lundi 29 juin 2020

LA PENSÉE NÉGATIVE

Période d’élections….¨Période favorable à l’introspection, surtout dans une petite ville. J’avais oublié. Beaucoup de candidats me sont connus. J’ai mon Jiminy Cricket avec moi. Il m’interroge ; et lui ? Tu n’y penses pas.. Il n’a qu’un neurone, et encore on lui a greffé.

Le jeu est facile : avec lesquels de ces candidats aimerions nous diner ? L’avantage, c’est que ça va pas nous détruire le budget.

Jiminy revient a l’essentiel, la littérature. On parle de nos favoris ; Céline, Cioran, Bernanos. Se profile ainsi une parenté : les auteurs qui savaient dans quel monde ils vivaient. Les auteurs négatifs. Race disparue. Ce sont les auteurs de la lucidité, ceux qui voient les dangers qui se profilent. Ceux qui consultent l’Histoire et la convoquent dans leur réflexion. Ceux qui ne cèdent pas aux sirènes de la modernité et appellent Sénèque au secours pour comprendre Macron.

Ils ne sont pas audibles. Souvent par la forme. La lucidité rend violent avec le temps qui passe et l’époque hait la violence. L’époque hait la haine et l’affiche sans cesse car elle a encagé la haine dans des lieux réservés à cet effet. On a le droit de haïr les groupes haineux. Je hais la haine et ma haine n’est plus haine car son objet est haïssable. Quand une réflexion commence ainsi, elle est intellectuellement morte.

Ils ne sont pas audibles. Souvent par leur culture. Cette culture sans cesse appelée au micro, mais toujours rejetée dès lors qu’elle existe, au motif de son élitisme. Il est inutile de parler de Jules César dans un groupe LBGT. César, le mari de toutes les femmes, la femme de tous les maris. Jules devrait être une icône. Mais, comme je l’ai entendu, personne n’a lu César. Pas grave, la formule est de Suétone que personne n’a lu non plus.

Ils ne sont pas audibles. La doxa leur est indifférente. Ils savent bien que les moutons vont en troupe. Eux sont des béliers et n’ont que faire de la taille du troupeau. Ils écrivent pour peu. Parfois, on se demande : écrivent ils pour quelqu’un ?

Il est temps de refonder le négativisme Jiminy me souffle à l’oreille : personne ne te lira.. Jiminy se trompe. Ils seront peu nombreux. J’en connais déjà quelques uns. Peu nombreux, il est vrai. Peu modernes, il est vrai également.

Nous sommes dimanche 28 juin. J’écoute les commentaires électoraux stupides. L’abstention augmente. Faux. Les Français de base, ceux avec qui je m’entends bien, ont déjà voté et ont élu leur Maire. Nous votons pour les maires des métropoles, la fausse France. L’abstention est urbaine, citadine. Car le citadin, je l’ai déjà écrit, veut le beurre et l’argent du beurre : il vote pour qui lui promet les deux et comme tous promettent les deux, il hésite, vacille et s’abstient. Les commentateurs me filent des boutons. Après avoir passé des mois à analyser les Gilets jaunes, ils les gomment de la réflexion et reviennent aux antiques logiciels. On s’oriente vers une vague verte. En ville. Il n’y a pas de vague verte dans la France périphérique. Et encore moins dans la France rurale : elle est déjà verte.

A Escos, il n’y a pas eu de second tour. Le premier tour enregistrait 86% de participation, en nette baisse par rapport aux 91% de l’élection précédente. Abstention ? A côté, à Labastide, 74% des habitants avaient voté au premier tour (baisse de neuf points, note le commentateur) pour porter à la mairie le frère de Maryse et le fils d’Albert, le menuisier. Abstention ?

La France, c’est ça. Un pays rural, émietté, une dentelle de territoires administrés par des individus qui bossent sur le curage des fossés et la réparation du mur du cimetière. Des individus oubliés, méprisés par une administration imbécile et des médias inconséquents. Des territoires qui échappent à la statistique et sur lesquels le discours de la science politique glisse sans trouver prise. Des territoires tellement nombreux, tellement divers qu’on ne sait pas comment les regrouper. Ils échappent à la discursivité ; il n’y a rien à en dire que puisse entendre la masse laquelle justifie les tarifs de la pub. La ruralité est économiquement transparente.

La pensée négative semble se draper dans les oripeaux de  Barrès ou Giono mais c’est une vision d’écolo. La ruralité est une incessante lutte contre la Nature, une lutte raisonnée devenue déraisonnable par la pensée quantitative. Les gestionnaires des villes s’opposent sur les moyens de gérer la campagne. En laissant les campagnards sur le bord de la route. Que l’on remplace l’instituteur par le bus de ramassage ou par le télé-enseignement est pareil : c’est enlever un homme à un lieu qui en a besoin.

J’ai vu disparaitre les instituteurs-secrétaires de mairie au nom de la rentabilité. Personne ne voulait voir que l’instituteur était d’abord un truchement, l’homme qui expliquait au responsable rural la volonté de l’administrateur urbain. Un lien entre discours opposés. Un lien humain, pas économique.

Jiminy m’écoute. Il sait de quoi je parle, il a été carassoneur. Métier ingrat, fatigant, indispensable au vigneron, non mécanisable, un métier de la terre. C’est l’homme qui vérifie, chaque année, les piquets de la vigne et la conduite de la plante, c’est à dire, in fine, sa production. Le métier n’existe pas dans les statistiques : on écrit « ouvrier agricole ».

Remettre l’homme au centre. Tout le monde en parle. Mais personne ne sait. Il faut simplement gommer le mépris. L’administrateur sciencepotard n’a plus besoin de l’instituteur truchement. Il a imposé son discours et méprise les autres.

La pensée négativiste ne méprise rien, sauf les égos surgonflés. C’est une pensée de l’erreur, plus encore de l’erreur créatrice, une pensée qui valorise la création quel que soit le chemin choisi.

Surtout s‘il est solitaire. Le chemin du bélier est toujours solitaire. Seuls les moutons, derrière, vont en groupe.



jeudi 25 juin 2020

LE MONDE EST A NOUS

C’est intéressant. Voit naitre une boite, la voir grandir et assister à sa déconfiture, ça permet de comprendre plein de choses. C’est le privilège des vieux.

Et donc, je regarde avec intérêt les soubresauts de l’agonie de TUI-FRANCE. C’est la maison-mère de Nouvelles Frontières, Corsair, Look et Marmara. Va y avoir du cadavre dans le plan social !!

Pour moi, Nouvelles Frontières, c’est la rue Croulebarbe, chez Jacques Maillot, avec Claude Verrien et Claude Sauvageot…Je vous parle d’un temps… Un temps où le voyage en France appartient à peu de monde : Havas est le plus gros, appuyé sur son réseau d’agences de province, et derrière….. Rien. Le voyage est affaire de boutiquiers de province. Le Club Med émerge mais il s’agit essentiellement de séjours, pas de voyages. Acceptons l’existence de Fram.

Les deux poids lourds qui émergent sont Jacques Maillot avec Nouvelles Frontières et Maurice Freund avec Point Mulhouse. Je ne les sépare pas. Ces deux là se tiennent à la culotte, s’observent, se copient.  Les deux sont d’anciens scouts, ce qu’on appelait alors des chrétiens de gauche. Les deux sont appuyés sur des associations 1901 avec une nuée de bénévoles, dévoués, bosseurs, connaissant le monde. Ils sont imités. Le modèle associatif structure le monde du voyage. Le challenger est la FMVJ, la Fédération Mondiale des Villes Jumelées, encore une association 1901. Air France crée Jet Tours qui s’empresse d’avaler Jumbo dont le modèle économique est proche. Naissent dans la foulée des dizaines d’entreprises souvent oubliées et des créateurs passés à la trappe… Se  fondent des généalogies, oubliées également. Jean-Pierre Picon fonde Explorator qui donnera naissance à Terres d’Aventure ou Déserts, voyagistes nés du désir de faire mieux par des collaborateurs impatients.

Ainsi nait le voyage à la française. Dans un fouillis de petites boites, de gens de haute qualité qui vont de l’une à l’autre, qui inventent, qui foutent un bordel pas possible. Tous ces voyagistes sont éditeurs : la FMVJ a créé les guides Delta, les guides NF sont distribués par Hachette qui a l’expérience du Guide du Routard, Jacques Klein s’évertue a décrire l’Asie, les Van der Vynckt font un carton avec des guides polycopiés. Le voyage est un savoir, un bien culturel. C’est le lieu de l’unique.

Mais voilà. Au lieu de comprendre que ces centaines de petites boites créent un biotope unique, comparable au stock d’un fromager, le système est à l’œuvre, la normalisation est en marche. Toutes ces petites boites font un marché et il importe de le structurer. Et la structure va détruire le savoir des hommes sans voir qu’elle n’existe que par ce savoir. Ce savoir qui n’apparaît pas dans les bilans. Parce que tous ces gens dont je me souviens cinquante ans après : Jacqueline Milcamps, Jean Labarthe, Pierre Vernay, Claude Saulière, Jean Sudriez, sur les bilans ils sont sur la même ligne : Salaires et honoraires. Il faut qu’ils disparaissent pour être valorisés.

Maillot a vendu à TUI. Pourquoi pas ? Et TUI a pensé que Nouvelles Frontières était un bilan. Le groupe TUI a géré sa filiale française comme si elle était hors sol. Le groupe TUI n’a pas imaginé que le voyage unique à la française n’était pas soluble dans le voyage teutonique. Le Bavarois ne voyage pas comme le Bourguignon. Voilà des années que TUI accumule les pertes sur le marché français. What else ? Gérer le voyage comme des vélib, c’est déjà con…Mais comme des Allemands, c’est encore plus con…

J’exagère. TUI a été trompé… Il a acheté des bilans. Et il a nommé comme président un lecteur de bilans…Personne n’a dit à TUI que l’esperanto financier n’existait pas.

Je fais vieux con, allons jusqu’au bout. C’est un basque qui va liquider Corsair. C’est le moment de rendre hommage à un autre basque, le bras droit de Jacques Maillot quand il a racheté Corsair, Mikel Landaburu, directeur financier de NF, une sorte de Mozart de l’échange des devises. TUI avait des ordinateurs, Maillot avait Landaburu. NF valait cher, TUI ne vaut rien.

Je dis ça, je dis rien…. Fosun va racheter TUI. On parie ?



mercredi 24 juin 2020

DEFENSE D’AMAZON

+ 26% pour Amazon pendant le confinement !!! Ça suffit pour que les chevaliers blancs du petit commerce enfourchent leurs destriers et enjoignent d’abattre le géant américain. Faut donc rappeler quelques évidences. Amazon a pris ses parts de marché en s’appuyant sur le marché du livre pour lequel j’ai quelques connaissances. Ce qui me permet d’affirmer qu’Amazon n’a pas tué la librairie laquelle s’est suicidée toute seule avec une désarmante bonne volonté.

1/ le premier coup de poignard fut porté par la loi Lang. Les libraires affirmaient, à juste titre, que le livre n’était pas une marchandise comme les autres et exigeaient qu’on le traite comme le roquefort ou les yaourts, sur le prix, ce qui est une infâme banalisation. Vision thatchérienne et incomplète cat ils n’ont pas osé aller plus loin en affichant le prix à la page (équivalent du prix au kilo du gruyère) qui aurait démontré que Pleiade était la collection la moins chère du marché.

2/ ils ont laissé croire que les maisons de la presse étaient des librairies alors que tout les sépare. Ce n’est pas parce qu’on vend des livres qu’on est un libraire. Le public en déduira qu’Auchan est un libraire. Ce qu’il a fait.

3/ ils se sont mis entre les mains des distributeurs en adhérant en masse au système des offices avec droit de retour.

Bref, ils ont abandonné tout ce qui faisait leur savoir de libraire, y compris dans ce qu’il avait de plus rentable, le mélange entre livres récents et livres épuisés et l‘importation de livres étrangers. Car, en librairie comme ailleurs, c’est le savoir qui crée la marge.

Les débuts d’Amazon furent difficiles. Dix ans de pertes. Bezos est un génie : se faire aider par les banques pendant dix ans relève du génie. Mais il a réfléchi. Il a confié l’analyse de sa boite à un surdoué, Kevin Anderson, qui en a extrait le principe de la Longue Traine. Règle : en matière de biens culturels, chiffre et marges sont créés par les échecs. Facile à comprendre : dans le temps où tu vends 100 exemplaires d’un best-seller, tu vends aussi 200 bouquins à l’unité dont le total est supérieur à celui des ventes du best-seller. Bezos a donc réorganisé Amazon pour bénéficier de la Longue Traine et la boite a enfin décollé. En suivant des habitudes de libraires qui savent que la demande client ne peut être satisfaite que par un stock colossal. Ce qu’un libraire entend le plus souvent est : « C’est une caverne d’Ali Baba chez vous ».

Ne rentrons pas dans le détail ou l’anecdote : Amazon affiche le plus important stock du monde ce qui est la caractéristique d’une bonne librairie. Amazon surfe sur l’abandon du métier de libraire par des milliers de libraires qui se mouraient avant que le géant américain ne porte le coup de grâce.

C’est beaucoup plus grave, en fait. Amazon tue les meilleurs. Prenons un exemple facile : Spinoza. Tout libraire sait qu’il est un éditeur spécialiste de Spinoza : Brill à Leyde. Avant Amazon, un seul libraire avait tous les ouvrages Brill dans son stock : Vrin place de la Sorbonne. Amazon pioche dans les ventes de Vrin et c’est grave parce que ça affaiblit la diffusion de la philosophie dans le pays.

Je n’ai pas suivi l’itinéraire d’Amazon. Mais s’ils ont bossé sur la mousse à raser comme sur le livre, ils boufferont aussi le marché de la mousse à raser. Ça arrive quand les gens réfléchissent.


Ce que ne font pas les chevaliers anti-Amazon.

dimanche 21 juin 2020

L’ART NÈGRE

Bon…Quelques pseudo intellectuels veulent enlever de nos musées ce qu’ils jugent être leur patrimoine culturel, enlevé et quasiment razzié par les colonialistes. Les Grecs avaient déjà fait le coup avec les frises du Parthénon.

Et donc j’ai envie de parler de Griaule. Marcel Griaule est l’initiateur de la première grande expédition ethnographique française, Dakar-Djibouti, dans les années 1930, avec pour secrétaire Michel Leiris. La force de Griaule est de réinsérer l’art africain dans un contexte religieux et social. Il abolit « l’art négre » du vocabulaire en se référant au peuple dogon dont il passera sa vie à analyser la production artistique. Griaule s’opposera vivement à Leiris qu’il trouve scientifiquement médiocre tandis que Leiris critique ses méthodes jugées colonialistes. Vu de loin, les deux avaient raison.

Moi, ce qui m’intéresse, c’est le regard. Griaule porte sur les arts primitifs le regard que les historiens « classiques » portaient sur l’art minoéen ou étrusque. Ce regard qui fait d’un masque un objet d’étude et de musée. Griaule intègre l’art africain dans la culture universelle.

Il n’a pas été le seul. Au moment où la Nouvelle-Calédonie va accéder à l’indépendance, on peut penser à Maurice Leenhardt et à son travail sur la civilisation kanak ainsi qu’à la création de la chaire de houaïlou à l’ENLOV. Et oui, Leenhardt fait du houaïlou un universal du langage. Bien avant Google

Alors, je m’énerve. L’intégration des peuples « primitifs » à la culture universelle fut le fait du colonialisme. On peut toujours jeter le bébé avec l’eau du bain mais on ne peut pas nier l’immense travail accompli par les universitaires occidentaux au service des civilisations extra-européennes. Nous avons bâti des musées, des archives et des bibliothèques pour conserver, étudier et magnifier un patrimoine qui n’est pas à nous et lui donner une dimension universelle.

Je m’énerve quand je vois les innombrables citations de Fanon qui oublient toutes de dire que Fanon put faire des études de médecine grâce à une bourse octroyée par le général Salan. Dès qu’ils ne sont plus des salauds, on occulte les colonialistes.

Pensée manichéiste propre à détruire tout ce qui pourrait apparaître comme positif dans les relations humaines. Je suis un Blanc septuagénaire provincial. Détestez moi, je vous emmerde. Le jour où j’irais mal, je chercherais conseil et réconfort auprès de mon petit frère kanak ou de mon cousin gwada qui ont la peau noire et l’esprit ouvert. Avec eux, je peux parler sans trucage, sans anathème, sans mythes. Sans couleur. Sans barrière.


Et si vous vous emmerdez, intéressez vous à Solange Faladé. Béninoise. Ha ? black, comme Fanon ? On peut le dire comme ça. C’est pas vraiment pertinent, mais c’est pas faux. Psy. Ha ? comme Fanon ? On peut le dire comme ça. Fondatrice et première présidente de la Fédération des Etudiants d’Afrique noire….Bloquez….Il ne s’agit pas des étudiants noirs d’Afrique. Ce qui est noir, c’est l’Afrique, pas les étudiants. Elle connaissait le sujet, elle était la petite fille de Béhanzin. C’est de la légitimité coloniale, ça.

Je sais. Pour ce genre de personne, vous avez inventé un mot : Bounty. Noir dehors, blanc dedans. Seule compte la couleur. Avec vos conneries, vous allez détruire le pays qui a permis à Fanon, Senghor, Césaire, mais aussi Faladé , Monnerville ou Houphouet-Boigny d’exister. C’est se tirer une balle dans le pied.


Restent Taubira et Sibeth N’Diaye. Je parie qu’elles ne connaissent pas Solange Faladé. Elles pourraient comprendre que la couleur de l’épiderme n’influence pas le développement neuronal.

vendredi 12 juin 2020

L’ENTASSEMENT

Bien. L’épidémie se calme. On va faire les comptes. Ou plutôt on ne va pas les faire. Il ne s’agit pas de remettre en cause quelques années de gestion stupide ou paraissant telle et de remettre la vie humaine au centre du jeu.

Les iconocartes départementales sont totalement inutiles : elles indiquent simplement la localisation des hôpitaux. Les cas les plus graves ont été transférés au CHU le plus proche. Par voie de conséquence, les meilleurs hôpitaux enregistrent le plus de morts. C’est parfait. Il suffira d’affiner un poil pour prouver que la mortalité a été supérieure dans le public que dans le privé.

Une surprise malgré tout : Toulouse a été misérablement impactée. Tout comme Clermont-Ferrand et Grenoble. Le virus est il sensible à l’altitude ? Ou à l’anorexique démographie des régions montagneuses ? On choisira l’explication en fonction du résultat désiré.

La gestion énarchique, c’est comme ça que ça marche, à coup de prévisions autoprévisibles. Ainsi, ma chère ville de Bayonne enregistre le plus fort taux de naissance de la région. Il ne faut pas imaginer les habitants comme des lapins lubriques. Mais, la plupart des maternités de proximité ayant été supprimées, les parturientes viennent pondre à Bayonne, justifiant ainsi le choix de départ On l’a déjà dit. L’ENA n’est pas une école d’administration, c’est une école qui rend le territoire administrable par un certain système. Une grosse couveuse à feignasses. Prenons un exemple : Laurent Nunez. Il a été deux ans sous-prefet chez moi. Il avait à s’occuper de villages comme Arancou ou Orsanco. En deux ans, combien de fois a t’il visité ces hauts lieux de civilisation pour en rencontrer les édiles ? Je déconne pas : à Arancou, il y a un abri sous roche magdalénien qui est un des plus anciens habitats du Pays basque. Il y a aussi une église du XIIème siècle érigée pour les pèlerins allant à Compostelle car Arancou est un village compostellan. Avec ses 150 habitants, le maire ne peut tout simplement pas mettre en valeur son patrimoine. Une visite annuelle du sous-préfet me semble être le service minimum. Mais les sous-préfets ne vont plus aux champs. Et Nunez, comme ses homologues, a laissé Arancou être englouti par la modernité.

Administrer un territoire, c’est un travail de dentellière. Chaque village a ses spécificités, son patrimoine, ses routes, ses productions et ses difficultés. Et chaque village participe, à sa manière, à la richesse de la France. Mais l’époque n’est plus aux dentellières. Ne compte que ce qui peut être compté. Et encore à condition de le vouloir. Car l’énarchie a oublié cette vérité première = toute statistique commence par UN. Un mec qui plante de la vigne, un mec que son voisin imite pour améliorer son ordinaire, puis un autre…Et on crée une appellation. A ce moment, la quantité est suffisante pour justifier la statistique qui n’est possible que par l’unique du départ.

On voit cette idéologie à l’œuvre sur le territoire national : regrouper pour faciliter. La première régionalisation comportait 22 régions conçues comme les arrière-pays de 22 métropoles. La dernière n’en compte plus que 13 avec des chimères géographiques comme la Nouvelle-Aquitaine qui englobe désormais le Poitou-Charentes et le Limousin. Cela signifie d’abord une perte d’influence pour Poitiers et Limoges dont la croissance se trouve menacée  en devenant des métropoles secondaires. La théorie du ruissellement restant à l’œuvre, cela signifie également un affaiblissement de l’ensemble. Bordeaux va capter l’essentiel de la croissance démographique au détriment de Limoges ou Brive. Tous les énarques sont d’accord : il est plus facile de gérer 13 métropoles que 22.

L’entassement de la population est en bonne voie. C’est profitable aux virus. Plus les humains sont nombreux et serrés, plus le virus circule. Si l’on excepte Toulouse, les villes les plus touchées sont les villes possédant un métro. Il y aurait une corrélation à chercher entre mortalité et transports en commun, le tramway me paraissant avoir les mêmes effets que le métro.

L’hygiénisme est né au XIXème siècle. Il s’agissait de limiter l’entassement pour protéger les hommes de la pandémie du temps : la tuberculose. Rien n’a changé sauf la manière d’administrer les hommes. Désormais, on les entasse de nouveau, avec de nouveaux arguments. Mais l’entassement est toujours aussi assassin. Avec un détail : on ne peut pas d’un coup, revenir en arrière, rouvrir les écoles, les postes, les hopitaux fermés afin de permettre aux citoyens de vivre dans un environnement plus protecteur.

La métropole idéale, on la connaît. Une ville moyenne (de 10 à 20 000 habitants) sans zone commerciale, sans grande distribution agressive, avec un ou deux marchés de producteurs locaux par semaine, un hopital et une maternité, et un arrière-pays organisé en villages où le citoyen peut trouver les services essentiels avec guichets uniques (mairie, CPAM, CAF, poste), une école à taille humaine. Un seul inconvénient =  l’omniprésence de la voiture individuelle tempérée par la proximité. On peut y pallier par le covoiturage et quelques pistes cyclables.

Oui, il faut vingt métropoles de cette taille pour équivaloir une métropole régionale de 400 000 habitants. Et beaucoup plus d’équipements, de fonctionnaires, d’investissements. Et alors ? Nous l’avions il y a cinquante ans. L’Europe veut faire vivre un géant comme la France à la manière d’un nain comme le Luxembourg. La seule réponse possible est NON. Et oui, c’est un changement d’habitudes, de vie quotidienne, c’est surtout un changement d’administration.


L’entassement est mortel. Il faut le desserrer. Nous devons apprendre a vivre avec les pandémies qui aiment le bouillon de culture qu’est la ville. Il faut casser l’écosystème du virus. Le capitalisme finira bien par comprendre qu’il a besoin de travailleurs pour prospérer

mardi 9 juin 2020

TRAHISON ET RACISME

On est en 2015. Je viens de publier un livre sur un général napoléonien. Jean Tulard qui est LE spécialiste français de Napoléon m’a accablé de compliments. Ça brosse l’ego.

C’est vrai que je suis fier. Le général en question est l’ancêtre direct de mes enfants. Au départ, il est cordonnier. Martiniquais (Pierrotin, pour être précis), il a eu une carrière exceptionnelle. J’ai tout vérifié à Vincennes. Les avancements, les batailles, les blessures. Faisons court. De batailles en prisons, le cordonnier pierrotin a été nommé général par Napoléon lui même sur demande de Murat pendant la campagne de Russie. C’est pas rien quand même ! Je rappelle que mon cordonnier était né d’une famille d’esclaves, il était « libre de couleur », soumis au Code noir. Nègre pour le dire simplement avec le vocabulaire du temps. Même qu’avec son copain Louis Delgrès, il a proclamé l’abolition de l’esclavage à Pointe-a-Pitre en décembre 1792. Ça a pas duré longtemps. Il a fallu recommencer plu tard.

Il y avait une légende familiale mais après avoir bossé j’offre à mes enfants un aïeul exceptionnel, un mec dont ils peuvent être vraiment fiers, le seul général noir de l’Empire, les autres, Dumas, Changatte, avaient été nommés par la Révolution. Avec le temps, je suis devenu copain avec Joseph Serrant. Grâce a lui, mes enfants sont afro-descendants ce que la légende familiale avait un peu oublié.

A l’époque je bosse à la télé, une télé antillaise. Je m’entends bien avec Jeff, mon boss, nous partageons des galères. J’ai parlé à Jeff de mon nègre. J’ai envie de faire un scénario et Jeff fonce. Il se démerde pour que j’ai un rendez-vous avec un gros producteur martiniquais de la télé nationale. Rendez-vous dans ses bureaux, Jeff veut être certain qu’on bosse en équipe. Il va jusqu'à nous faire le café.

Je raconte l’histoire. Je fais court, c’est un producteur, pas l’effrayer avec trop de figurants, trop de batailles. Pour la campagne de Russie, j’insiste sur Eugène de Beauharnais, c’est un compatriote.

Quand j’ai fini, le producteur gouvernemental me regarde, apitoyé. « Je ne peux pas financer un film sur un traitre ». Un traitre !! Traitre à qui ? Près de quarante ans de guerres, une collection de blessures qui aurait du le tuer, un mec apprécié par Murat, reconnu par Napoléon, aimé par Molitor et par Eugène. Elle est où la trahison ? Je m’énerve. Jeff va faire un café de plus, il veut me calmer.

« Il a trahi sa race ».  Blouf ! Le producteur développe. Napoléon était esclavagiste, tout le monde sait ça. Mon général avait oublié son copain Delgrès, bla-bli, bla-blo…..

Je suis espanté. Je pouvais tout attendre mais pas « traitre ». J’étais fier d’avoir rendu aux Antilles un grand soldat oublié. Chez ACI, le racisme est inexistant. Je bosse avec Jeff, Philippe, Loulou, Jean-Claude, sans que le sujet n’ait seulement  été évoqué.

A force, on se coupe. A force d’être ordinaire, on se coupe des anormaux. Alors quand ils débarquent dans ton quotidien, forcément, ça surprend. Dans notre écosystème, le producteur gouvernemental introduisait le racisme qui en était absent.

Pour nous, « traitre » c’était traitre à la Nation. Parfois à sa femme, mais c’était moins grave. Pour être traitre à sa race, il faut avoir la « race » dans son logiciel. Je comprends aujourd’hui que le vrai raciste est le producteur qui se prétend antiraciste parce que lui ne fonctionnait que sur la race. Et il voulait la glisser entre nous comme un coin mortifère.

Il n’y a pas de négres aux Antilles, depuis, au moins, la Révolution. Il n’y a pas non plus de Noirs, ni de coloured, ou de je ne sais quoi. Juste des Antillais.
Un traitement différent installe le racisme et dire « j’aime les Noirs » est aussi raciste que « Je n’aime pas… » parce que ça met en avant la couleur. Même positive la discrimination reste une discrimination.

C’est pour ça que j’aimé Joseph Serrant. Il s’est saisi de la Révolution comme d’une arme. Avec les droits de l’homme, il  effacé sa couleur, il a gommé sa modeste origine. Ce n’est pas allé sans mal : il a aussi abandonné le créole car le français est la langue de la République. Caractéristique du traitre ? Militaire, il fut jacobin. Est ce une traitrise ? Il a passé sa vie à se battre pour la Nation.

Je sais, ça sonne désuet de nos jours. Mais il faut choisir ses mots. Et traitre ne convient pas.


Pas plus que « vendu ». En traitant un policier noir de vendu, on le renvoie à sa couleur de peau. On agit comme un raciste

vendredi 5 juin 2020

SE FAIRE BIAISER

Pauvre Ruth ElKrief…Comment qu’elle s’est faite renvoyer dans ses 22 par Panoramix !! J’avais honte pour elle, mais je dois admettre qu’elle a été un  toro brave. Plus elle en prenait, plus elle y retournait. Dans l’ensemble, Raoult a été sympa. Il a eu dix occasions de porter l’estocade dont il n’a pas profité.

Elle ne se rendait absolument pas compte du décalage épistémologique. Raoult l’a dit à plusieurs reprises, en termes assez galants. Quand un journaliste cite un journal scientifique de haut niveau et parlant de ses sources, commence à se remplir la baignoire du mensonge. Personne ne peut imaginer Madame Ruth lisant  Cell ou le NEJM au petit déjeuner. Elle a ses décodeurs qui lui disent ce qu’il faut lire et ce qu’elle doit comprendre. Ses vraies sources ne sont pas les périodiques qu’elle cite, mais les conseillers qu’elle a choisis et dont je ne sais rien. Elle ment sur ses sources. Tous les journalistes affirment qu’il faut protéger ses sources ce qui évite d’avoir à dévoiler les sources qui les protègent.

Le titre du décodeur semble une protection. Sur tous les plateaux, on a vu se promener les Professeurs de Médecine. Il y en a une tétrachiée dans le pays, donc y’a du stock. Ce qui permet d’interroger un urgentiste qui va intervenir en matière de microbiologie. C’est pas comme ça que ça marche. Il y a dans l’écosystème médical des affinités, des complicités, des coteries, des intérêts croisés, et même des histoires de cul qui dessinent des réseaux. Et là, je pense que Madame Ruth ne sait pas dévoiler l’écheveau.

Mais elle en joue parce que son salaire est décidé par ses auditeurs qui la veulent « sachante » même si elle sait peu ou mal. Et donc, elle se précipite vers le degré zéro du savoir : la statistique, cette merveille qui permet d’asséner des chiffres sur tout et n’importe quoi sans avoir rien à justifier. Avec la prime à la méthodologie qui devient déontologie pour se parer des plumes de l’éthique. Avec la fuite du toro quand la pique devient forte : et vous, si je vous propose un traitement et un placebo, que choisissez vous ? Ce n’est pas le problème. Ben si. C’est même le seul. Soigner.

En fait, Madame Ruth pense que les chiffres sont une passerelle qui lui permet de « conduire » son interview. C’est faux, évidemment. Raoult, il lui a fallu une petite demi-heure pout décrypter l’étude du Lancet : biblio, analyse des chiffres et de leur origine, un nom ici, une équipe là, plein de signes lui sont apparus à la lecture. Des signes qui ne parlent qu’aux pros, ce qui lui permet de conclure : « foireuse ».  Mais jamais ces signes ne sauteront aux yeux de Madame Ruth, car elle n’est pas une pro en virologie et parce que ses décodeurs n’ont pas attiré son attention. Sur le sujet, elle est comme le toro : limpio, naïve. D’où ma comparaison.

48 heures plus tard, le Lancet se rétractait. Ça arrive souvent qu’une revue se rétracte, mais rarement aussi vite. En général, ça vient un mois ou deux plus tard, sous forme de compléments ou de nouvelles informations.. A priori, il y avait le feu au lac.

Raoult, avec tact, l’avait prévenue : nous ne sommes pas dans le même écosystème. Elle doit avoir des lacunes dans l’écosystème des revues scientifiques. Dans la vie, il y a ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Raoult a vraisemblablement posé son arme sur la table. Et le Lancet creuse.

Toute étude a des biais. Mais si tu ajoutes les glissements sémantiques aux manipulations statistiques, t’as  intérêt à être bordé. Madame Ruth, elle croit que les journalistes sont légitimes quel que soit le sujet dès lors qu’ils pratiquent l’art de la synthèse qui est à la base de leur travail et qui leur permet de squelettiser une pensée pour plaire à ceux  qu’ils pensent être leur public. Et donc, elle se vautre et entraine dans son naufrage une gamine qui devra se reconvertir dans l’art du maquillage.

Elle oublie les bases. Elle a cité Hippocrate en oubliant Galien. Pour définir la médecine, Galien avait imaginé un triangle :  le malade, la maladie, le médecin. Trois singularités. Dix fois, Raoult l’a ramenée à la singularité. Le problème n’est pas de gérer des cohortes, mais de soigner des individus. Le problème est la médecine du talent, pas la médecine du chiffre. Dix fois, elle s’est dérobée, revenant à son écosystème et se ridiculisant.

Là où j’ai eu le plus de honte pour elle, c’est quand elle a demandé à Raoult s’il n’avait jamais pensé à émigrer et qu’il a répondu qu’il était la quatrième génération d’officiers de la Légion d’honneur. Sans insister.


Entre les deux, le fossé était béant.

jeudi 4 juin 2020

LES JACOBEUROPEISTES

Me revoilà pris dans une campagne municipale locale. Belle occasion de voir comment ceux qui ne voient rien aboient plus fort que les autres.

Rentrons pas dans le détail. Le candidat le plus corticalisé (j’entends celui qui a le plus de neurones en état de marche) se fait démolir par l’injure qui tient lieu d’argument suprême et ad hominem. Nous sommes au Pays basque : l’injure suprême, c’est « jacobin » qui ici tient lieu d’alpha et d’oméga de la pensée politique. Naturellement, personne ne sait rien du jacobinisme historique et de son fondateur, le pathétique Le Chapelier. J’en ai déjà parlé de cet enfoiré de Breton : (https://rchabaud.blogspot.com/2013/04/le-chapelier.html)

Regardons donc de près. L’enjeu du débat, c’est l’EPCI Pays Basque,  regroupement de communes, totalement baroque au regard de la géographie. Pas au niveau culturel, les communes sont majoritairement bascophones. C’est donc devenu un enjeu politique dont se saisissent tous ceux qui n’ont aucun sens politique.

L’EPCI est une création européenne. Depuis des années, les GOPÉ, ces instructions européennes destinées à une intégration économique dans le cadre du néolibéralisme, reprochent à la France d’avoir trop de communes et lui enjoignent de les regrouper. Or, si l’on réfléchit un poil, la commune est le dernier rempart face au jacobinisme. Détruire les communes ou les regrouper, c’est ouvrir un boulevard au néo-jacobinisme européen, le jacobeuropéisme. Valoriser l‘EPCI, c’est simplement remplacer le jacobinisme de Paris par celui de Bruxelles.

Je n’aime pas le jacobinisme. C’est une simplification intellectuelle. Personne de sensé ne peut imaginer faire vivre un Gascon comme un Alsacien. La Nation est un concept, une construction coupée de l’essentiel qui est culturel, une construction brinquebalante qu’on a pu utiliser. Je renvoie toujours à Maurice Agulhon.

Mais remplacer le jacobinisme de Paris par celui de Bruxelles me paraît un danger mortel. Elargir le territoire l’offre aux puissances d’argent. Après on peut toujours bêler qu’on est de gauche. Tu peux utiliser ta langue sur un territoire que tu as donné aux banques. La banque publiera de beaux prospectus en euskera, payés par le fric pompé sur ton territoire.

L’EPCI a été proposé par Macron, ministre de Hollande, au moment où il détruisait le Code du Travail.


Alors, mon couillon qui te prétend de gauche, suce avec joie le bonbon idéologique qu’on t’a offert pour t’amadouer.

mercredi 3 juin 2020

LA PROIE ET LE PRÉDATEUR

Ça buzze sur les réseaux sociaux… Un mec vient de sortir un livre affirmant que la Chine est un prédateur dont l’Europe est la proie. J’ai fait justice de cette sottise dans un petit livre refusé par une douzaine d’éditeurs depuis huit ans.

Oui, la Chine est un prédateur. Comme les USA, l’Allemagne ou n’importe quel pays désireux d’affirmer sa puissance. Mais l’Europe n’est pas la proie.

La proie nous la connaissons depuis le 1er octobre 1949 quand le PCC a pris le pouvoir à Pékin. Deng Xiaoping a remis une couche en 1976.

« Qu’importe que le chat soit noir ou blanc s’il attrape la souris ». Encore une histoire de prédation. Le chat est évidemment la Chine. Mais quelle est donc la souris ? L’Europe ? La proie est trop petite pour tenter le prédateur. D’autant que l’Europe est prise depuis longtemps dans le filet chinois qui a eu depuis dix ans l’occasion de se refermer à plusieurs reprises ans que rien ne soit entrepris.

La souris est plus grosse que l’Europe : il s’agit simplement du capitalisme, rien de moins. Mais alors, les U.S.A. ? Non. L’idéologie dominante. L’article 1 des statuts du PCC stipule que le but du Parti est d’assurer la victoire du socialisme à la chinoise, définition où le signe important est socialisme. Une Amérique socialiste fera très bien l’affaire. Pékin ne veut pas contrôler Des Moines. En fait, Pékin ne veut pas contrôler de territoire. Les concessions sont suffisantes.

J’admets. Ce n’est pas évident. Ce n’est même pas audible. Le présupposé est devenu invraisemblable car il suppose que le politique dirige l’économique ce que plus personne ne peut même envisager. L’économie chinoise est une économie d’Etat. Le capitalisme s’en accommode fort bien et les grandes banques d’Etat ont des succursales dans tout l’Occident et interviennent sur tous les marchés.

Lénine avait dit que les capitalistes vendraient la corde pour les pendre. Deng les connaissait mieux : il savait que les capitalistes pouvaient acheter la corde pour les pendre. Et depuis trente ans, la Chine multiplie les offres sur le prix de la corde.

Et depuis trente ans, bloqué par son arrogance construite sur des dividendes obscènes, le capitalisme assuré de son avenir historique, laisse tout faire. Le fossé idéologique n’a jamais été aussi profond entre une Chine, matérialiste, pétrie d’histoire et l’Occident qui se vautre dans le virtuel et moque l’expérience. On le touche du doigt avec le redémarrage de la conquête spatiale, financée par Silicon Valley au nom d’un transhumanisme qui n’existe que dans les rêves des dirigeants. Depuis vingt ans, la Chine a comblé son retard. Elle a entrepris la construction d’une station spatiale chinoise afin de ne rien partager avec le reste du monde. Il s’agit d’une conquête pas d’un Monopoly et une station spatiale n’est pas un laboratoire mais un pas de tir. Un laboratoire peut être financé par une coopération public-privé, pas un pas de tir.

Entendons nous bien. La Chine n’a aucun intérêt à créer un conflit interstellaire façon Star Wars. Elle veut simplement pouvoir dire Non. Non à l’exploitation des terres rares qui menacerait sa politique industrielle, par exemple. Pour le capitalisme, exploiter les terres rares est un moyen de créer des dividendes. Pour la Chine, c’est un moyen de contrôle. Le politique commande à l’économique.

Nous, Français, devrions comprendre. Depuis quarante ans, l’affaiblissement de l’Etat a conduit à l’affaiblissement du pays sans que la propagande (fainéants de fonctionnaires) n’y change rien. Nous avons refusé l’Airbus A-400 sur des raisons économiques, Et nos gigantesques commandes de masques ont été livrées par des Antonov russes. D’où la question : les B-747 étant en voie de destruction qui dispose aujourd’hui de gros porteurs capables de projeter une armée à l’autre bout du monde ? En Occident, la question sonne comme une grossièreté. On élude avec  délicatesse tout ce qui touche à la guerre.

D’ailleurs, l’élision est littéraire. La prédation remplace la confrontation. Il ne s’agit pas de se foutre sur la gueule mais de se laisser bouffer. Quand le guépard fouille dans les entrailles de la gazelle, on n’est pas dans la tendresse absolue. Mais l’image emprunte à la Nature quand la guerre est Culture.

Nous revoici dans Mythologies. L’idéologie petite bourgeoise qui naturalise la culture pour convaincre. Mais l’ENA ne lit pas Barthes.

Laissons le guépard bouffer la gazelle. Personne ne dira qu’affaiblie, dénutrie, la gazelle ne peut plus s’échapper, ni se défendre. Personne ne dira non plus que depuis plus d’un siècle, tous ceux qui ont voulu expliquer la Chine ont été muselés afin de préserver l’idée que notre système était le meilleur.

Personne n’a jamais parlé de Li Hongzhang depuis Jean Chesneaux. Et le sinologue conformiste à qui j’en ai parlé, m’a balayé d’un revers de pensée : Chesneaux s’est toujours trompé.

Quand on chasse le réel par la porte, il revient par la fenêtre.



lundi 1 juin 2020

LE 18 JUIN

Il revient ! C’était il y a 80 ans. Chiffre rond. Donc on va commémorer. Le nain qui nous gouverne a pris les devants : De Gaulle à Montcornet.

Il vient de tenter une piètre justification de son combat quasi mondialisé contre le Covid : personne ne pouvait prévoir. D’où la question subsidiaire : De Gaulle pouvait il prévoir l’armistice du 18 juin ? Avait il écrit son appel le 17, voire le 15 ? Ben non. Il a réagi, il s’est projeté dans l’avenir, il a fait le point et il a foncé. Comme un chef. Ce chef que Macron rêve d’être sans en avoir la formation : Saint-Cyr n’est pas l’ENA. J’attends avec impatience le discours qu’il va nous vomir le 18 juin. On n’a pas fini de rigoler.

Après quoi, il va nous refaire le coup avec un plan-santé qui fera l’exact contraire du plan du CNR, corrigé par De Gaulle avec la création des CHU. De Gaulle savait que la santé était un pouvoir régalien de l’Etat. Manu le Micron va privatiser un max en nous expliquant le contraire. Et en faisant plaisir à l’Europe. De Gaulle n’avait pas le fric comme seule boussole. Macron, oui

Après quoi, la com portera justement sur l’Europe dont De Gaulle se méfiait au point de chercher le rapport de force. On appelait ça la politique de la chaise vide.

Clef de conduite : chercher le rapport de force. C’est une attitude de chef. Attitude qu’il est incapable d’avoir. Il louvoie, cherche des compromis, pignole les alliances..C’est le dernier représentant de la République des partis, une sorte de Guy Mollet repeint.

Il façonne les médias à son image. Que se passe t’il en Allemagne, en Espagne, en Slovénie ? Il ne sait pas que les Français s’en foutent. Pour tout Français, un étranger est un casse-couilles qui ne parle pas comme lui. C’est pas ce qu’on apprend à l’ENA . C’est bien ce que je disais. A l’ENA, on n’apprend pas les Français.

A l’ENA, on apprend (on croit apprendre) à changer les Français. On fantasme sur un Français idéal, une sorte de citoyen multiculturel du monde, oubliant que le Français est campaniliste. Le mot est de Leroy-Ladurie pour désigner l’esprit de clocher. A Bruxelles comme à l’ENA, ce mot est une horreur. Tous les ans, Bruxelles demande au pays de diminuer le nombre de clochers. L’ENA est d’accord qui n’est pas foutu d’administrer cette dentelle. L’ENA veut une centaine de villes accolées à leur « arrière-pays », montrant ainsi ses limites. Au delà d’une certaine quantité, les énarques ne savent pas faire mais ils ne l’avoueront jamais.

De Gaulle savait = comment administrer un pays qui a 300 variétés de fromages ? En les connaissant et en les respectant. Pas en inventant des regroupements artificiels pour se faciliter le boulot.

Le système est à bout de souffle. Plus on simplifie l’administration et plus on a de fonctionnaires. La novlangue est au travail : on a un ministre pour « la cohésion des territoires » et personne ne veut avouer que cette cohésion, c’est tout bonnement la Nation. J’aimerai avoir la version bruxelloise des règles qui veulent faire vivre ensemble les Andalous et les Lapons. Parce que, dans ce cas je choisirai la Nation espagnole pour imposer la corrida aux bouffeurs de harengs. Rien n’est simple.

Et c’est bien le problème. Le monde est complexe. Pour avoir quelques éléments pour le comprendre, il faut bosser, chercher, comparer. Douter. Or l’ENA est avant tout une école de fainéants bardés de certitudes et superbement ignorants de l’épistémologie.. L’énarque n’est pas accessible au doute car le doute paralyse la décision et l’action.

Issu de Sciences Po, l’énarque privilégie la synthèse : si un élément n’entre pas dans la vision synthétique, on supprime l’élément. C’est ainsi qu’on supprime des écoles ou des lits d’hopitaux dont la taille gêne la vision synthétique des choses. Leur poids dans le tissu social ne peut être mesuré que par leur suppression. Le plus souvent trop tard.

J’ai toujours pensé qu’on ne pouvait réfléchir qu’avec le caché, le discret, le pas remarqué. Prends Agnès Verdier-Molinié. Qui c’est Molinié ?
Vraisemblablement un descendant de la famille Molinié. Vieille famille bayonnaise de cordiers. Fabriquer des cordes dans un port aux temps de la marine à voile facilite l’enrichissement. Normal. Molinié est également l’ami, puis le fondé de pouvoir et enfin l’associé de Basterreche. Jean Pierre Basterreche, maire de Bayonne, député, est également le fondateur des Assurances Générales de France. Molinié est son associé, il lui confie les AGF pour l’Espagne. Basterreche est également l’ami de Jacques Lafitte, autre Bayonnais qui le nomme au conseil des régents de la Banque de France. Nous sommes également dans la mouvance de Frédéric Bastiat, l’un des fondateurs du libéralisme économique. Bref, au début du XIXème siècle, la famille Molinié croule sous le fric et les honneurs.
Après quoi, elle quitte Bayonne et disparait de mes faibles radars. Sauf sur un point : la propriété La Corderie existe toujours dans les années 1900, propriété de la famille Barthes.

Pour moi, Molinié a plus de sens que Verdier. La clef d’Agnès est dans son discret conjoint, mais aucun investigateur ne s’en est occupé.

Oui, J’aime les choses complexes. Chercher le fait caché qui peut éclairer l’ensemble d’une insoupçonnée lumière. Sans ça, on va baigner dans le stéréotype, dans l’idéologie petite bourgeoise que la bourgeoisie dominante a choisi comme terreau pour y planter les racines de sa domination.

Molinié détruit la synthèse. C’est donc lui qu’il faut regarder.


Nous, on vient de passer de De Gaulle à Roland Barthes en suivant des chemins non cartographiés. Y’a plus qu’à dessiner la carte.