mercredi 24 avril 2019

SUICIDEZ VOUS !!

Ils sont cons les Gilets Jaunes. Ils sont tout simplement confrontés à un vieux problème révolutionnaire, parfaitement décrit dans Germinal..

Les défenseurs de l’ordre, gendarmes et militaires sont des citoyens comme les autres, avec des difficultés de citoyens et des problèmes de citoyens. Rien ne s’oppose à ce qu’ils se révoltent. Mais pas en les incitant au suicide, ce qui est parfaitement stupide et contreproductif.

Le seul slogan possible, c’est : CROSSE EN L’AIR car c’est le seul slogan qui dise le souhait de rassemblement, de lutte commune.

Masi c’est juste un slogan. Il faut impérativement l’accompagner de mesure annexes  identifier les policiers sympathisants, les contacter, leur donner des arguments (des éléments de langage) en un mot les aider à affaiblir leur compagnie et tout élément identifiable de l’arsenal répressif..

Mais les Gilets Jaunes ne veulent pas s’organiser !!! Même pas au niveau de la com. Et donc, ils disent n’importe quoi. Ils se font plaisir. La Révolution n’est pas un dîner de gala.

Sur les 60 000 flics déployés par Castaner, il suffit d’en avoir 500 avec soi pour faire exploser le dispositif, le désorganiser. Ils sont 3000 à protéger l‘Elysée ? 30 suffisent à gêner les mouvements, à retarder l’arrivée de renforts, à ouvrir une grille stratégique, à paniquer le commandement. C’est comme ça que ça marche.. Créer des points faibles imprévus qui obligent à des mouvements de troupes détruisant le dispositif initial. Avec, en prime, la possibilité d'une nouvelle désobéissance.

Ça, mes chers Gilets Jaunes, vous n’y arriverez pas avec des flics suicidés. Vous y arriverez avec des flics qui ne se sont pas suicidés parce que vous aurez su leur redonner l’espoir. Un flic vivant et espérant est une arme entre vos mains. Mais le voulez vous vraiment ?

Ce travail, repérer les éléments utilisables, les organiser, leur donner des moyens, est un travail à bas bruit, discret et silencieux. Il faut refaire l’Armée des Ombres, pas montrer les tronches sur Facebook. Il faut cacher et  protéger pas mettre en lumière. Et surtout pas vous. Laissez Ingrid et Priscilla se brosser l’ego sur BFM et faites travailler de discrètes taupes. Votre objectif n’est pas d‘avoir raison à la télé mais de faire pisser de peur les ministres.

Pour qu’ils cèdent. Vous voulez une dissolution ? Vous l‘obtiendrez quand les députés démissionneront. Parce qu’ils auront peur.. Ils ont peur de vous. Mais pas assez….


On en reparlera…

dimanche 21 avril 2019

LE PEUPLE ET L'EMPHASE

Le paysage était plat comme Mérimée.

C’est de Victor Hugo. Et ça donne à penser. Totor n’écrivait pas plat. Totor écrivait pour le peuple et le peuple aime l’emphase. Le peuple aime la redondance, l’éxubérance, les mots qu’il ignore et les sentiments qu’il cultive. Quand tu écris pour le peuple, tu dois gonfler, souffler, pompiériser. Tu n’as pas le doit de retenir tes larmes, ça doit couler brutal, magnifier le sentiment, faut du visible, de l’immédiat, du grandiloquent, même dans l'insignifiance. Goooooooaaaaalllll!

Le peuple ignore la litote, le second degré, le sous-entendu, la finesse, l’indirect. Dans tous les domaines. Il préfère les concerts à  décibels aux mesures pianissimos et adore se regrouper dans les stades pour que ses hurlements portent mieux. Il a délaissé le sfumato pour l’acrylique.. Et, bien entendu, il vibre aux dentelles du gothique, restant indifférent à la pureté romane.

Les goûts du peuple n’illustrent pas un statut social ou économique. Il n’y a pas de cours de Bourse pour la pudeur, la dignité, la retenue alors que l’emphase se quantifie et fait coller le fond à la forme. La postérité ne s‘y trompe pas qui adule Hugo et ignore Vigny. Parce qu’en nos temps de communicants imbéciles « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse », n’exprime rien, non plus que « souffre et meurs sans parler », phrase incompréhensible à un peuple qui souffre peu, refuse la mort mais ne cesse de babiller.

Cette emphase, cette boursouflure de l’âme portée par l’enflure des mots et des actes, elle est partout dans un pays qui s’émerveille de voir qu’un artiste américain lui offre un insipide bouquet de tulipes de 10 mètres de haut. Les fleurs sont aussi intéressantes, formellement, qu’une applique Belle Epoque, mais leur taille devient seule une justification artistique. Comme pour les hamburgers.

L’incendie de Notre-Dame a provoqué une flambée emphatique, Président, Ministres et commentateurs de tout poil se gargarisent de mots comme de clichés, la calcination du chêne bénit conduisant à la communion et à l’unité nationale par ailleurs déchirée comme le bliaut de Quasimodo et qu’il faudra bien ravauder. Au perron de la Cathédrale se pressent les donateurs, aumônière à la main, comptant béatement les écus qu’ils font sonner afin que nul n’en ignore. L'emphase est vulgaire.

Du moins, dans cette vomissure de banalités et de stéréotypes, constatons nous que notre peuple aime son patrimoine que les gouvernements négligent. Il faut bien qu’ils l’aiment puisqu’ils l’ignorent. Histoire mutilée à l’école, histoire de l’art étouffée dans les manuels, vocabulaire artistique désappris ou terriblement anorexique, de quels outils disposent ils pour s’exprimer ?

Comment faire mieux que le Monsieur Patrimoine étatique, Stéphane Bern en larmes auquel je rappellerai (encore) un vers de Vigny : « Gémir, pleurer, prier, est également lâche ». Au lieu que de le faire mépriser, ses larmes le font aimer.


T’as le bonjour d’Alfred…..

mercredi 17 avril 2019

TOTOR ET NAPOLEON LE PETIT

Je suis écoeuré, scandalisé. En colère. L’incendie de Notre Dame fait exploser les ventes d‘Hugo. Au nom de l’amour du patrimoine.

Ho ! Qu’est ce qu’il a fait Totor pour le patrimoine ? Rien. Niente. Nada. Il a pas sorti un écu pour le logis d‘Esmeralda. Au cas où vous n’auriez pas compris, Hugo c’est rien. Un écrivain. Un branleur de mots, plutôt moins bon que ses contemporains. Lisez Flaubert ou Nerval, vous comprendrez la distance.

Dans les saloperies qu’il a faites, il en est une de premier rang, c’est l’infâme surnom de Napoléon-le-Petit dont il a  affublé Napoléon III. Et donc, puisque vous en avez tous plein le larynx de notre Patrimoine, de notre Histoire, de notre Culture, je me vois dans l’obligation de rappeler quelques faits que l’ombre auguste du sauteur de la mère Drouet a un peu occultés.

Dès sa prise de pouvoir, l ‘Empire prend en charge le Patrimoine. Un des aides de camp, le colonel Stoffel est nommé pour synthétiser et rendre compte directement à l’Empereur. Le travail de terrain est confié à un groupe d’historiens, d’architectes mené par Prosper Mérimée. L’Empereur est informé au jour le jour et même le soir : à Compiègne, une salle est réservée aux chercheurs, mitoyenne de la salle de bal pour que Napoléon III puisse s’éclipser des festivités et donner ses instructions. Et ça bosse !

Mérimée commence l’inventaire des Monuments historiques qui est toujours le nôtre. Aidé par Viollet-le-Duc, il entreprend de former des architectes spécialisés dont le corps existe encore. Que tous ceux qui crachent sur Viollet-le-Duc aillent sur Gallica voir le travail de recherche et de recension qu’il a fait. Ce mec était un monstre : il a établi le vocabulaire, dessiné des milliers de pièces, comparé, soupesé. Et ce n’était pas un misonéiste obsédé par le passé : pour son hôtel particulier, il a été l’un  des premiers à utiliser le béton, matériau d’avant-garde. Ce qui ne l’a pas empêché de protéger les compagnons, charpentiers et tailleurs de pierre entre autres, et de sauvegarder leurs techniques et tours de mains.

Mérimée a le goût du Moyen Age mais Napoléon préfère l’Antiquité, surtout romaine. A titre personnel, il travaille sur la guerre des Gaules. Quand il a besoin d‘un cartographe, il demande à Exelmans de lui en trouver un au Dépôt de la Guerre et il l’embauche dans le cadre de sa Maison particulière, payé sur sa liste civile et non sur le budget de la Nation. Et pendant ce temps, que fait Totor pour le Patrimoine ? Rien.

L’équipe Mérimée va retrouver tous les grands sites de la Guerre des Gaules, y compris Alésia. Tout le mobilier archéologique est dessiné. Pour la première fois dans le monde, les cartographes comparent les textes antiques et le terrain, inventant la cartographie archéologique. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller à Glu-en-Glenne, à la base archéologique François-Mitterrand où a été déposé le dossier des cartes, des notes de travail, des essais et des erreurs, tout ce qui a permis de publier l’Atlas pour servir à l’Histoire de Jules César. C’est le dossier Chabaud : Exelmans avait choisi mon trisaïeul pour faire les cartes de Napoléon. Toutes. Y compris le premier plan du terrain où fut construit l’Hôtel du Palais à Biarritz.

Difficile de dire aujourd’hui ce que chacun apportât à l’édifice. Il n’en reste pas moins que lorsqu’arrive Sedan, les bases sont jetées, il existe un Inventaire des Monuments historiques, un corps d’architectes spécialisés, des artisans compétents, des archéologues formés. Napoléon-le-Petit ? Faut être gonflé pour adopter le surnom et affirmer aimer le Patrimoine.

Moi, j’ai envie de dire que Totor fut une sorte de BHL un mec qui a fait passer sa gloire dans les mots, mais pas dans ses actes. Ce que vous pleurez aujourd’hui, c’est le travail de Mérimée et de Viollet-le-Duc, leurs heures de labeur, leurs hésitations et même leurs erreurs. C’est l’œuvre de ce Napoléon que vous méprisez, pas de ce Hugo que vous adulez

Car la force des fainéants est que leur œuvre est facile à comprendre par son insignifiance même.


On en reparlera….

mardi 16 avril 2019

CHEZ NOUS SOYEZ REINE


J’aime bien la Vierge. Grâce à Henri Vincenot, j’ai compris qu’elle était aussi la Vouivre, la Mère des eaux, la divinité femelle et maternelle dont l’Homme a besoin. Et donc, j’aime aussi ses sanctuaires, surtout quand Vincenot s’y promène. Lourdes, sanctuaire de la Vouivre que l’on ne peut adorer qu’avec la présence de l’eau.

J’aime bien le Moyen Age, mais c’est personnel, ça n’intéresse que moi.

Et donc, hier je bouillais devant mon téléviseur où des journalistes, femelles et débutantes voulaient me gaver de pathos après avoir imprimé la page Wikipedia de la Cathédrale. Sur CNews, j’ai compté, la gisquette a prononcé trente fois le mot « émotion » en moins de dix minutes. CNews est une chaine d’informations, pas d’émotion. Et j’attendais de l’information. Pas une bouillie de mots composant un indicible pathos. Le stéréotype s’enfilait comme…comme guerriers d’Attila sur vierge lutécienne. L’une des journalistes s’appelait Geneviève.

Puis vint Michel Chevalley et le combat changea d’âme. Son premier acte fut de déployer un plan-coupe au grand dam des hommes d‘image, obligé de s’emmerder à cadrer la chose quand il suffisait de faire un plan d’épaule sur la toiture en feu pour satisfaire les chouinards décorticalisés. En trois minutes, on sut les hauteurs, les largeurs, les impossibilités d’accès qui venaient aggraver le manque de pression dans les tuyaux, toutes ces informations essentielles à la compréhension. Il improvisait comme Cochereau faisait, je sentais son impatience. Il lui manquait un plan du quartier pour expliquer la pompière stratégie. A priori, en régie, tout le monde s’en foutait. Au passage, il égratignait Trump et le membre décérébré de ma famille qui pensait que les Canadairs devraient intervenir en leur rappelant que faire tomber 30 tonnes d‘eau sur un bâtiment médiéval l’aplatirait comme crèpe en Carême. Puis seconde couche avec les drones inutilisables sur incendie à cause des courants de convection. Bref, un journaliste compétent  travaillant à l’information du couillon de base. Moi. Il fut vite exfiltré. L’émotion  revint dans les bras de Hugo. Je n’attendais ni Villon, ni Rutebeuf mais on sait ce que je pense du fabuleux styliste qu’est Hugo. Il valait mieux l’excitante gitane que les frères humains.

Hugo est revenu ce matin sur Facebook avec  Péguy et  la conversion de Claudel. Vous savez ce texte où il se plante derrière un pilier de Notre-Dame et qui se termine par « Je crus ». Citer le crû quand la cathédrale est cuite, c’est osé.

Avec Hugo arrive Arnault, bienfaiteur de Paris, qui applique à Quasimodo la recette qu’il utilisait avec Basquiat ou Rothko : investir dans la défiscalisation. Mais le Président l’a dit  « Nous la rebâtirons ». Arnault se met aux ordres. Il aurait pu le faire avant. Par exemple en finançant la reconstruction de l'abbaye de Sénanque. Mais le gain médiatique eut été mince. On ne fait pas du bien sans emboucher les trompettes de la renommée.

Moi, je me méfie. Notre-Dame a été bâtie sur des terrains alluviaux, mous et plastiques et elle est lourde, pesante. Normalement, elle a descendu un peu en huit siècles. Aucun moyen de le savoir. Les escaliers ont pu être corrigés.

Je ne sais pas combien de mètres cubes d’eau les pompiers ont balancé. Une large partie s’est évaporée mais il en est resté qui s’est infiltré dans les fondations : le Président ne s’est pas mouillé les pieds à l’intérieur. Ce n’est pas être un grand prévisionniste que  de dire que la plasticité des alluvions s’est trouvé aggravée ou augmentée. La cathédrale est aujourd’hui allégée mais sera de nouveau alourdie. Moi, j’y vois un danger pour la structure, mais aussi pour les immeubles voisins. Si des désordres se produisent, la reconstruction n’est pas acquise d‘autant que l’Etat, étant son propre assureur, les discussions risquent de traîner.

Je sais, je suis chiant, j’aime Cassandre. Ce matin, on doit la jouer théopathétique. Avant que n’apparaissent les théories du complot, car elles vont arriver, soyons en sûrs.

Restons calmes et froids. Notre Dame n’est pas détruite. Abimée certes. L’heure des spécialistes est venue. Ils vont emmerder tout le monde en étudiant la résistance des clés de voute et la poussée des arcs-boutants. Tout simplement parce qu’ils vont détruire le pathos dont l’un des plus beaux exemples a été Jack Lang qui a profité de l’incendie pour mettre en avant l’IMA qu’il préside.

Restons calmes et froids. C’est pas une bonne opération pour la Calotte. Que Dieu laisse brûler son sanctuaire ne plaide pas en faveur de sa Protection. Sauf à considérer que la Vouivre n’a pas besoin de sanctuaire car Elle est le sanctuaire.

Sauf à considérer, comme les Asiatiques, que l’âge d’un monument ne s’inscrit pas dans sa matière mais dans son essence et qu’on peut le reconstruire à l’identique en matériaux neufs sans que cette essence ne soit détruite.

Le pathos détruit le réel. Voici au moins trente ans que je n’ai pas entendu chanter « Chez nous, soyez reine » dans une procession mariale. La Vierge était gommée avant que ne brûle Notre-Dame.


Après, on peut se piquer de mots…..

lundi 15 avril 2019

LE CONTRAT SOCIAL

J’ai rencontré Caroline Mecary voici cinq ou six ans. Je devais l’interviewer et j’avais aimé sa hargne, sa détermination, la manière dont elle parlait de ses clients. On était dans l’oralité, elle est avocate, autant dire qu’on était sur son territoire.

Depuis, nous sommes revenus dans la norme, c’est à dire l’écrit qui fonde la Loi et où je suis plus à l’aise car je suis un mec plutôt lent. J’ai besoin de mâchouiller les mots, de chercher, de relire. A la lire, j’ai souvent été pris de malaise, car je ne comprenais pas.

La spécialité de Maître Mecary, c’est la filiation et plus particulièrement la filiation homosexuelle, PMA et GPA. Elle passe ses journées à étudier des affaires bien compliquées avec des clients qui se disputent des enfants et une loi pas nécessairement adaptée. Forcément. Ce vieux con de législateur antique n’avait jamais pensé qu’une relation homosexuelle permettait la procréation. Je peux comprendre : quand Napo fait rédiger le Code civil, si les juristes lui avaient dit que deux lesbiennes pouvaient être mères, il se seraient retrouvés procureurs à Plougastel-Daoulas ou Mauléon-Licharre. C’est pas si vieux : au lycée, mon vieux prof de sciences nat, quand il terminait son cours de biologie de la sexualité déclarait en souriant: « Pour faire un enfant, il faut des gamètes males et des gamètes femelles. Le même sexe, ça ne marche pas, mais l’expérimentation continue… » provoquant une vague de rires.

OK, la science avance, il faut adapter le droit. Phrase un peu imbécile car ce n‘est pas la science qui avance mais la technologie. Adaptons donc. Mais adaptons complètement, par exemple en inscrivant dans la loi que la biologie est régie par l’évolution et pas par la création ce qui serait un moyen efficace de virer Dieu de la discussion. Rigolez pas : aux USA, évolutionnisme et créationnisme sont équivalents dans plein d’Etats. Et je ne suis pas certain que Dieu ne revienne pas dans le jeu, sous l’influence de la charia, par exemple. Ou de la Manif pour tous qui en est fort capable.

Adaptons le droit. Finissons de virer Rousseau de nos neurones. Depuis le temps qu’il nous pourrit la vie….. Vous ne me croyez pas ? Rousseau a inventé une stupidité majuscule qui s’appelle le « contrat social ». Selon Rousseau, ce contrat nait de la volonté collective des individus qui s’impose comme loi. Ben, c’est bien !!! Non. S’imposer comme loi, ce n’est pas être la Loi. Car le contrat devient loi pour ceux qui y adhèrent, mais pas pour les autres, alors que la Loi s’impose à tous. Je chipote pas.

L’exemple le plus évident est celui des accords par entreprises. Soit une convention collective qui s’impose à tous les salariés d’une branche, un accord d’entreprise peut s’appliquer à sa place. Cet accord peut être meilleur….ou pas. Ce peut être une régression choisie par les salariés pour préserver une usine, c’est à dire leur boulot. Marx a bien montré que le contrat social était par essence inégal, celui qui vend sa force de travail étant en position de faiblesse face à celui qui l’achète. La première chose que détruit le marché, c’est le prix du travail. En limitant le nombre de contractants, le contrat social conduit à l’atomisation de  la société. Au lieu d’avoir des conventions collectives européennes, on commence par des conventions nationales qui sont ensuite grignotées par des accords d’entreprise. Diviser pour régner. Le travail de la Loi doit tendre à l’égalité sur le territoire où elle s’applique. Le contrat social tend à l’inégalité car il l’organise. Pendant la Révolution, le principal zélateur de Rousseau était Le Chapelier dont nous avons abondamment parlé et qui avait supprimé les guildes mais également l’enseignement professionnel…..et les syndicats !!

C’est la grande escroquerie du libéralisme. Appliquer l’adjectif « social » au retour de l’individu. Ce que fait la libérale Caroline Mecary quand elle distingue avec soin la mère « biologique » de la mère « sociale » dont on peut se demander en quoi elle est « sociale », sinon au prix de contorsions psycholittéraires, une sorte de blabli-blablo qui mêle sentiments réels ou supposés, heures de présence et ressenti de l’enfant souvent trop jeune pour l’exposer clairement. A mes yeux, la mère « sociale » est un avatar du créationnisme, car, comme lui, elle évacue la biologie au nom de l’idéologie.

Je peux en parler. J’ai été élevé par la vieille Pascaline, la bonne de la famille que personne n’aurait élevé au rang de mère sociale, même si elle est dans tous mes souvenirs, y compris les plus tendres. La seule différence, c’est qu’elle ne couchait pas avec Maman, ma mère biologique, qui ne m’a pas laissé que de tendres souvenirs.

Seulement voilà : le libéralisme a besoin de l’individu, seul capable de détruire les groupes qui pourraient s’opposer à lui et le mettre en danger. Et le contrat social est l’arme suprême dans ce combat : il peut être proclamé par un seul individu, seul à y adhérer, et y gagner une légitimité que la Loi lui refuserait.

On en reparlera…



vendredi 12 avril 2019

LE COULOIR DANUBIEN

On en a déjà parlé. Il faut y revenir car la stratégie s’affine et se précise. Je renvoie d’abord à ce texte…de 2010 !! (https://rchabaud.blogspot.com/2010/10/je-serais-marseillais.html).

Personne n’a relevé il y a 10 ans….. C’est dans la tête que ça se passe. L’Europe  n’avait en tête que le couloir rhodanien. Pour aller de Marseille à Hamburg, seul comptait l’axe Rhone-Rhin. On parlait d‘aménagement, d‘engorgement…. Avec Lao Pierre, on regardait une carte de l’Europe. Froidement. Et on voyait bien qu’il y avait deux axes : le Rhone et le Danube. C’était pas un scoop : même Charlemagne le savait quand il avait décidé de creuser les fosses carolines. Vous savez pas ce que c’est ? Relisez donc Cavanna. LE Cavanna ? Oui. Les grands écrivains ont toujours un coup d‘avance.

Nous, les Occidentaux, on voyait plutôt Pagnol que Claudio Magris. Le couloir danubien, c’était que dalle, une source d’emmerdes pour le dire crûment. Dès après le Traité de Versailles, il avait été créé une Commission Internationale sur le Danube. Le genre de truc où tu colles presque vingt délégations nationales pour gérer le trafic et le commerce. Ça fait des postes de diplomates mais c’est quasi-indémerdable. Le meilleur spécialiste européen du Danube était un Français, André Siegfried, assailli de demandes d’étudiants balkaniques qui voulaient travailler avec lui.

Après la guerre, dans les années 1945, voilà t-y pas qu’un gros paquet de pays danubiens deviennent communistes. La Commission Internationale, basée à Vienne, plonge dans l’inutilité : on va pas coopérer avec des staliniens, quand même !! Et donc, le Danube devient invisible, il sort du mental géographique. Oubliée la route de l’ambre quand les Vikings commerçaient par le Danube lequel relie la Baltique et la Méditerranée. Staline ou pas.

Les Chinois jouent au go qu’ils appellent weiqi. Le go n’est pas basé sur le réel mais sur la vision du réel de chaque joueur. Ils ont donc regardé le couloir danubien que nos ignorions superbement. Ils y ont vu l’axe de pénétration que nous avions oublié, axe d’autant plus intéressant qu’il traversait une bonne douzaine de pays, pas trop grands, pas trop riches et donc facile à circonvenir. Lao Pierre était allé à Trieste qu’il voyait comme un point fort, une grosse pierre de la partie de weiqi. Et donc, à la première occasion, la Chine a gobé Le Pirée et Salonique. Après quoi, elle a poussé ses pions dans les confettis post-staliniens que nous négligions. En plus, aidée par Bernard-Henri Lévy, l’Europe foutait un bordel noir dans les Balkans en s’appuyant sur son allié américain, détesté dans le meilleur des cas mais plus généralement haï. Ce fut facile pour Pékin : quelques kilomètres d’autoroute ici, une voie ferrée là, que des pions minuscules que personne ne regardait.

Vint ensuite le projet des Nouvelles Routes de la Soie. Près de dix ans qu’il est en route et personne n’en parlait. Là aussi, petits pions. Un nœud autoroutier au Turkménistan, l’amélioration des voies ferrées au Kazakhstan méridional, désenclavement du Tadjikistan, ça intéresse qui ?

Il a fallu l’accord sino-italien, voici deux mois, pour que les medias s’en emparent. Les Chinois achètent tout. Même Trieste. Au paradis des géographes, Lao Pierre doit bien se marrer. Trieste est passé d’un coup de d’Annunzio à Xi Jiping.

Premier correctif : les Chinois n’achètent pas tout. Ils achètent ce qui est à vendre. Ils achèteront le Lyon-Turin si nous le mettons sur le marché.

En ce moment, à Raguse (les modernes disent Dubrovnik ce qui permet de gommer l‘histoire ancienne qui faisait de la ville la concurrente de Venise) se tient une grande conférence entre seize pays balkaniques et la Chine. L’Europe découvre l’existence du Danube !! Comme voie de pénétration, comme voie commerciale. Macron découvre ce que Charlemagne savait. L’Europe hurle parce que les Balkans s’endettent à Pékin. Personne ne dira que les Balkans empruntent à qui leur prête. A Pékin si Londres refuse.

Notre attitude vis-a-vis du bloc slavo-balkanique est d’une invraisemblable stupidité. Je me souviens d‘Hollande affirmant qu’il fallait « punir » commercialement la Russie. Tu regardes une carte, tu comprends. Et tu relis La Fontaine. La mouche du coche.

Ben oui, les zélateurs de Thatcher et Reagan. Les anciens communistes ont gagné. Les moellons du Mur de Berlin construisent les gares des Nouvelles Routes de la Soie. Vous pensiez avoir vos pauvres, ils ont trouvé de nouvelles dames patronnesses.

Et vous n’avez rien vu.

On n’a pas fini d‘en reparler….


mercredi 10 avril 2019

ANDRE DARRAIDOU, MON AMI

Il avait, vissée en lui, la recherche permanente de l’excellence.

Je travaillais alors sur le Père David, le plus illustre fils de  son cher village d’Espelette dont il était maire.  André comprit immédiatement l’importance de l’information et se mit au travail. Nous avons créé l’association des Amis du Père David en y impliquant le cardinal Etchegaray, autre gloire d‘Espelette, le duc de Bedford dont la famille avait sauvé de l’extinction le fameux Cerf du Père David et Paul Maymou, le plus grand pépiniériste du Pays basque. André voulait tout et Espelette était pauvre. En quelques mois, il obtenait du WWF la pose d‘une plaque commémorative sur la maison natale du grand écologiste, la mise en place d’un jardin botanique Armand David autour du château-mairie et un embryon de Musée dans le même château. Moyennant quoi, dans les mois qui suivirent, débarquait à Espelette une délégation chinoise qui travaillait sur la diplomatie du Panda, l’animal emblématique de la protection de la Nature dans le monde. André accueillit les diplomates avec gentillesse et humour, sans forfanterie et sans obséquiosité, comme il faisait toujours.

Monsieur Sun, chef de la délégation, était maire de Ya’an, la ville du Sichuan où le Père David avait découvert le Grand Panda et, tout naturellement, il proposa à André de jumeler sa ville de deux millions d’habitants avec Espelette. Je trouvais le différentiel un peu fort. Pas André pour qui la démographie n’était pas un obstacle, face à l’importance scientifique et culturelle du sujet. Le jumelage fut signé et il fit plusieurs voyages au Sichuan pour renforcer des liens qui tenaient à cœur aux habitants de l’Empire fleuri. Ayant appris que le poivre était une production importante du Sichuan, il avait même imaginé de renforcer le jumelage zoologique par un partenariat gastronomique entre poivre du Sichuan et piment d’Espelette. Et, grâce à Monsieur Sun, il put organiser une semaine pour présenter à la Chine, la gastronomie basque.

Dès que le Pays basque était impliqué, il n’avait peur de rien. Il avait dans l’idée de faire une AOP pour le piment d’Espelette. Je l‘incitais à faire venir à Espelette, Yves Monnier, professeur d’ethnobotanique au Muséum national d’Histoire naturelle qui prit en charge la partie historique et servit de guide pour la suite du processus, séduit par la passion et la gentillesse d'André.

André a été un ezpeletar exemplaire et un maire exemplaire. Il suffit d‘aller à Espelette, été comme hiver, pour constater ce qu’est devenu, en quelques années, un village certes joli et photogénique : un atout incontestable pour le tourisme, l’économie et la culture basques. Un site connu à l’autre bout du monde, presque sans y toucher. Il savait partager sa passion et s’entourer. Modeste, il connaissait ses lacunes et s’employait à les combler., en souriant, presque en s’excusant.

Sa curiosité était infinie. Il racontait ses visites en Chine avec Roger Etchegaray. Le cardinal était alors le responsable de la diplomatie vaticane. André aimait sa proximité car il bénéficiait de quelques privilèges. Mais il savait aussi s’effacer et s’amusait des finesses chinoises pour le tenir à l’écart d’entretiens où il n’avait pas sa place. Il se passionnait également pour les détails qui touchaient à son village  pourquoi les Ezpeleta étaient ils ricombres de Navarre quand leur fief était en Labourd ? Nous échafaudions des hypothèses au coin de la cheminée.

Aujourd’hui qu’il est parti, je me souviens d’une de nos discussions quand je l’interrogeais sur son cursus « J’ai été major de l’Ecole hôtelière de Toulouse ». Je me récris, je félicite. Il  sourit alors « En réalité, j’étais second, derrière Dutournier. Mais, tu sais, être après Dutournier, c’est être le meilleur, le meilleur de ce qui reste. »


Tout André est là. Tu vas me manquer, monsieur le Maire….

samedi 6 avril 2019

PRIER POUR SAINT-GOBAIN

Hé oui ! Saint Gobain veut vendre Pont-A-Mousson. Ça me fait quelque chose. La première chose que j’avais remarqué à Marrakech, c’étaient les plaques d’égout marquées Pont-A-Mousson qui me parlaient de Lyautey. C’est peut être un détail pour vous…

Libération s’énerve. Saint-Gobain veut vendre une société stratégique à une entreprise chinoise. Calmons Libération. Voilà quatre ans que la dite société est partenaire de Michelin. Complétons donc l’information.

L’acheteur éventuel est XinXing leader mondial de la fonte ductile et qui en produit 2 millions de tonnes par an (à peu près dix fois PAM). Son principal marché est l’adduction d’eau en Chine mais aussi, et surtout, le transport du gaz. A ce titre, XinXing est un partenaire essentiel des Nouvelles Routes de la Soie.

Xin Xing est une filiale de XinXing Cathay International Group qui en possède officiellement 50,2%. Ce groupe a été développé à partir d’usines sidérurgiques créées par l’Armée Populaire de Libération. Il a en charge de nombreuses activités métallurgiques, mais aussi une partie de l’équipement de l’Armée Rouge qu’il fournit en munitions, uniformes et chaussures. Il n’est pas exagéré de dire que XinXing Cathay appartient à l’Armée Rouge. Sur son site, XinXing Cathay affirme clairement et fièrement qu’il est une compagnie gouvernementale.

Première question au MEDEF : ça vous gêne pas qu’une société privée à la ramasse soit sauvée par une compagnie nationalisée ? Et communiste ?

XinXing est dirigée par un ingénieur octogénaire bien sous tous rapports, Monsieur Zhang Delin, par ailleurs député et donc communiste. Ceci pour apaiser les syndicalistes, souvent communistes mais rarement députés. Monsieur Zhang est passé par le Sichuan ce qui me le rend sympathique car il doit connaitre Sun Qian, et par Chongqing. Il faudra que je m‘intéresse à ses rapports avec Bo Xilai.

Il faut donc regarder le numéro 2, Monsieur Liu Mingzhong, qui est le responsable du Parti au sein du Comité de Direction. C’est lui qui est venu à Clermont-Ferrand signer avec Michelin au nom de la société Jihua, autre filiale de XinXing Cathay, un accord de partenariat pour la mise au point de semelles pour chaussures techniques. Michelin était si fier d’exposer qu’ils allaient révolutionner le monde de la godasse pour trail et VTT ! A priori, la réalisation de chaussures techniques pour l’armée n’a pas effleuré leur esprit. Je pense que Monsieur Liu a omis d’en parler.

Deuxième question à Madame Parly, Ministre des Armées : ça vous gêne pas de faire fabriquer les godasses de notre armée en Tunisie quand les autres armées utilisent la technologie des Auvergnats ?

Et donc calmons les esprits. Il est tout à fait improbable que les Chinois détruisent des emplois en Lorraine. Ils commencent à peine leurs emplettes, ils doivent conserver une image impeccable. Ils ont intérêt pour l’instant à fabriquer en Europe. La fonte, c’est lourd et donc cher à transporter. Ils se positionnent aux deux bouts des Routes de la Soie. Malin !

L’actionnaire est solide et sensible aux arguments non capitalistes. Après avoir vendu la division énergie d’Alsthom, indispensable à notre nucléaire, à General Electric, faire sa chochotte pour des tubes d’évacuation de chiottes, c’est osé, quand même !

N’ayez pas peur ! Sauf des capitalistes occidentaux qui détruisent, les uns après les autres, les fleurons de notre industrie, qui mettent nos économies à genoux et nos travailleurs au chômage. Faut pas se tromper : si les Chinois achètent PAM, c’est parce que PAM est à vendre. La faute à qui ?

Je pense à Georges Marchais. Un député communiste à la tête de Pont-A-Mousson il aurait kiffé


On en reparlera….

mercredi 3 avril 2019

ESPRIT DE CHAMBRÉE

C’est une simple forme d’humour. Pas très drôle pour certains, jamais d’une absolue finesse, mais assez commune. L’artiste qui le représente le mieux reste Jean-Marie Bigard. Lequel devient, de ce fait, un marqueur culturel essentiel.

On l’appelle ainsi car il s’est longtemps développé dans un biotope spécial, le dortoir des casernes. On aurait pu penser que la suppression du service militaire lui serait fatal. Il a simplement changé de biotope, investissant les vestiaires sportifs à la population très ressemblante.

L’esprit de chambrée est essentiellement masculin et collectif. Il apparaît à la puberté chez les jeunes mâles. Selon certains auteurs, il structure leur vision du monde, ce qui est largement exagéré car cette assertion suppose qu’existe dans les vestiaires une vision du monde.

Comme tout ce qui est populaire et largement répandu, l’esprit de chambrée est essentiellement binaire. Comme l’ordinateur, ce qui tend également à démontrer son modernisme. Ses manifestations les plus visibles sont d’ordre sexuel. Comme en informatique où le joystick est, dans les pays anglo-saxons, l’un des surnoms du pénis en érection. Il est évident qu’un langage qui se met en place à la puberté ne saurait être disjoint de l’érection, signe cardinal d’un fonctionnement satisfaisant de l’appareil uro-génital. L’esprit de chambrée est un langage normatif pour les jeunes mâles.

Binaire, sexualisé, l’esprit de chambrée a comme premier rôle de décrire le monde du sexe auquel ses locuteurs avaient peu d’accès avant son apparition.

Les individus mâles sont donc classés en deux catégories : les hommes et les pédés. Catégories à visée téléologique puisqu’elles supposent primitivement la définition du partenaire sexuel.

Les individus femelles appartiennent également à deux catégories, les vierges et les putes, également connotées téléologiquement, celles qu’on peut utiliser et les autres. En grandissant les locuteurs définissent une autre catégorie, les goudous, que l’on range dans la case des salopes qu’on ne peut pas utiliser, sauf à disposer d’une expertise qui ne correspond pas à l’âge tendre des locuteurs.

L’esprit de chambrée correspond donc à l’invention d’un vocabulaire adapté à une sexualité qui se crée. C’est un langage d‘apprentissage.

En tant que tel, il a une visée normative, définissant les partenaires sexuels conduisant « normalement » à l’orgasme, mais son efficacité temporelle est limitée, tout apprentissage ayant une fin prévisible. Toutefois, on ne peut lui nier une valeur intégrative, car il conduit à intégrer un groupe partageant les mêmes valeurs, groupe qui réunit généralement la majorité des individus ce qui permet de définir l’esprit de chambrée comme un instrument de mesure de la démocratie. Il ne peut en aller autrement, il est né de la conscription et de l’égalité formelle qui régit la vie en caserne. Ceux qui n’adhèrent pas, comme toute minorité, se mettent à part. Vae victis. Ils deviennent gibier de psys, individus à normaliser d’urgence.

Cependant l’esprit de chambrée, par glissements successifs est devenu objet judiciaire. Pour le dire simplement, exprimer une opinion majoritaire peut conduire devant les tribunaux lesquels existent pour punir essentiellement les dérives de comportement qui mettent en péril  la majorité.

Ainsi va t’on assigner un groupe de gamins braillant dans un autobus que le Président d’un club adversaire, et donc détesté, est « un pédé ». S’agit il d’une diffamation ? d’une injure ? Non. On ne parle pas d‘Oscar Wilde lequel avait du moins la courtoisie et la dignité d‘afficher, et non de cacher ses préférences sexuelles. Quel danger pour la société ? Comment justifier la saisine ? Dix mômes braillant des sottises mettent ils en péril l’édifice social ?

On le dit. De nouveaux délits ont été créés de toute pièce qui tournent autour du pêché de stigmatisation. Et, à nouveau, le délit est  à géométrie variable. L’islamophobie punit la stigmatisation d’une religion mais il n’existe ni christianophobie, ni bouddhophobie. Sexuellement, l’homophobie est un délit, comme la pédophilie ou la zoophilie, mais la masturbation n’est point délictueuse.

On en a déjà parlé. La loi préserve certaines minorités de la dictature de la majorité qu’elle organise par ailleurs. Car la démocratie, c’est ça : le gouvernement de la majorité. Et dans notre pays, la majorité est blanche, chrétienne et hétérosexuelle. C’est un fait. Dire que c’est pas bien, c’est une opinion.

L’esprit de chambrée n’est rien d‘autre que l’expression, parfois brutale, de la pensée majoritaire. De ce fait, il ne peut disparaître et il change de  biotope pour survivre. C’est un rite de passage comme la chasse au lion à l’arc chez les Songhais, rite que les lions aimeraient bien voir disparaître. Les rites de passage sont liés à la puberté, c’est à dire à la sexualité. Les jeunes gens n’ont pas fini de concourir à qui a la plus grande car la taille du pénis, à tort ou à raison, est perçue comme un avantage évolutif.

Il faut nous méfier : détruire les rites de passage revient souvent à détruire la cohésion sociale, laquelle peut parfois s’exprimer par la loi de Lynch. Les chansons paillardes, les plaisanteries graveleuses sont un exutoire au premier degré. A les interdire le risque principal est de les voir changer de nature. La ratonnade remplacera aisément la vanne islamophobe.

Le Droit enregistre les changements sociaux. Il n’a pas vocation à les créer ni même à les susciter.

Ce n’est pas son oeuvre théologique qui a fait passer le Cardinal Dupanloup à la postérité.

On en reparlera …


lundi 1 avril 2019

L’ECOLE DES FANS

Ha ! Il nous manque Jacques Martin ! « Il est où ton Papa ? » Aujourd’hui, il remplacerait Edouard Philippe à la tête du gouvernement le plus jeune de France. Le bambin, il connaissait….

Hier, c’était marrant. La presse s’ébaudissait de la nouveauté que représentait la nomination au Quai d’Orsay d'une gisquette qui a l’âge de Mozart. L’âge, mais pas l’œuvre. Je ne pensais pas qu’on y arriverait si tôt. C’est qu’à force de parler, on finit par croire à son énonciation.

Voilà des années que le jeunisme a pris les rênes. La jeunesse est parée de toutes les qualités, auréolée de toutes les vertus. Je le savais. J’ai entendu une DRH m’expliquer que mon âge alourdissait la moyenne d‘âge des cadres de la boîte et que c’était un vrai problème. Manière de dire, en fait, que je pesais sur la masse salariale.

A l’opposé, je me souviens de cet officier parlant de son régiment : « Ils ont le calme des vieilles troupes ». Le calme des vieilles troupes ! Ce qui manque le plus à notre gouvernement. Napoléon le Micron (Napoléon le Petit  est déjà pris) a oublié la leçon du Grand qui mélangeait jeunes conscrits et vieux grognards. Les vieux ont besoin de la fougue de la jeunesse laquelle a besoin de leur expérience. Les généraux sexagénaires remportent leurs plus belles victoires en envoyant à la mort des lieutenants de vingt ans.

Collomb parti, les vieilles troupes se résument à Le Drian qui, désormais, fait tâche, introduisant l’EHPAD dans l’Ecole des Fans. On vient subtilement de lui retirer le dossier de l’Europe qui nécessite plus d’expérience que les relations avec le Kiribati.

Mais l’expérience est désormais un boulet. Le monde est neuf. Tu parles ! Une large partie du travail gouvernemental aujourd’hui consiste à démentir les propos de jeunes ministres ignorant tout du travail d’équipe et s’exprimant sans freins, comme tous les jeunes écervelés. On n’a pas fini de rigoler.

Le peuple le sait. Un sondage nous informe qu’une majorité aimerait voir arriver un militaire à l’Elysée. Un militaire ! horresco referens ! Mais oui. L’armée reste la dernière structure à valoriser l’expérience et le travail d‘équipe avec, en prime, quelques valeurs morales qui semblent faire défaut. Le peuple ne confond pas Carlos Ghosn et un officier supérieur. La langue non plus qui parle de « capitaines d’industrie », un capitaine étant moins gradé qu’un général, par définition. Le peuple a besoin de hiérarchie et d’expérience. Avec les bambins à sucettes, le peuple a peur.

Restons calmes et comptons les points. Donnons des notes à ces gamins qui en ont tant manqué. Zéro pointé à la Madame N’Diaye, la seule porte-parole qui assume de mentir. Comme à Madame Schiappa, si fière de nous dire qu’elle a lancé le Grand Debat avec Cyril Hanouna, mettant le Président en position de vedette américaine d‘un bateleur douteux. Tous ces Gavroches sans talent qui pensent que les mots remplacent les actes alors qu’ils doivent les précéder. Comme Gavroche chantant sur les barricades avant d’y trouver la mort.

On veut nous attendrir : le Président serait proche du burn out. Ho ! Hé ! Il a choisi d’y aller. Maintenant, il s’aperçoit qu’il a pas les épaules. Qu’il parte donc s’il ne fait pas le poids. Il a choisi de gouverner avec la classe biberon qui ne fait pas ce que doivent faire des collaborateurs : soulager le chef. Notre Président ne sait pas s’entourer alors que c’est la  première qualité qu’on demande à un chef. Nos ministres savent lire des dossiers alors que ce n’est pas ce qu’on leur demande. Il y a des spécialistes pour ça, des experts capables de faire des notes de synthèse qui peuvent être désagréables et aller à l’encontre des idées dominantes. Muni de l’expertise, le Ministre doit aller au combat, faire plier Merkel et coller une baffe à Junker. Passer de la salle de classe au ring. Y sont-ils prêts ? Sont ils armés ?

Certes, je fais l’apologie de la violence. C’est pas bien. Mais j’ai envie de faire rapide. Discuter un contrat peut être violent, d‘une violence d’autant plus dangereuse qu’on ne la perçoit pas. Tout contrat est un acte de guerre. Le gagnant-gagnant n’existe pas à terme et le contrat fructueux les premiers temps peut se révéler désastreux au bout de quelques années. C’est notamment vrai pour les transferts de technologie. Pour en juger, il faut du temps ou, a minima, de l’expérience, cette expérience qui fait si cruellement défaut à nos bambins gouvernants.

Bon, c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Mais le maçon a plus d‘un tour dans sa giberne. Il peut déclarer que le mur est un concept du monde d’avant, concept rendu inutile par le changement du monde. Ou qu’il faut en changer le plan pour l’adapter aux temps futurs. Ou…toute autre discursivité lui redonnant la main.

Un dernier exemple. Je reviens au fameux sondage souhaitant un galonné à l’Elysée. Personne n’a noté qu’il avait lieu après que Castaner l’invincible ait décidé d’appeler l’armée en renfort pour protéger Napoléon le Micron. Il n’est donc pas anormal que le peuple pense qu’il serait plus simple de caserner un régiment Faubourg Saint-Honoré. Ça s’appelle l’effet pervers. Tous les gens d’expérience vous le diront.


On en reparlera….