C’est un marqueur épistémologique qui s’invite souvent dans
la conversation. Le monde change….Le monde a changé… En général, la phrase
tombe, comme une évidence, pour que tu fermes ton clapet. C’est l’argument
ultime, la closure parfaite de celui qui a tort.
C’est l’argument ultime du con inculte et décérébré qui se
prend pour un penseur parce qu‘il comprend les discours de Christophe Barbier.
C’est l’argument qui signe le con. Le mec ou la nana qui dit ça, tu peux le
mettre dans les poubelles de tes relations. Tu perds ton temps.
Je regarde le monde. Il n’a pas pris un kilomètre de bide
depuis qu’on se connaît. Son point culminant est toujours le même, la
circulation des océans n’a pas varié. Les changements ne sautent pas aux yeux.
Houa !! l’autre !!! Et la banquise qui fond ?
Et la chaleur qui monte ? Et les oiseaux qui disparaissent ? T’as de
la merde dans les yeux ou quoi ?
Non. T’étais encore au biberon que je lisais Dorst ou Rachel
Carson et le Club de Rome. Tout ce que tu vois aujourd’hui, des gens
intelligents l’avaient prévu et décrit depuis cinquante ans. Et moi, j’avais
pas besoin de photos d’ours faméliques pour comprendre. Voir n’est pas savoir.
Ce qui a changé, ce n’est pas le monde, c’est notre vision
du monde ce qui n’est pas exactement la même chose. La photo a remplacé la
thèse et Facebook la librairie du Muséum. La pulsion a changé la réflexion.
Ce qui a changé, c’est notre appréhension du monde que nous
voulons toujours plus simple, plus rapide, plus intuitive. Que nous voulons
plus nouvelle surtout car la nouveauté est valorisante et détruit
l’argumentation ancienne que les couillons ignorent superbement. Et puis, les
journalistes ne vont pas relayer une information quinquagénaire, restons
sérieux.
Je me fous et j’ignore avec joie Greta l’hyperboréenne aux
yeux d’hypothyroîdienne. Tout simplement parce qu’elle ne m’apporte rien. Tout
ce qu’elle annonce ou énonce est dans Dorst, publié voici cinquante ans. Jean
Dorst a pour lui l’antériorité et sa légitimité de spécialiste de la Nature.
Greta n’a rien sauf un argument ultime et définitif : elle est jeune.
Alors, non, le monde n’a pas changé. Il a évolué et son
évolution était prévisible. Mais notre fonctionnement d’humains a changé. A
l’âge de Greta, j’aurais pris dans les dents un « Tais toi, morpion et va
apprendre ». Pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation,
le manque de savoir et d’expérience est devenu un atout épistémologique. Et on
s’ébaudit de voir une incertaine Mila dire, avec une stylistique pas si
différente, ce qu’Hébert écrivait dans le Père Duchêne.
Ceci n’est pas une idée neuve mais simplement la poursuite
de la Querelle des Anciens et des Modernes qui agitait les intellectuels sous
le règne de Louis XIV. Quand le vieux La Bruyère écrivait : « Depuis
3000 ans qu’il y a des hommes et qui pensent, tout a été dit ».
Mais c’est insupportable ! Si tout a été dit que me
reste t-il à dire à moi, du haut de mes quinze ans ? Ben dis que t’as rien
à dire. Ils font ça très bien dans les écoles de com. Ou sur Facebook. Y’a des
mots pour ça, « revisiter » par exemple. Avant on disait
« nihil novem », aujourd’hui on revisite. « Réforme » est
bien aussi.
Ça marche pas toujours. Macron a été élu sur sa jeunesse et
son appétit de réforme. En deux ans, le masque est tombé, et le mot-mantra
« réforme » a exhibé sa vacuité qu’une analyse sérieuse aurait révélé.
Bon, on conclut ? J’ose pas. Dépourvus d’expérience et
conchieurs de savoir, les jeunes sont des cons. Pas trop cons malgré tout
puisqu’ils ont su convaincre l’énorme masse des vieux cons de la pertinence de
leur inexistante pensée. Rideau de fumée et nuages de vide.
Et si c’était simplement un coup de fric ?
On na pas fini d’en parler…
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