samedi 1 février 2020

LE MONDE CHANGE

C’est un marqueur épistémologique qui s’invite souvent dans la conversation. Le monde change….Le monde a changé… En général, la phrase tombe, comme une évidence, pour que tu fermes ton clapet. C’est l’argument ultime, la closure parfaite de celui qui a tort.

C’est l’argument ultime du con inculte et décérébré qui se prend pour un penseur parce qu‘il comprend les discours de Christophe Barbier. C’est l’argument qui signe le con. Le mec ou la nana qui dit ça, tu peux le mettre dans les poubelles de tes relations. Tu perds ton temps.

Je regarde le monde. Il n’a pas pris un kilomètre de bide depuis qu’on se connaît. Son point culminant est toujours le même, la circulation des océans n’a pas varié. Les changements ne sautent pas aux yeux.

Houa !! l’autre !!! Et la banquise qui fond ? Et la chaleur qui monte ? Et les oiseaux qui disparaissent ? T’as de la merde dans les yeux ou quoi ?

Non. T’étais encore au biberon que je lisais Dorst ou Rachel Carson et le Club de Rome. Tout ce que tu vois aujourd’hui, des gens intelligents l’avaient prévu et décrit depuis cinquante ans. Et moi, j’avais pas besoin de photos d’ours faméliques pour comprendre. Voir n’est pas savoir.

Ce qui a changé, ce n’est pas le monde, c’est notre vision du monde ce qui n’est pas exactement la même chose. La photo a remplacé la thèse et Facebook la librairie du Muséum. La pulsion a changé la réflexion.

Ce qui a changé, c’est notre appréhension du monde que nous voulons toujours plus simple, plus rapide, plus intuitive. Que nous voulons plus nouvelle surtout car la nouveauté est valorisante et détruit l’argumentation ancienne que les couillons ignorent superbement. Et puis, les journalistes ne vont pas relayer une information quinquagénaire, restons sérieux.

Je me fous et j’ignore avec joie Greta l’hyperboréenne aux yeux d’hypothyroîdienne. Tout simplement parce qu’elle ne m’apporte rien. Tout ce qu’elle annonce ou énonce est dans Dorst, publié voici cinquante ans. Jean Dorst a pour lui l’antériorité et sa légitimité de spécialiste de la Nature. Greta n’a rien sauf un argument ultime et définitif : elle est jeune.

Alors, non, le monde n’a pas changé. Il a évolué et son évolution était prévisible. Mais notre fonctionnement d’humains a changé. A l’âge de Greta, j’aurais pris dans les dents un « Tais toi, morpion et va apprendre ». Pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation, le manque de savoir et d’expérience est devenu un atout épistémologique. Et on s’ébaudit de voir une incertaine Mila dire, avec une stylistique pas si différente, ce qu’Hébert écrivait dans le Père Duchêne.

Ceci n’est pas une idée neuve mais simplement la poursuite de la Querelle des Anciens et des Modernes qui agitait les intellectuels sous le règne de Louis XIV. Quand le vieux La Bruyère écrivait : « Depuis 3000 ans qu’il y a des hommes et qui pensent, tout a été dit ».
Mais c’est insupportable ! Si tout a été dit que me reste t-il à dire à moi, du haut de mes quinze ans ? Ben dis que t’as rien à dire. Ils font ça très bien dans les écoles de com. Ou sur Facebook. Y’a des mots pour ça, « revisiter » par exemple. Avant on disait « nihil novem », aujourd’hui on revisite. « Réforme » est bien aussi.

Ça marche pas toujours. Macron a été élu sur sa jeunesse et son appétit de réforme. En deux ans, le masque est tombé, et le mot-mantra « réforme » a exhibé sa vacuité qu’une analyse sérieuse aurait révélé.

Bon, on conclut ? J’ose pas. Dépourvus d’expérience et conchieurs de savoir, les jeunes sont des cons. Pas trop cons malgré tout puisqu’ils ont su convaincre l’énorme masse des vieux cons de la pertinence de leur inexistante pensée. Rideau de fumée et nuages de vide.

Et si c’était simplement un coup de fric ?

On na pas fini d’en parler…



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