lundi 4 mai 2020

LE LABO ET LE BISTRO

Ce matin, j’écoute par hasard, Jean-François Toussaint. Allez voir sa fiche sur Wikipedia, on gagnera du temps+
En l’écoutant, je pense à quelques vieilles connaissances, et surtout à Bernard Canguilhem et Nicolas Jaeger, deux médecins également. Après quoi je farfouille pour comprendre mon ressenti. Toussaint, il est physiologiste, comme Canguilhem, et spécialiste de l’extrême comme Nicolas. Il est de surcroit spécialiste du sport et notamment de l’épidémiologie du sport.

Il dit quoi ? Pour simplifier, le gouvernement a tout faux. Comme Raoult, il pense que l’épidémie est en phase de décrue sans que le confinement ait joué un rôle. Là, je biche. Comme tout le monde, même mon épicier portugais, croit aux vertus du confinement, c’est qu’il y a mythologie. Il est sérieux, il produit des statistiques. Selon lui, comme Raoult, l’important c’est masques et tests. Pour accélérer la fin de l’épidémie qui est inéluctable.. La différence avec Raoult, c’est la saisonnalité. Or, il a publié deux bouquins avec le MNHN et il bosse avec le GIEC, il n’est donc pas un écolo-puceau.

Toussaint est physiologiste. Son boulot, c ‘est de savoir comment fonctionne le corps humain. Incluant les conditions exceptionnelles.. C’est d’ailleurs sa spécialité. Les pathologies émergentes. Comme Raoult. Mais un peu plus. Il travaille sur les limites du corps, notamment chez les sportifs. Pensée scientifique pure qui pense que les solutions se trouvent aux extrêmes de la courbe de Gauss. On en a déjà parlé. Les épiciers regardent la bosse de la courbe ; les spécialistes analysent les extrêmes. D’ailleurs c’est le cœur de la pensée de Toussaint : quelles sont les limites du corps humain ? Ce qui est la première question que pose le sport. Qui fera mieux qu’Usain Bolt ? est un problème médical, pas médiatique. Quant au dopage, c’est une question de physiologie, pas de réglementation. Et ça se traite dans un labo, pas au bistro.

Le discours de Toussaint, comme celui de Raoult, n’est pas audible par les politiques. Ni par les journalistes qui veulent lécher le cul de leur public en lui offrant des certitudes alors que la science est doute. D’ailleurs le résultat le plus net du corona, c’est que de plus en plus de médecins interviewés disent « Je ne sais pas » ou « on ne sait pas ». Avoir l’air d’un con a ses limites et quand, jour après jour, tu dois confronter ta pensée à un réel mouvant, il y a forcément un moment où tu as l’air d’un con. Le journaliste n’a pas perçu le changement de paradigme : son boulot, c’est l’actualité. Aujourd’hui. La pandémie a allongé le temps et l’actualité d’aujourd’hui est celle d’hier comme celle de demain. Ça influence les méthodes. Tous les jours, il te faut un plateau avec des invités. Et donc, tous les jours, c’est les mêmes vu que le sujet, c’est le même. Et il faut qu’ils se renouvellent, actualité oblige. Plus casse-gueule, y’a pas. Pour l’invité et parfois pour le journaliste.

On a remplacé de triangle de Galien, revisité par Balint voici quelques années. Médecin- malade-maladie est devenu médecin-journaliste-politique.. Galien était grec et savait que dans la Grèce classique on mettait à mort celui qui annonçait une mauvaise nouvelle. Or, la mauvaise nouvelle sort toujours de la bouche du médecin. Impossible pour le politique. Le journaliste, ça dépend.


Tout ceci ne plaide pas en faveur d’une information de qualité, ni en faveur d’une prise de décision rapide et efficace. Quand on ne comprend pas le labo, on ne peut pas parler au bistro

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