dimanche 25 mars 2018

EUSKAL CHINOIS



Ceci juste pour revenir sur des textes antérieurs. Le magnifique magazine publié par la magnifique municipalité de la magnifique ville de Bayonne titre ce mois ci sur la valeur de nos déchets. Nos déchets ont de la valeur est-il fièrement proclamé.

Je vais vous filer un scoop. Xi Jiping le savait. Parce que les déchets de Bayonne sont traités et valorisés par les Chinois. Il paraît que Xi Jiping est vachement fier de traiter la merde des Bayonnais.

Mais comment est ce possible ? Simple. Si vous lisez les sources de qualité comme ce blog, plutôt que les reportages merdiques de la télé (toutes chaines confondues), vous savez (1) que les Chinois ont conscience du problème de la pollution et (2) bossent comme des malades pour le résoudre. Par voie de conséquence, ils identifient, dans le monde entier, des sociétés avec du savoir-faire et des brevets, et ils les rachètent. Ça permet de gagner du temps.

Ainsi d’Urbaser,créé par la société espagnole ACS et qui a racheté en 2002 Valorga, petite société française avec un joli portefeuille de brevets qui lui a permis de créer Canopia. Urbaser appartient aujourd’hui au groupe chinois Firion Investments, basé à Madrid, mais dominé par la société China Tianying. Les propriétaires de Canopia Bayonne ont vue sur la mer de Chine.

C’est une politique générale et sur le long terme. Ce qu’a compris la municipalité de Bayonne qui se félicite de la nouvelle politique chinoise qui accorde à Xi Jiping le temps dont il a besoin. Parce que l’un des grands projets de celui que stigmatise la presse aux ordres de Washington, c’est celui des cent villes à l’économie circulaire. C’est juste un moyen de chambouler l’équilibre écologique en Chine. Cent villes dont le bilan énergétique sera positif. DIre que ça se fera dans la douceur serait un poil optimiste. Le gouvernement chinois devra ajouter aux brevets achetés un peu de coercition gratuite. Mais bon, quand tu estimes que l’urgence est écologique, tu ne peux que souscrire. Tu vas pas sacrifier la planète à quelques personnes égoïstes, non ?

Et donc, l’avenir de Gaia passant par Pékin, je suis fier que ma ville soit sur la bonne route. Parce qu’on avance. La Chine a commencé par virer les Boches du marché photovoltaïque. Puis les Français (nous) du marché de l’éolienne. Là, on était dans le visible. Avec les brevets, ça change, on entre dans une stratégie du caché. Avec un but : sauver la planète. But qu’on ne peut que partager.

Ça va éclaircir la pensée écolo. Les écolos français parlent de tout : droits de l’homme, droits de la femme, droits du reste, droits du cycliste, droits du poulet, mais rarement d’écologie. Comme si le mariage pour tous allait améliorer l’effet de serre. La pensée « verte » est un terrifiant mélange d‘idéologie libertaire, de stéréotypes gaucho-compatibles et de progrès rayonnant, statue triomphant sur un socle de chatons ayant quitté le calendrier des postes pour Facebook. Dans ce mélange, les questions écologiques sont niées. Comme celle-ci : le Sida ayant boosté la consommation de préservatifs, quel a été l’impact de la maladie sur les plantations d‘hévéa et, plus généralement, sur les biotopes tropicaux ? Parce que si la consommation de caoutchouc menace l’Orang-outan, vaut peut être mieux laisser progresser le rétrovirus. C’est juste un exemple, mais je suis bien certain que de  telles questions existent, même si personne ne peut les poser.

Ceci dit, je connais au moins un couple qui va frémir à cette nouvelle. La construction de Canopia a menacé l’une des plus belles collections d’érables asiatiques d’Europe. Quand l’usine appartenait à un groupe espagnol, tout le monde s’en foutait. Je doute qu’un propriétaire chinois réagisse de même. Un lieu emblématique lié à l’écologie de l’Asie, c’est tout autre chose.


On en reparlera…

jeudi 22 mars 2018

AUGUSTIN, MESOLOGUE

Je l’aime bien, Augustin Berque. Depuis cinquante ans. Lao Pierre l’aimait bien aussi. En avons nous parlé de cette obsession qu’il a de réinventer les concepts de la géographie pour y réintégrer l’homme. Il aura eu du moins le courage de sortir du placard la vieille notion d’oekoumène de Max Sorre.
Depuis quelque temps, il se focalise sur la notion de mésologie vue comme l’étude des milieux. J’avoue avoir regimbé au début : on a l’écologie pour ça. Que tu crois, parce que l’écologie ne tient aucun  compte de l’homme dans une analyse fine et pertinente du territoire.

Moi, quand on me file un instrument théorique, je l’essaie. Je l’essaie sur une matière que je connais bien. Pour la géographie, c’est le bassin du bas-Adour. Là, l’écologie est homogène. Vallées alluviales, climax et climat atlantiques, effet de foehn, on est dans le même monde de Biarritz à Navarrenx.

Mais voilà, on perçoit des changements, au niveau des villages, mais aussi au niveau des fermes d’un même village et l’écologie ne peut pas en rendre compte, alors que la mésologie peut s’avérer fonctionnelle. Le terrain est identique mais le milieu change car le milieu intègre l’activité humaine.

Prenons l’exemple du soustre. Chaque ferme conservait quelques parcelles infertiles pour y laisser pousser le soustre, mélange de fougères et d‘ajoncs, qui est la base de la litière du bétail. Après utilisation, le soustre  gavé d’urine et de déjections, allait rejoindre le tas de fumier servant annuellement à fumer les champs. Voici quelque temps, les jeunes éleveurs, comme mon cousin Ricou, ont décidé que les bêtes venaient mieux en plein champ et qu’on pouvait se passer de la stabulation à la ferme. On a construit des abris et des mangeoires dans les champs. De ce fait, plus besoin de soustre mais également plus de fumier disponible. Les parcelles de soustre ont été remises en culture (souvent avec amendement artificiel), il a bien fallu remplacer le fumier désormais inexistant, le milieu a changé. Pas les conditions écologiques. Encore, le milieu n’a t’il pas changé de manière homogène. Ceux dont les fermes étaient en plein champ ont souvent opté pour des pratiques différentes.

La mésologie permet d’affiner l’analyse écologique. J’ai pensé au départ qu’il s’agissait seulement de réintégrer l’agronomie et les textes d’Augustin semblaient me donner raison car ils laissent une large place à la téléologie, à la modification utilitariste du milieu. Mais ça ne résiste pas à l’analyse. La montée en puissance du maïs dans le bas-Adour maritime est un autre signe pertinent. Avec une écologie inchangée, les milieux se modifient. Chaque culture introduite va induire de nouveaux changements. La croissance du kiwi risque de nous surprendre. Le kiwi et parfaitement adapté aux conditions écologiques mais nécessite des pollinisateurs que le maïs détruit. Le clash est inévitable à terme.

Pour l’heure, la mésologie utilise surtout des instruments théoriques et il va lui falloir inventer une problématique et se doter de modes d’analyse. Par bien des aspects, Augustin me fait penser à Barthes inventant la sémiologie. Mais Barthes était entouré et je sens Augustin bien seul. Les seuls à pouvoir se glisser dans la brèche sont les cartographes, orphelins de Bertin. On verra bien.

Je sais, ce texte est chiant comme tout ce qui est théorique. Il ouvre pourtant une porte à l’espoir. L’écologie n’existe que par l’invention d‘une écologie politique, censée réintroduire l’homme dans le milieu. La mésologie peut modifier la donne. J’aurais aimé voir Jean Dorst s’en emparer.


On en reparlera..

vendredi 16 mars 2018

LA GARE D'ESCOS

La grèèèèève…Je me marre.. Facebook est devenu le marché aux infimes réactions, aux minables revendications. Et mon passe Navigo ? Je vais être dans la merde… C‘est fait pour ça, ma loutre. Toutes les grèves sont faites pour ça.

Personne ne les écoute. Il faut préparer l’ouverture à la concurrence. Les locomotives allemandes sur le rail français. Personne ne dit qu’on a déjà connu. Ce serait mal élevé.

Ils ont réussi à imposer leur message : le train, c’est juste un moyen de transport. C’est faux, bien entendu. Le train, c’est un moyen de structurer le territoire. De décider ce qu’on va transporter et où.. Ce qui relativise la concurrence. Qui va investir pour transporter un carton de Puyoo à Escos ?  Qui va décider qu’Escos, ce trou du cul du monde, doit définitivement mourir ? J’ai choisi Escos volontairement, comme un symbole de la destruction de nos pays.

C’est rigolo. Il n’y a jamais eu autant d‘aménageurs en France, ce pays qu’on aménage de moins en moins. La réforme de la SNCF est le descabello porté à nos campagnes. Imaginez. Vous voulez des producteurs locaux pour vous faire des produits sains et gouteux ? Comme plaide mon bon Darroze (d’Escos). Le producteur, il va aller où pour expédier ses produits ? A la plateforme d‘Orthez ? Non. Ses bons produits, il va les regarder pourrir sur le quai d‘une petite gare sacrifiée à la Deutsche Bahn.

Alors, ma copine Dolo qui se plaint d‘être emmerdée pour la communion du petit, elle me fait marrer. C’est pas l’enjeu. L’enjeu, c’est : qu’est ce que vous voulez faire de ce pays ? Vous voulez des trains pour aller de Chatou-Gare à Versailles-Chantiers ? Ou des trains pour que chaque parcelle de territoire puisse tenir sa partition dans la symphonie nationale ? Des trains pour rendre utile chaque hectare du territoire national.

Ça a marché pendant plus d‘un siècle. On appelle ça la péréquation. Ce fut fait pendant des décennies avec des règles de trois apprises par des instituteurs péquenots et sans algorithme. Et ça marchait. Surtout parce qu’il y avait une volonté politique. Qui va se dresser devant l’omnipotente Europe pour lui dire : je t’emmerde ? L’avenir d’Escos ne passe pas par Transdev. Ni l’avenir de Meymac ou de Labouheyre. Pour eux, je sais que je vais perdre du fric et que j’ai besoin des lignes rentables pour compenser. Et donc, les lignes rentables, je me les garde. Les blaireaux qui prennent le TGV pour aller bronzer à Sanary, ils sont là pour payer la gare d‘Escos.

Mais quand tu abandonnes ton droit d’aménageur du territoire, ta souveraineté de décideur, du même coup tu condamnes quelques dizaines de milliers de rustiques, considérés comme des citoyens de seconde zone. Tu le dis pas, bien entendu. Tu renvoies la responsabilité sur le statut des cheminots parce que t’es sur de gagner dans les sondages. Tout le monde connaît un cheminot à la retraite, personne ne connaît la gare d‘Escos. La polémique actuelle, la CGT va la perdre, c’est évident. Pour la même raison que Macron va gagner : personne ne parle de l’essentiel, le pays. Escos, c’est pas le pays.T’en es sur ?


On en reparlera …

dimanche 11 mars 2018

FREDERIC ET FRANÇOIS

Facebook me fait souvent pleurer. La pauvreté stylistique, le désastre sémantique me tendent un miroir vers un état de langue qui m’horrifie. En plus (ou en moins) on les sent heureux d’écrire comme ça. ; comme cette gisquette qui compare une de ces amies à un bonbon plein de candeur. C’est du mauvais Delarue… Du coup ; je me demande quels sont mes stylistes modernes préférés, dans la génération post-proustienne. Je mets Céline hors-concours pour éviter le sempiternel débat sur l’homme et l’œuvre et j’enlève Cioran à l’incomprise jovialité. Jovial ? Cioran ? Oui. Il y a toujours de la jovialité à pisser dans la soupe

En fait deux statues se dressent : Frédéric Dard et François Cavanna. Dard a été un fantastique inventeur de mots, Cavanna un styliste hors pair et un gardien des temples. Chez Cavanna, la métaphore est naturelle et gracieuse : « La lumière filait sur la façade comme un pet sur une tringle » On est loin de Guillaume Musso. Cavanna excelle dans l‘image surprenante, brève et à la scansion impeccable. Parfois, il prend un coup de sang, comme cet article dans Charlie-mensuel sur tous les couillons qui parlent de Perspective Nevski en croyant montrer leur culture quand ils n’exhibent que leur vacuité. Cavanna expose, sans grande tendresse, qu’en russe, Prospekt désigne un boulevard et que Nevski est le génitif de Neva. Nevskii Prospekt se traduit donc par « Boulevard de la Néva » ce qui est moins folklorique et moins flatteur que la Perspective à laquelle on s’est habitués. Que la Neva rejoigne les nombreux cols au panthéon des traductions géographiques imparfaites, où le Somport est, par définition, un col (port) qu’il est inutile d’appeler col du Somport, sauf à manifester un gout maniaque pour le pléonasme.

Sur Frédéric Dard, on peut multiplier les exemples. « Je m’occupe de son bouton avec deux doigts dans la moniche. » Impeccable définition  technique du cunnilingus, brève et concise comme un mode d’emploi. Mais Dard est également capable de faire une page sur cette formule valaisanne : « Il pleige » indiquant que le temps est à mi-chemin entre pluie et neige. Et San-Antonio regrette que l’Académie n’ait pas emprunté le mot aux Helvètes tant il désigne avec précision un phénomène météorologique point rare.

Le même utilise à deux ou trois reprises un vieux mot lyonnais inconnu des dictionnaires qui  aiment se faire reluire avec le vocable des cités. Les Lyonnais « pétafinent ». C’est quoi ? Tout simplement l’antonyme de peaufiner. C’est le gosse qui tire sur les poils du tapis et qui le détruit lentement, jour après jour. Lente destruction opposée à lente amélioration. Macron pétafine le tissu social. Le mot garde un avenir n’en déplaise à Alain Rey.

A la lecture de L’Etranger, Barthes invente la notion de degré zéro de l’écriture tant il trouve le style de Camus froid et dépouillé. Mais du moins, est ce un style. « Aujourd’hui, Maman est morte ». Avant Camus, personne n’avait osé. Aujourd’hui, il y a un style Facebook, essentiellement féminin, un style dégoulinant de bons sentiments exprimés en mièvres images. Comme un retour de balancier. Un style tellement accepté et valorisé qu’on ne peut même plus s’en moquer.. La minette qui compare sa copine à « un bonbon de candeur », elle croit faire de la littérature. J’ai essayé d’imaginer les mots sous la plume de  Flaubert. J’avais envie de poser une question qui fâche. Le bonbon, il préfère sucer ou être sucé ? Inutile. A mes interrogations stylistiques, je n’obtiendrai que des réponses sans style. Je n’obtiens que des réponses sans style. La mort de Maman est un définitif malheur. Pas une libération. Folcoche n'existe plus.

Le fossé est trop large. Je regarde un selfie de deux femmes de ma génération exposant leur amour des chapeaux. Il n’y a pas si longtemps, les écrivains (Zola, Maupassant) opposaient volontiers les femmes en chapeaux et les femmes en cheveux, ces dernières appartenant à la grande famille des femmes non vertueuses. Le Nobel Dylan l’a chanté : les temps changent. Aujourd’hui, les femmes en cheveux sont vertueuses, les femmes en chapeaux glissent dans leurs légendes une incitation coquine.

Et donc, je suis. Une femme en chapeau coquine, il y a une célèbre gravure de Félicien Rops qui en montre une, tenant en laisse un cochon. Suivons la piste belge. Patatras ! Il s’agissait de légèreté coquine,pas de cochonnerie quasi-weinsteinienne. Je soupçonne Félicien Rops de disparition dans les poubelles de la pruderie post-chiraquienne.. De l’époque Chrirac ne reste comme symbole de la féminité que Roselyne Bachelot…. Mais, avec un effort, je la verrai bien en chapeaux et jarretières, tenant en laisse un verrat. Il suffit qu’elle se taise.

La lumière filait sur la façade comme un pet sur une tringle. Merci Cavanna. Allez, je livre aussi celle la.

Le trou du cul du chien de Bilbao est plein de pensées sombres.

C’est une simple description d‘une sculpture de Jeff Koons. Mais je trouve que la phrase vaut mieux que la sculpture. Pense t’on avec son cul ?

On en reparlera…




jeudi 8 mars 2018

CELIA ET CYRANO, ALAIN ET CHRISTIAN

Elle est mignonne la petite. J’en sais rien je la connais pas..Mais ses mots sont mignons.. Ils suent l’envie de plaire, l’envie d‘aller dans ce qu’elle croit être la cour des grands alors que c’est seulement le bûcher des vanités. Il faudra qu’elle comprenne que plaire, c’est avant tout déplaire, qu’on construit mieux sur le rejet

« Eh bien oui ! c’est mon vice. Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse. »

Je vais pas tout copier. Cyrano, acte 2, scène 8. Tout est dit. Il l’avait dit avant : « Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances. »

Là, elle parle d’un chef que je connais peu. Mais bien. Et elle m’énerve. Ses mots sont convenus, elle flirte avec le poncif. Moi, c’est moralement que j‘ai mes élégances. Ça colle tellement au mec que ça n’en est pas drôle. C’était ça qu’il fallait dire. Phrase qui allait aussi avec Alain Dutournier et Christian Parra. Ils sont pas nombreux dans le groupe.

Alors, je lui donne une clef, mais elle ne la prend pas. Il y a les chefs musiciens et les autres. Premier point : les signes sont innombrables et vont du tournedos Rossini à la pêche à la Melba ou aux amourettes Tosca. Une large partie de la gastronomie classique s’est construite sur les rapports entre musique et cuisine, entre musiciens et cuisiniers. Mais là n’est pas l’essentiel, à mes yeux.

Une recette est une partition. Le cuisinier oscille toujours entre exécution et interprétation, tout comme le musicien. Dans les deux cas, les différences sont infimes : un poil d‘hygrométrie change le son d’un violon ou le goût d’un légume. Il faut s’adapter, adapter, rattraper. Il faut surtout percevoir la différence, oublier toute certitude, vivre dans l’anxiété. Les grands cuisiniers portent cette anxiété, comme les virtuoses. Et comme les virtuoses, ils la gèrent et la dépassent. Et il importe peu que la partition soit de leur main. Le chef dont elle parle, s’est attaqué à un plat d‘anthologie, l’oreiller de la belle Aurore, créé par Brillat-Savarin lui-même, en hommage à sa mère. Ça, c’est le côté Karajan de l’homme. Ou Furtwangler. Mais dans le même temps, ou presque, il mettait à son menu des salicornes, cette plante des dunes dont même les chèvres ne veulent pas. Ah ! la mode est au croquant ? Tu vas en avoir du croquant. Ça, c’est son côté Samson François. Ou Horowitz. J’ai cherché dans les grands classiques. Même Babinsky n’a pas traité des salicornes. On peut passer de Chopin à Satie.

Pour moi, Alain Pégouret est le fils spirituel de Christian Parra. J’ai essayé de l’expliquer, je me suis fait rire au nez. Entre l’aubergiste rondouillard des rives d‘Adour et le dandy des Champs Elysées, il n’y a rien de commun. Que vous croyez. Moi qui déteste mes ressentis, je suis obligé de les appeler à la rescousse. Avec ces deux-là, je me suis senti bien Détendu. Confiant. Christian m’a dit une phrase qu’Alain ne peut pas prononcer : « L’aubergiste, c’est celui qui allume sa lumière quand la nuit tombe ». Tu parles ! Aux Champs Elysées, la nuit ne tombe jamais. Et pourtant. J’ai longtemps cherché. Quand tu ressens un truc, il y a une raison.

J’ai compris quand on m’a dit qu’Alain avait hérité du Pleyel de Samson François. Le flash m’est venu en imaginant Christian visitant Alain. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le bon Christian aurait demandé, mendié, de pouvoir s’asseoir à la relique sacrée. Les salicornes pouvaient attendre. Il était là le pont. Le partage entre ces deux là passait par la musique. Il y a les chefs musiciens et les autres. Ceux qui réintègrent leur métier dans une vaste histoire culturelle, qui comptent les temps de cuisson comme des mesures, qui savent le poids d’un soupir et le rôle d‘un dièse. Ce sont les chefs de la subtilité.

Cette subtilité qui me manque tant que je la cherche à table.

On en reparlera…


PS : je n’ai jamais mangé d‘amourettes Tosca (auxquelles j’aurais donné le nom de Scarpia, question de convenances). Pour la poularde en vessie Albufera, je cherche encore.

vendredi 2 mars 2018

THISSU DE LACUNES ET BÉTHISES GASTROS

Une fois, je lui ai téléphoné. Un copain de l’INRA avait servi d‘entremetteur. Il venait de sortir son premier livre, chez Belin (une référence, Belin) et ses directions de recherche m’intéressaient. Ma question était simple, je cherchais de la bibliographie. Comme tout le monde, quand un truc me turlupine, je fais la biblio, pour commencer.

Ce qui me turlupinait, c’est qu’il m’arrivait, pour le fun, de faire cuire ensemble (et donc au mêmes conditions) de la ventrèche industrielle et de la ventrèche du copain Lahargou, obtenant deux produits radicalement différents, surtout au niveau du gras dont l’un restait pâle et livide quand l’autre prenait la couleur  dorée de la peau d‘une blonde bimbo sur la plage de Biarritz.. Sans parler du goût, incomparable. Résultats différents signifiait, à mes yeux, produits différents au départ. Et donc, je cherchais de la biblio pour savoir si on pouvait discriminer les produits. Si un scientifique avait le droit de travailler sur de la matière différente  et de publier des résultats équivalents. Membre d’une association de défense du foie gras, il ne pouvait pas ignorer que le foie n’est pas le même quand les espèces sont différentes.

Il m’a envoyé sur les roses. Poliment, courtoisement. Un canard est un canard, un cochon est un cochon. Ma question était sans intérêt. J’ai essayé de dire que le résultat entre le jambon d‘un Large white danois  et le jambon d’un cochon pie des Aldudes n’était pas le même, il n’en a pas démordu. Moyennant quoi, plus doué pour la com’ que  pour le goût, il a imposé la cuisine moléculaire. Je viens de lire un papier dans Libération où il range mes interrogations au niveau du fétichisme. Il vient d‘une famille de psys. Merci Papa !

Bon. Les copains, vous savez. Votre boulot sur le terroir, sur les races anciennes,  sur la cuisine traditionnelle, c‘est du fétichisme, c’est à dire une déviation sexuelle. Du moins  accepte t’il que nos goûts manducatoires ont à voir avec l’orgasme. C’est déjà ça. Ses disciples l’avaient suggéré. Thierry Marx plaide pour le bouddhisme qui est une religion du minimum et de l’abstinence.  Mes copains, il se mettent pas à table pour bouffer comme des maîtres de zen ou des moines chartreux. Ou bouffer des soupes d‘orties comme Milarepa. D‘ailleurs, Hervé This est membre d‘une association gastronomique qui valorise l’ortie. Tout se tient.

J’avais alors mis son impasse sur le compte de son établissement d’enseignements. L’INRA est un établissement lié financièrement à l’industrie agroalimentaire et à l’agriculture productiviste. Le genre qui cherche a créer de la nourriture artificielle permettant de garder le label bio comme si elle état naturelle. Quand ton labo est payé par Delpeyrat, tu sers Delpeyrat. Faut bien vivre… Et renvoyer les fétichistes à leurs déviations.

Il revient donc au premier plan avec la cuisine « note à note » sans penser qu’un accord, c’est plusieurs notes en même temps, sauf sur le galoubet instrument traditionnel et fétichiste. Quant à moi, que lui demanderai je aujourd’hui ? L’article de Libération m’a suggéré une voie de recherche à laquelle il n’a pas du penser. En lisant l’article, moi le fétichiste, je me suis aperçu que j’étais resté au stade anal car la question qui me taraudait était : « Mais qu’est ce qu’on chie quand on mange comme ça ? »

J’admets, c’est trivial. Mais la fonction de la nourriture, c’est d‘être digérée, d’apporter des nutriments et de voir le reliquat évacué. On mange pour chier. Surtout que le bonhomme affirme se battre pour nourrir l’humanité qui, notons le, ne lui en demande pas tant.

J’imagine donc une étude coprologique sérieuse et documentée sur ceux qui se nourrissent note à note. On aurait du le faire pour la cuisine moléculaire. M’est avis qu’on aurait eu des surprises. J’ai presqu’envie de créer un page Facebook « Les chieurs du note à note » pour recueillir les témoignages. Mais je suis trop fainéant et la polémique avec un scientifique truqueur soutenu par la FNSEA m’épuise d’avance.


On en reparlera…