lundi 17 octobre 2016

LE BASTIAT DU PAUVRE


Je l’aime bien, Agnou. C’est une bonne libraire quand elle veut.

Là, elle s’est plantée. Elle m’a refilé une daube, alors je vous préviens. Et je vous explique.

Vendons les Parisiens. Le titre est sympa, même si on se demande pourquoi vendre un truc qui ne vaut rien. Normal. Le mec est un ancien d’HEC, il sait l’importance du titre. Et ça l’emmerde pas que le titre soit faux. C’est juste de la com.

Les Parisiens, pour lui, c’est les hauts fonctionnaires qui appliquent les directives gouvernementales. Notamment les ingénieurs des Ponts et Chaussées qui cherchent à nous enfler avec la LGV Bordeaux-Bayonne. Ça fait vingt ans que ça dure, vingt ans que Victor Pachon et ses copains d’Ortzadar se battent contre. Lui, c’est un converti récent, il ne dit mot des luttes anciennes. Acceptons la conversion au nom de St Paul et de Claudel.

Déterminons le lieu de parole. La Madone de Didier Picot, c’est Agnès Verdier-Molinié. On le voit, on est loin de la Révolution en marche.  D’ailleurs, l’ultra-libéralisme, il est globalement pour. Il croit écrire un pamphlet mais le style n’y est pas. Picot, c'est pas Daudet ou Béraud. Tout ça est bien poli, bien élevé, comme on peut l’attendre d’un mec d’HEC passé par Airbus qui a lu Verdier-Molinié plutôt que Boudon. Je vais vous dire un truc : Boudon, c’est un bon marqueur épistémologique, un penseur qui a passé sa vie à expliquer que la prise de décisions rationnelle était impossible. Et donc, tous les décideurs ou pseudo-décideurs enlèvent Boudon de leur boîte à outils intellectuelle. Même s’ils aiment à parler de l’effet pervers, notion inventée…par Boudon !

Et donc, notre pamphlétaire mou écrit près de 300 pages pour nos expliquer, dans le droit fil de sa balise intellectuelle, qu’il faut baisser le nombre de fonctionnaires. Les « hauts », parce que même les couillons ultralibéraux ont compris que, plaider pour la baisse du nombre de fonctionnaires c’était prendre dans les dents les policiers et les instituteurs ce qui est contreproductif. On se limite donc aux « hauts », préfets et énarques, comme le faisait déjà Poujade. Ceci pour mettre les choses en perspective. Et donc notre Picot (petite pièce destinée à être enfilée dans un trou prévu à cet effet) ne  tape que sur ses homologues, anciens élèves de grandes écoles. Lui, c’était le commerce et, comme tout actuel commerçant, il gomme l’histoire de son commerce. Alors, piqûre de rappel.

Airbus, qui l’a fait vivre et lui permet une retraite tranquille, n’est pas, à ses débuts une entreprise aéronautique classique. C’est une entreprise d’Etat, créée et gérée par de hauts fonctionnaires issus de l’ENA et l’ENAC (c’est l’équivalent des Ponts et Chaussées pour les avions), une entreprise d’Etat (horreur !) destinée à concurrencer une entreprise privée (horreur !!!) américaine (horreur !!!!!). Le mec, il crache sur ce qui l’a fait vivre pendant quelques années et aujourd’hui encore. Il a pas honte….

Ben oui. De Gaulle a réuni des entreprises nationalisées (notamment Sud Aviation et Nord Aviation) pour se faire Boeing. Il a mis les sous de l’Etat dans une entreprise dont le but avoué fièrement était de changer les règles de la concurrence. A ce propos, et à propos de la LGV, les ingénieurs de RFF, en ce moment, bossent pour préparer l’ouverture de nos lignes aux concurrents étrangers. Mais, ça, Picot, il en dit pas un mot, vu qu’il est d’accord comme sa gouroue Agnès. (Je préfère ce barbarisme qui m’évite de dire maîtresse, afin de ne pas prêter à confusion).

Négociateur, je suppose que la petite dent a vendu des Airbus aux Chinois. C’est à dire à de hauts fonctionnaires (en Chine, l’aéronautique est monopole d’Etat) qui se sont empressés de décortiquer les bestioles pour leur donner une descendance. C’est pas copier, c’est juste donner à son pays les armes pour se défendre. Incompréhensible pour les fadas de la mondialisation. Là, la petite dent s’énerve. Comme si les transferts de technologie n’avaient pas été sécurisés !!! Vous nous prenez pour des bambins !! Laissons tomber la colère et attendons. Il en ira de ça comme des moteurs de Safran ou du TGV, sans parler du Rafale…Les copiages apparaitront avec le temps. Voilà quarante ans que la Chine achète pour combler son déficit technologique. Y’a que Raffarin qui s’en est pas rendu compte.

Picot, il aurait pu se rendre compte que ses clients chinois utilisaient des armes que nous Français, pas très malins, avons rangé au magasin des accessoires : la planification, le nationalisme industriel, l’intervention de l’Etat, corollaire des deux autres, la maîtrise de la monnaie et des banques. Qu’en trente ans, ces armes avaient permis aux Chinois de devenir la première économie mondiale tandis que nous régressions parce que nous les avons abandonnées. Les théoriciens ont une obligation de résultat et les résultats du libéralisme ne sont pas glorieux.

Et donc le livre n’est qu’une énième resucée de l‘infect péan à la gloire du divin  marché. Je sais ce qui a plu à Agnou : le brouet a été mitonné à Urrugne, à la maison quasiment. Mais à ce compte, il eut été plus légitime de me proposer les œuvres du bayonnais Frédéric Bastiat qui a planté les premières pousses de ce chiendent : garantir aux marchands une liberté qu’ils n’ont jamais utilisé que pour tromper.


On en reparlera…