardonneret et plus encore l’alouette Avec le chioulet, tu es le roi des oiseaux. Robichon porte le sac. LE sac. Dedans il y a les sandwichs. Le mot est inconnu. Ce sont les demi-chouannes garnies d’omelettes aux piments. Chouannes ? Oui. Les pains appelés batards chez les gens normaux. Chouannes signifie qu’il s’agit de pains « de chanoines » avec une mie bien blanche. Le réel n’existe pas sans l’histoire.

La cabane est un lieu magique. Parois en fougères séchées qui nous serrent, nous enserrent. Avec la fine meurtrière qui permet la vue sur les champs. J’ai un tabouret pour y accéder. De ci de là, un passereau. Le reconnaître et user du chioulet pour l‘attirer, attirer ses congénères. Robichon le fait à merveille, mieux que moi. Il tape sur ma tête pour me faire taire. Il est préférable de ne pas siffler que de siffler à faux. Les oiseaux sont malins.

Devant la cabane, un espace nu, à peine agrainé. Un premier pioc se pose, suivi par quelques copains. Nous sommes englués de silence. Les oiseaux sont à maigre distance, confiants, tranquilles. Le moindre bruit peut les éparpiller. Quand il juge le moment venu, Robichon tire sur la manette. Un coup sec. Les deux filets se rabattent d’un même mouvement dans le même silence. Ce que nous entendons, c’est le feulement de l’air fouetté par les fils de la pantière. Le vol est pris !

Le plus souvent, ils sont une dizaine. Le filet n’est pas très serré et ils s’agitent à la recherche d‘une sortie, affolés, voletant en tous sens. C’est mon rôle de les libérer en les clichquant. Clichquer, c’est simple. On prend la tête entre le pouce et l’index replié, on serre d’un coup sec. Le bruit de l’os qui craque est suivi de l’immobilité, nécessaire pour dégager l’oiseau des mailles du filet. Je ne clichque que les petits oiseaux, je n’ai pas assez de force dans les doigts pour les palombes. J’apprends à les connaître, surtout les alouettes et les bruants, mais il y en a d‘autres, rouges-gorges, chardonnerets et mésanges. En grandissant, j’appendrai avec stupéfaction que la plupart sont protégés.. Protégés ? Pourquoi ? Dans les haies, dans les champs de maïs, ils grouillent. Il suffit de les appeler. Nous vivons dans une gigantesque volière.

J’apprendrai aussi que nous ne prenons que des granivores. Les mangeurs d‘insectes sont trop malins et, en plus, ils sont moins bons. Et puis, installées dans leurs nids, bâtis aux poutres des granges et des étables, les hirondelles sont quasiment des oiseaux domestiques, des voisines avec lesquelles on partage la maison.

Quand vient l’heure du déjeuner, Robichon range la récolte. Les meilleurs, comptés par douzaines, vont dormir dans le meilleur panier. Après la sieste, Robichon les apportera chez Pétiolle dont tout le monde sait qu’il les cuisine à merveille. Les autres seront pour nous, ce soir, flambés au meilleur cognac, échangé chez Pétiolle.

Voilà bien un demi-siècle que je ne clichque plus. J’ai vu Robichon, il y a peu, à un enterrement. Les pantières sont rangées. Il n’y a plus d‘oiseaux. J’ai fait et refait les comptes, il est impossible que nos prélèvements en soient responsables. Et Pétiolle a fermé sans être remplacé.

Mes enfants m’ont posé la question : ça te faisait quoi de clichquer ? Ben, rien. C’est une partie du jeu. Tuer ? Un jeu ? La chasse que nous pratiquions consistait à tromper les oiseaux comme la tauromachie est l’art de tromper le toro. Tromper pour tuer. Dans un monde aujourd’hui honni où l’animal était avant tout source de protéines et de plaisirs gastronomiques.

Pour tromper, il faut connaître et la chasse est un immense système de signes. Il faut y interpréter le vent, la couleur du soleil, le chant des oiseaux. Il faut avoir les sens en éveil pour lire une nature terriblement terre à terre. Les vrais écolos le savent, ils ont à apprendre des chasseurs.


Et vice versa, bien entendu.

mercredi 2 janvier 2019

MAURICE, MACRON, MAO

Nous en avons déjà parlé. La situation impose de recommencer.

Un peu d’histoire, d’abord. Après la Libération, les divers gouvernements s’empressent de mettre en œuvre le programme du Conseil National de la Résistance. Avec quelques grandes lignes : planification, intervention de l’Etat dans tout ce qui concerne la vie des citoyens : énergie, transport, banques, assurances. C’est le grand moment des nationalisations, mais aussi de l’installation du statut des fonctionnaires, conduit par Maurice Thorez, tout comme la construction de la sécurité sociale et la mise en place du système des retraites par répartition.

Personne ne peut discuter . Quelles que soient leurs orientations politiques, aucun des participants à cette œuvre ne peut être considéré comme un mauvais patriote, même pas Thorez qui, installé à Moscou, a servi pendant toute la guerre d’intermédiaire entre De Gaulle et Staline. Nous avions à la manœuvre d’authentiques patriotes, de réels combattants, unis dans la volonté de créer une Nation plus juste et plus forte. Ils ont su oublier leurs dissensions, gommer leurs différences. C’était le temps où un démocrate-chrétien comme George Bidault prenait place à côté de Maurice Thorez afin de décider ce qui était bon pour la France.

Le système a tenu plus de trente ans. Jusqu’à la sortie de De Gaulle. Jusqu’à cet étron majuscule que fut Giscard qui voulait détruire notre pays en l’offrant aux Américains avec l’aide d’étrons minuscules comme Bayrou ou Léotard. Ils l’ont fait en utilisant un mot dont nous aurions du nous méfier = Réforme.

Tous les imbéciles de tous les bords, journalistes sous-corticalisés, intellectuels autoproclamés, agents d‘assurance et guichetiers de banque se sont précipités sur ce mot de Réforme comme leurs ancêtres, minables, médiocres et à courte vue l’avaient fait en suivant Luther. Réformer la France ? Pourquoi ?

Pour la rendre moderne.

Mais qu’était ce donc que ce modernisme ?

Détruire l’œuvre de patriotes qui avaient montré leur amour de ce pays en offrant aux puissances d’argent les clefs de notre Nation. En commençant par notre avenir en détruisant la planification. Le Plan signifie que notre pays suit une direction qui est la sienne et celle de ses citoyens, pas celle de banquiers internationaux et apatrides qui pensent seulement à leurs résultats. (Je sais, « banquier apatride » est un qualificatif discutable, je l’assume. Je vis à Bayonne, patrie de Jacques Lafitte, l’un des créateurs de la Banque de France, banquier mais pas apatride).

En détruisant notre amour de notre territoire, ce qui signifie l’amour de ceux qui vivent avec nous, qui partagent notre terre et les bonheurs qu’elle offre.

Depuis quarante ans, nos gouvernants « réforment » : ils détruisent notre pays, ils bradent ce que nous avons bâti ensemble avec les structures du CNR. Macron a achevé le démembrement de la SNCF construite par le CNR. Il brade nos barrages. Et il va vendre la FDJ, héritière de notre Loterie Nationale. Il poursuit le travail de Giscard, de Mitterrand et des autres (Oui, Mélenchon, avec Jospin a vendu nos autoroutes).

Mais enfin, refuses tu le modernisme ?

Pas du tout. Simplement, je regarde.

Je regarde la Chine, première économie mondiale. La Chine qui suit le programme du CNR, avec un interventionnisme complet. Pour  le dire simplement, le gouvernement chinois a mis l’économie à la botte du politique et tout ce qui importe pour le citoyen dépend du gouverneament, pas des structures économiques (qui de toutes façons obéissent au gouvernement). Le modernisme, bande d’ignares, c’était le CNR, pas Giscard d’Estaing.

D’ailleurs, la Chine adopte la Sécurité sociale à la française quand le  Medef en dit pis que pendre. Qui est moderne ? Xi Jiping ou Roux de Mesburnes ? Remettez vos pendules à l’heure.

L’autre gérontophile, il veut préparer la transition écologique. Il le dit et tous les cons le croient. Pour ce faire, il remplace les trains de nuit par des autobus. Pour la Terre, il vaut mieux quelques dizaines de bus diesel que des trains électriques. Bon, on peut discuter sur les détails mais Hulot doit savoir. C’est même pour ça qu’il est parti.

« Modernisme » est comme une cape tendue aux yeux des trouducs qui se veulent modernes. Une cape qui cache l’assassinat des pauvres, action cachée depuis des décennies sous les falbalas de la communication.

Méééh bêle le Président. Les Français ont voté pour moi. Ça, c’est ce que tu crois. Les Français ne veulent plus de la fausse modernité. Ils ne veulent plus de faux changements. Ile veulent d’un système à leur service.

Comme tous les peuples, les Français veulent d‘un gouvernement à leur service. Merde ! T’es Président, pas bonniche en chef. Choisis mon grand. L’échafaud est au bout de ton choix. Et tu n’as plus que la parole.

Sauf que les mots, c’est de la merde. Ils te l’ont pas dit tes profs de com » ?