jeudi 27 février 2020

RAOULT ET JENNER

Marrant. En 24 heures, Didier Raoult a disparu des médias. Le mec, il est spécialiste des maladies émergentes, il  a un CV long comme le bras et des résultats scientifiques incontestables, il annonce de bonnes nouvelles (coronavirus, fin de partie) et personne n’en parle. On doit s’interroger.

Comme souvent, comme toujours, la réponse est épistémologique. Raoult est inaudible car il utilise des arguments qui vont à l’encontre des modes de pensée de l’oligarchie où politiques et journalistes ont le même fonctionnement intellectuel, la même manière de penser le problème et les solutions. Amusons nous un peu.

Premier point : une épidémie est un phénomène analysable, avec un début et une fin. Tout le monde peut comprendre ça. D’ailleurs on cherche le « patient zéro ». Le patient n° 1, on le connaît, c’est le premier diagnostiqué. Le n° 0, c’est l’inconnu qui a contaminé le n° 1. Le point de départ supposé. Tout ceci paraît logique. Renvoyons donc les journalistes au départ chinois de la pandémie. On s’accordait à attribuer la maladie à un virus d’origine animale  ayant muté pour s’adapter à l’homme. Pour le SRAS, c’était la civette, là, on désignait le pangolin, charmant petit animal, exotique et informe (je veux dire qu’il ne ressemble à rien de connu, un cochon ou une poule, ce qui l’éloigne de nous). Pourquoi pas ? Désormais personne ne parle plus du pangolin. Ni de la mutation.

Pour qu’un virus passe de l’animal à l’homme, il n’est pas nécessaire qu’il mute. Souvenons nous de Jenner inventant la vaccination à partir de vaches varioliques. Le covid il a pu passer à l’homme, mais aussi à une autre espèce animale. Un oiseau, vu la distance. Pourquoi ? Parce que ça rassure. Et puis, c’est le temps des migrations aviaires dans le Paléarctique. Hypothèse rejetée. Pourquoi ? Les éleveurs de canards tremblent. Le gouvernement ne peut contrôler les palombes. Principe de gouvernement : si je ne peux pas faire, ça n‘existe pas.

Second principe : un scientifique ne doit suivre que les pistes balisées par les politiques. Or, Didier Raoult, scientifique et médecin, sait qu’un résultat scientifique est reproductible. L’efficacité des mesures gouvernementales est donc douteuse. Le médecin prend alors le pas sur le chercheur : il faut soigner et guérir. Si on ne sait pas pourquoi, on  a le temps de chercher. Ça devrait plaire, c’est contraire aux enseignements de Marx qui veut faire passer la théorie avant la pratique et c’est du pragmatisme quasi néo-libéral. Même pas.

Face à un sujet dont ils ignorent tout, politiques et journalistes ont un même réflexe : ils balancent du chiffre qui est devenu le symbole de la pensée scientifique. Trois patients ici, un mort là, ça c’est de l’info coco. Que les chiffres soient insignifiants et impertinents importe peu. Ils sont un signe vide mais quasi-religieux. Ils font coup double : habillant un discours scientifique, ils rendent scientifique tout discours chiffré, notamment l’économique.

Refusant cette discursivité imbécile, Raoult est inaudible. Comme était inaudible Galilée. Macron n’est pas le pape et ne peut se cacher derrière son infaillibilité. Mais c’est toujours le même fonctionnement qu’on moque avant de le reproduire. Les curés médiévaux relayaient la papale parole, les curés médiatiques relaient les mots élyséens.

Ceci étant, on n’a pas fini de rigoler. Il n’y a pas de chloroquine en France. « Rupture chez le fournisseur » me dit mon pharmacien. Si Raoult a raison (ce que je pense), la pénurie ne manquera pas d’alimenter la panique. Et les complots. Surtout si la chloroquine est fabriquée en Chine, ce que j’ignore. Dans tous le cas de figure, le pouvoir est perdant….Il n’aura pas cru Didier Raoult et il ne sera pas capable de soigner le peuple.

Vu le prix de la chloroquine, il sera facile de parler de « président des riches ». Véran,  il a intérêt à bosser ses éléments de langage


On en reparlera

mercredi 26 février 2020

LE CORONAVIRUS ET LA COHORTE

Ce matin, séisme chez BFM.. Interview de Didier Raoult, cador médical (il dirige une unité de l’INSERM) qui affirme, sur la base de publications chinoises, que la chloroquine est efficace contre le Covid-19.
Didier Raoult, je vous en ai déjà parlé en 2011, à propos des produits lactés qui détruisent nos gosses. Sa spécialité, c’est les maladies émergentes ce qui l’amène à travailler sur les nouveaux virus et bactéries.

Problème : quand c’est nouveau, y’a pas d’histoire, pas de cohorte statistique, aucun parachute mathématique pour « étayer » les résultats. Le chercheur est face au problème et s’en occupe avec ses neurones. Normalement, ça doit suffire. Il y a deux mois, je me frittais avec une neurologue simplette à qui j’expliquais que le grand Broca avait découvert l’aire qui porte son nom avec un seul patient et non avec une cohorte, en concluant « vous remplacez la médecine du talent par la médecine du chiffre ». Elle ne m’a jamais reconvoqué pour le suivi obligatoire. La médecine de la prestance remplace la médecine de l’urgence.

Didier Raoult se bat contre cette médecine du chiffre qui autorise toutes les manipulations. Il demande aux pouvoirs publics de s’occuper de l’accidentologie des cyclistes, plus mortelle que bien des maladies orphelines. Cela ne signifie pas qu’il néglige les maladies orphelines, au contraire. Il demande simplement aux politiques d’être cohérents : si seul compte le chiffre, travaillons d’abord sur le chiffre.

En France, il a mauvaise réputation : on l’affirme climatosceptique et il ne croit pas au bifidus. C’est un cumulard qui doute à la fois de Greta et de Danone !! Personne ne voit qu’il met le doigt sur le vrai problème : Greta et Danone utilisent le même mode de pensée basé sur la doxa. Et que, forcément, ça ne marche pas. Ni dans un cas, ni dans l’autre. Le professeur Raoult est le seul successeur intellectuel de Barthes, car il est seul à lutter contre les mythes. Sa place est autant au Collège de France qu’à l’INSERM.

Je ne lui ferai pas l’injure de citer sa fiche Wikipedia qui affirme qu’il est l’un des scientifiques français les plus influents et les plus cités dans le monde : la base en est purement statistique !!

Je l’ai écouté ce matin. Il a d’abord expliqué qu’il se basait sur des travaux de collègues chinois qu’il considérait comme aussi valables que les savants occidentaux, et aussi accessibles grâce à Google Translation. Le pavé éclabousse : les scientifiques chinois sont à notre niveau. Et publier en anglais n’est pas obligatoire. Vous le saviez, chers lecteurs, je l’avais déjà écrit. Me voilà conforté, ça me rassure.

Second point : une molécule mise au point dans les années 1930-40 peut se révéler aussi efficace ou, à tout le moins, suffisante en période d’urgence Où va t’on si la nouveauté n’est pas prioritaire ?

Je suspecte l’embrouille capitaliste. Voilà des années que la chloroquine (nivaquine ou savaquine) est accusée de tous les pêchés du monde en raison de ses effets secondaires. Pas eu le temps de vérifier mais, en général, quand ce genre d’argument surgit, c’est que le brevet va tomber dans le domaine public ou, à tout le moins, qu’il ne génère plus de marges. Je peux imaginer que la Chine à qui nous sous-traitons la production d’un bon paquet de médicaments ait privilégié la recherche sur des molécules faciles à produire et pas trop chères : il y a un milliard et demi d’habitants à protéger.

Gardons l’essentiel du discours de Raoult : le chiffre n’est pas prédictif. Personne n’en parlera, personne ne décryptera. Le chiffre, la poursuite de la courbe, est l’instrument prédictif favori des politiques et des imbéciles. Les mêmes qui se gargarisent « d’effet pervers » quand Boudon, inventant l’effet pervers expliquait que les phénomènes sociaux n’étaient pas réductibles aux chiffres. Mais la médecine est différente !! Non. La médecine, comme la sociologie traite de l’humain.


On n’a pas fini d’en reparler….

lundi 24 février 2020

LA MARSEILLAISE

J’aimais bien Graeme Allwright. Qui a tué Davy Moore ?

Mais sa Marseillaise « pacifiste » est un énorme contresens. Normal. Le mec était seulement un anglo-saxon porté par la doxa. Parce qu’il faut tout ignorer de la langue française pour voir dans notre hymne national un chant guerrier. Personne n’a expliqué à l’angélique néo-zélandais que la Marseillaise n’est rien d’autre qu’un haka. Ça lui aurait évité un contresens.

La Marseillaise est un chant de défense et de protection.

« L’étendard sanglant de la tyrannie est levé contre nous ». C’est l’ordre des mots dans la syntaxe la plus compréhensible. Ce n’est qu’un constat. Les tyrans nous attaquent et veulent nous détruire. Le vocabulaire est, certes, un poil emphatique mais la syntaxe est claire. De ce fait, on doit comprendre que le sang impur est celui des tyrans qui viennent égorger nos fils et nos compagnes. La Marseillaise est un chant pacifique, le chant de ceux qui veulent défendre leur famille autant que leurs idées, car ils sont attaqués.

Graeme Allwright a macronisé la langue. Le vocabulaire, l’écume des mots, suffit à définir un texte dont on évacue la syntaxe. Je lui en veux pas, c’est un colonisateur de maoris. Mais j’en veux à tous les décérébrés qui ont applaudi, prouvant ainsi leur totale méconnaissance de la langue française.

Et de l’Histoire. L’armée du Rhin pour qui fut écrite la Marseillaise avait pour objectif de défendre le pays contre les troupes teutonnes et émigrées. Il y avait dans les envahisseurs des Français qui combattaient leur pays.

De ce fait, l’hymne est toujours d’actualité. Les valeurs de la République sont les mêmes, au premier rang desquelles la laïcité, bien oubliée aujourd’hui. Avec le temps, j’ai vu des Français jeter aux orties la laïcité, suivre l’immonde Lefebvre ou l’abject Dalaï-Lama. J’ai vu la presse offrir des tribunes à tout ce que notre pays compte d’ennemis de l’Homme, vêtus de soutanes noires, de robes orange ou de gandouras immaculées, oubliant les leçons de la Constituante. Dieu est le premier ennemi de l’Homme dont il aliène la liberté.

A ne pas se défendre contre Dieu, ou les dieux, nous laissons flotter aux vents mauvais l’étendard sanglant de la tyrannie, la bannière divine qui veut nous réduire en esclavage. En esclavage car Dieu veut tout prendre à l’Homme : sa façon d’être, de manger, de se coiffer, de s’habiller, de penser et de faire l’amour. Et même son territoire. J’exagère ? Demandez aux Palestiniens, dépouillés de leurs champs au nom d’un Dieu dont ils ignoraient tout.

Et donc, c’est foutu. Au nom de la « liberté de croire » pour le fond et du pacifisme pour la forme, les féroces soldats sont là. Ce n’est même plus une guerre de religions vu que je suis athée. Face aux zélateurs d’une nouvelle idole : la doxa.


On en reparlera…..

dimanche 23 février 2020

LA DISPARITION

Ce matin je pense à Robert Bakker. Je l’ai publié voici trente ans, à propos de la disparition des dinosaures. La plupart des spécialistes cherchaient une explication conforme à la société du spectacle : un astéroïde, des volcans, une catastrophe naturelle, une sorte de tour infernale de l’extinction.
Bakker avait pris une position différente. Selon lui, les virus avaient détruit les dinosaures grâce aux modifications écologiques : les continents se rapprochaient ; les océans changeaient de niveau ; des ponts naturels aidaient au passage des espèces, de leurs virus et de leurs parasites ; de leurs prédateurs également. Bakker expliquait que les flux de populations étaient la menace principale. Naturellement, il fut dévalorisé. Trop lent, pas assez spectaculaire. Difficile à prouver, les virus se fossilisent mal. Sa thèse tombât dans l’oubli.

Bien. Nous y sommes. Les épidémiologistes se demandent pourquoi l’Italie est touchée par le coromavirus. Les épidémiologistes n’ont pas lu Bakker. L’Italie dispose d’un vecteur exceptionnel de diffusion du virus : ses bateaux de croisière. Un bateau de croisière est une sorte de boite de Pietri d’élevage de virus. Milieu confiné, population captive et pas trop jeune, milieu peu propice à la désinfection, avec des tuyaux et des recoins, personnel médical pas assez nombreux et pas préparé. Les mesures de quarantaine deviennent mesures d’incubation.

Ensuite, c’est facile. Tous les bateaux de croisières italiens ont des équipages italiens, surtout au niveau de la maîtrise. Il suffit qu’un jeune lieutenant ou un cuisinier, porteur sain (les jeunes sont résistants), vienne passer une semaine de vacances en Émilie-Romagne, infecte son grand-père et c’est parti !!

Casser les flux, c’est casser la pandémie. Ouais, mais c’est du fric ! Evidemment. Air France a déja chouiné à propos de ses pertes. Bloquer le tourisme et les déplacements peut coûter quelques milliards. C’est l’avenir de Costa face à l’avenir de l’humanité. Ça, c’est des décisions politiques !! Personne ne les prendra. Les lobbyistes sont déjà au boulot.

Ça va être la fête de la com’. Va y avoir du journaliste en croisière, invité pour expliquer que ce danger est epsilonique, nul……Du coup, ça me rajeunit. Nairobi, 1981 ; je suis invité à une grande fête pour présenter le dernier variolique du monde. Ça fera la couverture du National Geographic quelques mois plus tard. Le buffet est somptueux, le dernier variolique est parfait pour les photographes. Je discute avec un francophone de l’OMS. Je doute. Le mec vient d’une zone où même l’armée ne va pas, la zone des trois frontières entre Kenya, Ethiopie et Somalie. Comment ils ont pu identifier le dernier variolique ? Et j’ai droit à une explication contournée comme quoi, effectivement, ils n’étaient pas partout, mais que, vu la configuration de la zone, ils sont sûrs à 99,9% de leur coup. Je suis un con : 99,9, c’est pas 100 %. Je suis un con, c’est quasi pareil. Avec les contrôles, la surveillance, la variole est considérée come éradiquée. Je pense à Jenner. Chez les animaux aussi ? Evidemment. Est ce que je sais combien de millions de dollars ont été investis ? Le champagne est bon, j’approuve. Mais depuis quarante ans, j’attends que ça reparte. Si on prend toute la zone contaminée, les contrôles sont juste impossibles. Je suis certain que ça va repartir….Quarante ans ne sont rien. Mais cette discussion m’a fait douter du fonctionnement des épidémiologistes.

Et donc on va attendre. L’infection italienne est intellectuellement intéressante. Salvini va avoir du grain à moudre. Pour être franc, on en a déjà. La tuberculose revient avec la pression migratoire. Hé !!! faut pas le dire, c’est de la stigmatisation. D’ailleurs, on a cassé le thermomètre en interdisant les statistiques ethniques. On meurt plus facilement quand on refuse la doxa.

Bob Bakker a toujours refusé la doxa. Sur l’homéothermie des dinosaures par exemple. Avant que ses positions ne deviennent la nouvelle doxa. Le fonctionnement est le même, de toutes façons, basé sur le cloisonnement des sciences : on ne peut pas utiliser une structure de pensée venue de la paléontologie pour faire de l’épidémiologie aujourd’hui. Ça complique le boulot des journalistes. Et les politiques qui décident n’écoutent que les journalistes afin d’être en phase avec le public. Le coronavirus pèse peu face à la réélection des maîtres.


Je suis certain qu’on en reparlera…..

samedi 22 février 2020

LA MORT DE RENÉ DUMONT

A l’heure où l’écologie tient le haut du pavé, il est peut être temps de parler de René Dumont qui créa, en son temps, l’écologie politique. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : si tu te prétends écologiste sans avoir lu (et intégré) la pensée de Jean Dorst ou René Dumont, t’es juste un gros con. Ça, c’est dit.

Dans L’Afrique noire est mal partie, son livre phare, Dumont explique avec son sérieux d’agronome que l’Afrique crève de l’abandon de son agriculture vivrière au profit d’une agriculture d’exportation. Impossibilité de nourrir sa population, obligation d’importer, destruction des sols, destruction des sociétés traditionnelles et donc du lien social, destruction culturelle autant que culturale, tout est en place pour une paupérisation durable et catastrophique. Livre publié en 1962 dans la collection Terre Humaine.

Bon, ben voilà. C’est la situation de la France. Je me souviens des commentaires sur le livre de Dumont. Les Africains étaient des cons ; c’était le refrain à peu près général. Au même moment, la FNSEA lançait réellement l’agriculture productiviste, on remembrait la campagne en détruisant les haies au grand dam de mon copain François Terrasson qui exposait au Muséum la catastrophe écologique qui se mettait en place.  La mère de Nicolas Hulot changeait ses couches. Pour le dire simplement, le pays prenait la direction de l’Afrique. Suivre les cons peut être reposant. Personne ne peut dire qu’on ne savait pas. Le constat était là. Nos scientifiques étaient au boulot. C’était évitable, à  condition de consulter les scientifiques plutôt que les banquiers

Dumont était le conseiller de Nyerere, président de la Tanzanie, qui était l’épouvantail des néo-colonialistes. Le discours est devenu un credo ; Nyerere ne respectait pas les droits de l’homme au motif qu’il voulait nourrir son peuple. Nyerere se moquait des droits préservés au bénéfice de gens qui vont mourir de faim, vu qu’un mort se fout absolument des droits de l’homme car il ne peut les exercer.

Et donc, malgré l’avertissement de Dumont, la France mit en place une agriculture productiviste et, soixante ans après, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les résultats sont les mêmes. A cet égard, Macron a raison : il hérite d’une situation. Ce qu’il oublie de dire, c’est qu’il adhère complètement à l’idéologie qui a créé cette situation et qu’il est totalement incapable de la révolution de pensée nécessaire. Il a été reçu à Sciences Po et collé à l’ENS.

Si tu oublies qu’un sol doit d’abord nourrir ceux qui y vivent, tu seras banquier, mon fils.

Si tu oublies qu’on sol produit autant d’humain que de nourriture, tu seras banquier, mon fils.

Si tu oublies que le vivant n’est pas un bien comme les autres, tu seras banquier, mon fils.

Si tu peux truquer les statistiques pour rendre équivalents des biens différents, tu seras banquier, mon fils.

Si tu crois que tes mots sont supérieurs à tes actes, tu seras banquier, mon fils

Si tu crois qu’un humain ne verra pas ton manque d’humanité, tu seras banquier, mon fils

On en reparlera……

Relisez René Dumont….et François Terrasson


jeudi 20 février 2020

OLIVIER DE BENOIST – LA VACCINE

Comme tous, je n’ai pu échapper aux extraits du dernier spectacle d’Olivier de Benoist. J’ai ri, forcément. Je viens de terminer un texte sur le « Père indigne » que je suis aux yeux de tous. Texte que mes amis éditeurs ont repoussé du bout des doigts tels  un médecin chinois suspectant le coronavirus. Il est vrai que je n’étais pas drôle. Vivre dans un monde qui prétend t’abaisser pour t’aider à élever des enfants, un monde où l’inversion sémantique est une règle, n’incite pas à l’humour.

J’ai donc cherché pourquoi ce mec pouvait exprimer des idées que je partage, avec un succès que je ne partage pas.

Et ça m’a soudains sauté aux yeux. Comme Anne Roumanoff, de Benoist est un sciencepotard. Avec en prime une particule authentique qui a décoré plus de saint-cyriens que de saltimbanques. Un philosophe aussi, mais c’est la branche aînée.

Olivier de Benoist est une vaccine. C’est ainsi que Barthes qualifiait les idéologues masqués, ceux qui semblent rejeter la doxa pour mieux la célébrer. Dans un régiment de sciencepotards endoxaux, confits dans la doxa qui assure les carrières, les élections et les prébendes l’institution lâche parfois un électron libre, comme un pet dans un mariage, auparavant soigneusement cuirassé.. Comme Roumanoff, de Benoist est protégé par son statut d’humoriste qui permet tout dérapage. Il ne peut impliquer l’institution qu’il vaccine en quelque sorte.

Par ailleurs, son statut permet d’évaluer l’évolution des idées adoxales qui peuvent être adoptées si elles deviennent majoritaires ou suffisamment importantes pour modifier le marché.

En communication, la vaccine est un système gagnant-gagnant. Olivier de Benoit bénéficie du soutien de l’institution, avec seulement le risque d’avoir du succès. Son succès viendra renforcer le prestige de Sciences Po et un éventuel échec n’aura aucune incidence car personne n’attend Sciences Po sur ce terrain.

A priori, le public apprécie. Cinquante ans après Lacan, le public comprend que le père humilié est une invention féminine. Tout affaiblissement de l’adversaire est un gain stratégique. Spécialiste de l’anti-féminisme, de Benoit poursuit sur le même thème mais personne n’en tient compte : c’est de l’humour, n’est ce pas ?

L’humoriste vaccine le public qui l’approuve, il contient l’approbation dans des limites acceptables. Confiné dans les salles de spectacles, le virus ne peut infecter le corps social dans son ensemble. La doxa se protège. Parfois, le virus s’échappe. Dieudonné, Coluche. D’autres stratégies peuvent être inventées. Zemmour intervient pour renforcer la vaccine.. A un certain stade, il faut un praticien expérimenté.


Ainsi va la cause des femmes…..avec des idiots utiles…..des démineurs…de la vaccine. Des anti-mythes.

mardi 18 février 2020

LE SÉPARATISME ET L'ACCENT

La forme est essentielle. J’écoutais les échanges de Macron dans ce quartier de Mulhouse. Les paroles comptaient peu finalement. On le verra quand les propos seront rapportés, et donc transcrits. Entre le Président et ses interlocuteurs, c’est la musique qui brouillait le message. Je me dois de faire mes remarques avant d’être cloué au pilori (étant précisé que je sais ce qu’est un pilori et je sais qu’on n’y cloue pas). Mais, bon, il y a prescription.

Comme beaucoup, j’ai eu à embaucher des gens. J’embauchais des libraires, et donc des gens censés savoir ce qu’est la langue française. On embauche des vendeurs, non pour un poste, mais pour des clients. J’ai eu des candidats avec l’épouvantable accent des interlocuteurs macron-compatibles. Je n’en ai embauché aucun. A la seule idée qu’ils puissent parler à mes clients, j’avais la nausée. J’avoue être sociomarqué. Et je me disais : pas la peine que Macron se décarcasse. Pas un commerçant, pas un artisan n’embauchera des mecs qui parlent comme ça.

Après quoi, vient la réflexion. Francine venait du Québec et dès qu’elle avait dit Bonjour, on le savait ; Fatima était ivoirienne et musulmane, elle avait le même accent que Senghor, je veux dire aucun accent ; moi, en fonction de l’interlocuteur, je libérai mes inflexions gasconnes, ou pas. Je n’ai donc rien contre l’accent. Sauf celui-là. Celui-là, il sent la cité, l’inculture et les trafics, la tablette plus que le livre. Il est puissamment territorialisé mais pas régionalisé. J’aime beaucoup l’accent alsacien, c’est un peu lié à mon histoire. Mais là, on était à Mulhouse et les types parlaient comme à Saint Denis.

J’ai longtemps cru que l’accent était « naturel » jusqu’à ce que j’apprenne que l’accent n’existait pas en russe. On parle pareil de la Carélie au Kamtchatka, sur neuf fuseaux horaires, ça relativise le côté naturel de l’accent. Seconde leçon : il existe, en français, un accent géographiquement marqué sans que cela ait à voir avec la région. Je repense au vieux Martinet qui nous parlait des accents différents de la région parisienne, comme quoi on mouillait plus certaines sonores dans la vallée de Chevreuse. C’était pas un bon axe de recherche. Je repense aussi à Zink, l’alsaco qui stigmatisa un jour mon accent tonique aturin.

Alors Macron il parlait statistiques, formation, Pôle Emploi. Il ne lui est venu à l’idée de dire « Hé, Brother, avec ton accent, pas la peine que tu cherches. Surtout qu’au football, les équipes sont pleines et que dans le rap, ça risque de pas le faire ». L’un des mecs, en face, plaidait pour les innombrables talents que l’on trouve en banlieue. Il causait comme Apolline de Malherbe, avec l’accent en plus. Puis il récriminait contre la stigmatisation avec les mots de la petite Belkacem. Personne ne lui a jamais expliqué que la stigmatisation était un moyen de marquer les esclaves au fer chaud et qu’être esclave d’un discours dominant pouvait justifier l’invention d’un stigmate, ni même que son accent était un stigmate librement choisi.

La langue est un trait d’union entre les citoyens, surtout avec l’utilisation de l’accent, cet accent qui ajoute encore à la proximité : tu viens d’ailleurs, mais on est semblable. Trait dominant qui permet au kabyle Dany Boon d’être le fils de Line Renaud. Avec une évidente sincérité. On peut lutter contre les langues régionales alors que leurs locuteurs sont majoritairement bilingues et ne cessent de s’engueuler. En français.

Je suggère à Macron de trouver un jeune linguiste de qualité qui essaiera d’expliquer pourquoi cet accent signe le séparatisme avec une pertinence implacable. Je me trouvais un jour empêtré dans un problème administratif. Je fis semblant de m’énerver et je hurlais « Hostia » avec l’accent qui convenait. « Vous venez d’où ? » s’enquit le fonctionnaire dont j’avais lu subrepticement le nom sur une enveloppe à lui adressée. Dix minutes plus tard, la solution était trouvée. Entre Basques exilés à Paris, n’est ce pas ?…. Miracle de la linguistique.

Je vais pas vous refaire le coup d’Esope mais réfléchir à la langue, dans tous ses aspects, accent inclus, n’est pas toujours inutile. Faut juste pas avoir peur des marqueurs que la langue révèle. Et choisir les mots : un marqueur n’est pas nécessairement un stigmate.

« Mal nommer, c’est ajouter au malheur du monde » disait Camus. Cessons donc de stigmatiser, ça libérera les esclaves du sens. Et ça annulera les éléments de langage qui sont les chaines où s’empêtrent les politiques.


On en reparlera…..

LA REFORME : GLISSEMENT SÉMANTIQUE

C’est devenu une sorte de mot-mantra. Il faut réformer. Qui veut conquérir des voix, des parts de marché, se met à bêler : il faut réformer. Bêler n’est pas insignifiant : si tu veux que suivent les moutons, il est préférable de bêler.

Revenons donc à ce mot de « réforme » qui porte l’ignominieux fardeau du glissement sémantique. Il apparaît au XIIème siècle à propos de Bernard de Clairvaux qui réforme le système monastique. Comprenons : re-former, former à nouveau,  c’est à dire revenir aux fondamentaux en dégageant les éléments nouveaux qui perturbent l’ensemble. Sens qui a duré jusqu’à nos jours : au XVIème siècle, Luther réforme l’église pour revenir à l’esprit d’origine du christianisme. En 2020, le sens se poursuit : les protestants sont groupés au sein de l‘Eglise Réformée de France.

Réformer, c’est donc, au départ, revenir en arrière, nettoyer les scories de la modernité. Avec la Réforme, les parpaillots reviennent à l’Ancien Testament et exhument les psaumes. Ezéchiel bouscule Matthieu.

Les premiers sens de « réforme » suivront cette voie sémantique. On réforme ce qui ne vaut rien : les hommes, les chevaux, le matériel. Jusqu’aux années 1950, les conseils de révision réforment les jeunes gens qui ne sont pas « bons pour le service ». On n’a pas le temps de les former, alors on les réforme.

Le grand remplacement interviendra dans les années 1960. Alors que pour un conscrit la réforme était la honte suprême, elle devient une sorte de brevet de modernité. On ne réforme plus pour les pieds plats, les scolioses graves ou les problèmes pneumologiques. Freud est passé par là et la réforme P4 pour difficultés psychiatriques triomphe. L’Armée lutte peu ; elle sait bien que les réformés P4 ne veulent pas être formés et que leur recrutement social va l’obliger à perdre du temps avec des problèmes qui ne sont pas de son ressort, à gérer des interventions de parlementaires, à s’adapter pour que le jeune conscrit soit proche de sa maman. Pour le dire simplement, les P4 sont de petits bourgeois à problèmes dont l’armée n’a pas besoin.

C’est l’époque où le glissement sémantique se met en place. C’est aussi l’époque où Barthes montre, dans Mythologies, comment l’idéologie petite bourgeoise remplace le savoir par le mythe. Ce n’est pas innocent. La réforme perd toute connotation négative car le vocabulaire militaire est totalement dévalué. Et logiquement, réforme va devenir synonyme d’amélioration. Les penseurs parpaillots façon Ellul ou Barthes vont suivre : être réformé, c’est être meilleur. Même si on doit gommer la dimension historique du mot.

On le voit bien avec le projet de réformer l’ENA qui va bien avec le désir d’éliminer le CNR d’un débat national.

L’ENA avait un but assigné par le CNR : former l’élite de l’administration, des sortes de « hussards noirs » qui irriguaient tout le monde administratif. A cette époque, dans les villages, l’instituteur était souvent le secrétaire de mairie et ça fonctionnait plutôt bien. Il y avait une logique à développer le système en permettant aux petits fonctionnaires d’irriguer la fonction publique.

Macron et ses stipendiés ne sont pas Bernard de Clairvaux ou Luther. Ils ne voient pas le biais essentiel : l’école formée pour structurer l’administration a envahi le capitalisme et gère désormais le CAC 40. Preuve de sa qualité : des hommes formés au bien public et au temps long s’adaptent aux intérêts privés et au temps court.

Revenir à l’esprit de la réforme n’est pas difficile. Il faut et il suffit de couper les passerelles. Une simple interdiction du « pantouflage ». Tu choisis. A vie. Public ou privé. Avec un peu de coercition : des amendes, lourdes, pour qui choisit le privé. Un peu de prison pour qui choisit le privé ET atteinte aux intérêts de la Nation. Par exemple, un énarque qui choisirait de rejoindre une banque d’affaires pourrait devenir inéligible. C’est juste un exemple. Tu choisis : business ou politique afin d’éviter le mélange des genres qui est destructeur de lien social. Inéligibilité également pour tout énarque ayant participé à une opération de privatisation, c’est à dire ayant transféré au privé un morceau de richesse publique. L’Etat n’a pas à former ceux qui le dépouillent.

A ce propos, regarder les privatisations approuvées par Mélanchon, ministre de Jospin, reconverti en héraut des nationalisations. Le mec qui veut remplir à nouveau les poches qu’il a vidées.

Et donc, réformons. Revenons aux idées anciennes. Nettoyer peut être améliorer. Ça suppose un peu de savoir et un peu de réflexion. Bon sujet pour les énarques en formation. Comment préférer les intérêts de l’Etat qui me forme à mes intérêts personnels ?


On en reparlera…

jeudi 13 février 2020

MACRON EST CON

Je sais, ce titre relève du pénal : injure au Président de la République. Et donc, je m’explique. Aujourd’hui Emmanuel le Micron est allé voir les effets de la pollution sur la Mer de Glace. Voir pour savoir, c’est une définition du con : c’est l’impossibilité de conceptualiser. S’il n’avait pas détruit (en suivant ces prédécesseurs) l’IGN, on aurait apporté dans son bureau quelques éléments cartographiques qui lui auraient permis d’apprécier l’évolution de la Mer de Glace. C’est mieux : plutôt qu’une vision synchronique limitée (aujourd’hui), il aurait eu une vision diachronique. Assisté d’un ou deux spécialistes, sans bouger de Paris, il aurait appris plus qu’en allant à Chamonix avec une kyrielle de courtisans dont le déplacement impacte notre bilan carbone. En plus, il est allé à Chamonix sans rendre visite à Snafu qui lui aurait appris le Bhoutan. Mais, dit le con de service, on va pas à Chamonix pour parler du Bhoutan !!!

Mais si, c‘est des montagnes. Il suffit de connaître les bonnes personnes et les bons outils. Et si moi, couillon de base, je les connais, j’imagine que le Président doit les connaître aussi. Après sa virée montagnarde, le Micron a fait la liste de son action à venir pour soigner la planète : réunion ici, colloque là, la noria aérotransportée ne va pas s’arrêter demain. Personne ne lui rappelle que le kérosène ne soigne pas le bilan carbone. Suggestion : qu’il invite donc à bouffer Jean-Philippe Siblet qui gère la biodiversité au Muséum et il en saura autant, en économisant quelques tonnes de CO2. Pour l’outremer, il peut ajouter Michel Breuil, il aura pas besoin de faire les présentations : ces deux là se connaissent et s’apprécient.

En quelques heures, le Micron a dévoilé sa méthode : je cause, je cause et je vous prend pour des imbéciles. J’ai pas une amitié indéfectible pour Nicolas Hulot (litote) mais il avait du moins un discours audible que le Micron a refusé d’entendre au point que tchou-tchou a fini par démissionner. Et voilà qu’aujourd’hui, il enfile le bliaut des défenseurs de l’environnement. Il pense que le discours gomme l’action. Remarque, c’est vrai. Son discours se structure autour de ses échecs, de ses incompétences et de ses reculades. La structure est solide si le texte est pathétique.

Et donc, j’ai un Président incapable de conceptualiser : c’est un con. D’où le titre.

J’ai aussi un Président incapable de choisir ses conseillers auxquels il préfère des courtisans. C’est un con. D’où le titre

J’ai aussi un Président qui me juge incapable d’avoir une mémoire supérieure à deux mois. Hé bé ! non ! Micron. Ma mémoire te semble nulle parce qu’elle est encombrée de tes échecs et qu’ils laissent peu de place au reste. Tu te mets en scène. Ce ne serait rien si, de surcroit, tu n’écrivais pas le texte.. Tu fais comme Coluche mais là, tu te dévoiles : tu es un Coluche sans talent.

Continue, Micron….Continue à croire que ta parole vide crée les emplois que tu ne peux inventer avec des statistiques truquées. Continue à croire que le pays est suspendu à tes lèvres sèches..Continue ton show en sélectionnant le public. Les acteurs de jadis savaient que leur triomphe était construit par la claque qu’ils stipendiaient. Tu as oublié les prébendes et tu jouis aux applaudissements qu’elles ont suscités.

Epuise toi. Les citoyens de ce pays savent que le roi est nu….tu vas voir baisser ton seul paradigme : tes voix dans les urnes. Tes discours sont déjà prêts pour expliquer. Ils serviront seulement à faire monter le seul indicateur que tu ignores : la haine à ton égard.

Tu laisseras une trace dans l’Histoire.Entre le général Boulanger et Louis XVI.

Dans le groupe = Dirigeants inutiles


Tu vas où pour causer demain ?

mardi 11 février 2020

AVANIE ET FRAMBOISE

Avec cette histoire d’infanticide féminin (on peut dire féminicide prépubère, en novlangue, c’est pas mal), je pense à Bobby Lapointe. Avanie et Framboise, sont les mamelles du destin.

J’accepte que le rapprochement puisse choquer. En même temps, comme dit le Président, je pense à Simone. A soixante ans, pas une gamine, mais assassinée et découpée, sans beaucoup de soin, par un schizo qui squattait dans son village. BFM TV n’a jamais parlé de Simone. Ni de quelques autres. C’est imprévisible le schizo. Y’en a qui démembrent avec soin. On sait jamais, avec eux. Mais, l’un dans l’autre, quand ils refusent les soins, statistiquement ils « passent à l’acte » comme disent les spécialistes. Ha bon ? ils peuvent refuser les soins ? Ben oui. Ils sont responsables, on peut pas leur imposer. Ils ne deviennent irresponsables qu’après le passage à l’acte.

T’as compris ? Heu, pas très bien. Cette responsabilité fluctuante, j’ai du maL. BFM TV aussi. Ils choisissent les intervenants. La Buzin a échappé aux radars tout comme la Belloubet. En échange, on a eu droit à un psychanalyste qui n’a rien expliqué. Et donc, je suis allé demander à des psychiatres, des médecins, pas des onanistes du vocabulaire.

Voilà plus de trente ans que les pouvoirs publics ferment des hôpitaux, y compris des hôpitaux psychiatriques… avec l’aval des masturbateurs de vocabulaire. Vocabulaire administratif. Le rôle d’un hôpital psychiatrique n’est pas de soigner… Soigner un fou, un fada, ou comme ils le disent « une personne avec des antécédents psychiatriques » est quasiment impossible. Il y faut beaucoup de temps pour un résultat aléatoire…. Mais ce n’est pas le rôle d’un hôpital psychiatrique qui est là, avant tout, pour préserver les autres des fous. Si, en plus, on les soigne, c’est mieux. Quand ils sont entre les murs, l’Etat joue son rôle : protéger les citoyens, Vanille ou Simone. Ou tous ceux qu’on ne connaît pas.

Les journalistes, ça leur va pas. Le fou poignardeur, c’est une partie de leur fonds de commerce, ça fait de l’audience. Et récidiviste encore mieux. Facile à percevoir : compter les minutes, les tables rondes et les écrans de pub. Ouais, mais les erreurs judiciaires, les mecs enfermés par les familles pour toucher l’héritage et autres joyeusetés ? Oui, ça arrive, mais c’est pas la majorité. D’Emile Zola à Gilles Perrault, le combat contre l’erreur judiciaire a mobilisé quelques talents, finalement pas si nombreux.

La sémantique est toujours un piège : dans hôpital psychiatrique, l’épithète est essentielle. C’est un hôpital, un endroit qui abrite des malades, mais ce ne sont pas des malades comme les autres. Pathologies mal nommées, complexes, le diagnostic à lui seul prend plus de temps que les soins dans d’autres maladies…pharmacopée mal maitrisée et surtout, surtout, l’ombre de Foucauld et sa haine maladive de l’enfermement. Une partie du corps médical a suivi Foucauld en prônant l’abandon de l’asile.. On a donc fermé des lits, puis des établissements au motif que le « passage à l’acte » est statistiquement rare. Un seul cas suffit : la petite fille est morte et la fille de Simone est dévastée.. Parce qu’un fou qui passe à l’acte détruit plusieurs vies.

L’Etat n’a pas fait son travail. L’aliénation excuse tout. Même l’incapacité de l’Etat.

Ce genre de situation est un cas d’école. Chaque expert a fait son travail, les dépenses de l’Etat ont été diminuées, les fous en liberté sont heureux pense t’on, les poignardés n’ont pas eu de chance. Il reste aux survivants à se démerder avec les réponses à leurs questions. A poil devant un Etat qui a décidé de ne pas les protéger.

Un article de L’information Psychiatrique de 2006 (vol. 82 ; 645-652) fait le point sur la violence  des malades psychiatriques. Les auteurs admettent que « L’abus de substances est fortement associé à la violence mais, même sans abus d’alcool ou de drogue, les personnes ayant un trouble mental grave ont trois à quatre fois plus de risques de commettre un acte violent". Trois à quatre fois plus de risques ! C’est des chiffres à vous casser l’angélisme. Surtout quand ils proviennent de pays différents majoritairement occidentaux. On va pas se briser les neurones avec des statistiques, mais quand on lit que « le double diagnostic de schizophrénie et d’abus de drogue ou d’alcool multiplie par 17 le risque de commettre un homicide par rapport à la population générale », on commence à s’inquiéter. Belloubet, elle doit avoir ces chiffres quelque part. Puis vient la conclusion : »Plus on psychiatrise, moins on criminalise » avec le corollaire « Moins on psychiatrise, plus on désinstitutionnalise, plus on criminalise ». En clair, plus on ferme d’hôpitaux psychiatriques, plus on produit d’assassins.

J’aime pas la compassion. C’est une sorte de ver solitaire qui s’installe dans tes neurones et qui te fait mettre à tes sentiments les godasses de ta raison. Tu en oublies les vérités premières et d’abord celle-ci : tu peux tout expliquer, puis tout excuser, le mort qui est le premier intéressé n’en a rien à faire. C’est trop tard.

Foucauld a bien marqué l’opposition évidente entre l’Etat et l’individu et il a barbouillé l’individu de compassion angélique et gaucho-compatible. Comme il était malin, il a éjecté du jeu le troisième larron, souvent inconnu, souvent invisible : la victime. Il a omis de mettre en évidence une autre vérité première : l’Etat doit agir pour protéger. Ça suppose une anticipation : l’aliéné n’a rien fait quand on l’enferme et on flirte avec les limites du droit. Ça suppose un budget. Ça suppose surtout des politiques bien conseillés par des experts insensibles aux sirènes de la communication endoxale.

Bref, ça suppose qu’on n’est plus capable de faire ce que Pinel, Charcot et leurs copains ont fait quand Mac Mahon gouvernait la France.


Aujourd’hui, c’est plutôt Mac Macron……

mercredi 5 février 2020

DETRUIRE LA REPUBLIQUE

Le mec, il est antillais. Bien sapé. Porteur de la puissance que lui donne son statut social. Il est producteur de la télévision publique. Il me regarde avec cette lueur de commisération qu’on réserve habituellement aux handicapés mentaux.

« Désolé. Je ne peux pas investir l’argent public dans l’histoire d’un traître ».

Un traître ! Général de brigade, officier de la Légion d’honneur. Vingt ans de guerres, de combats, de blessures, des emprisonnements, des évasions. Vingt ans d’obéissance au service de la France. Où est la trahison ? Même la traîtrise est absente du récit. Voilà trois ans que je travaille sur le personnage, mon livre vient de paraître, je pensais à un scénario. D’où l’entretien. J’avais pensé à tout, pas à la trahison. Je suis abasourdi.

En fait, mon héros, confit dans la grandeur du pays au point de tout lui sacrifier, est porteur d’une tare à ses yeux : il est noir. Noir et napoléonophile. Au point de ne pas avoir défendu Toussaint Louverture, coupable de vouloir séparer Haïti de la France, au point d’avoir oublié le créole puisque le français est la langue de la République. Au point d’être resté fidèle jusqu’au bout à un Empereur « esclavagiste » qui incarnait pour l’Europe la grandeur de la France. Mais  mon producteur, grassement payé par la République, n’en a cure. La trahison est patente. Mon héros n’a pas trahi la France, il a trahi sa couleur. Mais oui ! Pour un fonctionnaire de haut vol, la couleur compte plus que la nationalité. Lui, il a bâti sa carrière sur la couleur, sa couleur, magnifiée par le lobbying, soutenue par les associations,  ramassis de monomaniaques obsédés par un point, et un seul, il a été porté par sa couleur comme un chef gaulois sur un bouclier.

C’est ainsi que nait et se développe le communautarisme. Sans le vouloir et sans le savoir, mon producteur antillais fait le lit de Daesh. Comme le CRAN et un gros paquet d’intellectuels autoproclamés qui, jour après jour, détruisent la République.

Parce que la République auprès de laquelle, ils font la manche, c’est d’abord ça. La non-prise en compte de la couleur, de la religion, de la langue pour bâtir une société égalitaire, une société sans différences, sans clivages. Le producteur senghorien obsédé dé négritude, il veut m’expliquer. M’expliquer quoi ? Chez moi, au Pays basque, c’est la même chose. Y’en a des qui se battent pour la langue, et des qui se battent pour changer les limites administratives, d’autres qui valorisent les coutumes, de la danse à la piperade, en brandissant un drapeau qui n’est que le symbole de leur ego : « moi, je suis différent ». Cette différence, étudiée, analysée, amplifiée est le terreau sur lequel pousse le communautarisme. Elle justifie Daesh autant qu’Enbata. Elle s’insinue dans les replis sociaux, elle enveloppe les esprits d’un voile subtil qui vient empêcher qu’on s’apprécie, qu’on se comprenne, qu’on se parle. Elle place le OU avant le ET.

Le producteur ne sait pas lire. Les hésitations, les réflexions, sont dans le scénario. Elles gravent le portrait du héros d’un burin humain. Il n’a pas choisi de gaîté de cœur et le choix est au cœur de toute action dramatique. Qui peut penser qu’il n’ait pas été troublé de partir en Russie en laissant sa jeune femme enceinte seule en Croatie ?

A divers titres, nous devons sans cesse choisir. Peser le pour et le contre, éliminer, rajouter. C’est notre caractère humain. Ce qui nous différencie de l’animal programmé. En écoutant le producteur, je pensais à mon oncle Gérard, antillais également, haut fonctionnaire également ; il fut l’un des artisans du réseau de télécoms entre la métropole et les Antilles. Pas pour enrichir Free, pour rapprocher les morceaux de la Nation.

Pour construire une France unie. Par pour la mettre en lambeaux avant de faire semblant de la ravauder.

On en reparlera.


samedi 1 février 2020

LE MONDE CHANGE

C’est un marqueur épistémologique qui s’invite souvent dans la conversation. Le monde change….Le monde a changé… En général, la phrase tombe, comme une évidence, pour que tu fermes ton clapet. C’est l’argument ultime, la closure parfaite de celui qui a tort.

C’est l’argument ultime du con inculte et décérébré qui se prend pour un penseur parce qu‘il comprend les discours de Christophe Barbier. C’est l’argument qui signe le con. Le mec ou la nana qui dit ça, tu peux le mettre dans les poubelles de tes relations. Tu perds ton temps.

Je regarde le monde. Il n’a pas pris un kilomètre de bide depuis qu’on se connaît. Son point culminant est toujours le même, la circulation des océans n’a pas varié. Les changements ne sautent pas aux yeux.

Houa !! l’autre !!! Et la banquise qui fond ? Et la chaleur qui monte ? Et les oiseaux qui disparaissent ? T’as de la merde dans les yeux ou quoi ?

Non. T’étais encore au biberon que je lisais Dorst ou Rachel Carson et le Club de Rome. Tout ce que tu vois aujourd’hui, des gens intelligents l’avaient prévu et décrit depuis cinquante ans. Et moi, j’avais pas besoin de photos d’ours faméliques pour comprendre. Voir n’est pas savoir.

Ce qui a changé, ce n’est pas le monde, c’est notre vision du monde ce qui n’est pas exactement la même chose. La photo a remplacé la thèse et Facebook la librairie du Muséum. La pulsion a changé la réflexion.

Ce qui a changé, c’est notre appréhension du monde que nous voulons toujours plus simple, plus rapide, plus intuitive. Que nous voulons plus nouvelle surtout car la nouveauté est valorisante et détruit l’argumentation ancienne que les couillons ignorent superbement. Et puis, les journalistes ne vont pas relayer une information quinquagénaire, restons sérieux.

Je me fous et j’ignore avec joie Greta l’hyperboréenne aux yeux d’hypothyroîdienne. Tout simplement parce qu’elle ne m’apporte rien. Tout ce qu’elle annonce ou énonce est dans Dorst, publié voici cinquante ans. Jean Dorst a pour lui l’antériorité et sa légitimité de spécialiste de la Nature. Greta n’a rien sauf un argument ultime et définitif : elle est jeune.

Alors, non, le monde n’a pas changé. Il a évolué et son évolution était prévisible. Mais notre fonctionnement d’humains a changé. A l’âge de Greta, j’aurais pris dans les dents un « Tais toi, morpion et va apprendre ». Pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation, le manque de savoir et d’expérience est devenu un atout épistémologique. Et on s’ébaudit de voir une incertaine Mila dire, avec une stylistique pas si différente, ce qu’Hébert écrivait dans le Père Duchêne.

Ceci n’est pas une idée neuve mais simplement la poursuite de la Querelle des Anciens et des Modernes qui agitait les intellectuels sous le règne de Louis XIV. Quand le vieux La Bruyère écrivait : « Depuis 3000 ans qu’il y a des hommes et qui pensent, tout a été dit ».
Mais c’est insupportable ! Si tout a été dit que me reste t-il à dire à moi, du haut de mes quinze ans ? Ben dis que t’as rien à dire. Ils font ça très bien dans les écoles de com. Ou sur Facebook. Y’a des mots pour ça, « revisiter » par exemple. Avant on disait « nihil novem », aujourd’hui on revisite. « Réforme » est bien aussi.

Ça marche pas toujours. Macron a été élu sur sa jeunesse et son appétit de réforme. En deux ans, le masque est tombé, et le mot-mantra « réforme » a exhibé sa vacuité qu’une analyse sérieuse aurait révélé.

Bon, on conclut ? J’ose pas. Dépourvus d’expérience et conchieurs de savoir, les jeunes sont des cons. Pas trop cons malgré tout puisqu’ils ont su convaincre l’énorme masse des vieux cons de la pertinence de leur inexistante pensée. Rideau de fumée et nuages de vide.

Et si c’était simplement un coup de fric ?

On na pas fini d’en parler…