dimanche 23 février 2020

LA DISPARITION

Ce matin je pense à Robert Bakker. Je l’ai publié voici trente ans, à propos de la disparition des dinosaures. La plupart des spécialistes cherchaient une explication conforme à la société du spectacle : un astéroïde, des volcans, une catastrophe naturelle, une sorte de tour infernale de l’extinction.
Bakker avait pris une position différente. Selon lui, les virus avaient détruit les dinosaures grâce aux modifications écologiques : les continents se rapprochaient ; les océans changeaient de niveau ; des ponts naturels aidaient au passage des espèces, de leurs virus et de leurs parasites ; de leurs prédateurs également. Bakker expliquait que les flux de populations étaient la menace principale. Naturellement, il fut dévalorisé. Trop lent, pas assez spectaculaire. Difficile à prouver, les virus se fossilisent mal. Sa thèse tombât dans l’oubli.

Bien. Nous y sommes. Les épidémiologistes se demandent pourquoi l’Italie est touchée par le coromavirus. Les épidémiologistes n’ont pas lu Bakker. L’Italie dispose d’un vecteur exceptionnel de diffusion du virus : ses bateaux de croisière. Un bateau de croisière est une sorte de boite de Pietri d’élevage de virus. Milieu confiné, population captive et pas trop jeune, milieu peu propice à la désinfection, avec des tuyaux et des recoins, personnel médical pas assez nombreux et pas préparé. Les mesures de quarantaine deviennent mesures d’incubation.

Ensuite, c’est facile. Tous les bateaux de croisières italiens ont des équipages italiens, surtout au niveau de la maîtrise. Il suffit qu’un jeune lieutenant ou un cuisinier, porteur sain (les jeunes sont résistants), vienne passer une semaine de vacances en Émilie-Romagne, infecte son grand-père et c’est parti !!

Casser les flux, c’est casser la pandémie. Ouais, mais c’est du fric ! Evidemment. Air France a déja chouiné à propos de ses pertes. Bloquer le tourisme et les déplacements peut coûter quelques milliards. C’est l’avenir de Costa face à l’avenir de l’humanité. Ça, c’est des décisions politiques !! Personne ne les prendra. Les lobbyistes sont déjà au boulot.

Ça va être la fête de la com’. Va y avoir du journaliste en croisière, invité pour expliquer que ce danger est epsilonique, nul……Du coup, ça me rajeunit. Nairobi, 1981 ; je suis invité à une grande fête pour présenter le dernier variolique du monde. Ça fera la couverture du National Geographic quelques mois plus tard. Le buffet est somptueux, le dernier variolique est parfait pour les photographes. Je discute avec un francophone de l’OMS. Je doute. Le mec vient d’une zone où même l’armée ne va pas, la zone des trois frontières entre Kenya, Ethiopie et Somalie. Comment ils ont pu identifier le dernier variolique ? Et j’ai droit à une explication contournée comme quoi, effectivement, ils n’étaient pas partout, mais que, vu la configuration de la zone, ils sont sûrs à 99,9% de leur coup. Je suis un con : 99,9, c’est pas 100 %. Je suis un con, c’est quasi pareil. Avec les contrôles, la surveillance, la variole est considérée come éradiquée. Je pense à Jenner. Chez les animaux aussi ? Evidemment. Est ce que je sais combien de millions de dollars ont été investis ? Le champagne est bon, j’approuve. Mais depuis quarante ans, j’attends que ça reparte. Si on prend toute la zone contaminée, les contrôles sont juste impossibles. Je suis certain que ça va repartir….Quarante ans ne sont rien. Mais cette discussion m’a fait douter du fonctionnement des épidémiologistes.

Et donc on va attendre. L’infection italienne est intellectuellement intéressante. Salvini va avoir du grain à moudre. Pour être franc, on en a déjà. La tuberculose revient avec la pression migratoire. Hé !!! faut pas le dire, c’est de la stigmatisation. D’ailleurs, on a cassé le thermomètre en interdisant les statistiques ethniques. On meurt plus facilement quand on refuse la doxa.

Bob Bakker a toujours refusé la doxa. Sur l’homéothermie des dinosaures par exemple. Avant que ses positions ne deviennent la nouvelle doxa. Le fonctionnement est le même, de toutes façons, basé sur le cloisonnement des sciences : on ne peut pas utiliser une structure de pensée venue de la paléontologie pour faire de l’épidémiologie aujourd’hui. Ça complique le boulot des journalistes. Et les politiques qui décident n’écoutent que les journalistes afin d’être en phase avec le public. Le coronavirus pèse peu face à la réélection des maîtres.


Je suis certain qu’on en reparlera…..

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