Bien. L’épidémie se calme. On va faire les comptes. Ou
plutôt on ne va pas les faire. Il ne s’agit pas de remettre en cause quelques
années de gestion stupide ou paraissant telle et de remettre la vie humaine au
centre du jeu.
Les iconocartes départementales sont totalement
inutiles : elles indiquent simplement la localisation des hôpitaux. Les
cas les plus graves ont été transférés au CHU le plus proche. Par voie de
conséquence, les meilleurs hôpitaux enregistrent le plus de morts. C’est parfait.
Il suffira d’affiner un poil pour prouver que la mortalité a été supérieure
dans le public que dans le privé.
Une surprise malgré tout : Toulouse a été misérablement
impactée. Tout comme Clermont-Ferrand et Grenoble. Le virus est il sensible à
l’altitude ? Ou à l’anorexique démographie des régions montagneuses ?
On choisira l’explication en fonction du résultat désiré.
La gestion énarchique, c’est comme ça que ça marche, à coup
de prévisions autoprévisibles. Ainsi, ma chère ville de Bayonne enregistre le
plus fort taux de naissance de la région. Il ne faut pas imaginer les habitants
comme des lapins lubriques. Mais, la plupart des maternités de proximité ayant
été supprimées, les parturientes viennent pondre à Bayonne, justifiant ainsi le
choix de départ On l’a déjà dit. L’ENA n’est pas une école d’administration,
c’est une école qui rend le territoire administrable par un certain système. Une grosse couveuse à
feignasses. Prenons un exemple : Laurent Nunez. Il a été deux ans
sous-prefet chez moi. Il avait à s’occuper de villages comme Arancou ou
Orsanco. En deux ans, combien de fois a t’il visité ces hauts lieux de
civilisation pour en rencontrer les édiles ? Je déconne pas : à
Arancou, il y a un abri sous roche magdalénien qui est un des plus anciens
habitats du Pays basque. Il y a aussi une église du XIIème siècle érigée pour
les pèlerins allant à Compostelle car Arancou est un village compostellan. Avec
ses 150 habitants, le maire ne peut tout simplement pas mettre en valeur son
patrimoine. Une visite annuelle du sous-préfet me semble être le service
minimum. Mais les sous-préfets ne vont plus aux champs. Et Nunez, comme ses
homologues, a laissé Arancou être englouti par la modernité.
Administrer un territoire, c’est un travail de dentellière.
Chaque village a ses spécificités, son patrimoine, ses routes, ses productions
et ses difficultés. Et chaque village participe, à sa manière, à la richesse de
la France. Mais l’époque n’est plus aux dentellières. Ne compte que ce qui peut
être compté. Et encore à condition de le vouloir. Car l’énarchie a oublié cette
vérité première = toute statistique commence par UN. Un mec qui plante de la
vigne, un mec que son voisin imite pour améliorer son ordinaire, puis un
autre…Et on crée une appellation. A ce moment, la quantité est suffisante pour
justifier la statistique qui n’est possible que par l’unique du départ.
On voit cette idéologie à l’œuvre sur le territoire
national : regrouper pour faciliter. La première régionalisation
comportait 22 régions conçues comme les arrière-pays de 22 métropoles. La
dernière n’en compte plus que 13 avec des chimères géographiques comme la
Nouvelle-Aquitaine qui englobe désormais le Poitou-Charentes et le Limousin.
Cela signifie d’abord une perte d’influence pour Poitiers et Limoges dont la
croissance se trouve menacée en
devenant des métropoles secondaires. La théorie du ruissellement restant à
l’œuvre, cela signifie également un affaiblissement de l’ensemble. Bordeaux va
capter l’essentiel de la croissance démographique au détriment de Limoges ou Brive.
Tous les énarques sont d’accord : il est plus facile de gérer 13
métropoles que 22.
L’entassement de la population est en bonne voie. C’est
profitable aux virus. Plus les humains sont nombreux et serrés, plus le virus
circule. Si l’on excepte Toulouse, les villes les plus touchées sont les villes
possédant un métro. Il y aurait une corrélation à chercher entre mortalité et
transports en commun, le tramway me paraissant avoir les mêmes effets que le
métro.
L’hygiénisme est né au XIXème siècle. Il s’agissait de
limiter l’entassement pour protéger les hommes de la pandémie du temps :
la tuberculose. Rien n’a changé sauf la manière d’administrer les hommes.
Désormais, on les entasse de nouveau, avec de nouveaux arguments. Mais
l’entassement est toujours aussi assassin. Avec un détail : on ne peut pas
d’un coup, revenir en arrière, rouvrir les écoles, les postes, les hopitaux
fermés afin de permettre aux citoyens de vivre dans un environnement plus
protecteur.
La métropole idéale, on la connaît. Une ville moyenne (de 10
à 20 000 habitants) sans zone commerciale, sans grande distribution agressive,
avec un ou deux marchés de producteurs locaux par semaine, un hopital et une maternité, et un arrière-pays
organisé en villages où le citoyen peut trouver les services essentiels avec
guichets uniques (mairie, CPAM, CAF, poste), une école à taille humaine. Un
seul inconvénient = l’omniprésence
de la voiture individuelle tempérée par la proximité. On peut y pallier par le
covoiturage et quelques pistes cyclables.
Oui, il faut vingt métropoles de cette taille pour
équivaloir une métropole régionale de 400 000 habitants. Et beaucoup plus
d’équipements, de fonctionnaires, d’investissements. Et alors ? Nous
l’avions il y a cinquante ans. L’Europe veut faire vivre un géant comme la
France à la manière d’un nain comme le Luxembourg. La seule réponse possible
est NON. Et oui, c’est un changement d’habitudes, de vie quotidienne, c’est
surtout un changement d’administration.
L’entassement est mortel. Il faut le desserrer. Nous devons
apprendre a vivre avec les pandémies qui aiment le bouillon de culture qu’est
la ville. Il faut casser l’écosystème du virus. Le capitalisme finira bien par
comprendre qu’il a besoin de travailleurs pour prospérer
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