Ça buzze sur les réseaux sociaux… Un mec vient de sortir un
livre affirmant que la Chine est un prédateur dont l’Europe est la proie. J’ai
fait justice de cette sottise dans un petit livre refusé par une douzaine
d’éditeurs depuis huit ans.
Oui, la Chine est un prédateur. Comme les USA, l’Allemagne
ou n’importe quel pays désireux d’affirmer sa puissance. Mais l’Europe n’est
pas la proie.
La proie nous la connaissons depuis le 1er
octobre 1949 quand le PCC a pris le pouvoir à Pékin. Deng Xiaoping a remis une
couche en 1976.
« Qu’importe que le chat soit noir ou blanc s’il
attrape la souris ». Encore une histoire de prédation. Le chat est
évidemment la Chine. Mais quelle est donc la souris ? L’Europe ? La
proie est trop petite pour tenter le prédateur. D’autant que l’Europe est prise
depuis longtemps dans le filet chinois qui a eu depuis dix ans l’occasion de se
refermer à plusieurs reprises ans que rien ne soit entrepris.
La souris est plus grosse que l’Europe : il s’agit
simplement du capitalisme, rien de moins. Mais alors, les U.S.A. ? Non.
L’idéologie dominante. L’article 1 des statuts du PCC stipule que le but du
Parti est d’assurer la victoire du socialisme à la chinoise, définition où le
signe important est socialisme. Une Amérique socialiste fera très bien
l’affaire. Pékin ne veut pas contrôler Des Moines. En fait, Pékin ne veut pas
contrôler de territoire. Les concessions sont suffisantes.
J’admets. Ce n’est pas évident. Ce n’est même pas audible.
Le présupposé est devenu invraisemblable car il suppose que le politique dirige
l’économique ce que plus personne ne peut même envisager. L’économie chinoise
est une économie d’Etat. Le capitalisme s’en accommode fort bien et les grandes
banques d’Etat ont des succursales dans tout l’Occident et interviennent sur
tous les marchés.
Lénine avait dit que les capitalistes vendraient la corde
pour les pendre. Deng les connaissait mieux : il savait que les
capitalistes pouvaient acheter la corde pour les pendre. Et depuis trente ans,
la Chine multiplie les offres sur le prix de la corde.
Et depuis trente ans, bloqué par son arrogance construite
sur des dividendes obscènes, le capitalisme assuré de son avenir historique,
laisse tout faire. Le fossé idéologique n’a jamais été aussi profond entre une
Chine, matérialiste, pétrie d’histoire et l’Occident qui se vautre dans le
virtuel et moque l’expérience. On le touche du doigt avec le redémarrage de la
conquête spatiale, financée par Silicon Valley au nom d’un transhumanisme qui
n’existe que dans les rêves des dirigeants. Depuis vingt ans, la Chine a comblé
son retard. Elle a entrepris la construction d’une station spatiale chinoise
afin de ne rien partager avec le reste du monde. Il s’agit d’une conquête pas
d’un Monopoly et une station spatiale n’est pas un laboratoire mais un pas de
tir. Un laboratoire peut être financé par une coopération public-privé, pas un
pas de tir.
Entendons nous bien. La Chine n’a aucun intérêt à créer un
conflit interstellaire façon Star Wars. Elle veut simplement pouvoir dire Non.
Non à l’exploitation des terres rares qui menacerait sa politique industrielle,
par exemple. Pour le capitalisme, exploiter les terres rares est un moyen de
créer des dividendes. Pour la Chine, c’est un moyen de contrôle. Le politique
commande à l’économique.
Nous, Français, devrions comprendre. Depuis quarante ans,
l’affaiblissement de l’Etat a conduit à l’affaiblissement du pays sans que la
propagande (fainéants de fonctionnaires) n’y change rien. Nous avons refusé
l’Airbus A-400 sur des raisons économiques, Et nos gigantesques commandes de
masques ont été livrées par des Antonov russes. D’où la question : les
B-747 étant en voie de destruction qui dispose aujourd’hui de gros porteurs
capables de projeter une armée à l’autre bout du monde ? En Occident, la
question sonne comme une grossièreté. On élude avec délicatesse tout ce qui touche à la guerre.
D’ailleurs, l’élision est littéraire. La prédation remplace
la confrontation. Il ne s’agit pas de se foutre sur la gueule mais de se laisser
bouffer. Quand le guépard fouille dans les entrailles de la gazelle, on n’est
pas dans la tendresse absolue. Mais l’image emprunte à la Nature quand la
guerre est Culture.
Nous revoici dans Mythologies. L’idéologie petite bourgeoise
qui naturalise la culture pour convaincre. Mais l’ENA ne lit pas Barthes.
Laissons le guépard bouffer la gazelle. Personne ne dira
qu’affaiblie, dénutrie, la gazelle ne peut plus s’échapper, ni se défendre.
Personne ne dira non plus que depuis plus d’un siècle, tous ceux qui ont voulu
expliquer la Chine ont été muselés afin de préserver l’idée que notre système
était le meilleur.
Personne n’a jamais parlé de Li Hongzhang depuis Jean
Chesneaux. Et le sinologue conformiste à qui j’en ai parlé, m’a balayé d’un
revers de pensée : Chesneaux s’est toujours trompé.
Quand on chasse le réel par la porte, il revient par la fenêtre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire