L’abbé Breuil avait coutume de dire que le berceau de
l’Humanité était un berceau à roulettes, signifiant ainsi qu’on ne pouvait
assigner un lieu à ce qui était complexe.
Voilà longtemps que je pensais qu’il en allait de même pour
la communication de masse, surtout politique. Genève à cause de Saussure, Paris
pour Gustave Le Bon, Nuremberg pour Goebbels. Plus les innombrables universités
d’où sont sortis de passionnantes recherches.
Hé bien, non. La communication politique est née à Meymac,
ravissant bourg de Haute-Corrèze. Il faut que je vous raconte.
A la fin du XIXème siècle, les Meymacois sont pauvres.
Certains se lancent alors dans le courtage ce qui est courageux vu que Meymac
ne produit rien. Rien de vendable, s’entend.
Nos Corréziens partent sur les chemins et vont, notamment en
Belgique, vendre du vin de Bordeaux. Les plus riches achètent des barriques à
Saint Emilion ou Pomerol et mettent le vin en bouteille. Les moins riches
commencent par vendre les bouteilles et se débrouillent ensuite avec les autres
pour assurer la livraison.
Mais déjà, nos colporteurs savent qu’il leur faut une
légitimité. Ils se munissent donc de belles cartes de visite où ils indiquent
dans l’adresse « Meymac-près-Bordeaux ». Le « près »
correspond à 300 kilomètres mais vu de Bruxelles ou de Namur, ça peut passer.
Et ça passe !!! Meymac devient incontournable dans le
négoce bordelais. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les plus riches se
font construire de belles maisons (pas trop ostentatoires, le Corrézien est
plus près de ses sous que de Bordeaux) qu’ils baptisent « châteaux »,
comme à Bordeaux, afin de compléter l’adresse. Parfois, un client débarque et
s’étonne de ne pas admirer de beaux rangs de vignes. Qu’à cela ne tienne, la
réponse est toute prête : « Les vignes ? Mais quand le
temps n’est pas beau, on les rentre pour les protéger ».
La vérité oblige à dire que les Meymacois investissent dans
quelques propriétés autour de Pomerol ou Saint-Emilion, histoire de s’assurer
l’approvisionnement. C’est ainsi que Pétrus, La Conseillante, Angélus ou
Cheval-Blanc deviendront fiefs de Corrèze.
J’ai appris l’histoire à Meymac, avec quelques vieux
Corréziens, autour de jolis flacons de vin des gorges de la Vézère, véritable
AOP corrézienne qui mérite qu’on s’y intéresse. La moitié des interlocuteurs
trouvaient l’histoire intéressante
(d’autant que l‘Office de Tourisme s’en est emparée), l’autre moitié affirmait
que les « vieux » étaient des escrocs, sympathiques et rubiconds, mais
profondément malhonnêtes.
La lumière se fit quand une voix rocailleuse crut trancher
le débat : « Ben, c’est une tradition. Regarde l’autre Normand qui se
fait passer pour Corrézien. Rouen, c’est plus loin que Bordeaux quand
même ! »
Ben oui. La vérité, on s’en fout dès lors que le mensonge l’habille
bien. D’un seul coup, j’ai compris pourquoi le département a donné deux
Présidents à la France. Quand on réussit à se faire élire par des gens qui
savent déguiser ainsi la géographie, pourtant la chose la plus infalsifiable du
monde, toute carrière est permise.
Et donc, pour 2017, on a du bol, on n’aura pas de candidat
corrézien. Sauf si Juppé nous explique qu’il est maire de Bordeaux-près-Meymac
ce qui serait un joli retour des choses.
Dans la foulée, je suis allé à Combressol, berceau de la
famille Pécresse. Elle n’y est pas allée. On a eu du bol !
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