C‘est exprès. Quand vous lisez ça, vous avez affaire à un
scribouillard bouffeur de clichés, alors barrez vous, vous êtes en dessous de
la sous-littérature.
C’est devenu un pont-aux-ânes. Vaut il mieux être d’un côté
ou de l’autre ? Ou bien sagement au milieu. Aucune importance.
Ainsi, moi. En matière de bouffe, j’ai un côté ayatollah et
je me fais régulièrement assaisonné au motif qu’il ne faut pas être figé, que
les recettes sont faites pour évoluer et toutes ces sortes de choses. Toutes
manières de me traiter de vieux con. Le leitmotiv : faut adapter, le monde
change.
La semaine dernière, je vais dans un restau marocain.
L’accueil me plait pas. Et donc, je décide de faire « moderne » et de
filer un coup de tatane à la
tradition. Je dis au mec que j’aime bien le tajine « revisité ». Ça
aussi, c’est un mot à la con qui signe le ringard stylistique. Je le sais, je
l’ai utilisé. Le garçon, il trémousse du fion en m’assurant que la revisite
(revisitation ?) du tajine, c’est quasi le credo du chef et que je vais en
juger.
« OK, je prendrai un tajine au porc . »
Là, le trémousseur des basses côtes, il se fige. Il sourit
plus du tout. Ah ! mais, c’est pas possible. Ça existe pas.
Bon, on va se relativiser la revisitation. J’y demande des
explications. Comme quoi, on revisite les fruits et légumes d’accompagnement,
mais la viande, c’est mouton ou poulet. Même pas bœuf ? Ha, le bœuf, c’est
possible mais faut commander à l’avance. Ben, dis je, c’est possible. Pour ma
soirée d’anniversaire. Ça, c’est la phrase magique. Le mec, il calcule sa marge
avant de regarder le calendrier. Ce serait quand ? La semaine prochaine.
No problem, votre Majesté est déjà la bienvenue. Génial. On commencera par une
pastilla et après tajine au porc. Ha non ! Porc, pas possible. Comme quoi,
le cuistot il a pas le droit d’y toucher, des trucs comme ça.
« Pourquoi, vous êtes islamiste ? » Là, y’a
deux mecs qui se lèvent et me reconduisent à la porte avec toute la délicatesse
réservée à un vieux bonhomme. Fin de l’épisode.
Y’a donc des manières de revisiter ou pas. Je raconte
l’histoire à des bons copains. Et vlan ! j’en prends plein la gueule.
Comme quoi, je suis intolérant, provocateur, raciste. L’un des mecs, il a un
restau, il est moderne, il sert de la « choucroute de la mer » où il
remplace le cochon par de la morue, du merlu et des crevettes. Je connais un
peu l’Alsace, j’ai jamais longé la mer entre Mulhouse et Saverne et je n’en ai
pas visité les plages. Mais lui, il a revisité la choucroute dans le respect.
De quoi ? De qui ? Lui, il a le droit de bousiller un plat
traditionnel, emblématique d‘une région elle-même emblématique, mais moi, je
manque de respect. Envers qui ?
Ça finit par sortir. Je manque de respect envers un livre
écrit par un Prophète autoproclamé. Je m’en fous. Je ne crois pas en Dieu.
Alors, les prophètes… Je respecte plus la choucroute que les prophètes. Quant
au Coran, je l‘orthographie Corent et ça fait longtemps que j’ai pas bu de
Corent. Qui boit du Corent aujourd’hui ? A part Vincent Pousson ? Je
ne vois que Christian Bétourné, …
Je manque de respect envers les croyants. Peut être. En
fait, ça dépend lesquels. Il y a des croyants respectables que je respecte. Et
ceux qui n’ont que la foi, ceux avec qui on ne peut pas parler.
Mais j’ai appris une chose : il est des traditions que
l’on doit violer et d‘autres qu’il est impératif de figer. Et sur ce coup, je
suis mauvais car je suis toujours à contretemps.
Ce soir, un jeune gandin sur LCI prétendait qu’il était
temps de déconnecter le livre et le savoir. Voilà longtemps que c’est fait. Les
seuls livres qui surnagent sont ceux qualifiés de saints.
D‘ailleurs, il n’y a plus de savoir. Il faudra attendre qu’on
revisite le savoir.
On en reparlera
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