Je sais pas si elle est venue chez nous, mais Julie Andrieu
me fait penser au fameux album de Pichon. Où qu’elle aille, elle bade, elle
admire, elle ne sait rien mais fait montre d’une belle volonté d’apprendre et
de transmettre. Bien entendu, elle n’apprend rien et ne transmet pas grand
chose, sauf des images et des discours dignes de Pierre Loti. Elle a remplacé
Connaissance du Monde par Connaissance des Marmites. Marmites où on touille les
stéréotypes admirables des provinciaux tant authentiques.
Je dis ça parce que je suis furieux d’avoir aimé, comme ça,
spontanément, une page Facebook intitulée Gastronomie du Pays basque et initiée
par un mec certainement charmant, mais « d’Athis Mons », ce qui peut
donner des compétences culinaires, mais une légitimité basque inexistante. Oui,
je m’en suis expliqué ailleurs, je n’aime pas trop les allochtones (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/07/bayonne-bruxelles-lhasa.html)
Il existe une cuisine basque, celle illustrée par le
remarquable livre de Hasier Etxeberria et David de Jorge. C’est la cuisine
qu’on mangeait à la maison quand Fernande Arostéguy était aux fourneaux. Pour
être franc, Fernande mélangeait ces recettes avec des recettes venues de
Françoise Bernard ou de Tante Marie (la cuisine de Tante Marie, Taride éditeur,
plus de cinquante éditions en un siècle, ça c’est du bouquin de cuisine).
Il existe une cuisine basque qu’on mange avec bonheur à
Ossès ou Azpeitia. Mais je refuse qu’il existe une gastronomie basque. On n’en
a pas besoin. Ce mot « gastronomie » suinte le snobisme, les petits
maîtres au cul serré de Biarritz, l’appropriation d’un territoire par ceux qui
vont le détruire.
Je pèse mes mots. Sur cette page, on trouve des recettes qui
pourraient être faites à peu près n’importe où en France. La cuisine basque est
une cuisine qui n’utilise que des produits locaux, des légumes qui poussent sur
place, des poissons du Golfe, des
viandes de nos campagnes. Des produits locaux, des producteurs locaux,
des transformateurs locaux. C’est une cuisine ostraciste qui peut, si
nécessaire, chercher ailleurs, mais seulement si nécessaire. Bouffer de
l’exogène, c’est pas notre truc et ça ne l’a jamais été, sauf nécessité. La
côte de bœuf, par exemple. Le Pays basque ne produit pas trop de bœufs, alors
faut importer. De Chalosse, par exemple. Bazas, c'est déjà loin.
C’est une règle assez courante qu’on ne trouve que des
produits locaux et à la bonne saison. Tous les grands chefs, d’Etchemaïté
à Parra et de Tellechea à Arambide
l’ont respectée. Je les ai tous beaucoup fréquentés mais, par exemple, je n’ai
aucun souvenir de les avoir vus travailler l’huître. Il n’y a pas d’huitres au
Pays basque et seuls les blaireaux d’ailleurs peuvent penser que mer = huîtres.
Bouffer des huitres à Biarritz, c’est aussi con que de manger des harengs à
Palerme. Mais Biarritz est l’exception, la ville où on essaye de parquer tous
les cons qui croient que Lagerfeld est un grand couturier parce qu’ils l’ont
croisé aux Halles.
A coup de communication, d’à-peu-près, de sottises, je vois
se dessiner une image pseudo-moderne du Pays basque, je subodore un vol de mon
histoire, de mes racines, de ma terre comme l’autre Gargamelle qui m’explique
ce qu’est la piperade, à moi qui, pendant des années ait regardé faire Fernande
Arostéguy, d’Ossès, qui sait quand même, en tant que cuisinière basquaise ce
qu’est une piperade. Il faut dire que Gargamelle sait parler à propos du salmis
de palombes « d’escoton de maïs traditionnel », alors que précisément
le maïs n’est pas une plante de la cuisine basque. Seuls les pigniers mangent
du pain de maïs, les Basques et les Béarnais réservent la chose aux cochons et
aux canards.Le grand roux changera peut être les choses...Mais pas en six mois.
Il faut dire qu’Internet permet à tout un chacun d’écrire,
de s’exprimer, d’exprimer n’importe quoi avec n’importe quels mots. Le gamin
allochtone qui fait la promotion de la cuisine basque parce qu’à Athis-Mons,
y’a rien à promouvoir, il m’écrit que « cuisine » et
« gastronomie », c’est la même chose. Il ne lui vient pas à l’idée que
deux mots différents n’existent que parce que leur contenu sémantique est
différent. Il faut dire que la
confusion n’est pas que linguistique ; le héraut d’Euskal Herria habite au
nord de l’Adour. Là encore, à-peu-près, glissements, confusions. Mais comment
pourrait il savoir que la communication demande plus de précision que la
cuisson ?
Tout ceci pour dire que je glisse de plus en plus dans
l’identitaire. C’est assez normal, je trouve. Tous ces mecs qui m’envahissent,
c’est déjà peu supportable. Je n’ai pas envie de partager mon territoire, je
n’ai pas envie que tout un chacun vienne s’installer chez moi. Je n’ai surtout
pas envie que mon histoire, ma culture, soient partagées n’importe comment,
c’est à dire simplifiées, schématisées, ridiculisées. Qu’on puisse parler du
piment d’Espelette sans parler du palmier d’Espelette. Quel rapport ?
Comment, tu sais pas ? Tant pis pour toi.
En fait, j’ai pas envie de partager du tout. Je suis né à la
bonne époque dans un pays sublime où ma famille vit depuis quelques siècles.
J’ai du bol, je l’admets. Toi, t’es né dans une banlieue merdique sous un
climat pourri. T’as pas de bol. Et donc, tu veux qu’on partage. Comprends que
j’en ai pas envie. Admets que je puisse être égoïste. C’est un droit sacré.
On en reparlera..
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