Ça me revient et j’ai envie d’en parler… C’était dans les
années 2000. Je faisais dans l’édition écologique, je publiais des livres
d’histoire naturelle, pas d’écologie. Des trucs imbittables sur la mémoire chez
les corvidés ou le relevé des espèces avaires dans la forêt de Fontainebleau…
Nicolas Hulot soufflait dans son micro… Forcément, j’avais plein de copains
dans les facs..et ailleurs. Comme Jean-Philippe Siblet. Lui, il était facteur.
Quand je l’ai édité, qu’est ce que j’ai pas entendu !! C’est qu’il était
pas dans le sérail, Jean-Philippe. Je vous rassure, il y est. Il gère la
biodiversité au Muséum. C’est comme ça qu’on apprend qu’on a de la vista, qu’on
sait juger les hommes.
Il y avait un problème en Guyane. Il fallait produire du
propergol à Kourou pour servir de carburant à la belle Ariane. Jusque là, le
propergol il naviguait de Bordeaux à Cayenne et tout le monde craignait le
naufrage. Produire sur place devenait logique. Mais voilà, pour ça, fallait de
l’électricité. Et donc, on a nommé une commission scientifique. Je me souviens,
nous les herpétologues, on avait désigné Jean Lescure. Impeccable ! Vingt
ans de travail sur l’herpétofaune guyanaise, CNRS, Muséum. Y’avait aussi
Jean-Pierre Gasc, il me semble. Même profil.
Et donc, la commission scientifique, elle a conclu à la
nécessité de construire une centrale nucléaire.. Hou là !!! La réaction
fut à la mesure de la conclusion. Du nucléaire !! Alors qu’il n’y avait
aucune centrale en Amérique Latine !! Z’étaient fous les universitaires.
On a donc déplacé le problème du champ scientifique vers le champ politique et
EDF a construit le barrage de la Sinnamary, plus connu sous le nom de barrage
de Petit-Saut. Je me souviens de copains vent debout.. Comme ce cher Exbrayat,
spécialiste européen des Cécilidés. C’est des sortes d’amphibiens apodes qui
vivent dans l’humus de la forêt amazonienne. Mal étudiés les amphibiens et mal
connus. Exbrayat, il avait calculé qu’on allait rayer de nos connaissances un
beau paquet d’espèces mais, à l’époque, tout le monde se foutait de la
biodiversité. Chaque spécialiste hurlait à la destruction du biotope pour ses
petites bêtes
Mais, tu sais ce que c’est ? Quand tu fais traiter un
problème par les ignares, tu as une solution qui plait aux ignares lesquels
sont plus nombreux que ceux qui savent. Et donc, l’opinion publique, composée
de même, donne raison aux cons. Lesquels, en l’occurrence, étaient peints en
vert.
Vint ans après, on peut faire le point. En zone tropicale,
sous l’effet conjugué de la chaleur et d’une abondante biomasse, les retenues
d’eau agissent comme un réacteur à produire du méthane et autres gaz à effet de
serre. Le barrage de Petit-Saut en produit autant qu’une centrale thermique. Ha
oui ? Oui.
Le barrage a noyé 400 km2 de forêt tropicale. Ce qui a
disparu, on ne sait pas, vu qu’aucun inventaire exhaustif n’avait été fait.
Mais ce ne sont que des insectes, des amphibiens, des choses qui n’intéressent
personne, et surtout pas Brigitte Bardot, l’icône ridée des mémères à chat. Y’a
aussi des plantes, mais ça…Monsanto s’en fout. Du moins, c’est bon pour les
poissons.. Même pas. Le préfet vient de limiter la pêche dans le lac de
retenue. L’eutrophisation excessive a fait baisser la « ressource
halieutique », comme ils disent. Sympa, pour les Guyanais qui vivent du
poisson. En aval, la population piscicole a également baissé du fait du manque
d’oxygénation de l’eau.
EDF avait organisé une belle opération appelée Arche de Noé pour montrer des mecs récupérant des mignons singes pelucheux et des oiseaux bellement coloriés. Ça fait du bien à l'image. Les mygales, on s'en fout.
Dernier point : le barrage ne suffit plus à assumer les
besoins guyanais. Je vous rassure : malgré le désastre écologique constaté,
ils n’envisageront même pas la solution nucléaire.
J’adore cette histoire….Elle marque bien la connerie dont nous
sommes capables quand nous ne faisons pas confiance aux spécialistes formés par
la République. Quand nous leur préférons les histrions formés à notre
manipulation.
Et moi, je vais perdre quelques copains. Un apologiste du
nucléaire, c’est quasi pire qu’un pédophile…
On en reparlera…
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