vendredi 12 juin 2020

L’ENTASSEMENT

Bien. L’épidémie se calme. On va faire les comptes. Ou plutôt on ne va pas les faire. Il ne s’agit pas de remettre en cause quelques années de gestion stupide ou paraissant telle et de remettre la vie humaine au centre du jeu.

Les iconocartes départementales sont totalement inutiles : elles indiquent simplement la localisation des hôpitaux. Les cas les plus graves ont été transférés au CHU le plus proche. Par voie de conséquence, les meilleurs hôpitaux enregistrent le plus de morts. C’est parfait. Il suffira d’affiner un poil pour prouver que la mortalité a été supérieure dans le public que dans le privé.

Une surprise malgré tout : Toulouse a été misérablement impactée. Tout comme Clermont-Ferrand et Grenoble. Le virus est il sensible à l’altitude ? Ou à l’anorexique démographie des régions montagneuses ? On choisira l’explication en fonction du résultat désiré.

La gestion énarchique, c’est comme ça que ça marche, à coup de prévisions autoprévisibles. Ainsi, ma chère ville de Bayonne enregistre le plus fort taux de naissance de la région. Il ne faut pas imaginer les habitants comme des lapins lubriques. Mais, la plupart des maternités de proximité ayant été supprimées, les parturientes viennent pondre à Bayonne, justifiant ainsi le choix de départ On l’a déjà dit. L’ENA n’est pas une école d’administration, c’est une école qui rend le territoire administrable par un certain système. Une grosse couveuse à feignasses. Prenons un exemple : Laurent Nunez. Il a été deux ans sous-prefet chez moi. Il avait à s’occuper de villages comme Arancou ou Orsanco. En deux ans, combien de fois a t’il visité ces hauts lieux de civilisation pour en rencontrer les édiles ? Je déconne pas : à Arancou, il y a un abri sous roche magdalénien qui est un des plus anciens habitats du Pays basque. Il y a aussi une église du XIIème siècle érigée pour les pèlerins allant à Compostelle car Arancou est un village compostellan. Avec ses 150 habitants, le maire ne peut tout simplement pas mettre en valeur son patrimoine. Une visite annuelle du sous-préfet me semble être le service minimum. Mais les sous-préfets ne vont plus aux champs. Et Nunez, comme ses homologues, a laissé Arancou être englouti par la modernité.

Administrer un territoire, c’est un travail de dentellière. Chaque village a ses spécificités, son patrimoine, ses routes, ses productions et ses difficultés. Et chaque village participe, à sa manière, à la richesse de la France. Mais l’époque n’est plus aux dentellières. Ne compte que ce qui peut être compté. Et encore à condition de le vouloir. Car l’énarchie a oublié cette vérité première = toute statistique commence par UN. Un mec qui plante de la vigne, un mec que son voisin imite pour améliorer son ordinaire, puis un autre…Et on crée une appellation. A ce moment, la quantité est suffisante pour justifier la statistique qui n’est possible que par l’unique du départ.

On voit cette idéologie à l’œuvre sur le territoire national : regrouper pour faciliter. La première régionalisation comportait 22 régions conçues comme les arrière-pays de 22 métropoles. La dernière n’en compte plus que 13 avec des chimères géographiques comme la Nouvelle-Aquitaine qui englobe désormais le Poitou-Charentes et le Limousin. Cela signifie d’abord une perte d’influence pour Poitiers et Limoges dont la croissance se trouve menacée  en devenant des métropoles secondaires. La théorie du ruissellement restant à l’œuvre, cela signifie également un affaiblissement de l’ensemble. Bordeaux va capter l’essentiel de la croissance démographique au détriment de Limoges ou Brive. Tous les énarques sont d’accord : il est plus facile de gérer 13 métropoles que 22.

L’entassement de la population est en bonne voie. C’est profitable aux virus. Plus les humains sont nombreux et serrés, plus le virus circule. Si l’on excepte Toulouse, les villes les plus touchées sont les villes possédant un métro. Il y aurait une corrélation à chercher entre mortalité et transports en commun, le tramway me paraissant avoir les mêmes effets que le métro.

L’hygiénisme est né au XIXème siècle. Il s’agissait de limiter l’entassement pour protéger les hommes de la pandémie du temps : la tuberculose. Rien n’a changé sauf la manière d’administrer les hommes. Désormais, on les entasse de nouveau, avec de nouveaux arguments. Mais l’entassement est toujours aussi assassin. Avec un détail : on ne peut pas d’un coup, revenir en arrière, rouvrir les écoles, les postes, les hopitaux fermés afin de permettre aux citoyens de vivre dans un environnement plus protecteur.

La métropole idéale, on la connaît. Une ville moyenne (de 10 à 20 000 habitants) sans zone commerciale, sans grande distribution agressive, avec un ou deux marchés de producteurs locaux par semaine, un hopital et une maternité, et un arrière-pays organisé en villages où le citoyen peut trouver les services essentiels avec guichets uniques (mairie, CPAM, CAF, poste), une école à taille humaine. Un seul inconvénient =  l’omniprésence de la voiture individuelle tempérée par la proximité. On peut y pallier par le covoiturage et quelques pistes cyclables.

Oui, il faut vingt métropoles de cette taille pour équivaloir une métropole régionale de 400 000 habitants. Et beaucoup plus d’équipements, de fonctionnaires, d’investissements. Et alors ? Nous l’avions il y a cinquante ans. L’Europe veut faire vivre un géant comme la France à la manière d’un nain comme le Luxembourg. La seule réponse possible est NON. Et oui, c’est un changement d’habitudes, de vie quotidienne, c’est surtout un changement d’administration.


L’entassement est mortel. Il faut le desserrer. Nous devons apprendre a vivre avec les pandémies qui aiment le bouillon de culture qu’est la ville. Il faut casser l’écosystème du virus. Le capitalisme finira bien par comprendre qu’il a besoin de travailleurs pour prospérer

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