lundi 11 mai 2020

LES MOYENS ET LE RÉSULTAT

J’écoute le charmant et inutile Jean Baptiste Djebbari. Il explique tout ce qu’il a fait. C’est certainement très bien. A un détail près : il est ministre. Me saute alors à la figure une opposition juridique ancienne et dévoyée, l’opposition entre moyens et résultat.

Pour le dire simplement, dans un cadre contractuel, tu peux échapper à tes obligations en excipant du fait que tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir pour les remplir. C’est l’ancienne « bonne foi ». L’exemple qui revient sans cesse est celui du médecin qui doit faire tout ce qu’il peut pour guérir sans que guérir soit une obligation.

Exemple bien choisi. Mauvais exemple car exemple non généralisable. Et d’abord parce qu’il n’existe aucun contrat entre le médecin et son malade. A l’inverse, l’élection est un contrat entre l’électeur et l’élu lequel doit son poste à sa capacité supposée ou proclamée de régler les problèmes.

Là, Djebbari dévidait la litanie des mesures qu’il avait prises et qui devaient régler les problèmes. Sans que nulle part, il ne s’engage. Et aucun journaliste en face pour dire : « Vous etes certain ? ». C’est pas un plateau télé, c’est du babillage.

Je pensais à des choses plus triviales. Djebbari, il a fait l’ENAC. Respect. S’il avait échoué, serait il allé voir son père pour lui dire « J’ai fait tout ce que je pouvais, mais j’ai été bullé » ?. On me permettra de douter. L’excuse des moyens, c’est ça. J’ai fait tout ce que je pouvais. Excuse que pas un athlète n’oserait sortir pour justifier d’être au pied du podium. Excuse de gamin face à la maitresse qui gronde. Excuse qui va bien avec le nez qui coule et Maman qui tend le mouchoir.
Mais ce n’est pas une excuse d’adulte responsable. Ni a fortiori une excuse de gouvernant. Même pas de chef d’entreprise. Le chef d’entreprise justifie ses émoluments souvent indécents par ses qualités anticipatrices. Anticiper le drame justifie ces émoluments. Mais, comment pouvais je prévoir ? J’en sais rien mais tu étais payé pour ça. La hauteur du barreau de l’échelle définit la hauteur du couperet qui doit tomber.

Petit Djebbari, ce que tu as fait, c’est bien. Ou pas. Seul compte le résultat. Le peuple n’est pas ta maman qui va sécher tes larmes en cas d’échec. C’est un maitre qui exige un résultat et ne peut pas tolérer l’échec. Tu as fait tout ce que tu as pu ? Si ça ne marche pas, c’est que tu n’as pas assez fait. Ou que tu as mal fait. Dans les deux cas, tu es responsable. Seul. Le poste que tu occupes, tu l’as accepté, voire sollicité. Ton acceptation vaut engagement, engagement de réussir. Pas simplement d’essayer, parce que n’importe qui peut essayer. « J’ai fait de mon mieux » n’a aucun sens en politique. Nous avons tous dans la tête le pathétique « responsable mais pas coupable » de Fabius. Si responsable, coupable.

Les gouvernants se cachent derrière leurs conseillers, oubliant qu’ils sont responsables du choix de leurs conseillers. Si tu as mal choisi tes conseillers, tu en es responsable.

L’opposition entre obligation de moyens et obligation de résultats pourrit notre vie, tant économique que politique, car c’est le socle de la déresponsabilisation. Depuis, au moins, la grande Peste de 1346, tout gouvernant sait que la pandémie existe, tout comme existent les phénomènes climatiques et les tremblements de terre. Tout ceci est prévisible. Ce qui est imprévisible, c’est la date. Seulement la date.

Le fonctionnement-Bachelot n’a pas été commenté correctement. Roselyne a adopté une ligne « fausse modeste » que je ne comprends pas. La constitution d’un stock de masques était un acte de gouvernement. La destruction du dit stock était un acte de gestion. Dans ce cas précis, l’obligation de résultat dépendait de l’obligation de moyens et nous sommes dans un cas emblématique : celui de la responsabilité de la destruction de moyens. « J’ai fait tout ce que j’ai pu » ne peut plus être énoncé. « On m’a empêché d‘avoir les moyens » devient acceptable.

A tout prendre des arguments chez les assureurs, utilisons donc la notion de « fait générateur ». Le covid n’est pas le fait générateur de l’encombrement des services de réanimation. Le covid est une pandémie qui nécessite des respirateurs. L’encombrement a pour fait générateur la suppression de lits, voire d’hopitaux, François Salachas l’a verbalisé : « Nous sommes au bout » dès avant l’explosion du covid.

D’où une piste de recherche. Le résultat dépend des moyens. Dès lors, pourquoi ne pas pénaliser la destruction de moyens ? puisque détruire les moyens revient à induire un résultat négatif.

Il faut, à mon sens, revoir les leçons de l’Histoire. Nous avons lutté avec succès contre la tuberculose, avec des gestes-barrières simples qui doublaient une vaccination obligatoire. Cracher dans la rue était une infraction. Punissable. Depuis combien d’années n’avons nous pas dressé de contravention pour crachat dans la rue ? Il me semble que le mollard est un plus gros réservoir que le postillon.

Et l’hygiaphone ? Les guichets publics ont été « libérés » de la contrainte de l’hygiaphone qu’on re-installe aujourd’hui à grands frais. Quels sont les textes qui ont supprimé l’hygiaphone ? Quel est le salopard qui a pris ce risque ? Le ou les mecs qui ont décidé que les épidémies n’existaient plus ?

A l’obligation moyen/résultats vient se superposer une stupidité hyperbolique : « dans l’état actuel des connaissances » que l’on applique toujours mal. L’état actuel des connaissances ne s’applique pas à la tuberculose, mais aux contraintes épidémiologiques en général. Parce que, faut pas rêver : partout les hordes virales se préparent. On va les nommer, les mesurer, bref nous faire revivre la pantalonnade du covid-19. Les virus qui s’attaquent aux poumons, on trouvera des solutions. Imaginons un virus qui cible les intestins.


Ben, on sera dans la merde…..

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