J’écoute le charmant et inutile Jean Baptiste Djebbari. Il
explique tout ce qu’il a fait. C’est certainement très bien. A un détail
près : il est ministre. Me saute alors à la figure une opposition
juridique ancienne et dévoyée, l’opposition entre moyens et résultat.
Pour le dire simplement, dans un cadre contractuel, tu peux
échapper à tes obligations en excipant du fait que tu as fait tout ce qui était
en ton pouvoir pour les remplir. C’est l’ancienne « bonne foi ».
L’exemple qui revient sans cesse est celui du médecin qui doit faire tout ce
qu’il peut pour guérir sans que guérir soit une obligation.
Exemple bien choisi. Mauvais exemple car exemple non
généralisable. Et d’abord parce qu’il n’existe aucun contrat entre le médecin
et son malade. A l’inverse, l’élection est un contrat entre l’électeur et l’élu
lequel doit son poste à sa capacité supposée ou proclamée de régler les
problèmes.
Là, Djebbari dévidait la litanie des mesures qu’il avait
prises et qui devaient régler les problèmes. Sans que nulle part, il ne
s’engage. Et aucun journaliste en face pour dire : « Vous etes
certain ? ». C’est pas un plateau télé, c’est du babillage.
Je pensais à des choses plus triviales. Djebbari, il a fait
l’ENAC. Respect. S’il avait échoué, serait il allé voir son père pour lui dire
« J’ai fait tout ce que je pouvais, mais j’ai été bullé » ?. On
me permettra de douter. L’excuse des moyens, c’est ça. J’ai fait tout ce que je
pouvais. Excuse que pas un athlète n’oserait sortir pour justifier d’être au
pied du podium. Excuse de gamin face à la maitresse qui gronde. Excuse qui va
bien avec le nez qui coule et Maman qui tend le mouchoir.
Mais ce n’est pas une excuse d’adulte responsable. Ni a
fortiori une excuse de gouvernant. Même pas de chef d’entreprise. Le chef
d’entreprise justifie ses émoluments souvent indécents par ses qualités
anticipatrices. Anticiper le drame justifie ces émoluments. Mais, comment
pouvais je prévoir ? J’en sais rien mais tu étais payé pour ça. La hauteur
du barreau de l’échelle définit la hauteur du couperet qui doit tomber.
Petit Djebbari, ce que tu as fait, c’est bien. Ou pas. Seul
compte le résultat. Le peuple n’est pas ta maman qui va sécher tes larmes en
cas d’échec. C’est un maitre qui exige un résultat et ne peut pas tolérer
l’échec. Tu as fait tout ce que tu as pu ? Si ça ne marche pas, c’est que
tu n’as pas assez fait. Ou que tu as mal fait. Dans les deux cas, tu es
responsable. Seul. Le poste que tu occupes, tu l’as accepté, voire sollicité.
Ton acceptation vaut engagement, engagement de réussir. Pas simplement
d’essayer, parce que n’importe qui peut essayer. « J’ai fait de mon
mieux » n’a aucun sens en politique. Nous avons tous dans la tête le
pathétique « responsable mais pas coupable » de Fabius. Si responsable,
coupable.
Les gouvernants se cachent derrière leurs conseillers,
oubliant qu’ils sont responsables du choix de leurs conseillers. Si tu as mal
choisi tes conseillers, tu en es responsable.
L’opposition entre obligation de moyens et obligation de résultats
pourrit notre vie, tant économique que politique, car c’est le socle de la
déresponsabilisation. Depuis, au moins, la grande Peste de 1346, tout
gouvernant sait que la pandémie existe, tout comme existent les phénomènes
climatiques et les tremblements de terre. Tout ceci est prévisible. Ce qui est
imprévisible, c’est la date. Seulement la date.
Le fonctionnement-Bachelot n’a pas été commenté correctement.
Roselyne a adopté une ligne « fausse modeste » que je ne comprends
pas. La constitution d’un stock de masques était un acte de gouvernement. La
destruction du dit stock était un acte de gestion. Dans ce cas précis,
l’obligation de résultat dépendait de l’obligation de moyens et nous sommes
dans un cas emblématique : celui de la responsabilité de la destruction de
moyens. « J’ai fait tout ce que j’ai pu » ne peut plus être énoncé.
« On m’a empêché d‘avoir les moyens » devient acceptable.
A tout prendre des arguments chez les assureurs, utilisons
donc la notion de « fait générateur ». Le covid n’est pas le fait
générateur de l’encombrement des services de réanimation. Le covid est une
pandémie qui nécessite des respirateurs. L’encombrement a pour fait générateur
la suppression de lits, voire d’hopitaux, François Salachas l’a
verbalisé : « Nous sommes au bout » dès avant l’explosion du
covid.
D’où une piste de recherche. Le résultat dépend des moyens.
Dès lors, pourquoi ne pas pénaliser la destruction de moyens ? puisque
détruire les moyens revient à induire un résultat négatif.
Il faut, à mon sens, revoir les leçons de l’Histoire. Nous
avons lutté avec succès contre la tuberculose, avec des gestes-barrières
simples qui doublaient une vaccination obligatoire. Cracher dans la rue était
une infraction. Punissable. Depuis combien d’années n’avons nous pas dressé de
contravention pour crachat dans la rue ? Il me semble que le mollard est
un plus gros réservoir que le postillon.
Et l’hygiaphone ? Les guichets publics ont été
« libérés » de la contrainte de l’hygiaphone qu’on re-installe
aujourd’hui à grands frais. Quels sont les textes qui ont supprimé
l’hygiaphone ? Quel est le salopard qui a pris ce risque ? Le ou les
mecs qui ont décidé que les épidémies n’existaient plus ?
A l’obligation moyen/résultats vient se superposer une
stupidité hyperbolique : « dans l’état actuel des
connaissances » que l’on applique toujours mal. L’état actuel des
connaissances ne s’applique pas à la tuberculose, mais aux contraintes
épidémiologiques en général. Parce que, faut pas rêver : partout les
hordes virales se préparent. On va les nommer, les mesurer, bref nous faire
revivre la pantalonnade du covid-19. Les virus qui s’attaquent aux poumons, on
trouvera des solutions. Imaginons un virus qui cible les intestins.
Ben, on sera dans la merde…..
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