jeudi 8 février 2024

L'ARCHIPEL METAPHORIQUE

 C’est une marque épistémologique…Un je-ne sais-quoi utilise plus de 200 pages pour décrire la France résumée comme un « archipel ». Economisez 20 et quelques euros, c’est la reprise en moins bien d’une phrase de De Gaulle. : »Comment voulez vous gouverner un pays qui produit plus de 300 fromages ? »

 

Saint cyrien et donc géographe, De Gaulle connaissait son sujet qui échappe absolument à Fourquet. Le fromage est fils de la terre et donc de l’histoire et devient aisément le symbole d’un terroir. Rien à voir avec l’archipelisation qui suppose une rupture entre les îles. J’ai toujours préféré parler de dentelle, chaque motif est différent mais relié aux autres motifs dans une notion d’ensemble.  Fourquet n’hésite pas à mélanger exemples locaux et vues d’ensemble quand ça l’arrange ce que faisait déjà Guilluy. Le tout avec une sensibilité exacerbée à la doxa bien élevée. Les prénoms ? Quand tu appelles ton fils Kévin, ça veut dire que tu es biberonné à la télé et si c’est Mohammed, c‘est que tu n’es pas  Lapon. Rien de plus. Il est vrai que le prénom est un marqueur : s’appeler Raymond à Paris en pleine vague des Bidochon n’est pas évident. Mais marqueur de quoi ? Je me souviens d’une analyse fine avec le RASED de mon école. Tous les gosses en difficulté parlaient arabe, wolof ou bambara chez eux, ce qui m’avait conduit à la conclusion que ce n’étaient pas les gosses qui étaient en difficulté mais les parents. Si Fourquet veut analyser l’intégration, qu’il s’intéresse aux familles. Mais il n’y a pas de statistiques !! Alors change de sujet….ou de méthode

 

La religion catholique n’en finit pas de mourir depuis,au moins, deux siècles. La fréquentation des églises n’est pas le marqueur mais bien plutôt la quantité d’hosties fabriquées, dimanche après dimanche. Il faut compter les dévots, pas les visiteurs. Statisticien ou ébéniste, l’important est de choisir la matière. Les instruments statistiques sont peu affinés et la géographie assez absente. « Il faut chercher l’eau » disait Pierre Gentelle en référence à André Siegfried, mais les statistiques mêlent désormais terres granitiques et terres calcaires.

 

Au temps où l’un des mots les plus utilisés est « désertification », on attend vainement une analyse, qui vienne compléter l’oeuvre de Dresch, Gravier ou de Planhol. J’ai mis Dresch en tête pour des raisons de chronologie personnelle et pour rappeler que l’exploitation capitaliste des déserts  était une marque du colonialisme. Gravier était un géographe pétainiste, oublié comme géographe mais conservé comme idéologue. L’agriculture paye encore l’amour que lui portaient les pétainistes. Quant à De Planhol, tout directeur d’hypermarché devrait avoir lu son livre L’eau de neige qui est une étude géographique de la diffusion des boissons fraiches et qui montre que Coca-Cola est fils de l’islam. Mais De Planhol avait des positions de droite bien affirmées, à la trappe ! La géographie est mère de l’inégalité. Supprimer la géographie ne supprime pas l’inégalité, mais sa compréhension. Par goût du lucre, le capitaliste aménageur crée des déserts exploitables, les zones balnéaires, par exemple, vidées de résidents permanents pour leur faire cracher des marges. Voir la désertification comme une exploitation capitaliste du territoire change notre perception de la chose, mais stipendié des instituts d’opinion, Fourquet ne l’admettra jamais.

 

Fondée sur le territoire, la France est le lieu du petit. Si c’est un archipel, c’est un archipel d’îlots qui doit être analysé comme tel, et d’îlots reliés les uns aux autres, pas séparés, surtout pas séparés, les zones de contact sont omniprésentes. Mais nos instruments sont imaginés pour le grand, ce que n’est pas la géographie humaine qui est une géographie historique et matrimoniale, une géographie des réseaux subtils. Subtilité gommée pour s’achever en treize ensembles régionaux qui n’ont en commun que le nom sélectionné par les aménageurs.

 

Une discipline évolue. La géographie de Vidal de la Blache était fondée sur la ville, résidence de l’évêque. Aujourd’hui, les historiens mettent en évidence le rôle des monastères dont les abbés étaient en conflit avec l’évêque. Notre regard change quand les administrateurs figent.

 

Tout territoire a une histoire, toute géographie est historique. C’était le mantra de Gentelle.. Fourquet, géographe, a oublié Gentelle. La prochaine fois, il fera la biblio.

 

Ou pas.

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