samedi 22 décembre 2018

LA HAINE

Ça, je l’aurais pas cru. J’écoute pas mal de reportages, de micros trottoirs. Au delà de la fracture discursive qui fait que personne ne comprend personne, je perçois dans les mots une vieille invitée des discours politiques : la Haine.

Même si la Parole semble encore passable, il y a des accents, une trémulation perceptible, la perception d‘un discours épuisé qui signifie un désir de mort. On parle, on continue de parler pour contenir la haine, raccourcir la laisse qui la tient coite. Mais les actes suivent : ce matin, un nouvelle affiche a vu le jour : Macron Méprisant de la République. Ce matin, on a décapité l’effigie du Président. Jamais, je n’avais ressenti une telle haine, même en 1968 où De Gaulle avait capitalisé sur ce thème. Il y avait une haine, mais en face il y avait une Histoire. Nous ne sommes pas à Carnaval quand on sacrifie les dirigeants pour de rire. Le peuple ne rit plus.

Les commentateurs se demandent si Macron a su choisir les mots. Ce n’est pas la question. Le peuple ne veut plus  de mots. Il veut des actes, des actes forts. Un acte de contrition ne suffit pas, il y faut de l’humiliation. Le peuple attend un Président à genoux. Devant lui.

Le peuple attend que Macron choisisse son camp, qu’il inverse ses priorités. Le peuple sait qu’il y a de l’argent, l’argent que son travail produit, et que le Président a les moyens d’en modifier les flux. Le peuple attend une vraie politique fiscale et l’arrêt de la fraude.

Je me souviens de la première guerre du Rwanda, en 1974. Les Hutus, plutôt petits, attrapaient les Tutsis et leur sciaient les jambes pour remettre l’égalité dans les tailles. C’était un peu rustique, mais ça avait du sens C’est ainsi que réagissent les peuples. Les dirigeants devraient le savoir.

Les dirigeants devraient comprendre que les employés smicards d’Auchan ou Saint Maclou ne peuvent tout simplement pas comprendre que la famille de leurs propriétaires vive en Suisse, échappe à l’impôt et refuse de les augmenter. Il est inutile d’expliquer la situation, voire de la justifier, nous sommes dans le ressenti de l’absence de morale. Comme avec Vinci qui leur vide les poches avec une constance admirable. Légalement, fiscalement, tout est bordé. Moralement, nationalement, c’est perçu comme une honte. C’est ainsi que brûlent les péages.

Le peuple sait que les lois se changent, que l’Etat est souverain et qu’il peut sortir des traités qu’il a signés. Le peuple voit son Président réveillonner au milieu de nos armées et se demande combien Juncker a de divisions. Le peuple se donne un Président pour qu’il le protège, puis il le voit protéger ses copains qui sont tous des coquins. Aux yeux de nombreux commentateurs, le peuple est bête. Mais il est majoritaire.

Macron a les cartes en mains.  Ce sont ces cartes qui rendent le peuple haineux. Il a un côté sympa, Macron. Pour protéger ses copains capitalistes, il accepte qu’on décapite son effigie. Il n’a pas compris que quand ce sera « pour de vrai », ce sera trop tard et qu’aucun de ses copains ne se précipitera à son aide. Il n’a pas capté que « pour de vrai » pouvait être vrai.

Après la Saint Sylvestre, la Haine sera toujours là. Plus forte, s’il est possible. C’est ce que je crois. Pendant dix jours, l’info va circuler. Partisane, souvent fausse, toujours biaisée Toutes ces infos viendront enrichir la haine. Tous les démentis aussi. Le Président est coincé : menteur quand il ment, menteur quand il dit vrai. Comme il est entouré par une bande d’incapables peu crédibles, ça ne s’arrangera pas. Les Gilets Jaunes le savent : Macron est à genoux.


Ils vont chercher la curée….

jeudi 20 décembre 2018

GUILLUY ET DRESCH, GÉOGRAPHIE DU VIDE

Les territoires. Au pluriel désormais. Nos dirigeants ont perdu de vue la singularité du territoire. Ce pluriel est une arme fatale qui rameute des différences pour en faire des ressemblances. C’est le principal reproche que je fais à Guilluy. Son analyse opposant les métropoles et la périphérie est juste à un détail près : si les métropoles sont de plus en plus semblables, si leurs banlieues (zones périurbaines) sont désormais identiques, la périphérie, royaume de la ruralité est aussi le royaume de la différence. Pour le dire crûment, la périphérie n’existe pas, sauf dans l’esprit des aménageurs auxquels elle fournit un instrument commode mais nécessairement incomplet et approximatif, et in fine peu pertinent.

Un géographe, disait Jean Delvert, ça pense avec ses pieds et il n’y a rien de mieux que les pieds pour appréhender les singularités. C’est ainsi qu’un groupe humain dessine son territoire singulier. Connaître les sources qui irrigueront le jardin. Savoir les pluies qui engraisseront les pâturages. Apprécier les pentes où le faucheur s’encorde. Le système des signes est fin et infini qui dessine la vie des hommes et cette vie est partout différente. A cet égard, elle devient incomparable au sens plein et étymologique du terme ce qui ne fait pas l’affaire de ceux dont la comparaison est le fonds de commerce, surtout sur un territoire où s’entrechoquent tant d’influences.

Pour le dire vrai, nous avions un terme de comparaison intéressant au plan géographique : le canton. La Révolution l’avait inventé pour faciliter la gestion des 36000 communes du pays, regroupées en quelque 3000 cantons. La difficulté vint de la démographie électorale. Le pays changeait et le canton était avant tout une circonscription électorale. Il devenait incohérent qu’un canton peu peuplé ait autant de représentants qu’un canton densément habité. Cependant, personne ne s’est avisé que ce changement était simplement un symptôme et que l’équilibre se rompait. Il était plus simple d’agglomérer des cantons ruraux dépeuplés  et de créer de nouveaux cantons urbains, en oubliant la cohérence géographique des débuts remplacée par une statistique démographique ce qui revenait à gommer des dizaines de différences et de ne conserver qu’une seule donnée considérée comme pertinente au nom de l’égalité des citoyens devant la loi.

Le diagnostic de Guilluy ne manque pas d’intérêt mais il barbouille la géographie de sociologie mal digérée. Les cantons « oubliés » sont tout simplement ceux qui perdent leurs habitants parce qu’ils perdent leur potentiel productif. Les cantons ruraux étaient producteurs vivriers. La globalisation les a appauvris au nom d‘une idéologie qui met en avant les secteurs secondaire et tertiaire : l’agriculture ne compte plus si elle n’exporte plus. Ce qui n’empêche pas de maintenir une fiction en séparant les Chambres de Commerce à vocation urbaine et les Chambres d’Agriculture à vocation rurale.

Il eut fallu aller jusqu’au bout. Jusqu’aux zones sans habitants. Là, est la faiblesse de Guilluy. Il y a les métropoles, puis les zones périurbaines, puis la ruralité, puis….Puis le désert. On ne peut analyser le plein sans connaître le vide. Mais la logique de Guilluy s’appuie sur les hommes puisqu’il est un « géographe social ». Que faire de territoires sans hommes ?

Les analyser comme tels comme le fit avec talent Jean Dresch. La désertification est le stade ultime de l’exploitation. Coloniale, disait Dresch, limitant ainsi son propos. Les terres vides sont des terres dont l’homme a été exclus, par d’autres hommes. Utiliser la grille de Dresch permet d’expliquer la création du vide, et même dans certains cas ses variations, quand le capitalisme aménageur reprend pied dans les montagnes désertifiées pour y construire des stations touristiques. Guilluy ne va pas jusque là car il n’ose pas parler de colonialisme pour la ruralité française alors qu’il ne s’agit de rien d’autre. Sortons des montagnes, l’aménagement des côtes suit le même schéma. On vide d’abord l’arrière-pays, on exotise la population avec des offices de tourisme complaisants, on confisque le foncier. On peut alors aménager, c’est à dire investir le minimum pour un profit maximum. Le reliquat indigène sera heureux avec les miettes (routes et autoroutes, centres commerciaux, etc…) et avec les emplois de service. La ruralité différente est un simple avatar de l’exotisme touristique.

J’admets que c’est humiliant d’être vu comme un colonisé. La géographie est parfois humliante.




XI JIPING, ORWELL ET LE PANDA

Bien… Les obsédés de la réponse immédiate s’excitent. Un incertain Romain Franklin fait le buzz avec un « documentaire » consacré à Xi Jinping, la plupart des messages affirmant qu’on est au-delà d’Orwell. Mazette ! Quelle référence !

Mais qui est ce Romain Franklin ? Personne. Il se définit lui même comme You Tubeur ce qui en dit long sur sa formation ou plutôt son manque de formation. Pas orientaliste, pas sinologue, élève de personne. Il s’est fabriqué seul avec des articles d’une faiblesse pathétique sur Falun Gong ou la situation en Corée du Nord, articles publiés par Marianne ou Libération, peut être par erreur. De la Chine, il ne sait rien et découvre dix ans après qu’elle a acheté le port du Pirée. Information susurrée, mais par qui ? Tout ceci sent l’inculte manipulé mais aussi financé.

Franklin cosigne le documentaire avec une tout aussi incertaine Sophie Lepault dont la carrière orientaliste est tout aussi ténue. Les intervenants français incluent l’incontournable Raffarin qui a du moins l’avantage de suivre le dossier depuis longtemps, Laurent Fabius ou un journaliste du Monde qui a été cinq ans correspondant de l’AFP à Pékin. La seule orientaliste sérieuse qui apparaît au générique, mais pas à l’écran, est Marie Holzman qui s’est fait une spécialité de la critique tous azimuts de Pékin depuis de nombreuses années. En réalité, le film a été conçu presque sans universitaire alors qu’ils sont les seuls à suivre la question. J’exagère : trois politiciens anglosaxons et un Français que je ne connaissais pas, prof à l’université baptiste de Hong Kong. Un missionnaire laïque, c’est pas le meilleur  choix. Pour faire bonne mesure, deux diplomates américains à qui on a envie de demander s’ils ont sérieusement informé leur gouvernement.

A l’image, des services d’archives : rien de nouveau, tout est organisé en fonction du message : les Chinois sont méchants et ils veulent conquérir le monde. Avec toutefois de sérieuses distorsions : Xi Jiping souffrirait du syndrome de Stockholm depuis la Révolution culturelle. Freud au générique.....

La référence à Orwell fleure également la manipulation. Orwell était un bon écrivain mais un politique affligeant, sautillant du POUM au socialisme christianisé, accusé d’avoir dénoncé des communistes aux services secrets anglo-américains mais, in fine, essentiellement antistalinien sans colonne vertébrale théorique. Il a déjà été utilisé comme arme anti-chinoise par Pierre Ryckmans au moment de la Révolution culturelle, avec un certain succès. Sortir Orwell contre Xi Jiping n’est pas une bonne idée car ça n’a pas marché contre Mao, malgré la notoriété de Ryckmans. Rien de neuf sous le soleil.

Tous les lecteurs de mon blog connaissent depuis longtemps les infos dont les auteurs sont si fiers. Il n’y a jamais eu de la part des Chinois, une quelconque duplicité. Raffarin le dit comme moi : tout a toujours été sur la table, il suffit de lire. Mais on retrouve quand même le gommage du principe de base. Le monde selon Xi Jiping vise à abolir le capitalisme. Curieusement, le mot n’est pas prononcé une seule fois. Par contre, le nationalisme, cette tarte à la crème, est sans cesse mis en avant. Nous savons tous que le nationalisme est une composante essentielle du maoïsme, ça a toujours été sur la table également. Et le baptiste prend un air professoral pour rappeler le concept de Front Uni. Nous en avions parlé également voici trois ou quatre ans.

L’émission d’Arte est totalement sans intérêt ce qui n’est pas grave. En revanche, ce qui est grave, c’est l’idéologie sous-jacente. La défaite américaine est la défaite du monde. NON. Le poids des USA sur nos vies est un fardeau dont nous devons nous débarrasser. Ils nous ont englués dans un mode de vie et un mode de pensée destructeurs pour la civilisation européenne. Ils ont inventé ce concept de globalisation qui est le déguisement du capitalisme le plus sauvage et le plus inhumain. Ils veulent détruire notre diversité comme ils ont détruit la leur. Leur culture existe grâce aux Afro-Américains qu’ils ont évacués des scènes et des librairies comme ils avaient évacué les Amérindiens de leur histoire.

Il ne faut pas être naïfs. La Chine ne veut pas conquérir le monde, elle croit fermement que rien ne vaut l’Empire fleuri.  Elle veut simplement que le monde accepte l’idée que la Chine est la seule civilisation capable de créer le bonheur. Et je dois dire que le bonheur naitra plus facilement du ragout de langues de canard que du hamburger blafard.

Comme me l’a dit un jour un député chinois (communiste) : notre Panda doit remplacer la souris américaine dans l’esprit des enfants.


C’est la revanche de Chantal Goya……

lundi 17 décembre 2018

SOLLERS, LA CHINE, PEARL BUCK ET MOI

Je n’arrive pas à remettre la main dessus. Un superbe texte de Sollers dans Tel Quel expliquant que la langue chinoise a un fonctionnement analogique et donc une vision du monde différente de la notre.

Je n’arrive pas à remettre la main dessus mais l’effet en demeure. Cinquante ans après. Sur le moment, ce fut à la fois limpide et trouble : Sollers indiquait une direction, pas un chemin. Il fallait changer de paradigme, cesser d’analyser les discours chinois à l’aune de la discursivité occidentale. Là était la clef. Et donc, je me suis mis au travail. Pas seul, évidemment. Arrivait de Pékin une nouvelle génération de sinologues à la tête de laquelle on trouvait, entre autres, Jacques Pimpaneau et Pierre Gentelle. Les lignes bougeaient mais restaient floues. Pauvert publiait le Jeou-Pou-touan dans une traduction de Klossowski. J’ignorais que Klossowski en fut capable. Gentelle rigolait : « C’est Pimpaneau le traducteur. Il a fait ça à Pékin, dans la chambre voisine de la mienne en expérimentant avec une superbe Slovaque. Il avait besoin d’argent, il a vendu sa traduction à Klossowski ».

Il existait une intelligentsia maoïste où on trouvait Sollers, Madame Macciochi, Jean-Luc Domenach, Godard, Julia Kristeva, Roland Barthes. Je parle ici des têtes d’affiche. Trop c’était trop. La réaction était en marche. La première salve fut tirée par Pierre Ryckmans, sous le pseudonyme de Simon Leys, dont nous savions tous qu’il était l’un des meilleurs connaisseurs du chinois ancien et que son pseudonyme renvoyait à Victor Segalen, remarquable écrivain mais sinologue discutable. Ryckmans profitait de la tribune offerte par René Vienet dans sa Bibliothèque Asiatique, chez Champ Libre, par ailleurs éditeur de Guy Debord.

J’étais largué. Le premier moment de calme me fut offert par François Martin, sinologue d‘exception que j’avais un peu fréquenté aux Langues O’. Mieux que quiconque, François savait ce que représentait la Révolution culturelle qui ne pouvait être appréciée qu’avec des outils chinois. « Les mandarins ont besoin d‘une langue complexe pour asseoir leur pouvoir ». Lao Pierre Gentelle approuvait. Et il choisit de m’envoyer chez Jean Chesneaux pour approfondir mes connaissances.

Chesneaux aurait du m‘horrifier. Il me séduisit. On disait de lui qu’il était « un stal ». C’était faux, évidemment. Chesneaux était avant tout un humaniste. Plus simplement, historien, il s’occupait peu des statistiques et beaucoup des idées. Il me fit travailler sur les missionnaires américains et la révolte des Taipings. Cent millions de mort ça relativise. Car le « soft power » occidental s’était mis en branle : l’évolution de la Chine n’était analysée qu’à l’aune du cadavre, le plus souvent mesurée par Madame Pearl Buck. On l’a bien oubliée celle-là. Fille de missionnaire et Prix Nobel de Littérature, son œuvre, pontifiante et larmoyante avait du succès dans le Wisconsin occidental ce qui suffisait à la conduire à l’universalité. La bataille des idées opposait Mao à Pearl Buck et je voyais, stupéfait et pantelant, les bataillons maoïstes français lâcher pied face à la fille du curé. Même les situationnistes abandonnèrent le combat et de façon durable.

Comme tous les imbéciles, un peu stupide, j’avais décidé de m’accrocher à la boussole fournie par Sollers et d’analyser la Chine par la discursivité chinoise qui m’offrait une direction simple : le PCC construisait le socialisme à la chinoise. En face, l’idéologie étatsunienne envoyait du lourd. La mort de Mao fut le prétexte à un retour à l’Empire, Madame Mao étant sans cesse comparée à Cixi. Les mandarins de l’Ouest figeaient la Chine à l’époque bénie où les Chinois ignoraient Marx, la même époque où les missionnaires voulaient la moderniser selon leurs critères. Et c’est Hollywood qui mettait à l’eau les canonnières du Yangzi. L’écume des cadavres dissimulait la vague de l’oeuvre

Par chance, Chesneaux résistait et nous brossait les figures de Li Hongzhang et Sun Yat Sen. Entouré d’une solide équipe, majoritairement féminine avec Marianne Bastid, Marie-Claire Bergère ou Catherine Coquery, il continuait son travail d’historien, décryptant et détricotant les fils de l’idéologie en privilégiant Pékin contre Washington. Moi, j’avais rencontré Pierre Billotte, historique gaulliste, heureux d’être l’ami de Zhu Deh et de correspondre avec Zhu Enlai et qui me dit un jour « Mao, c’est le De Gaulle chinois ». Sollers indiquait une direction pas un chemin et il fallait battre les fourrés pour retrouver le chemin, sacrément bien caché, ce chemin suivi à la fois par le vieux stal et le gaulliste historique.

Aujourd’hui où on ne croise plus que d’anciens maoïstes, comme si le maoïsme était une maladie honteuse qu’il convient de faire oublier, je regarde avec amusement la Chine communiste prendre le leadership du monde et le président américain lui déclarer une guerre désormais perdue. J’ai envie de retrouver une discursivité stalinienne pour proclamer : Pearl Buck, combien de divisions ?

Roland est mort et j’ai perdu tout contact avec Tel Quel. René s’est réfugié dans le Lot et Debord va entrer en Pléïade. Jospin a été Premier Ministre après voir traduit  Chalmers Johnson. Nous avions les clefs et nous les avons perdues. Il y a cinquante ans, nous défilions pour faire du maoïsme le phare de la pensée de gauche. C’est fait. C’est bon pour un septuagénaire de savoir qu’on avait raison à dix-huit ans.


Mais Washington et ses stipendiés continuent à nous expliquer que libéralisme et capitalisme règnent entre Fleuve Bleu et Fleuve Jaune. Et j‘ai le sentiment que Sollers, désormais, s’en fout. Vous affolez pas, Philippe : il est toujours satisfaisant d‘avoir été le premier.

samedi 15 décembre 2018

MACRON ET LE COQ AU VIN

La mode est aux blogs « culinaires ». Je mets les guillemets pour introduire un peu de distance. Ce sont des lieux où on parle peu de nourriture et fort peu de cuisine.

La cuisine est l’art de l’excès, comme la littérature. On attend de l’écriture gastronomique qu’elle conduise à l‘apoplexie, comme l’art qu’elle magnifie. Je suis étonné que ce mot splendide, apoplexie, ait disparu du vocabulaire. On ne meurt plus d‘apoplexie, on ne meurt plus de trop de nourriture.

Deux fois l’an, plus ou moins, Pierrot nous invitait à un coq au vin. C’était son Graal, son exploit olympique, sa face nord. Il m’avait expliqué dès la première fois : il fermait la cocotte d’un boudin de pain « pour ne perdre aucun fumet ». Quand il posait la cocotte sur la table et qu’il l’ouvrait, seuls un ou deux privilégiés pouvaient jouir de l’odeur qui s’en échappait. « Fais gaffe. Normalement quand tu respires, ça doit te foutre un coup au cœur. Si tu t’évanouis, c’est mieux ». Et j’ai ressenti le coup au cœur, comme une constriction de tout le thorax. Grâce à Pierrot, l’orgasme culinaire a pénétré dans ma vie. Dieu existe : Pierrot est mort d’une crise cardiaque après un coq au vin. Dieu ne pouvait pas faire de moins.

Quand je regarde notre Président, je pense à Pierrot. Ils n’auraient pas pu se comprendre. Pierrot aurait pu se mettre à table avec Herriot, Auriol ou Jaurès sans parler de Clémenceau. Avec Macron, non. Je ne parle pas des ministres féminins qui doivent être, toutes, en limite de véganisme, vu comment elles sont maigres. On demande à un politique de bâfrer la vie, pas de chochotter sur les calories. D’ailleurs, la revendication que j’entends ad libitum est toujours la même : « On ne peut plus remplir le frigo ». T’as entendu, Manu ? C’est la première demande. Pour la suite, ils exigeront le chapon landais à la place du poulet brésilien et c’est normal. Mais le frigo sera plein. Quantité d'abord.

On peut dater la rupture et c’est Chirac. Le Président qui préférait la tête de veau. Comme Mitterrand se régalait d’ortolans et du boudin de Christian Parra. Après vinrent Sarkozy, l’homme qui sentait le fast food et Hollande, le Président au régime. La France était foutue.

Certains voudraient que les Français se reconnaissent en un Président qui ne parle pas comme eux et qui ne mange pas comme eux. Même pas en rêve.

Je suggère à Sciences Po de créer une chaire de bouffe politique qui permettait de rapprocher les élites du peuple. Parce que la petite que j’écoutais ce matin, la spécialiste des mouvements sociaux qui  mettait en avant « l’horizontalité de la structuration », personne ne la comprend, à part ses copains. En plus, elle disait des conneries vu que le matin du 14 juillet, Camille Desmoulins et ses copains ils avaient pas structuré leur horizontalité. Ce qui ne les empêchait pas d’être bourrés. L’intelligence en politique passe autant par la biture que par le discours. C’est sûr que c’est pas bien de le dire. Mais c’est sûr aussi que faire avancer la société, ça passe par les actes plus que par la parole. Et que, pour avoir des électeurs, il vaut mieux parler comme eux. Un homme politique n’est ni un enseignant, ni un curé.

Mais, c’est une prime au populisme !!

Peut être. C’est le peuple qui décide. Et me parlez pas de l’élection d’Hitler, c’est une vieille lune qui porte sur la manière dont un mec a trompé l’opinion. Les Allemands ont voté Hitler parce qu’il leur a caché qu’il était végétarien.

Et le peuple, même allemand, n’aime pas les végétariens


On en reparlera

dimanche 9 décembre 2018

ECONOMIE ET POLITIQUE

Je ne comprends pas qu’on se complique la vie avec des statistiques et des arguments sans intérêt. Otons tout vocabulaire qui pourrait fâcher.

Il y a deux sortes de pays :

A/ ceux où le politique commande à l’économique

B/ les autres qui font le contraire.

La plupart des commentateurs affirment que les autres sont mieux gérés, plus modernes, plus libres même. Donc rappelons deux faits :

1/ jusqu’à Giscard, la France était dans le groupe A où l’avait mis le programme du CNR. Tout allait bien, la croissance était là et le peuple vivait bien. Le seul bémol était l’inflation, maladie bénigne qui affecte essentiellement ceux qui possèdent l’argent, c’est à dire les banquiers.

2/ la première économie du monde, la Chine, est dans le groupe A ce qui plaide pour l’efficacité du modèle.

Quand le politique commande, il protège deux choses :

A/ les activités régaliennes, celles ont le peuple a besoin, comme la justice ou la santé

B/ le patrimoine de l’Etat

Ça, c’est le principe. Naturellement, quand l’économique commande, il ordonne au politique de lui céder les activités les plus rentables, les autoroutes, l’énergie ou le Loto. C’est, en général, camouflé sous de belles raisons mais le mécanisme ne change pas : on vend à vil prix une structure que la Nation a mis du temps à édifier. Depuis le début du siècle, l’abandon de souveraineté est le complice de ce qu’il faut bien appeler une forfaiture.

Ceci, le peuple le sait. Ou, à tout le moins, le sent. Il se demande pourquoi il paie des impôts. Pour équiper son pays, par exemple avec des autoroutes qui seront bradées quand elles seront rentables !!! Le peuple se sent cocu. Les exemples sont légion. Airbus est un autre cas.

Qu’importent les cas. Seul le système compte. Simple, rodé, accepté par tous les partis (dont le PS avec le gouvernement Jospin auquel appartenait Mélenchon, ne jamais oublier). L’impôt finance des équipements bradés ensuite par la privatisation.

Ce n’est pas une remise à plat fiscale qu’il faut. Simplement une mention dans la Constitution interdisant de vendre les biens de l’Etat. Encore que ça existe déjà : les Musées nationaux n’ont pas le droit de vendre les œuvres qu’ils conservent. On pourrait imaginer étendre la mesure et adapter l‘interdiction. Les juristes peuvent gamberger. Les actions sont des biens mobiliers comme les tableaux ou les meubles.
La première mesure de justice fiscale est que le peuple ne soit pas dépouillé de ce qu’il a payé avec ses impôts.

Ou avec son travail. C’était le but de la loi sur l’intéressement portée par les députés gaullistes de gauche et qui visait à une meilleure répartition du pouvoir dans les entreprises. Dès après son adoption, en 1974, le patronat s’est empressé de la vider de son sens. Jusqu’à réserver des actions pour les cadres, les stock options, afin de préserver la gouvernance grâce aux cadres, ces valets qui croient être des maîtres.

Dans l’esprit des législateurs de 1974, les salariés devaient être protégés par les syndicats de toutes ces dérives. Le plus souvent, les syndicats ont fait droit aux demandes de leur ennemi et ont laissé le pouvoir pour préserver les maigres avoirs.

Et les stipendiés de la démocratie hurlent ou bêlent pour réclamer le respect du vote. Le peuple sait également que le vote ne sera jamais respectable tant que son résultat dépendra des sommes investies. Le peuple sait que le vote n’est pas respectable tant que des astuces permettent de ne pas en tenir compte comme en 2005. Le peuple sait que le vote n’est pas respectable quand on peut ne pas en respecter les règles sans aucune sanction. Le peuple voit Nicolas Sarkozy jeter aux chiens les  résultats d’un référendum et doubler indûment les coûts de sa campagne, avant de bénéficier de tous les avantages réservés aux présidents à la retraite, poste qu’il a obtenu en trichant. Et vous demandez le respect du peuple !!!!

Le peuple sait bien qu’on le prend pour un con. Il a l’habitude. Il s’énerve seulement quand c’est trop.

Et là, c’est trop.

On en reparlera


vendredi 7 décembre 2018

BACHAR EL MACRON

Je m’amusai à inventer des tweets. Pour rire en copiant Donald. Et j’ai trouvé celui-là, copié sur les titres de la presse aux ordres.

Le Président de la France envoie les blindés contre son peuple.

Court, percutant, précis. Manque plus que le petit mec en gilet jaune debout devant un engin blindé, façon Tien Anmen. J’espère qu’un photographe la fera

Ho ! c’est pas pareil !!! Ha ? bon ? Tu veux dire que le modèle de blindé Macron, il est plus petit que le modèle Jiang Zhemin ? Ou que les munitions de Bachar le Syrien, elles sont plus efficaces ? Parce que le symbole est exactement le même. Quand à mon tweet, il est d’une rigueur absolue. Le Président envoie les blindés contre son peuple. On peut le dire autrement, mais là, c’est une précision littéraire totale.

Bon, Bachar se tait. Il ne fait plus parler Griveaux dont c’est le boulot mais qui est pas trop crédible avec sa tête de premier communiant cherchant à perdre son pucelage. Celui qui cause, c’est Castaner, jamais bien rasé comme un barbeau de province caricaturé par Audiard, le genre de mec qui flâne sur les parkings pour te vendre une Audi d’occasion qu’il a chourré la veille. Castaner, il est aussi crédible que Nixon après le Watergate. Suffit de l’écouter.

Il affirme que des casseurs étrangers (il précise : un Allemand et un Portugais) étaient à l’Arc de Triomphe. Castaner c’est le patron de la PAF et si la PAF a laissé passer des casseurs étrangers, c’est lui, Castaner qui est responsable. Pas moi. Il va se planquer derrière l’Europe, bien entendu. C’est pour ça qu’ils sont tous pour  l‘Europe, elle les dédouane.

Castaner, il distille les infos inquiétantes comme quoi va y avoir des morts et ce genre de choses. Comme toujours, trop et trop peu. Castaner il a la haute main sur les RG. Il gère un service de renseignements. Et donc, soit il a des renseignements, soit il n’en a pas. S’il n’en a pas, c’est qu’il est mauvais. S’il truque sur ce qu’il a, c’est un menteur. Et samedi soir, on pourra vérifier.

On peut comprendre qu’il ne veuille pas donner des informations à l‘adversaire, sur son dispositif par exemple. C’est assez basique. A condition que l’adversaire n’ait pas les moyens de collecter et partager les infos. Castaner me donne le sentiment d’être sous-informé et de remplacer les infos qu’il n’a pas par de la bouillie communicante ce qui se retournera contre lui. On peut penser qu’il croit avoir un dernier joker : l’armée. Encore faudrait il qu’elle soit prête, dans tous les sens du terme. Et que ses chefs soient du côté du Président. Rien n’est moins sûr ce qui le laissera nu en cas de gros problème.

Car c’est assez simple. Soit le Ministre est informé et il a les moyens techniques et juridiques de désamorcer l‘insurrection qu’il affirme attendre ; soit il n’en sait pas assez et, effectivement, ça va péter. Mais, dans tous les cas, Castaner sera responsable.

En 68, c’était pas comme ça. De Gaulle pouvait remplir les Champs Elysées de ses soutiens au premier rang desquels Malraux.

Aujourd’hui, on a Riester qui vit en vendant des Peugeot aux Gilets Jaunes de Seine et Marne. Tu crois qu’il veut que ça change ?

On en reparlera…


jeudi 6 décembre 2018

PRAUD ET LA NÉGOCIATION

Ce matin, c’est le mot qui parsème toutes les interviews, toutes les interventions, surtout celles du pouvoir. Pour les macronophiles, c’est un mantra, la négociation est le maître-mot qui marque leur volonté de régler les difficultés du pays. Les macronophiles ne connaissent rien à la communication. Les Gilets Jaunes ne négocieront pas.

Un d‘entre eux, un brave type, l’a affirmé ce matin. Sans le dire, évidemment.

« Ils veulent nous enfumer.. Moi, moratoire, je sais pas ce que c’est. J’ai du aller sur Internet pour comprendre ».

Tout est dit et plutôt deux fois qu’une. Le mec ne possède pas le vocabulaire pour négocier. Et il ne possède même pas de  dictionnaire. Le fossé linguistique se double d’une barrière culturelle. Il perçoit parfaitement cette distance, il sait qu’on le convoque à un duel sans qu’il ait les armes. Accepter la négociation, c’est aller à la défaite. Il n’ira donc pas.

En face, ce refus de négociation va être commenté, amplifié, déformé, comme une preuve de désir insurrectionnel, alors que la seule demande du type, c’est d’avoir un interlocuteur qu’il puisse comprendre. Et qui le comprendra en retour. Un mec avec qui il puisse parler sans dictionnaire.

De tous les politiques et journalistes que j’ai pu écouter, un seul m’a semblé capable de l’exercice, le mec qui me faisait zapper systématiquement tant il ne m’intéressait pas : Pascal Praud. Je suis tombé dessus par hasard, il ne parlait pas de foot, il m’a bloqué. Il faisait régner l’ordre sur son plateau en donnant la parole aux manifestants de base, en les faisant préciser, en utilisant leur vocabulaire, en faisant taire les intervenants dont le vocabulaire suait le mépris de l’autre. Il créait les conditions de l’égalité des discours, sans démagogie et sans forfanterie. On était loin des débats à la con qui font penser que le journaliste organise une confrontation pouvant se tenir dans un amphi de Sciences Po.

Je me suis dit que Praud avait la chance d’être en prise directe avec la « vraie » France, celle qui s’exprime dans les tribunes des stades. Ce pays là est soigneusement méprisé et évité : il ne possède aucun code linguistique de l’ordre du pouvoir. Et donc, quand il ne comprend pas, il se tait ou il dit « Non ». Ils veulent entendre Macron sans comprendre que Macron ne les entend pas.

Sans compter que les mots n’ont pas le même sens. Le peuple sait que la négociation est le moyen de le baiser par les mots. On met en première ligne les femmes, bouclier habituel du pouvoir. Alors que le peuple connaît de la négociation les premières minutes de toute confrontation sportive, la fourchette sous la mêlée ou le tacle sec pour que l’autre comprenne qui est le patron. Toute négociation sérieuse est précédée d’une bagarre. Il convient de connaitre le rapport des forces. La négociation est le moyen de liquider la violence ce qui suppose qu’elle s’exprime. Et c’est vrai que si tu te mets à la table de négociations avec un œil au beurre noir et l’arcade sourcilière recousue, ça décrit un monde, pas nécessairement à ton avantage.

La négociation n’a jamais été un moyen d’éradiquer la violence mais plus simplement la voie d‘en minimiser les effets. On arrête de se taper dessus alors qu’on avait commencé. Ce qui suppose un langage commun. Un langage, des codes, un vocabulaire. En ce moment, les journalistes affectent de croire que ce langage est celui qu’ils partagent avec les politiques entre gens de bonne compagnie, à l’éducation identique. Ce qui conduit le peuple à lancer aux journalistes les injures qu’ils réservaient aux politiques : le langage commun conduit aux réactions semblables.

L’injure est compagne de l’insurrection. Relire les tirades de Hébert dans Le Père Duchesne. Hébert qui utilisait un langage volontiers ordurier reste l’une des grandes figures de la Révolution. Hébert écrivait pour le peuple, avec le langage du peuple et les injures du peuple. Il savait que l’injure n’est pas la violence en un temps où la violence consistait à raccourcir les têtes ce que ne fait pas l’injure. Les glissements sémantiques nous ont convaincu du contraire mais le peuple n’est pas dupe car il ne confond pas les mots et les actes.

Raison pour laquelle il est parfois difficile à convaincre.


On en reparlera..

dimanche 2 décembre 2018

LA LUTTE DES CLASSES

On l’a déjà dit : depuis 1989, tous les politiques occidentaux ont enlevé de leur boîte à outils, les outils du marxisme. A commencer par la lutte des classes, rejetée (et c’est un comble) par le PCF, par exemple.

Changer les mots ne change pas les choses. Qui ne voit pas que la lutte des classes sous tend la plupart des mouvements sociaux aujourd’hui. Les gilets jaunes, c’est le Tiers Etat qui revient. Appauvri, méprisé, déclassé, en 2018 comme en 1789.

Elevés dans les berceaux cotonneux des formations paisibles, les hommes et femmes politiques n’ont plus conscience de leur action. Ils parlent de « ressenti ». Mais faire basculer la fiscalité d’une classe sur une autre, supprimer l’ISF, gonfler le crédit impôt-recherche et augmenter la CSG, ce n’est pas du ressenti. C’est un message direct à ceux que le Président actuel traite d’illettrés comme son prédécesseur les qualifiait de « sans-dents », un message qui affirme : vous ne comptez pas, en tous cas, vous comptez moins que ceux qui vous dirigent.

L’oligarchie (et tous les députés en font partie) a presque réussi à faire entrer dans la doxa ce mensonge majuscule : les travailleurs n’ont aucune place dans le système de production. En détruisant le code du travail, le Président a envoyé un message fort : les travailleurs ne comptent plus. Dans tous les cas, c’est ainsi qu’il a été compris. C’est la première étape du mépris de classe.

Le reste va de soi et se mêle avec la surconsommation réservée à ceux qui en ont les moyens, les niches fiscales réservées aux chiens de garde du gouvernement, tout un ensemble de règles qui, toutes profitent aux mêmes. Si ce n’est pas une opposition, classe contre classe, qu’est ce ?

Les vieux qui se sont frottés à Marx le savent bien. La clef est dans la redistribution. Quand la plus value se répartit inégalement, les tensions se créent. Les citoyens peuvent tout supporter, sauf l’inégalité. Surtout quand elle est affichée, glorifiée, encensée. Il est caricatural qu’au plein des Gilets Jaunes surgisse l’affaire Ghosn. Les citoyens horrifiés attendent que le gouvernement, actionnaire de référence de Renault depuis la Libération, réagisse, d’autant qu’il y a peu, le Président s’affichait avec Carlos dans une usine du groupe. RIEN. Pas un mot. Il semble normal ou à tout le moins accepté qu’un chef d’entreprise puisse être honteusement sur-rémunéré, fraude le fisc, tape dans la caisse pour ses besoins personnels.

Face à cette situation, le Président se tait, choisissant de facto son camp. Mais le Président ne croit pas à la lutte des classes. Je ne suis pas sûr qu’il sache ce qu’est une classe sociale. Pendant ce temps, le ton des réseaux sociaux change. Je ne peux pas résister à cette citation d’Alain Simon : « Dans la mesure où une classe sociale n'est pas solidaire de l'ensemble des citoyens, qu'elle se goinfre sans retenue, qu'elle vole le fisc honteusement, si elle est prête à s'expatrier plutôt que de supporter sa charge sociale, si elle se sent apatride, nous n'en avons plus besoin.
Un corps mort doit être dégagé du corps social, comme une peau morte... »

On revient à la définition d’Etienne de Silhouette : « Dans un royaume bien conduit, le fort supporte le faible ». C’est pourtant simple, sauf quand le fort ne se sent pas les épaules et préfère voir le faible crever. C’est la définition même de la lutte des classes car le faible a conscience de sa faiblesse mais aussi, très vite, de son nombre. Les tensions sociales débouchent sur les tensions politiques. Les appels à la raison sont inutiles et inefficaces, l’affect prend le pouvoir avec le désir de survie d’un côté et l’immonde cupidité de l’autre.

La lutte des classes n’a qu’un inconvénient. C’est le faible qui gagne, en général. Mais les moyens de gagner sont nombreux et divers.. et la plupart des auteurs ne se sont pas intéressés au résultat, connu d’avance, mais à la manière de l’obtenir, puis de le gérer. Le plus célèbre texte de Lénine est titré : Que faire ?

Il est donc plus simple de ne pas en tenir compte, quitte à  se retrouver devant une situation bloquée où l’oligarchie va chercher à conforter un pouvoir moribond en manipulant un peuple en manque  d’instruments de réflexion. Quand tous croient au pouvoir de la parole pour annuler le réel.

Oubliant que la seule parole est celle qui affirme que le roi est nu.

On en reparlera…