jeudi 25 juin 2020

LE MONDE EST A NOUS

C’est intéressant. Voit naitre une boite, la voir grandir et assister à sa déconfiture, ça permet de comprendre plein de choses. C’est le privilège des vieux.

Et donc, je regarde avec intérêt les soubresauts de l’agonie de TUI-FRANCE. C’est la maison-mère de Nouvelles Frontières, Corsair, Look et Marmara. Va y avoir du cadavre dans le plan social !!

Pour moi, Nouvelles Frontières, c’est la rue Croulebarbe, chez Jacques Maillot, avec Claude Verrien et Claude Sauvageot…Je vous parle d’un temps… Un temps où le voyage en France appartient à peu de monde : Havas est le plus gros, appuyé sur son réseau d’agences de province, et derrière….. Rien. Le voyage est affaire de boutiquiers de province. Le Club Med émerge mais il s’agit essentiellement de séjours, pas de voyages. Acceptons l’existence de Fram.

Les deux poids lourds qui émergent sont Jacques Maillot avec Nouvelles Frontières et Maurice Freund avec Point Mulhouse. Je ne les sépare pas. Ces deux là se tiennent à la culotte, s’observent, se copient.  Les deux sont d’anciens scouts, ce qu’on appelait alors des chrétiens de gauche. Les deux sont appuyés sur des associations 1901 avec une nuée de bénévoles, dévoués, bosseurs, connaissant le monde. Ils sont imités. Le modèle associatif structure le monde du voyage. Le challenger est la FMVJ, la Fédération Mondiale des Villes Jumelées, encore une association 1901. Air France crée Jet Tours qui s’empresse d’avaler Jumbo dont le modèle économique est proche. Naissent dans la foulée des dizaines d’entreprises souvent oubliées et des créateurs passés à la trappe… Se  fondent des généalogies, oubliées également. Jean-Pierre Picon fonde Explorator qui donnera naissance à Terres d’Aventure ou Déserts, voyagistes nés du désir de faire mieux par des collaborateurs impatients.

Ainsi nait le voyage à la française. Dans un fouillis de petites boites, de gens de haute qualité qui vont de l’une à l’autre, qui inventent, qui foutent un bordel pas possible. Tous ces voyagistes sont éditeurs : la FMVJ a créé les guides Delta, les guides NF sont distribués par Hachette qui a l’expérience du Guide du Routard, Jacques Klein s’évertue a décrire l’Asie, les Van der Vynckt font un carton avec des guides polycopiés. Le voyage est un savoir, un bien culturel. C’est le lieu de l’unique.

Mais voilà. Au lieu de comprendre que ces centaines de petites boites créent un biotope unique, comparable au stock d’un fromager, le système est à l’œuvre, la normalisation est en marche. Toutes ces petites boites font un marché et il importe de le structurer. Et la structure va détruire le savoir des hommes sans voir qu’elle n’existe que par ce savoir. Ce savoir qui n’apparaît pas dans les bilans. Parce que tous ces gens dont je me souviens cinquante ans après : Jacqueline Milcamps, Jean Labarthe, Pierre Vernay, Claude Saulière, Jean Sudriez, sur les bilans ils sont sur la même ligne : Salaires et honoraires. Il faut qu’ils disparaissent pour être valorisés.

Maillot a vendu à TUI. Pourquoi pas ? Et TUI a pensé que Nouvelles Frontières était un bilan. Le groupe TUI a géré sa filiale française comme si elle était hors sol. Le groupe TUI n’a pas imaginé que le voyage unique à la française n’était pas soluble dans le voyage teutonique. Le Bavarois ne voyage pas comme le Bourguignon. Voilà des années que TUI accumule les pertes sur le marché français. What else ? Gérer le voyage comme des vélib, c’est déjà con…Mais comme des Allemands, c’est encore plus con…

J’exagère. TUI a été trompé… Il a acheté des bilans. Et il a nommé comme président un lecteur de bilans…Personne n’a dit à TUI que l’esperanto financier n’existait pas.

Je fais vieux con, allons jusqu’au bout. C’est un basque qui va liquider Corsair. C’est le moment de rendre hommage à un autre basque, le bras droit de Jacques Maillot quand il a racheté Corsair, Mikel Landaburu, directeur financier de NF, une sorte de Mozart de l’échange des devises. TUI avait des ordinateurs, Maillot avait Landaburu. NF valait cher, TUI ne vaut rien.

Je dis ça, je dis rien…. Fosun va racheter TUI. On parie ?



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire