Il y a un mois, j’avais publié ça : http://rchabaud.blogspot.fr/2018/01/le-cuisinier-et-le-geographe.html.
Pas trop de réactions. Depuis une semaine une jeune
blogueuse s’émerveille de trouver à la table du Crillon de la blanquette de
veau et de la tête de veau Orly. Moi, ça m’espante pas. J’ai perçu le mouvement
voici quelques mois déjà et tout ce qui conforte mes observations me plait.
Forcément.
Quelques mois, je déconne. Ça a commencé avec Christian
Parra qui avait, en sa Galupe, le boudin comme phare. Mais Christian était un
extraterrestre. Il n’en reste pas moins que, de nos conversations, j’avais conservé cette conviction que la
cuisine classique était une cuisine du produit et que la recherche du produit
conduirait au retour d‘Escoffier. Il suffisait d’attendre. Vingt ans après,
nous y sommes.
Pas vraiment. Le monde a changé. La petite Célia, elle
compare la blanquette du Crillon à la blanquette de sa grand-mère. Pas de sa mère. Y‘a un trou dans le tissu
transmetteur. Ma génération n’allait pas à la cantine scolaire. Y’en avait pas.
A midi c’était retour au foyer. La libération de la femme ayant progressé, nos
enfants ont été éduqués par Sodexho. Pas sur que ça les arme pour le goût.
Il y a toutefois un progrès, la tête de veau Orly, ça passe
pour une nouveauté. Comme plein d‘autres plats dont la jeune génération ignore
tout, vu que les chefs télévisuels ne sont aucunement les successeurs de
Raymond Oliver. Si t’aime les petits plats de Laurent Mariotte, pas la peine de
m’inviter à déjeuner.
Ce retour du classicisme, je l’attendais impatiemment. Il va
laisser au bord du chemin tous les mauvais et surtout tous les fainéants, tous
ceux qui n’ont pas compris que la cuisine était une activité culturelle,
appuyée sur un savoir, historique et géographique . Là, je rêve. Je rêve
parce que les clients n’auront guère plus de savoir que les cuistots et seront
prêts à avaler toutes les sottises que les communicants des cuistots viendront
chier sur les cartes et les communiqués de presse. Juste un exemple : les
choux à la crème. Essaye de les manger le lendemain de l’achat : ils sont
devenus secs, rêches, immondes. Je me suis laissé dire que c’était la faute à
la pâte à choux surgelée qu’utilisent les professionnels pour pas se compliquer
la vie.
Pas se compliquer la vie. Quand Escoffier crée la pêche
Melba, il commence par pocher les pêches dans un sirop légèrement vanillé.
Combien de pêches Melba servies
aujourd’hui sont elles préparées selon la recette du maître ? Un bocal de
pêches au sirop (non vanillé) fait tout aussi bien l’affaire. Le client, ce
grand pigeon, n’y verra rien.
Les critiques, aussi peu informés, ne les aideront guère. Le
temps où les critiques étaient formés dans les écoles hôtelières est révolu. De
même le temps où le savoir comptait plus que les mots. Nous venons de vivre encore une époque
de l’éradication des savoirs. De gommage en gommage, où allons nous ?
Comme partout : vers les pâturages où les moutons
fainéants forment le gros du troupeau et s’étonnent ensuite d’être manipulés,
sinon trompés, voire escroqués. Pas que pour la cuisine. Mais à force de suivre
les chemins qui descendent, il ne faut pas s’étonner d‘arriver en bas. A force
de valoriser le non-savoir, il ne faut pas s’étonner de n’avoir plus rien à
transmettre. Dans un monde ludique et spontané, il n’y a rien à offrir aux
enfants que des jeux sans règles et des réactions sans réflexion. C’est beau un
enfant qui joue. Non. Ce qui est beau, c’est un enfant qui s’efforce, un enfant
qui cherche à dépasser son père (ou sa mère), un enfant qui est à lui seul, le
symbole d’une humanité qui veut progresser.
Findus est il un progrès par rapport à Escoffier ?
On en reparlera…..
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