vendredi 7 avril 2023

LA VIOLENCE

Les non-violents m’épuisent. Leur mièvrerie, la simplicité de leur argumentation, l’évidence de leur peur dessinent une population de poules mouillées privées de coqs. La peur, en politique, est le début de la défaite. Sur les plateaux, je n’entends que ça : la violence, c’est pas bien. J’ai le droit de ne pas être d’accord. Illustration.

 

Dans une taverne parisienne, un groupe de males blancs prend l’apéro. Apéro long courrier. Depuis plusieurs jours, la ville est dans un état insurrectionnel. Les ivrognes vont chercher des armes aux Invalides puis se dirigent vers la Bastille que la rue prend d’assaut.

 

Je hais tous ceux qui affirment que le pouvoir de la rue ne compte pas. Chaque 14 juillet, la République fête un acte de violence né dans la rue.. Rejeter la violence de la rue, c’est rejeter la République dont la violence de la rue fut le berceau.

 

La République est née dans la violence, y compris contre les enfants ; pensez à Gavroche tué lors de l’insurrection de 1832. Des Trois Glorieuses à la Commune, la rue tire sa légitimité de la violence. Que les féministes se souviennent de la déconstruction des Gardes suisses, émasculés le 10 aout 1792. Mais aussi de la fin de Germinal et de la violence faite à l’épicier  par les femmes de mineurs. La Nation est née de la violence et rejeter la violence, c’est trahir la République, ce qui est inadmissible quand on est élu de la République.

 

La République est juste ; elle a toujours admis que ses gardiens puissent l’abandonner. « Crosse en l’air » est une formule qui revient sans cesse quand les forces de l’ordre rejoignent le peuple. Rejoindre le peuple est un acte républicain, pas une trahison.

 

Nous vivons le temps de ce que Konrad Lorenz appelait la mortelle tiédeur, la vie empoissée dans le confort consumériste. Sur les plateaux télé, je ne vois que ça, des gens qui perçoivent des piges pour brosser les poils dans le sens de la majorité, car la majorité a peur. Et même de son Président, capable de porter plainte si on le traite d’ordure, degré zéro de l’injure.

 

Je n’ai pas envie d’injurier le Président car j’ai honte pour lui, drapé dans sa prestance. Je l’imagine rentrant le soir à l’Elysée ; « T’as vu comment j’ai tenu ? » pour que sa maman de substitution le félicite : «  C’est bien, tu es fort et courageux. Maintenant, il est temps que tu arrêtes de sucer ton pouce. »

 

Je suggère à tous les manifestants d’arborer désormais des tétines, jaunes comme un gilet.

samedi 1 avril 2023

SYLVAIN TESSON


Il circule une nouvelle flatulescente sur Internet selon laquelle trois écrivains français seraient liés à l’extrême droite. C’est beaucoup moins qu’en 1930 si  l’on admet qu’il s’agit bien de trois écrivains car je n’en vois que deux sur la liste dont un que je piste depuis longtemps.

 

Sylvain Tesson est considéré comme un fils de…jamais comme un neveu de…Il semble que le monde des lettres ait oublié Didier Millet, éditeur de talent qui eut l’audace de préférer Tahiti au Quartier Latin. Scripta manent..mais pas trop longtemps.

 

J’ai toujours pensé que Tesson était un être à part depuis ses premières pérégrinations africaines avec Alexandre Poussin. On m’autorisera une petite légitimité : trente ans à vendre des récits de voyages, depuis les premiers pas du journal Partir. J’ai toujours su que Tesson lisait avant d’écrire, ses textes sont parsemés de références, de clins d’œil au lecteur et j’adore ça. Il m’est arrivé d’annuler des voyages parce que j’avais la conviction qu’ils ne m’apprendraient rien. Si tu dois revenir aussi con qu’au départ, ne pars pas.

 

J’ai été gêné par la proximité de Tesson avec Robert Ménard, sinophobe avéré au nom d’une tibetophilie mal digérée. C’était le temps où je publiais des livres sur le Tibet, quand l’ami Mansion m’éclairait. A commencer par une biographie de Sven Hedin, l’homme qui conduisit Hitler vers l’Himalaya. Je savais que ce chemin était dangereux, le Tibet ajoutant un aryanisme de pacotille au surhomme alpiniste. J’ai un peu expliqué à Tesson que je connaissais la panthère des neiges avant lui, ayant passé quelques heures à les observer à Jersey chez Gerald Durrel. Et je n’avais pas encore travaillé sur le père David qui expliquait fort bien que l‘Himalaya était un gigantesque conservatoire d’espèces animales et végétales.

 

Nous nous sommes rencontrés à Bayonne et, naturellement, nous avons parlé du Baikal. Nous étions à une encablure de la cathédrale et du berceau de la famille Lesseps où était né le père de Barthelemy. Dois-je rappeler que Barthélémy de Lesseps fut le premier français à explorer la région du Baïkal ? Et, bien entendu, Tesson le connaissait.

 

Par son écriture, par ses références, Tesson est un des rares écrivains de l’excellence niché dans le livre de voyage. Plus précisement un écrivain élitiste, comme Cendrars, Blondin ou Déon. Ce gout pour l’élitisme suffit pour le faire classer à droite ce qui parait signifier que ce n’est pas le gout de la gauche, cette gauche qui préfère Robert Ménard à Jean Cau pour habiller les épouvantails du politiquement correct.

 

En préparant ce papier, je découvre que Tesson a été l’ami de Sylvain Jouty, l’un des plus intelligents écrivains montagnards que je connaisse. Et, du coup, je n’ai pas songé à lui parler de Nicolas Jaeger. Ce sera pour une prochaine fois. On parlera de Jouvence.