Période d’élections….¨Période favorable à l’introspection,
surtout dans une petite ville. J’avais oublié. Beaucoup de candidats me sont
connus. J’ai mon Jiminy Cricket avec moi. Il m’interroge ; et lui ?
Tu n’y penses pas.. Il n’a qu’un neurone, et encore on lui a greffé.
Le jeu est facile : avec lesquels de ces candidats
aimerions nous diner ? L’avantage, c’est que ça va pas nous détruire le budget.
Jiminy revient a l’essentiel, la littérature. On parle de
nos favoris ; Céline, Cioran, Bernanos. Se profile ainsi une
parenté : les auteurs qui savaient dans quel monde ils vivaient. Les
auteurs négatifs. Race disparue. Ce sont les auteurs de la lucidité, ceux qui
voient les dangers qui se profilent. Ceux qui consultent l’Histoire et la
convoquent dans leur réflexion. Ceux qui ne cèdent pas aux sirènes de la
modernité et appellent Sénèque au secours pour comprendre Macron.
Ils ne sont pas audibles. Souvent par la forme. La lucidité
rend violent avec le temps qui passe et l’époque hait la violence. L’époque hait
la haine et l’affiche sans cesse car elle a encagé la haine dans des lieux
réservés à cet effet. On a le droit de haïr les groupes haineux. Je hais la
haine et ma haine n’est plus haine car son objet est haïssable. Quand une
réflexion commence ainsi, elle est intellectuellement morte.
Ils ne sont pas audibles. Souvent par leur culture. Cette
culture sans cesse appelée au micro, mais toujours rejetée dès lors qu’elle
existe, au motif de son élitisme. Il est inutile de parler de Jules César dans
un groupe LBGT. César, le mari de toutes les femmes, la femme de tous les maris.
Jules devrait être une icône. Mais, comme je l’ai entendu, personne n’a lu
César. Pas grave, la formule est de Suétone que personne n’a lu non plus.
Ils ne sont pas audibles. La doxa leur est indifférente. Ils
savent bien que les moutons vont en troupe. Eux sont des béliers et n’ont que
faire de la taille du troupeau. Ils écrivent pour peu. Parfois, on se
demande : écrivent ils pour quelqu’un ?
Il est temps de refonder le négativisme Jiminy me souffle à
l’oreille : personne ne te lira.. Jiminy se trompe. Ils seront peu
nombreux. J’en connais déjà quelques uns. Peu nombreux, il est vrai. Peu
modernes, il est vrai également.
Nous sommes dimanche 28 juin. J’écoute les commentaires
électoraux stupides. L’abstention augmente. Faux. Les Français de base, ceux
avec qui je m’entends bien, ont déjà voté et ont élu leur Maire. Nous votons
pour les maires des métropoles, la fausse France. L’abstention est urbaine,
citadine. Car le citadin, je l’ai déjà écrit, veut le beurre et l’argent du
beurre : il vote pour qui lui promet les deux et comme tous promettent les
deux, il hésite, vacille et s’abstient. Les commentateurs me filent des
boutons. Après avoir passé des mois à analyser les Gilets jaunes, ils les
gomment de la réflexion et reviennent aux antiques logiciels. On s’oriente vers
une vague verte. En ville. Il n’y a pas de vague verte dans la France
périphérique. Et encore moins dans la France rurale : elle est déjà verte.
A Escos, il n’y a pas eu de second tour. Le premier tour
enregistrait 86% de participation, en nette baisse par rapport aux 91% de
l’élection précédente. Abstention ? A côté, à Labastide, 74% des habitants
avaient voté au premier tour (baisse de neuf points, note le commentateur) pour
porter à la mairie le frère de Maryse et le fils d’Albert, le menuisier.
Abstention ?
La France, c’est ça. Un pays rural, émietté, une
dentelle de territoires administrés par des individus qui bossent sur le curage
des fossés et la réparation du mur du cimetière. Des individus oubliés,
méprisés par une administration imbécile et des médias inconséquents. Des
territoires qui échappent à la statistique et sur lesquels le discours de la
science politique glisse sans trouver prise. Des territoires tellement
nombreux, tellement divers qu’on ne sait pas comment les regrouper. Ils
échappent à la discursivité ; il n’y a rien à en dire que puisse entendre
la masse laquelle justifie les tarifs de la pub. La ruralité est économiquement
transparente.
La pensée négative semble se draper dans les oripeaux
de Barrès ou Giono mais c’est une
vision d’écolo. La ruralité est une incessante lutte contre la Nature, une
lutte raisonnée devenue déraisonnable par la pensée quantitative. Les
gestionnaires des villes s’opposent sur les moyens de gérer la campagne. En
laissant les campagnards sur le bord de la route. Que l’on remplace
l’instituteur par le bus de ramassage ou par le télé-enseignement est
pareil : c’est enlever un homme à un lieu qui en a besoin.
J’ai vu disparaitre les instituteurs-secrétaires de mairie
au nom de la rentabilité. Personne ne voulait voir que l’instituteur était
d’abord un truchement, l’homme qui expliquait au responsable rural la volonté
de l’administrateur urbain. Un lien entre discours opposés. Un lien humain, pas
économique.
Jiminy m’écoute. Il sait de quoi je parle, il a été
carassoneur. Métier ingrat, fatigant, indispensable au vigneron, non
mécanisable, un métier de la terre. C’est l’homme qui vérifie, chaque année,
les piquets de la vigne et la conduite de la plante, c’est à dire, in fine, sa
production. Le métier n’existe pas dans les statistiques : on écrit
« ouvrier agricole ».
Remettre l’homme au centre. Tout le monde en parle. Mais
personne ne sait. Il faut simplement gommer le mépris. L’administrateur
sciencepotard n’a plus besoin de l’instituteur truchement. Il a imposé son
discours et méprise les autres.
La pensée négativiste ne méprise rien, sauf les égos
surgonflés. C’est une pensée de l’erreur, plus encore de l’erreur créatrice,
une pensée qui valorise la création quel que soit le chemin choisi.
Surtout s‘il est solitaire. Le chemin du bélier est toujours
solitaire. Seuls les moutons, derrière, vont en groupe.
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