samedi 19 décembre 2020

LA LITTÉRATURE ET LE PIVEAU D'OR

 C’est l’assassin de la littérature : Bernard PIVOT. Regardez les vieux numéros d’Apostrophes. C’est toujours la même question : de quoi ça parle ? Alors que la question littéraire, c’est : comment ça parle ? Question impossible : la réponse implique la forme ultime du savoir littéraire : la référence. Forme insupportable pour Pivot et l’édition contemporaine qu’il a largement contribué à façonner : la référence magnifie les lacunes qui détruisent l’ego. 

 

Dans l’édition post-pivotarde, l’essentiel est le « nouveau ». Normal. Pivot est un journaliste dont l’horizon intellectuel est hebdomadaire, le rythme est celui de son émission. Journaliste, il valorise ses confrères dont, logiquement, les meilleures ventes se font en maisons de la presse. Pas en librairie.

 

Pivot a imposé une stupidité : l’ontologie du livre. Je le crois sincère. Inculte mais sincère. L’édition est généalogique. Au départ, un livre : la Bible de Gutenberg. Ce livre suscite ses successeurs : commentaires, nouvelles traductions. Année après année, siècle après siècle, la nappe s’étend. Chaque nouveau livre dérive de Gutenberg. C’est de moins en moins évident, les chemins sont complexes, mais le lien est toujours là, parfois intellectuel, souvent technique. Qui écrit a lu et ces lectures ont laissé des traces. Il n’est d’écriture sans lecture préalable. Rien n’est nouveau sous le soleil.

 

Les trois millions de livres exposés chaque année à la Foire de Francfort sont tous de lointains héritiers de Gutenberg, le voisio,. Par eux, tout libraire est un tutoyeur d’éternité. Tout éditeur également. Certains le savent. D’autres veulent l’oublier : tous ceux qui rêvent d’être des découvreurs et qui s’émerveillent que la donzelle qui leur fait face a écrit 300 pages sur son désir de tromper son mari. Sans même s’appeler Emma. Nihil novem sub sole.


Pivot se prend pout Moise, descendant de la montagne avec les Tables de la Loi, alors qu'il se contente de façonner le veau d'or des gros tirages. Les signes ne trompent pas : combien d'auteurs de José Corti en tant d'années ? Barthes ? deux fois, trois fois ? Greimas ? Jamais Alors que Greimas a plus fait pour la langue française qu'Ormesson.

 

Pivot s’est toujours planté……Son interview d’Umberto Eco est un moment d’anthologie. Le Nom de la Rose n’est pas un polar médiéval, c’est un catalogue stylistique universel quoique largement médiéval C'est une Mimésis. Déjà Melk…l’abbaye renfermait la plus grande bibliothèque du Moyen Age. Et l’allusion au Livre de Sable in fine…Eco baigne dans la référence que Pivot ignore avec superbe. Comme ses spectateurs.

 

Tu es méprisant, disent mes copains. Non. J’ai conscience d’être un héritier. Un héritier des temps anciens, des textes anciens, des mots anciens. Je n’abandonne rien. J’écris en latin à mon fils. Qui amat bene castigat bene. Je lui transmets mon héritage. Mais personne ne parle comme ça !!

 

Personne ne parle non plus comme Pagnol dans les dictées que Pivot affectionne.

 

Tant pis pour eux.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire