« Ce que vous appelez un créatif, Madame, est un
salopard qui se brosse l’ego sur les débris de mon histoire. » Elle est
interloquée, la femme du pâtissier. J’étais entré pour acheter un saint-honoré.
Chez un pâtissier, c’est la moindre des choses. Et la patronne me propose des
machins style charlotte à la mangue. Moi, dans les gâteaux, ce que j’aime c’est
la crème et les choux. Choux du jour, ça va sans dire. J’aime la pâtisserie qui
appelle l’armagnac. La mousse exotique, ils peuvent se la mettre au cul. Quand
je rentre dans une pâtisserie, ça doit me rappeler Madame Fernandez et ses
belles doudounes à la sortie de la Cathédrale. Que ça sensualise de partout. Et
donc la pâtissi§re maigre me regarde comme si j’étais une crotte de chien de
manchon en laissant tomber de ses lèvres trop minces pour être honnêtes :
« Vous n’aimez pas les créatifs ». S’attirant la réponse ci-dessus.
La femme du génie de la mousse exotique, elle s’imagine
qu’en parlant comme une journaliste féminine, elle introduit la littérature
dans l’antre du mauvais goût qu’elle dirige. Bien sûr que j’aime les créatifs,
sauf les autoproclamés. Tiens, on va parler d’un créatif, un vrai, un petit
pâtissier d’une petite ville pyrénéenne : Artigarède d’Oloron Ste Marie.
Quand j’étais petit (entre Vincent Auriol et René Coty), comme on ne pouvait
pas aller à Oloron tous les dimanches, on allait chez Arosteguy à Biarritz qui
tenait en dépôt le gâteau-phare d’Artigarède, le Russe. Aujourd’hui, on en
trouve partout. Tous les pâtissiers de la Côte ont copié le Russe d’Artigarède.
C’est la définition du créatif : le mec qui invente un
plat (ou un gâteau) que tous vont s’approprier car il correspond à une certaine
perfection.. Le MOF (dans ce cas
Mari de l’Odieuse Femelle)qui ne sait pas faire de saint-honoré, j’attends
qu’il crée un classique, mais je ne suis pas sûr qu’il en soit capable. Faire
joujou pour amuser le gogo, oui. Inventer un gâteau qui défiera les années,
c’est autre chose. Parce que les gâteaux, c’est comme les livres, y’a plein de
prédécesseurs et ceux qui savent comparent. Et ils voient bien qu’il y a les
plagiés (les créatifs) et les plagiaires.
Puisqu’on est sur la Côte basque, restons y pour parler d’un
autre créatif : en 1660, le pâtissier Adam offre un biscuit de sa création
à Louis XIV, pour son mariage. J’étais chez Adam la semaine dernière et la
brunette qi me servait me disait qu’il faudrait écrire l’histoire du macaron.
Inutile. Elle tient en deux lignes : en 1660, Adam invente le macaron.
Ensuite, il est plagié. Et pas qu’un peu. On a même, à Paris, le roi du
plagiat : il s’appelle Hermé. Le mec, il reprend une recette qui
s’approche de ses quatre siècles. Il remplace l’amande par des saveurs moins
subtiles, il y colle des colorants modernes, et la piétaille des gueux s’extasie.
Au point que le plagiaire, le geai paré des plumes des cons, est parfois appelé
le roi du macaron. !!On rêve…..
On va me dire ce que j’ai déjà entendu, à savoir que je
n’aime pas la nouveauté. C’est faux mais elle ne doit pas faire disparaître la
tradition. Qu’un chef crée un nouveau plat me va, même en cuisine moléculaire.
Ce qui ne me va pas, c’est que les vieux classiques disparaissent. Qu’on ne
retrouve plus sur les cartes de poulardes en vessie à la Albufera ne serait ce
que parce que j’aime bien Suchet. Et pour moi, les meilleurs, les MOF, ne sont
jamais qu’une passerelle entre les meilleurs de tous les temps. Le concurrent de
Ducasse, c’est pas Alleno, c’est Carême. Si vous ne pouvez pas comprendre ça….
Quand j’étais môme, le geai de La Fontaine, m’explosait de
rire. Un piaf persuadé qu’il pouvait enfiler les plumes d’un autre….Ben voilà,
on y est. Et tout le monde applaudit le piaf déguisé.
C’est pathétique de sottise et d’inculture…
On en reparlera…
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