vendredi 27 janvier 2023

CHARS LOURDS ET QUESTIONS LEGERES

 J’adore les nœuds épistémologiques, ces lieux où la pensée est bousculée par la matière et cherche une boussole. En général, ils sont indiqués par la presse qui adore simplifier car la presse a remplacé le bistro : un problème, une solution.

 

L’information non essentielle mais essentialisée est celle-ci : l’Occident (nous) va livrer des chars lourds à l’Ukraine qui, de ce fait, va renverser l’ours communiste et athée qui menace nos valeurs (non boursières, seulement pour la presse).

 

 Bon. Un Léopard consomme chaque jour un réservoir de 1200 litres de gas oil. Un escadron de 14 Léopard consomme donc 12 800 litres par jour qu’il faut (1) avoir et (2) apporter au bon endroit au bon moment. Grosso modo 100 000 litres par semaine pour un seul escadron qui n’est utile que par sa mobilité laquelle impose des points de livraison différents et quotidiens.

 

Donc la question à laquelle la presse devrait répondre est la question de la logistique : l’Ukraine dispose t’elle du carburant, des hommes, des camions et des routes pour le distribuer ? Les chars n’ont pas besoin de routes mais le carburant ne peut s’en passer. A cet égard, détruire une route pour immobiliser des chars n’est pas idiot et détruire le camion-citerne qui va ravitailler l’escadron, c’est immobiliser quatorze chars d’un coup.

 

On a la réponse : Zelensky veut des avions. Il sait que les chars vont foirer et donc il déplace le curseur sans dire s’il a les aéroports le kérosène, les balises VOR et les outils informatiques qui permettent aux avions de voler, et même de décoller. La prochaine étape sera le nucléaire. Discours gagnant-gagnant : j’ai perdu parce qu’on ne m’a pas donné….ce que je n’avais pas.

 

Moi, j’ai une réaction de géographe : l’Ukraine perdra parce que c’est un pays enclavé qui dépend de ses voisins pour son gas-oil. Les pays enclavés sont les perdants de la pensée mondialisée.

 

Dans la guerre vue par Hollywood, ces problèmes n’existent pas. Tom Cruise ne fait pas le plein de son zinc et les chars partent en opération avec le plein de carburant et de munitions. Pensée magique qui occulte les petites mains, celles qui règlent les gros problèmes.

 

Les stratèges le savent : les Russes fonctionnent par « sursaturation du champ de bataille ». C’est la novlangue pour « chair à canon ». En clair, 100 000 hommes mal armés sont plus efficaces que 10 000 bien armés. Les journalistes devraient le savoir : le nom propre russe qu’ils utilisent le plus n’est ni Staline, ni Tolstoi mais Kalashnikov. Le fusil d‘assaut ainsi désigné est vieux (1947), simple et rustique et a équipé des armées de vainqueurs. La sursaturation du champ de bataille fonctionne.

 

Mais elle coute….du temps, des hommes, des dollars, et le capitalisme veut vaincre à coûts réduits… ce que Zelensky n’a pas compris et conduira à sa dfaite.

dimanche 8 janvier 2023

JURIDIQUEMENT MOU

C’est pas nouveau et ça vient pas de sortir mais ça m’espante, mieux encore, ça me troue le cul. J’ai découvert qu’il y avait désormais deux types de droit : le droit dur et le droit souple, ce dernier étant parfois appelé droit mou. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs codifié le droit mou et ses instruments juridiques :

 

- les instruments juridiques mous ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;

-  les instruments juridiques mous ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;

- les instruments juridiques mous présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit.

 

C’est le droit Canada Dry, l’exact opposé du Dura lex, sed lex de l’Antiquité. C’est la dernière victoire de Rousseau contre Robespierre. C’est dit dans le (3). Le droit mou ressemble au droit, lequel s’apprendra désormais dans les écoles de communication car on ne lui demande pas d’être du droit mais de s’y apparenter.

 

Il s’agit de susciter l’adhésion des destinataires par exemple de permettre à un drogué d’adhérer à l’interdiction de sa drogue. De qui se moque t’on ? Il ne faut pas être grand clerc non plus pour comprendre que le droit mou générera des droits à bas bruit en supprimant des obligations. En clair, la société va poser le fardeau de la coercition que personne ne veut plus porter. Les juristes sont des professionnels du droit, pas de la sociologie, ni de la psychologie ou de la linguistique, disciplines pour lesquelles ils peuvent avoir du goût mais aucune légitimité. Ce que l’on appelle la culture de l’excuse n’est rien d’autre que l’appel à une autre épistémologie, incomplète et détournée, pour ensemencer le droit de ferments délétères.

 

Pour le dire simplement, un prétoire est un stade où s‘affrontent deux équipes, l’équipe qui punit et l’équipe qui veut empêcher la punition (le mis en cause et son avocat, a minima). L’équipe des empêcheurs de juger a toujours eu un public (des supporters) de qualité, à commencer par Victor Hugo (ouvrez une école, vous fermerez une prison), public qui a ravalé le droit au niveau des conversations de bistrot. C’est donner un avantage réglementaire à l’avocat qui est aisément compris du public lequel est informé et commente des décisions passées au filtre des medias. La parole juridique est donnée à tous, même à ceux qui ne sont pas équipés pour la comprendre. L’exemple le plus récent est l’introduction du féminicide pour qualifier une forme d’homicide. Rappelons que l‘homicide signifie la mort du même, en l’occurrence un être humain. Le homo grec ne désigne pas l’homme mais le même comme l’attestent des mots comme homologue, homothétique ou homosexuel. L’antonyme d’homo n’est pas gyno ou femina mais hétéro. La destruction du Droit passe par la destruction de sa parole. Le droit mou est la forme juridique de l’aphasie.

 

Ça ne marche pas. Depuis Totor, on a ouvert plein d’écoles et on manque encore de places de prison. Les maitres d’école ont disparu car ils ne maitrisent rien et surtout pas l’étymologie depuis que le latin et le grec ont été éradiqués de l’enseignement du français. Nous vivons dans l’enseignement moyen (même étymologie que médiocre) et non dans l’enseignement d’excellence que supposait Hugo. Dans l’éducation molle qui ouvre la voie au droit mou.

 

Je pense à François d’Assise, canonisé parce qu’il portait les stigmates du Christ, signe d’exception. Nous vivons les temps de la stigmatisation générale. On a enlevé les crucifix des prétoires en y laissant la religion. 

dimanche 1 janvier 2023

TANT ET TELS

Voici l’époque des voeux et des bilans. La Toile bruisse des infos de l’INSEE : votre ville ou votre département est-il dans le camp des vainqueurs ? Les ceusses qui ont augmenté leur population ? La quantité devient qualité montrant à l’évidence l’inutilité de l’INSEE qui est un organisme de compteurs.

 

Je vais me citer malgré ma proverbiale modestie et je vais citer une phrase qui m’a valu un boisseau d’injures lorsque j’ai écrit : « Il importe moins d’avoir TANT d’habitants que d’avoir TELS habitants. » Phrase qui est apparue comme discriminatoire et elle l’était encore plus qu’il ne semblait. Parce que, oui, je méprise tous ceux qui ne partagent pas mon monde culturel.

 

Soyons précis, il s’agit de partage pas de savoir. Le savoir, je l’ai acquis, bien peu je l’admets, mais bien plus que beaucoup qui s’en glorifient. Tiens, en musique, puisqu’il s’agissait de musique. Je me force à écouter du bertsu vu que je ne suis pas bascophone. Je me force parce que je cherche. Le bertsu est la forme basque du  duel de chants qu’on appelait au XIIème siècle la tenson. Oui, c’était aussi une forme française que les historiens attribuent au duc Guillaume d’Aquitaine. Forme que j’ai retrouvée à Madère quand mon vieux Paul-Emile Victor ressuscitait le duel de chant des Eskimos. Et donc, une forme atlantique avec des traces du Groenland à Madère, des traces qui sont des survivances d’une civilisation qui me concerne.

 

Aujourd’hui on parle de battle. C’est pareil, déguisé par le Bronx qui ignore la chevalerie. Il y a certainement une filiation, mais quelle est elle ? Je crache sur les battles qu’on veut me faire avaler en les affirmant modernes alors qu’elles ne le sont pas. Je n’ai pas besoin d’habitants qui vont détruire mon histoire en éructant des sottises en globish et je n’ai pas besoin d’habitants qui vont les approuver. Méééh, me bêle t-on, chez toi l’augmentation migratoire concerne des retraités, le risque est faible. Sauf que les retraités ont des petits enfants qui regardent plus le Bronx que l’Atalaye et que ces mômes ne sont pas comptés.

 

La tenson et le bertsu me prouvent que les démographes sont des cons, que les compteurs sont des conteurs. Quand Guilluy me bassine avec la France périphérique, je vois d’abord l’acculturation du territoire. La Brie gagne des habitants mais combien discriminent le Brie de Meaux et celui de Melun ? Plus il y a de Briards, moins il y a de Bries. Le savoir statistique du colonisateur détruit la culture du colonisé.

 

Méééh, c’est trop complexe. Non, c’est juste complexe parce que c’est humain. Trop est de trop.