jeudi 31 octobre 2019

CAROLINE ET LES PÈRES

Il y a des marqueurs linguistiques, des gens qui bataillent sur les réseaux sociaux pour imposer leur vision du monde par le vocabulaire. Je rappelle que la langue est une création artificielle (pas naturelle) et que l’art rhétorique consiste essentiellement à faire croire à ce caractère naturel qui n’existe pas.

Caroline Mecary est une de mes préférées. Elle n’a peur de rien. Elle est pourtant avocate et son rôle est d’aider les juges à dire le droit, sauf qu’elle préfère que l’on dise son droit car le droit conventionnel pourrait affaiblir son fonds de commerce qui n’est autre que la PMA. La GPA, on verra plus tard, nous sommes entre femmes. Si je puis dire.

La PMA, c’est vachement bien : une série de techniques destinées à aider les femmes stériles, techniques développées depuis plus de vingt ans. Enlevons l’acronyme pour rappeler que le sens est Procréation Médicalement Assistée. Le « médicalement » est là pour rappeler qu’il s’agit de combattre une pathologie. Tout le combat de Caroline est là. Elle a pourtant le même éditeur que Canguilhem qui passa tant de temps à analyser le couple Normal/Pathologique. Mais Caroline a décidé que le pathologique n’avait aucun intérêt et que le normal pouvait s’y substituer. En d’autres termes et clairement, la médecine est là pour assister les bien-portants. Knock est revenu les amis et Caroline aide Louis Jouvet.

Comme elle sait bien que sa position est indéfendable, elle a bâti un rempart idéologique avec pour moellons de belles pierres empruntées à la psychologie médiatique, comme le « désir d’enfant » lequel provoque de réelles et vérifiables souffrances. Ben oui, la frustration est parfois lourde à porter, même si elle fait partie de la vie : le désir d’enfant est aux femmes adultes ce que le Kinder Bueno refusé est aux petites filles. Tous les psys sérieux vous le diront ; la frustration est généralement un problème social qui a pour contrepartie la résilience.

Elle le sait bien, Caroline, elle est loin d’être idiote. Elle a commencé par labourer son terrain et par expliquer que toute femme avait droit à la grossesse au nom de l’égalité constitutionnelle. Personne n’a fait remarquer que toute femme pouvait exercer ce droit et qu’un homme pouvait (éventuellement) y aider. C’est qu’en fait le normal et le pathologique devaient sortir du jeu linguistique : il suffit de remplacer l’homme par la femme. Parce que, franchement, tout illettré sait que sans taureau la vache ne porte pas de veaux. Parole de paysan, la vache n’a pas de désir de veau.

Si l’on évacue les gamètes, restent les mots. Le couple peut être désigné comme tel mais quid des membres ? Pour la pondeuse, c’est facile : mère bio. Reste l’autre, la mère-père si l’on ose dire. Elle devient la mère sociale, celle dont le statut de parent dépend de la société. Caroline n’utilise que ces deux mots : son but est de faire accepter la mère sociale comme parent à part entière. Alors que stricto sensu, ce n’est pas le cas en droit français qui distingue soigneusement la filiation biologique classique dans le cadre du mariage ou de l’adoption et l’enfant adultérin. En fait, les juristes antiques, ces sots n’avaient pas imaginé qu’un enfant pouvait avoir deux mères. Grâce à Dieu et à Caroline, cette erreur épistémologique va être réparée. La mère sociale est une simple étape car elle suppose que c’est la société qui la gratifie. Encore  un glissement sémantique pour dévaloriser la mère bio et nous y serons.

J’espère qu’elle va y arriver, Caroline. J’ai été emmerdé toute ma vie par une mère inutile et toxique qui proclamait orgueilleusement « Je suis ta mère » au motif qu’elle n’avait pondu. Ce qui était indéniable. Je suis environné de mecs en lutte contre des bonnes femmes qui utilisent les gnards comme une assurance-vie, un moyen de piquer à leur bonhomme le peu qu’elles leur ont laissé. Cassons le lien qui colle le social et le bio sur une seule tête. Mais pas au nom d’arguments de midinettes, de bonheur de l’enfant ou de psychologie à deux balles. Admettons une fois pour toutes que la femelle dolente et protectrice est un danger pour les gosses qu’elle pense faire grandir en les coupant de la frustation.


On risque de voir bouger les lignes….

mercredi 30 octobre 2019

LES TROIS ORDRES

Jadis, aux temps de la géographie classique, la production d’un pays était divisée en trois : le secteur primaire qui regroupait la production de la nourriture (agriculture et activités connexes), le secteur secondaire (en gros l’industrie), le secteur tertiaire (les services, i.e. les domestiques). C’était pas mal, ça renvoyait aux trois ordres médiévaux, aux trois ordres de l’époque classique et même aux trois fonctions de Dumézil. Pour tout dire, un schéma épistémologique d’une quarantaine de siècles qui rendait assez bien compte de l ‘ordre du monde et des sociétés humaines.

Arrivent les années 60 et l’irruption des gestionnaires (les managers pour faire moderne). Aidés par leurs communicants grassement payés, les managers arrivent à faire croire qu’ils sont les plus intelligents alors que, dans les faits, ils sont d’une insondable sottise. Comme ils sont incapables d’analyser une production divisée en trois catégories, ils décident et nous font croire qu’il s’agit d’une seule et même catégorie : produire des lapins c’est comme produire de l’acier. C’est vrai qu’in fine ce sont des chiffres, quantités produites, CA généré. Et donc, il est loisible de considérer les champs des agriculteurs beaucerons comme l’usine Renault de Flins. Puis comme les champs des agriculteurs de Basse-Navarre. De glissement en glissement, d’approximation en approximation, de fausse équivalence en fausse équivalence, on finit par gommer les limites du réel, on finit même par oublier le réel. Les chiffres deviennent le réel.

J’ai un souvenir précis. Il est sérieux, grave même.
«  Ça ne va pas. Vos chiffres sont épouvantables. Vous avez trop de stock. Le double du ratio de la profession. Vous devez solder, déstocker. »
Non. J’ai le stock qu’il faut. Le stock qui me permet de répondre à mes clients. De les satisfaire vu que le commerce, c’est satisfaire ses clients. Quand je manque de Guide du Routard, Hachette me livre en trois jours et donc j’ai trois jours de stock. Quand le manque de cartes de Colombie, l’Institut Géographique Agustin Coddazi me livre en trois mois. Et donc j’ai trois mois de stock. C’est pareil.
Il essuie ses lunettes. C’est mon comptable, mais le meuble importe peu. Tous les ans, on a la même discussion. Il me fait chier.
« Non ce n’est pas pareil ? Moi, j’ai un plan comptable à suivre. »
Ben moi,  j’ai des clients à satisfaire. Ne serait ce que pour payer vos honoraires. Faites comme tous les ans. Démerdez vous. Provisionnez. Je crois qu’il va pleurer.
« Mais je suis au maximum légal. »
J’emmerde le CGI. Mes clients d’abord. Et puis, c’est quoi le ratio de la profession ? La moyenne entre moi et la Maison de la Presse de Salies de Béarn ? Et pourquoi faut il un ratio ? Pour comparer. Mais, je suis incomparable. Comme tous les libraires. Comme mon copain Jean-Marie, au bout de la rue, l’un des libraires favoris de Mitterrand. Il est dans le ratio ? A force de nous vouloir tous pareils, on a fini par disparaître. Amazonés. Comme les épiciers. Y’a que les boulangers qui survivent grâce à la surgélation.
Soyons sérieux. Je parle d’un temps sans informatique. Un temps où tous les commerçants connaissaient leurs clients, où on notait les commandes sur un vieux bout de papier. Un temps où le facteur apportait les colis de livres dans de vieux sacs de toile rapiécée appelés « Colis spécial de librairie » ce qui permettait d’envoyer des bouquins au Pérou moins cher que dans le Var. Cherchez pas, ça n’existe plus. Je vous parle d’un temps ancien mais où les services publics fonctionnaient. Les gestionnaires ont tellement progressé que ce n’est plus possible.
Mais tout va mieux….Car tout a été simplifié. Les brillants gestionnaires ne peuvent briller que si c’est simple. Tiens, la retraite… Il faut simplifier. On a géré pendant quelques décennies 50 systèmes de retraite, sans informatique et sans bases de données. Moi, je pensais naïvement que, grâce aux nouveaux outils, on allait pouvoir affiner les régimes de retraite, avoir deux ou trois régimes SNCF, par exemple. Je pensais naïvement que nos brillants gestionnaires allaient se diriger vers l’idéal : un système de retraite par Français. Tu parles !
L’ENA, à force de simplifier, a pourri ce pays. Les trois ordres ont fini par céder :les salades valent comme les TGV. Il n’y a plus qu’un ordre : l’ordre marchand et nous avons élu le prince du libre-échange. Il va finir par nous achever.

Quand je pense que cet ordre s’appuie sur la pensée d’un de mes compatriotes. Ben oui, Frédéric Bastiat était de Bayonne. Le mec, il a théorisé le libre échange parce qu’il en avait marre de devoir payer l’octroi sur les légumes de son jardin de Saint-Martin-de-Seignanx. Ouais. Un vrai énarque avant l’heure. Tu commences par réfléchir sur les patates, tu finis par ouvrir le rail à la concurrence. Elle est pas belle, la vie ?

samedi 26 octobre 2019

LA DÉPRIME

« Vous avez pu parler ? »

Elle semble inquiète, la psy.

Ben oui. On a parlé. On a échangé des mots Enfin, pas vraiment. Déjà,on n’a pas le même vocabulaire. Et on n’a pas la même utilisation de ce vocabulaire. Pour parler, ça aide pas. Il ne comprend pas mes citations latines. C’est juste un exemple.

La psy lève les yeux au ciel. « Il faut libérer la parole entre vous. »

Libérer la parole !!! La plus belle connerie actuelle. Elle n’a jamais été aussi entravée, la parole. Jamais été aussi corsetée. Moi, la phrase que j’entends sans cesse, c’est : « Ça, tu ne peux pas dire. » Il est clair que la parole libérée n’est pas la mienne.

Je déteste les déprimés. Ils m’imposent leur mal vivre alors que j’ai bien de raisons personnelles d’être mal. Ne pas trop charger la mule. Donc j’élimine les déprimés de mon cercle. Je n’ai aucune raison de me charger de leurs problèmes. Il y a des psys pour ça. Des psys qui me prennent pour un con.

Le gamin, je l’aime bien. Peintre de talent, impliqué dans son art, une vraie recherche, structurée, à l’opposé des milliers de barbouilleurs qui emplissent les galeries. Lundi, on a une vraie soirée de travail d’où sort une feuille de route avec les tâches à faire et leur planning. Nous convenons d’une soirée de travail pour le mardi.

Et là, patatras. ! Rien n’a été fait. Il a passé la journée au lit ; « Je suis déprimé » me dit-il avec une élocution empâtée. J’ai apporté une bouteille de rosé pour la soirée. En mois de vingt minutes, elle est sèche, engloutie à force lampées. Un alcoolisme vulgaire et excessif. Vulgaire, surtout. Le peintre est devenu un ivrogne sans talent. Un minable.

J’en parle à son psy. Lequel affirme que je suis hystérique. En termes clairs, il change la donne en me collant une pathologie qui dévalorise ma parole. Laquelle peut se libérer désormais, elle ne compte plus. Etre pris pour un con.

L’alcoolisme est nié du même mouvement. Il est « dipsophobe ». On revient aux classiques mais clairement dévoyés.. Le grand voyage de Pantagruel dans le Quart Livre commence par la visite de l’île des Dipsodes. Le gamin n’est pas dipsophobe, il est dipsode, il aime picoler. Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Dipsophobe, c’est exactement le contraire de ce que j’ai vu. Il ne supporte pas de boire : à cette cadence, personne ne supporte, ce n’est pas une pathologie, c’est une norme.

Moi, ce que j’ai vu (mais je suis hystérique, donc ça ne compte pas), c’est un gamin gâté et fainéant, jouant à la déprime pour excuser sa fainéantise. Non, me dit le psy. Son expo approche, il a la trouille. Encore une fois, on délire. Le môme, il a choisi d’être peintre. Il a fait les beaux-arts pour ça. Il peint depuis trente ans. Alors, sa trouille, il a eu trente ans pour la tenir en laisse. Parce qu’exposer, c’est son métier et qu’il a voulu le faire. Personne ne lui a imposé. Il n’empêche qu’il a la trouille. Peut être. Comme un soldat partant en opération, comme un sportif pénétrant dans un stade, comme des milliers de gens ayant à gérer un passage difficile. Sa trouille est une norme, pas une pathologie.

Moi, ce que je constate d’abord, c’est que le psy n’a pas réussi à endiguer et contrôler cette trouille dont la déprime est une conséquence. Ce qui est normal vu que ce n’est pas une maladie. Jadis, on n’avait pas de ces gracieusetés. La règle c’était : Je me fous de ta trouille. T’y vas. J’admets, y’avait des dommages collatéraux. Pour moi, ce fut une fracture du pied, pour un saut qui dépassait mes capacités. Ma fracture s’est réduite. Mon ego aussi. J’ai déplacé mes priorités.

Ces derniers mois, ma fréquentation des psys a largement augmentée. J’ai d’abord constaté que le métier s’était abondamment féminisé. Et que, par voie de conséquence, la parole des femmes y est devenue majoritaire. Partant, leurs obsessions sociales également. Ainsi, de cette sottise majuscule : il exprime une souffrance. L’expression de la souffrance relève de la parole, c’est à dire de l’art du comédien. Tout parlant est un menteur en puissance. Faire confiance à la parole est une erreur épistémologique. Exprimer une souffrance rend importante l’expression, pas la souffrance.

Le déprimé joue sur l’expression. J’en connais plusieurs que je fuis comme la peste. Ceux qui répondent « Mal » quand tu leur demandes comment ça va. Ils t’ont choisi comme réceptacle et leur pseudo déprime va couler dans tes oreilles jusqu’à ce que tu aies réussi à te barrer.  

Moi, hystérique, j’ai une pensée simple. Si tu as du mal à vivre, le fleuve est là pour t’aider à mourir. On peut le dire. Comme on est dans le théâtre, personne ne se foutra à la baille. Personne. Parce que le déprimé, le seul truc qui l’intéresse, c’est ta sollicitude. Il ne veut pas mourir, il veut vivre pour t’emmerder.  Te laisse pas faire. La Sécu paye le psy pour ça. Ce qui te coûte du fric.

Voilà. J’ai libéré ma parole C’est totalement incorrect.  Aux yeux de qui ? Par rapport à quoi ? Toujours pareil. La doxa. L’opinion publique qui guide les psys et les journalistes de Bolloré. Penser comme ça, ce n’est pas penser. Encore faut il être capable de changer., et d’abord en éliminant le conditionnel  de ta réflexion. Et si le déprimé ne jouait pas ? S’il allait vraiment se foutre dans le fleuve ? Mais, mon lapin tu n’y es pour rien. Il a simplement suivi sa pente naturelle Il s’est comporté en individu responsable, pour une fois. Toi, tu lui as rendu sa dignité d’homme responsable. Tu l’as sorti de l’infantilisme. De toutes façons ; il va mourir. Plus tôt, plus tard. ; qu’est ce que ça change ?


Restons de glace.

vendredi 25 octobre 2019

VASELINE EN STOCK

Quand Macron a créé ce qu’on a appelé assez vite « les bus Macron » je me suis précipité : 25 € le voyage  Bayonne-Paris, c’était tentant ? Flixbus (des Boches) tenaient la corde mais il s’agissait d’aller à Paris pas à Bergen-Belsen. Ma copine Colette, elle macronisait à tout crins assurant qu’il y avait un avant et un après Macron. Hé bé  on y est. Ce soir, le billet de bus est à 88 €, plus cher que le TGV.

Avant d’aller plus loin, je précise qu’en vertu de la loi punissant l’injure au chef de l’Etat, chaque fois que je viendrai à injurier le citoyen Macron ce sera ès-qualité de ministre ou de conseiller politique du précédent Président. Pas le Président actuel, dont chacun sait qu’il n‘a rien d’un escroc, que sa parole est juste et qu’il ne pense qu’aux intérêts de la Nation.

La méthode mise en place par cet enfoiré de Ministre était donc simple. Suivez bien.

1/ au nom de la concurrence, on autorise de concurrencer la SNCF. On ne tient pas compte de ce que la SNCF voit ses tarifs plombés par des investissements dont ses concurrents sont déchargés.

2/ une fois la concurrence installée, on supprime la desserte ferroviaire de nuit,
 ce qui laisse le champ libre au non-ferroviaire

3/ et donc, pour aller de nuit de Bayonne à Paris, il n‘y a plus de concurrence vu que tu as mis en situation de monopole le concurrent installé pour détruire le monopole. Astucieux, non ?

En fait, tu n’as installé aucune concurrence, tu as simplement changé le monopole.

Le tout emballé dans un discours qui justifie d’avoir transféré le service public au privé. Le même discours qui peut servir pour tout service public, de l’électricité aux mutuelles.

L’homme politique puissant, par exemple un enfoiré de Ministre des Finances, tient en laisse les deux chiens. Il peut créer la concurrence du service public qu’il contrôle et qu’il affaiblira ensuite à sa guise.

L’homme politique puissant a le moyen d’expliquer que la destruction du public qu’il a pour vocation de protéger est une bénédiction pour la puissance publique. Et ça passe… Avec l’aide des médias qui justifient chaque jour cette destruction. Tant que les journalistes prendront la défense du pouvoir, ils lui seront assimilés.

On appelle ça la politique de la vaseline

On en reparlera…..


lundi 14 octobre 2019

MONTESQUIEU ET LES GILETS JAUNES

Tous les débiles qui font profession de faire semblant de penser affirment haut et fort que le monde change.

A tous ceux là, j’offre une citation de Montesquieu (De l’Esprit des Lois, XIII-1)

Il ne  faut point prendre au peuple sur ses besoins réels pour les besoins de l’Etat imaginaires.
Les besoins imaginaires sont ceux que demandent les passions et les faiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d’un projet extraordinaire, l’envie malade d’une vaine gloire et une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies.

Souvent, ceux qui étaient sous le prince à la tête des affaires ont pensé que les besoins de l’Etat étaient les besoins de leurs petites âmes.

Nous sommes en 1748 ! Qui osera dire encore que le monde a changé. Presque trois siècles et on continue de prendre au peuple sur ses besoins réels et ceux qui sont, au plus haut niveau, à la tête des affaires, continuent de penser que les besoins de l’Etat sont ceux de leur petite âme !

Montesquieu décrit et analyse la crise des Gilets jaunes auxquels on prend sur leurs besoins réels pour les besoins de l’Etat imaginaires. Inutile de demander aux commentateurs patentés qui vont noyer le poisson de l’analyse dans un bouillon statistique. Je n’ai entendu personne citer Montesquieu ce qui était nécessaire et suffisant.

J’ai trouvé la citation de Montesquieu en relisant le patron de La Brède trente ans après notre premier contact, mais je suis bien sur qu’en me plongeant dans Montaigne, j’aurais également trouvé.

Je voudrais que nous fassions de La Bruyère un guide ; « Depuis trois mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent tout a été dit ». Phrase assassine…

Mais non ! Moi, ma pensée est originale, nouvelle, adaptée au monde actuel..Tu parles ; »Si haut que soit le trône, on n’y est jamais assis que sur son cul ».

Il faut relire Machiavel. On y trouve toutes les recettes que partagent aujourd’hui Matignon et l’Elysée. Nihil novem sub sole.

J’admets. C’est déprimant. Considérer ses pensées magnifiques, scintillantes d’originalité, étincelantes de nouveauté pour s’apercevoir au détour d’une phrase que ça n’a rien de neuf. Oui. Rien que Platon. La caverne, c’est déjà Debord.

Mai le monde change. Non. Le décor change où évoluent des hommes identiques qui pensent que les besoins de l’Etat sont ceux de leur petite âme. En langage de notre siècle, des hommes qui pensent que les caisses de l’Etat sont leur portefeuille.

Seule la forme change. La novlangue, c’est Montesquieu parsemé de vocabulaire anglosaxon. La langue vivante, c’est Céline, Coluche ou Cavanna. L’opposé du Romantisme qui voulait sur de nouveaux pensers faire des vers antiques.

Encore la vieille opposition entre le fond et la forme

On en reparlera….


mercredi 2 octobre 2019

RESPONSABLE

Etymologiquement, c’est celui qui répond, celui qui est garant.

Ceci peut éclairer les interrogations des Rouennais, mais aussi des Français. En ce moment, celui qui répond, c’est le Premier Ministre.

Ceci le rend il responsable ? Peut être. Aux marges. Il se met en avant parce qu’il sait que sa responsabilité est limitée. Il gagne du temps et en fait gagner aux principaux responsables. Car la bouillie médiatique oublie un acteur essentiel : le directeur de l’usine, responsable du site.. Lui, pas un mot, pas une interview. Il se cache, signe cardinal de son angoisse. Mieux encore ; on apprend qu’il a demandé une enquête au motif que l’incendie aurait pu démarrer hors du site. Signe évident de responsabilité… C’est créer une enquête dans l’enquête qui n’a pas commencé.. Brouiller les pistes, ce que font spontanément tous les coupables.

Présumons… Présumons de rien.

1/ voilà des années qu’on nous serine que les cadres sont mieux payés, à raison de leurs responsabilités. Le mec n’étant pas payé au SMIC, son salaire est la preuve évidente de sa responsabilité. Car, vu son poste, la sécurité du site était de son ressort

2/  certes, il y a des contrôles d’Etat. Contrôles supposant une intervention du directeur chargé de les appliquer. L’Etat a la responsabilité de dicter les instructions. Le directeur a la responsabilité de les appliquer. Il est responsable des erreurs et des manques.

3/ on va chercher des lampistes. C’est confortable mais c’est oublier que les lampistes obéissent aux instructions du directeur, aux process qu’il met en place et vérifie. Car le directeur est responsable de TOUT… Via son directeur des RH, il engage même le cariste qui se trompe et engage sa responsabilité. Son équipe dépend de lui, il l’a engagée, il la contrôle dans l’organisation pyramidale que suppose toute entreprise. D’ailleurs (voir point n° 1)il est payé pour ça

4/ sur place, le directeur représente un conseil d’administration à qui il rend compte.
Problème : Lubrizol est une société américaine et poursuivre le conseil d’administration n’est pas possible. Le vrai patron, le financier Warren Buffet, est inaccessible à la justice française. Pas grave : sa responsabilité sera financière.

Bien entendu, il est hors de question que l’Etat paye. Il a fait son boulot de contrôle. L’Etat n’a rien à se reprocher. L’usine existe depuis plus de 60 ans. L’accident arrive à un moment T. Peu importe ce qui s’est passé avant. Le moment du sinistre dépend du directeur actuel. Et il doit en supporter le coût.

La machine à brouiller les cartes est en route…Elle atteindra son point culminant avec l’intervention des avocats qui défendront le directeur ; avec le directeur lui même qui a pris (volé) le salaire de la responsabilité mais refusera de l’endosser. Le Code des Assurances est fait pour aider les cadres, pas les caristes.


Après, on se demande pourquoi il y a des gilets jaunes. On leur refuse le salaire mais on leur laisse la responsabilité.

mardi 1 octobre 2019

CHAMEAUX, PALOMBES, DINOSAURES ET GRETA

Tous les gens un peu cultivés connaissent feu Stephen Jay Gould. Délicieux penseur, grand maître de l’évolution darwinienne, écrivain prodigue qui savait mettre à la portée de tous des idées complexes. Personne ne connaît son copain Nils Elredge.

Gould et Elredge sont les créateurs d’un des concepts les plus intelligents de l’épistémologie contemporaine : l’évolutionnisme ponctué. Kesaco ?

Depuis deux siècles, les paléontologues se battaient comme des chiffonniers sur la manière dont l’évolution fonctionnait. Y’avait deux écoles : les évolutionnistes et les saltationnistes. Ils pouvaient pas se piffer tant leurs idées étaient différentes.

Les évolutionnistes affirmaient que l’évolution allait lentement. Que siècle après siècle, les espèces accumulaient les changements mineurs qui, avec le temps, devenaient changements majeurs. Ils s’appuyaient sur des séries comme celle des nautiles fossiles et quand tu les regardes, les nautiles, tu leur donnes raison.

Les saltationnistes, eux, croyaient dur comme fer que l’évolution procédait par saut. Que les changements arrivaient d’un coup et, plouf ! une nouvelle espèce apparaissait. Leurs exemples venaient plutôt du monde des vertébrés et, quand tu regardais, tu leur donnais raison.

L’évolutionnisme ponctué donne raison à tout le monde. Raison ou tort, selon que t’es optimiste ou pessimiste. Pour Gould et Elredge, l’évolution fonctionne généralement lentement mais il est des époques où ça va très vite. L’évolutionnisme est ponctué de saltationnisme. Quelques millénaires où il ne se passe quasiment rien et, soudain, irruption dans le monde d’une tétrachiée de nouvelles espèces. Bien entendu, ça ne doit rien au hasard. Ces périodes de saltationnisme, ces ponctuations dans l’évolution viennent de changements brutaux (enfin, brutaux, c’est à l’échelle géologique, on cause en siècles quand même) dans l’environnement. Si ton environnement change, t’as intérêt à t’adapter fissa sinon tu disparais.

Là où c’est génial, c’est que ça remet l’environnement au centre de la problématique. Jusqu’à Gould et Elredge, on l’ignorait, on analysait l’évolution comme un en-soi détaché des contingences. Bien sûr, on savait que les continents dérivaient, que dans une région donnée le climat changeait, mais tout ça va pas très vite. Ça faisait les affaires des évolutionnistes.

Sauf que c’est pas vrai. Ça dérive lentement mais il y a un moment où ça touche. Et là, les faunes se mélangent. Les animaux (mais aussi les plantes) passent d’un continent à l ‘autre. Les proies ont de nouveaux prédateurs, les virus et les maladies s’échangent. Y’en a qui renforcent leur immunité, d’autres pas. L’environnement explose. En quelques siècles (c’est pas beaucoup), tout change. Faut s’adapter ou disparaître. Pendant quelques siècles, l’évolutionnisme plan-plan est remplacé par le saltationnisme. C’est l’évolutionnisme ponctué.

C’est génial parce que ça met tout le monde d’accord. On arrête de dépenser son énergie à des querelles sans intérêt. On se concentre sur l’essentiel.

C’est génial parce que ça remet la géographie au premier plan. Ce sont les changements de terrain qui font bouger la vie. Elle bouge pas toute seule dans un environnement indifférent. C’est comme les anciens ports de Crète que les archéologues retrouvent à 50 m d’altitude. Un bon tremblement de terre avec un léger basculement et ton bistro sur le port devient refuge pour randonneurs. Des fois, c’est moins brutal. Tu prends ton eau dans un fleuve qui alluvionne et dont le cours s’éloigne lentement. Année après année, tu vas corriger, allonger tes canaux, modifier tes écluses, mais la pente est de moins en moins favorable. Un jour, t’auras plus accès à l’eau. Gentelle a étudié le phénomène dans Traces d’Eau.

C’est juste la vieille idée du point de rupture. De la dernière paille qui casse le dos du chameau. De la crise. Kruzein, en grec, c’est un moment, le moment culminant d’une maladie. T’en meurs ou t’en sors guéri. Et la critique, normalement, c’est ce qui provoque la crise. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait accélération d’un mouvement. Mais il y a un moment où ça pète, où le fil casse. Même en dérivant très très lentement, il y a nécessairement un moment où les continents se touchent. Sauf que moment, c’est pas le bon mot. A l’échelle géologique, un moment ça peut durer des siècles. Et un moment historique comme la Révolution française, ça dure dix ans. Faut faire gaffe aux mots.

L’essentiel, c’est cette idée que les changements du terrain font bouger la vie. Cette idée, elle est diaboliquement absente de nos débats parce que les changements ne sont que peu perceptibles. Les changements climatiques, par exemple. Ça va pas vite à l’échelle humaine. Tu prends un ou deux centimètres de montée des océans par décennie. T’avales un degré moyen tous les demi-siècles. Pour les néo-évolutionnistes, c’est peanuts. Ils croient dur comme fer que ça va lentement et, corrélativement, que ce sera réversible. Par voie de conséquence, ils ne peuvent pas prendre en compte le discours des catastrophistes. Les catastrophistes, les mecs du GIEC par exemple, sont généralement des scientifiques. Ils sont habitués à d’autres échelles temporelles que le grand public ou les politiques. Prends les climatologues. Ils s’appuient sur les travaux de Lorius qui te parle du climat il y a 300 000 ans. Comment tu veux qu’un politique dont l’horizon est limité à l’élection de 2022 comprenne ? Mais les scientifiques, ils savent qu’une paille suffit à briser le dos du chameau. La dernière. Minuscule. Celle qui te fait passer de la lente évolution à la brutale rupture.

Face aux changements du terrain, les clivages deviennent flous.  Les tenants du Progrès (droite et gauche confondues) sont fermement convaincus que la technologie réglera les problèmes. Quand y’aura plus de pétrole, on aura des autos électriques. Les anxieux sont totalement persuadés qu’on n’y arrivera pas. Pourra t-on construire des autos sans du tout de pétrole, c’est à dire sans plastiques ? On a des exemples : pour produire des biocarburants, il faut beaucoup de pétrole ce qui rend l’opération moins rentable qu’on ne l’affirme. On peut se jeter des arguments à la tête pendant des années.

Et puis, les dinosaures n’ont pas disparu. Y’a que les baltringues pour y croire… Les dinosaures ont évolué…. En oiseaux par exemple.. Ben oui, les palombes de Darroze sont des dinosaures qui ont évolué. En général, les extinctions de masse sont suivies de créations de masse… Avec des chameaux qui résistent à la dernière paille.


Faut le dire à Greta