Je l’aime bien, Augustin
Berque. Depuis cinquante ans. Lao Pierre l’aimait bien aussi. En avons nous
parlé de cette obsession qu’il a de réinventer les concepts de la géographie
pour y réintégrer l’homme. Il aura eu du moins le courage de sortir du placard
la vieille notion d’oekoumène de Max Sorre.
Depuis quelque temps, il se
focalise sur la notion de mésologie vue comme l’étude des milieux. J’avoue
avoir regimbé au début : on a l’écologie pour ça. Que tu crois, parce que
l’écologie ne tient aucun compte
de l’homme dans une analyse fine et pertinente du territoire.
Moi, quand on me file un
instrument théorique, je l’essaie. Je l’essaie sur une matière que je connais
bien. Pour la géographie, c’est le bassin du bas-Adour. Là, l’écologie est
homogène. Vallées alluviales, climax et climat atlantiques, effet de foehn, on
est dans le même monde de Biarritz à Navarrenx.
Mais voilà, on perçoit des
changements, au niveau des villages, mais aussi au niveau des fermes d’un même
village et l’écologie ne peut pas en rendre compte, alors que la mésologie peut
s’avérer fonctionnelle. Le terrain est identique mais le milieu change car le
milieu intègre l’activité humaine.
Prenons l’exemple du
soustre. Chaque ferme conservait quelques parcelles infertiles pour y laisser
pousser le soustre, mélange de fougères et d‘ajoncs, qui est la base de la
litière du bétail. Après utilisation, le soustre gavé d’urine et de déjections, allait rejoindre le tas de
fumier servant annuellement à fumer les champs. Voici quelque temps, les jeunes
éleveurs, comme mon cousin Ricou, ont décidé que les bêtes venaient mieux en
plein champ et qu’on pouvait se passer de la stabulation à la ferme. On a
construit des abris et des mangeoires dans les champs. De ce fait, plus besoin
de soustre mais également plus de fumier disponible. Les parcelles de soustre
ont été remises en culture (souvent avec amendement artificiel), il a bien
fallu remplacer le fumier désormais inexistant, le milieu a changé. Pas les
conditions écologiques. Encore, le milieu n’a t’il pas changé de manière
homogène. Ceux dont les fermes étaient en plein champ ont souvent opté pour des
pratiques différentes.
La mésologie permet
d’affiner l’analyse écologique. J’ai pensé au départ qu’il s’agissait seulement
de réintégrer l’agronomie et les textes d’Augustin semblaient me donner raison
car ils laissent une large place à la téléologie, à la modification
utilitariste du milieu. Mais ça ne résiste pas à l’analyse. La montée en
puissance du maïs dans le bas-Adour maritime est un autre signe pertinent. Avec
une écologie inchangée, les milieux se modifient. Chaque culture introduite va
induire de nouveaux changements. La croissance du kiwi risque de nous
surprendre. Le kiwi et parfaitement adapté aux conditions écologiques mais
nécessite des pollinisateurs que le maïs détruit. Le clash est inévitable à
terme.
Pour l’heure, la mésologie
utilise surtout des instruments théoriques et il va lui falloir inventer une
problématique et se doter de modes d’analyse. Par bien des aspects, Augustin me
fait penser à Barthes inventant la sémiologie. Mais Barthes était entouré et je
sens Augustin bien seul. Les seuls à pouvoir se glisser dans la brèche sont les
cartographes, orphelins de Bertin. On verra bien.
Je sais, ce texte est chiant
comme tout ce qui est théorique. Il ouvre pourtant une porte à l’espoir.
L’écologie n’existe que par l’invention d‘une écologie politique, censée
réintroduire l’homme dans le milieu. La mésologie peut modifier la donne.
J’aurais aimé voir Jean Dorst s’en emparer.
On en reparlera..
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