mercredi 5 février 2020

DETRUIRE LA REPUBLIQUE

Le mec, il est antillais. Bien sapé. Porteur de la puissance que lui donne son statut social. Il est producteur de la télévision publique. Il me regarde avec cette lueur de commisération qu’on réserve habituellement aux handicapés mentaux.

« Désolé. Je ne peux pas investir l’argent public dans l’histoire d’un traître ».

Un traître ! Général de brigade, officier de la Légion d’honneur. Vingt ans de guerres, de combats, de blessures, des emprisonnements, des évasions. Vingt ans d’obéissance au service de la France. Où est la trahison ? Même la traîtrise est absente du récit. Voilà trois ans que je travaille sur le personnage, mon livre vient de paraître, je pensais à un scénario. D’où l’entretien. J’avais pensé à tout, pas à la trahison. Je suis abasourdi.

En fait, mon héros, confit dans la grandeur du pays au point de tout lui sacrifier, est porteur d’une tare à ses yeux : il est noir. Noir et napoléonophile. Au point de ne pas avoir défendu Toussaint Louverture, coupable de vouloir séparer Haïti de la France, au point d’avoir oublié le créole puisque le français est la langue de la République. Au point d’être resté fidèle jusqu’au bout à un Empereur « esclavagiste » qui incarnait pour l’Europe la grandeur de la France. Mais  mon producteur, grassement payé par la République, n’en a cure. La trahison est patente. Mon héros n’a pas trahi la France, il a trahi sa couleur. Mais oui ! Pour un fonctionnaire de haut vol, la couleur compte plus que la nationalité. Lui, il a bâti sa carrière sur la couleur, sa couleur, magnifiée par le lobbying, soutenue par les associations,  ramassis de monomaniaques obsédés par un point, et un seul, il a été porté par sa couleur comme un chef gaulois sur un bouclier.

C’est ainsi que nait et se développe le communautarisme. Sans le vouloir et sans le savoir, mon producteur antillais fait le lit de Daesh. Comme le CRAN et un gros paquet d’intellectuels autoproclamés qui, jour après jour, détruisent la République.

Parce que la République auprès de laquelle, ils font la manche, c’est d’abord ça. La non-prise en compte de la couleur, de la religion, de la langue pour bâtir une société égalitaire, une société sans différences, sans clivages. Le producteur senghorien obsédé dé négritude, il veut m’expliquer. M’expliquer quoi ? Chez moi, au Pays basque, c’est la même chose. Y’en a des qui se battent pour la langue, et des qui se battent pour changer les limites administratives, d’autres qui valorisent les coutumes, de la danse à la piperade, en brandissant un drapeau qui n’est que le symbole de leur ego : « moi, je suis différent ». Cette différence, étudiée, analysée, amplifiée est le terreau sur lequel pousse le communautarisme. Elle justifie Daesh autant qu’Enbata. Elle s’insinue dans les replis sociaux, elle enveloppe les esprits d’un voile subtil qui vient empêcher qu’on s’apprécie, qu’on se comprenne, qu’on se parle. Elle place le OU avant le ET.

Le producteur ne sait pas lire. Les hésitations, les réflexions, sont dans le scénario. Elles gravent le portrait du héros d’un burin humain. Il n’a pas choisi de gaîté de cœur et le choix est au cœur de toute action dramatique. Qui peut penser qu’il n’ait pas été troublé de partir en Russie en laissant sa jeune femme enceinte seule en Croatie ?

A divers titres, nous devons sans cesse choisir. Peser le pour et le contre, éliminer, rajouter. C’est notre caractère humain. Ce qui nous différencie de l’animal programmé. En écoutant le producteur, je pensais à mon oncle Gérard, antillais également, haut fonctionnaire également ; il fut l’un des artisans du réseau de télécoms entre la métropole et les Antilles. Pas pour enrichir Free, pour rapprocher les morceaux de la Nation.

Pour construire une France unie. Par pour la mettre en lambeaux avant de faire semblant de la ravauder.

On en reparlera.


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