mercredi 25 septembre 2019

THOMAS COOK

Voilà que Thomas Cook a des vapeurs. Pour les connaisseurs, cette phrase fait sourire. Les connaisseurs, c’est ceux qui ont quelque idée sur l’histoire des voyages. Figurez vous que Thomas Cook a bâti son empire sur des excursions destinées à éloigner le prolétariat écossais des pubs. Excursions organisées avec des bateaux à vapeur issus des chantiers de la Clyde Ho ! on dit le Clyde, vu que la nana, c’est Bonnie.

Devait pas être rigolo le Thomas des origines. Un poil pasteur, un poil moralisateur. Pas le mec avec qui t’as envie de boire un coup. D’ailleurs, il buvait pas.

Heureusement, il a eu des fils. Eux, le prolétariat écossais, ils se foutaient de son évolution cirrhotique. Ils ont bifurqué sur la clientèle d’Eton. Un Anglais bien gras et bien rentier, c’est meilleur pour les marges qu’un soudeur écossais en quête de rédemption.

Dans l’entre deux guerres, les Voyages Thomas Coo explosent. Pour une seule raison : ils sont bons partout. Par exemple, sur l’argent. Chez Cook tu peux acheter et vendre toutes les devises. Le personnel de Cook n’est pas bon : ce sont les meilleurs. Résultat : Cook est une référence.

Cook en faillite, c’était, il n’y a guère, aussi improbable que Elizabeth II dans une exhibition de pole dance. Et pourtant… Je suis pas inquiet pour leur avenir, Fosun va les racheter. On sait que Fosun a, dans sa feuille de route, la prise d’une position forte dans l’économie du tourisme… Ils vont y aller, le poisson est de belle taille.

Mais la déconfiture devrait poser question. Interrogeons les spécialistes et décryptons. Selon JFR, icône déclinante, Cook a été tué par le « depackaging ».. Kesaco ? Tout simplement la vente d’un package (avion+ hôtel+ excursions) que le client se fait lui même plutôt que de le demander au TO. Disons, pour faire court, la possibilité pour le client d’être son propre TO. Exact. Sauf que c’est pas possible. Parce que ça signifie que l’humain n’est pas une valeur ajoutée. Ou que l’humain ne vaut rien. Il suffit de faire tourner des BDD et le résultat est identique.

C’est exactement le problème. Quand le vendeur ne te donne rien de plus que la machine.

Le vendeur, on change son nom pour en faire un conseiller, un spécialiste, mais ça ne change ni son savoir, ni son expérience. Tous les gestionnaires le savent, le vendeur est un coût, un coût qu’on va mettre entre les mains des cost-killers. En face, la machine est un investissement. Comptablement, c’est pas pareil..

C’est surtout pas pareil au niveau de l’acte de vente. Le vendeur, le bon, est un vendeur de ruse, le mec qui te dit : « Partez une semaine plus tard, vous pourrez assister au Festival de danses primitives ». Dans le domaine culturel qu’est le voyage, le bon vendeur est celui qui ne respecte pas les procédures de la direction. Tiens moi ; mon aéroport de départ, c’est Biarritz. Aéroport de merde vu que dans l’international, tu dois changer à Paris et que, généralement, t’arrives à Orly et tu repars de Roissy. Les comparateurs de vols n’en tiennent aucun compte. Ceux qui te proposent une alternative te font partir de Bordeaux. Normal ; Dans l’arborescence, Bordeaux et Biarritz sont dans la même région. Le vendeur, lui, sait que Bilbao est plus proche, qu’il y a plein de vols pour les hubs Lufthansa de Francfort et Munich et que Bilbao est plus près que Bordeaux. Le vendeur sait, ou devrait savoir, que la rocade de Bordeaux est embouteillée quasiment en permanence ce qui augmente sérieusement ton risque de louper l’avion. Toutes choses que les comparateurs ignorent.

Mais, on l’a déjà dit, Internet est le monde des rats. Le client va économiser 10 euros qu’il reperdra aussi sec à cause d’un parking aéroport plus cher : mais ça, c’est un autre comparateur.

Les gestionnaires du voyage ont à arbitrer depuis quelques années entre l’homme et la machine. Sans surprises, ils privilégient la machine. Sans surprises, leurs clients vont les suivre. L’expérience et le savoir sont éradiqués de l’échange commercial. Ce qui n’empeche pas de communiquer sur l’humain.. Mais c’est juste de la com. Dans la vie réelle, l’humain est jeté sans vergogne, surtout l’humain expérimenté… L’actionnaire préfère le débutant sous payé.

Thomas Cook a vécu abrité sous les draps de sa réputation qui ne reposait plus sur rien de réel. On peut en dire autant de ses filiales Jet Tours et Neckermann. J’ai bien connu Jet Tours aux temps de Joel Routier.. Le terrain y était prioritaire. Ce n’est plus le cas.

C’est que chaque touriste est unique et échappe aux statistiques. Chacun a ses propres raisons de voyager. Je me souviens d’une discussion avec un adjoint de JFR auquel je disais qu’il n’y avait qu’un seul taux de satisfaction client : 100%.. Impossible, affirmait il. Alors qu’il ne mettait ni le temps, ni le savoir pour aboutir à ce résultat. Rentabilité oblige. On approxime.

Thomas Cook est mort de l’approximation. Dernière anecdote. Soirée culturelle avec Lao Pierre sur l’Ouzbekistan. Le groupe est un groupe de copains israélites. Et donc, logiquement, Lao Pierre, plutôt que d’aligner les poncifs sur les mosquées de Samarkand, se lance dans une histoire de la synagogue avec présentation de la personnalité du rabbin qu’il connaissait bien. La tour-leader faisait la gueule. On lui bousillait son programme, toujours le même quel que soit le client.  Elle n’avait pas compris que la répétition n’avait rien à faire avec le voyage qui doit être unique, différent, incomparable.


Le mot est laché. On ne construit pas un voyage incomparable avec des comparateurs.

mardi 24 septembre 2019

VOYAGE AU BOUT DU SEXE

Je viens de lire ça. Publié à l’Université Laval. Ecrit par Franck Michel, prof à l’Université de Corse.

Passons sur le titre, racoleur et imprécis : « le bout du sexe », c’est quoi ? le gland ? et qu’est ce que le « bout du sexe » d’une femme ? alors même qu’il va s’agir essentiellement d’exploitation de la femme. Pardonnons cet à-peu-près.

D’emblée, les règles sont posées : le tourisme est un « nouvel impérialisme » et un « colonialisme pacifique ». Je ne vois pas très bien en quoi l’impérialisme est « nouveau » ni en quoi le tourisme est « colonialiste ». Mais l’explication arrive vite : le tourisme a été inventé par les Occidentaux. Vu par le gros bout de la lorgnette surement. Mais il me semble me souvenir que Xavier de Planhol a consacré sa thèse aux pratiques touristiques au Proche-Orient dans l’Antiquité en décortiquant la naissance de la pratique sociale qui consistait à quitter les villes l’été pour aller en montagne. Ce modèle a été adopté par les Romains, puis s’est généralisé en Occident. Il s’agit d’une pratique touristique car le tourisme ne se définit pas à l’aune des kilomètres parcourus. On attend d’ailleurs une définition du tourisme : déplacement d’agrément ? avec une charge culturelle selon Augé et Urbain ? A ce compte, se vautrer dans un camping de Palavas pour partager le Ricard n’est pas du tourisme. C’est quoi alors ? Mais voilà : tout le monde comprend, pense l’auteur, qui invente même le « tourisme noir » qu’il met en parallèle avec « l’argent noir ». C’est quoi le tourisme noir ? C’est l’universitaire qui profite d’un colloque pour aller à la plage. Mieux encore : un voyageur partant sur un circuit organisé et qui va roder la nuit dans les quartiers chauds fait du « tourisme sexuel au noir ». C’est vrai que c’est la nuit.

Il faut se méfier des livres qui ne posent pas de définitions. Jamais l’auteur ne définit ni le tourisme, ni les pratiques sexuelles. Ce qui lui permet d’enfiler les stéréotypes dont celui-ci : « le citoyen, tranquille chez lui, se transforme en individu redoutable une fois passé à l’étranger. » Eh bé….on remplit les avions de fauves sans le savoir.

Donc, on démarre avec le vilain prédateur blanc qui va assouvir ses bas instincts sous les Tropiques. Suivent une soixantaine de pages sur « le sexe, un marché mondial en pleine expansion ». La dimension historique manque cruellement : le sexe a toujours été un marché mondial (les Romains dans leurs bordels n’entassaient pas des Romaines) et il n’est pas plus en expansion que le marché du soja ou de l’informatique. Mais l’auteur est fin économiste : ce qui détermine le marché du sexe, c’est « l’offre, la demande et le contexte social ». Qu’on puisse en dire autant du marché du sucre ne l’effleure pas. Encore une banalité ? « Le corps des femmes est le produit de base du marché du sexe »… c’est clair que le produit de base, c’est pas les nageoires des poissons rouges.

Mais le pire est à venir. L’auteur prétend que tourisme et sexualité pratiquent « une entente cordiale et intéressée » car « on peut interpréter le tourisme sexuel comme un avatar du néo-colonialisme occidental qui s’empare du corps des populations après avoir renoncé à leurs territoires ». La formulation est belle… et tout à fait fausse, car nombreux sont les pays à tourisme sexuel qui ne sont liés ni de près, ni de loin à la colonisation. Personne n’a renoncé aux territoires de l’Ukraine ou de la Thailande qui ne furent jamais colonies de personne. Et que dire des pays qui n’ont jamais eu de colonies ? Si on suit l’auteur, il n’y a pas de tourisme sexuel suédois. Ben voyons…. A moins que les Suédois ne soient des colonialistes cachés arrivés directement au néo-colonialisme sans passer par la case colonialisme.

Suivent une cinquantaine de pages qui sont un catalogue des destinations où se pratique le tourisme sexuel. Sans surprise, il n’est question que de pays asiatiques, africains ou sud-américains car il faut bien annoncer le chapitre suivant intitulé « Le Sud devant la colonisation touristique et l’exploitation sexuelle ». On aura bien compris que tout ce qui précédait ne servait qu’à lier fortement tourisme et exploitation sexuelle. La thèse de l’auteur commence à apparaître : sans tourisme, pas d’exploitation sexuelle.

Disons-le tout net : c’est parfaitement gonflé. Il ne faut pas avoir une connaissance fine de l’histoire pour savoir que l’exploitation sexuelle est totalement indépendante du tourisme, elle ne lui est pas consubstantielle. Elle est tout juste consubstantielle au déplacement. Quand l’étranger arrive, il peut éventuellement profiter d’une structure sexuelle existante, avec ou sans exploitation. Mais si rien n’existe, il mettra son érection dans sa poche…Flaubert, au bord du Nil, regrette les putes du Caire car il n’y en pas dans les campagnes égyptiennes et sa présence (et sa concupiscence) ne les fait pas surgir ex nihilo. Tout juste peut on dire qu’un afflux de population renforce un marché, mais c’est vrai pour les vanneries camarguaises comme pour les prostituées birmanes. Il a qu’à regarder en Corse, l’auteur, puisqu’il y enseigne. Pays touristique s’il en est, mais pour trouver une pute à Propriano, c’est le parcours du combattant. Peut-être que c’est pas assez au Sud ? Et Pigalle où se précipitaient voici trente ans les Anglo-Saxons décidés à baiser de la Française ? On peut peut-être parler de délocalisation et comparer les tarifs hors charges sociales ? Un marché, ça a une histoire.

La fin du livre est un catalogue sur la prostitution asiatique, catalogue de faits et d’anecdotes (des Français amènent des prostituées d’Ujung Padang à une cérémonie toraja qu’ils troublent). On est au niveau de la presse anglaise, ou peu s’en faut.

Bref, notre prof à l’Université de Corse fait preuve d’un angélisme certain et ne nous apprend rien. Il force les traits et fait parfois preuve d’une réelle méconnaissance, par exemple quand il affirme qu’il ne faut pas confondre prostitution forcée et prostitution volontaire (on ne peut qu’être d’accord) pour ajouter aussi sec « Dans les pays du sud, la prostitution est toujours forcée ». Ben voyons.. ça conforte sa thèse mais c’est parfaitement faux. Dans toute l’Asie (Japon inclus jusqu’à Mac Arthur) la prostitution est traditionnellement un moyen pour les jeunes filles d’épargner une dot car la vision du sexe n’est pas exactement la même que la notre. Et les jeunes Nigériennes n’hésitent pas à faire « boutique mon cul » quand les temps sont difficiles.

Ce qui me met en colère, c’est cette transformation d’un épiphénomène en problème de société. On ne peut pas nier que le tourisme sexuel existe, mais on ne peut pas affirmer non plus que tout tourisme est sexuel,ni que toute sexualité est touristique, sauf à vouloir diaboliser le tourisme. Ce qui est grave, c’est que l’Université Laval couvre ceci de son autorité. Ce qui est grave, ce sont ces analyses sociologiques à l’emporte-pièce, sans connaissance du substrat historique. On aboutit à une enfilade (si j’ose dire) de stéréotypes pour arriver à la conclusion : le Blanc, c’est caca….


Pas besoin de 400 pages pour ça…

lundi 23 septembre 2019

VOYAGER, ALLER, QUITTER….

On me pose, en ce moment, plein de questions sur le voyage dans les mois qui viennent. Toutes, en fait, tournent autour du même sujet, qu’il s’agisse de prix, de sécurité aérienne, de soleil ou de beaux paysages : Où aller ? La réponse est tellement simple….

N’importe où….  Mais oui, n’importe où…. Voyager, ce n’est pas aller, c’est quitter. On ne voyage pas d’abord parce qu’on aime, on voyage d’abord parce qu’on n’aime pas. On n’aime pas sa vie, on n’aime pas son environnement, on n’aime pas son travail, peu importe… D’ailleurs, si on était bien, on resterait là. Ce désir de partir qui nous taraude reflète un quotidien lourd à vivre, lourd à supporter ; il faut qu’un ailleurs puisse offrir l’oxygène dont nous avons tous besoin. Après, mais après seulement, on met des mots et des raisons, de bonnes raisons ou de fausses raisons, c’est du pareil au même.

Au fond de vous, vous savez bien que c’est vrai. Et d’ailleurs, c’est pas nouveau. Tenez, prenez la Suisse. Dans l’histoire récente des voyages, la Suisse a produit trois icônes : Blaise Cendrars, Ella Maillart et Nicolas Bouvier. C’est pas rien pour un petit pays comme ça. Trois grands écrivains dont le talent n’a pu s’épanouir que loin des alpages vaudois et valaisans. Si tout en voyage leur est bonheur, c’est qu’à la maison c’était pas vraiment le pied. C’est calviniste, la Suisse, c’est confit de bons sentiments, de bonne conduite. Fais pas ça, que vont penser les voisins, la famille et le pasteur ? Pour se lâcher un peu, vaut mieux prendre ses distances. J’invente rien : c’est Georges, un facteur d’Estavayer-le-Lac, qui m’a expliqué, il y a trente ans, au Japon. Belle journée, j’ai découvert Bouvier et Estavayer-le-Lac dans la même après-midi. Ceci pour dire que, même avec des minarets en Suisse, Nicolas Bouvier aurait préféré l’original afghan à la copie bernoise. A propos, si vous connaissez Georges, passez-lui le bonjour de ma part. Sa moustache doit grisonner…

Après, j’ai réfléchi. L’Angleterre….. Quand elle est victorienne et cul-coincée, elle produit des dizaines de voyageurs de haute volée, des aventuriers, des bonshommes qui parcourent le monde comme si c’était un jardin du Sussex : Lawrence, Thesiger, Newby, Hudson, Durrell et j’en passe, la liste est impressionnante. Après les Beatles, Mary Quant et la mini-jupe, c’est quasiment fini. Non que les Anglais ne se déplacent plus, mais leurs motivations ont changé : on ne fuit plus une société figée, on échappe à une géographie déprimante, ce qui ne justifie plus l’écriture.

Quoiqu’on en dise, le voyage reste une fuite. Non. Dit comme ça, c’est négatif. Qu’on le veuille ou non, il n’est de plus belle évasion que le voyage. Là, ça va mieux. L’évasion ennoblit la fuite. Encore que, dans tous les cas, il s’agit de chercher à être mieux, de s’éloigner d’un lieu néfaste, de reprendre au temps un espace de liberté. Le voyageur est d’abord quelqu’un qui sait fermer une porte pour laisser derrière elle les freins à son bonheur.  Et donc, une fois la porte fermée, qu’importe la destination ? Quelle qu’elle soit, elle sera toujours préférable à ce qu’on abandonne.

Alors, on part. Peut-être un peu moins loin, peut-être un peu moins longtemps, peut-être pas exactement comme on l’avait rêvé mais ce n’est pas si grave. L’essentiel est de prouver que le proverbe a tort : partir, ce n’est pas mourir un peu. C’est, enfin, vivre. Vivre comme on veut, reprendre la main.

C’est aussi pourquoi les sempiternelles discussions sur la manière de voyager sont d’une hypocrisie rare. Faut-il avaler trois musées par jour ou suer sang et eau sur un sentier aride ? On s’en fout. T’aimes marcher ? Marche. T’aimes l’apéro au soleil ? A la tienne. C’est ta vie, si elle te rend à heureux à Mimizan, vas à Mimizan, et si ton bonheur s’épanouit aux rives du Pangong Tso, dépêche-toi de faire ton sac. On est tous différents, on a des vies différentes, des rêves différents, des voyages différents. Voyager, c’est pas appliquer un dogme religieux et les ayatollahs qui m’expliquent que leur manière de voyager est meilleure que celle du voisin me font penser aux ecclésiastiques qui veulent tous que leur religion soit la seule acceptable. Sans compter que ça peut changer, que cette année je peux avoir envie de buller au bord d’une piscine comme l’an dernier j’avais envie de collectionner les églises paléo-chrétiennes.


Voyager, c’est être libre, vraiment libre. Malgré les contraintes, les retards, les dépenses, parce que tous ces petits ennuis du voyage, c’est vous qui les choisissez. Vous le savez bien qu’il y a aura des bouchons sur l’autoroute, des files d’attente dans les aéroports, des commerçants pas très réguliers et des hôteliers mal embouchés. Vous le savez bien qu’on ne vit pas dans un monde parfait. On doit arbitrer sans cesse, décider sans cesse, choisir sans cesse. Arbitrer seul, décider seul, choisir pour soi. Et c’est bien ça, la liberté, non ?

dimanche 22 septembre 2019

LA VRAIE PENSEE

J’ai profité de ces vacances pour relire un peu. Van Gulik, entre autres. Pas les histoires du Juge Ti, mais son maître ouvrage sur La vie sexuelle dans la Chine ancienne. Ne salivez pas, ça ne parle pas de sexe.

Je ne peux pas résister au plaisir de vous livrer cet extrait de la conclusion, écrite en 1961, avant même la Révolution Culturelle :

Ceux qui parlent d’une civilisation chinoise statique ont raison dans la mesure où le qualificatif s’applique aux principes fondamentaux. Le Chinois pose sur la vie le regard d’un homme qui entend vivre en harmonie avec les forces originelles de la Nature. De siècle en siècle, c’est vrai, cette attitude a perduré avec une étonnante constance. Or, du fait même de cette stabilité d’assises, les Chinois ont pu opérer dans la superstructure, chaque fois que la nécessité s’en imposait, des changements énergiques et complets ; ou encore, ils ont pu supporter que ces changements fussent opérés par ou grâce à des forces étrangères. Ainsi, cette civilisation foncièrement statique s’est révélée, de fait, extrêmement dynamique.
Les Chinois ont toujours fait, dans les temps anciens ou dans les plus récents, des concessions à l’influence extérieure. Ils ont reconnu – souvent à contrecoeur, il faut le dire – que les civilisations étrangères offraient des particularités qu’il serait bon d’adapter ; et ils se sont montrés parfaitement capables d’effectuer ces adaptations, une fois qu’ils le voulaient fermement. Car les Chinois croient au renouveau pourvu qu’ils en soient effectivement les artisans…. Ils s’inclinent sous l’influence, voire la domination temporaire de l’étranger, parce qu’ils ont une souveraine confiance dans la force de leur sang et de leur nombre. Ils ne doutent pas de l’emporter à la fin et de conquérir toujours leurs conquérants, dans le domaine de l’esprit comme dans celui de la matière.
L’Histoire paraît justifier cette très haute assurance. D’autres civilisations ont péri ; celle-là demeure. D’autres races ont disparu, se sont dispersées, ont perdu leur identité politique : les Chinois ont survécu et se multiplient. Ils gardent leur identité, tant raciale que politique.

L’intelligence et la clairvoyance de ce texte sidèrent. En 1961, la Chine se débat dans les problèmes du Grand Bond en Avant et souffre d’une des plus grandes famines de son histoire (entre 15 et 30 millions de morts). Et Van Gulik nous explique que ça n’a pas de sens. Ce sont les changements de ce qu’il appelle « la superstructure » et qui n’a aucune importance car elle n’existerait pas sans l’assise. Il existe une harmonie entre l’assise et la superstructure, entre le statique et le dynamique, entre le yin et le yang, entre le masculin et le féminin. Dans ce texte, Van Gulik annonce, sans le savoir, les prises de position de Deng Xiaoping, trente ans plus tard. Il nous donne les raisons du rebond économique chinois qui ne manquera pas de se produire.

Il nous donne en même temps, une leçon de vie : il faut être très statique pour être dynamique. On ne peut progresser que si on ne change pas.. Pour nous, c’est inconcevable. Enfants de Descartes, nous avons du mal à ne pas choisir : progressiste ou conservateur ? En fait, en caricaturant un peu, Van Gulik nous explique que, finalement, le marxisme, cette théorie du progrès fondée sur l’Histoire va assez bien à la Chine.  Il faut connaître hier pour fabriquer demain.

Il en va de même du livre. La presse nous bassine sans cesse avec des nouveautés qui n’existeraient pas sans les livres du passé. Les vraies nouveautés sont celles qui sont appelées à devenir des classiques. Les autres ne sont qu’ombres fuyantes et plaisir évanescent. C’est la fierté de notre métier de savoir distinguer dans le nouveau ce qui est appelé à durer, à rester dans les bibliothèques, à se transmettre de génération en génération. 90% des livres qui sortent sont destinés à être oubliés, à s’évanouir comme une rosée séchant au soleil du Savoir.

Tout en lisant Van Gulik, je suis allé me promener dans quelques vide-greniers provençaux. J’aime bien les vide-greniers où je n’achète pas. J’y vais seulement pour voir épandus dans des caisses ou jetés sur le sol, les best-sellers d’hier dont personne ne veut plus, même à vil prix. Tous ces romans dont on nous affirmait qu’ils étaient extraordinaires, tous ces auteurs aux tirages pharaoniques, tous ces pseudo-essais, ces pseudo-documents, ces livres parfois couverts de prix « littéraires » devenus des objets encombrants qui envahissent les caves et finiront à la benne. C’est une leçon pour un libraire : on ne devrait vendre que des livres destinés à être relus.


Mais c’est dur parfois d’aller contre la vox populi.

HEBERT-CELINE-QUENEAU

J’ai choisi ces trois-là pour leur importance dans le sujet qui m’occupe en ce moment. Ils ne sont pas les seuls, mais ils sont trois balises de taille.

Hébert fut le premier (ou peu s’en faut) à parsemer son texte d’exclamations et de jurons. Foutre ! était son préféré. Céline, on ne s’en souvient que trop bien, avait choisi l’invective et Queneau restera dans nos cœurs pour le « mon cul ! » de Zazie. Dans les trois cas, il s’agissait de signifier avec force et parfois virulence que le texte se situait dans l’ordre de l’oral et non de l’écrit. Surtout s’il était écrit. Parce qu’entre nous, rien n’est plus écrit que le « Doukipudontan » de Zazie. Ceux qui voient pas ça feraient mieux de s’intéresser à autre chose que la littérature.

Rares, en fait, sont les écrivains qui se sont prêtés à cet exercice, même récemment. Les règles de l’écrit ne sont pas simples à transgresser et les codes restent difficiles à casser. L’écrit reste auréolé d’une dimension culturelle qui impose une écriture léchée, un vocabulaire choisi, une écriture dont on doit bien admettre qu’en ce début de siècle, elle est profondément emmerdante.
Elle est emmerdante parce qu’on en a fait le tour. La phrase s’est allongée avec Proust, raccourcie avec Hemingway, elle a perdu sa ponctuation avec Robbe-Grillet. Le vocabulaire s’est enrichi à l’excès avec Gide, puis Camus a taillé dans la masse. On a eu des textes à tous les temps de l’indicatif, écrit à toutes les personnes. Dans l’écrit, tout a été essayé, plus ou moins consciemment. Comme l’a énoncé avec componction un journaliste cultureux récemment : « vous écrivez comme Flaubert ». Deux siècles après Madame Bovary, c’est pas vraiment un compliment, pas plus que composer comme Rossini ou peindre comme Meissonnier. A méditer par Eric Zemmour qui ne cesse de proclamer son amour de la littérature classique. C’est pas original. Et ça ne signifie surtout pas qu’en ce début de siècle, il faille écrire comme Balzac. Zemmour, il doit avoir chez lui des tableaux avec des vaches au bord d’un ruisseau. Peints depuis six mois. Il doit aimer le figuratif, ce mec, il a la tête à ça.

En fait, c’est fou ce qu’on est formatés. Faut pas croire. L’Education nationale fait des efforts. Pas plus tard qu’en ce début janvier, Livres-Hebdo nous informe que Pascal Quignard sera désormais étudié à l’école. Pascal Quignard ! Alors lui, il écrit vraiment comme parle un instituteur de campagne en visite chez le châtelain. Il a le stylo baise-main, sûr qu’il ferait un malheur dans le salon de Madame Verdurin. Risquent pas de devenir grossiers les marmots avec Quignard. Risquent pas trop d’aimer la littérature non plus : c’est pas Quignard qui leur fera abandonner Titeuf.

C’est qu’écrire, c’est donner une image de soi et on préfère être perçu comme un notaire en costume trois-pièces ou un trader en costume de lin déstructuré que comme un voyou en capuche et Nike tombés du camion. La raison vaut pour le lecteur qui ne fréquente pas n’importe qui. Le poids médiatique peut aussi être invoqué : l’oral, c’est l’oral, l’écrit c’est l’écrit, Coluche d’un côté, Beigbeder de l’autre. Faut faire simple. Comme Zemmour (à nouveau). Il aime que ça soit écrit comme dans son journal, que ça ait l’air bourgeois comme son journal, comme il aimerait être perçu, lui le p’tit gars qui arrête pas de dire qu’il vient de la banlieue. Il donne l’impression de quémander l’approbation de son instit’ : « C’est bien M’sieur ? ». Ouais, si c’est une rédac’ de cinquième, c’est bien. T’es un bon élève. Emmerdant comme un bon élève. D’ailleurs, il parle comme il écrit, c’est dire….

Ceci dit,  je sais pas si vous avez remarqué, mais la langue s’affranchit. Tenez, prenez « enfoiré ». Il y a trente ans à peine, c’était un gros mot, bien gras, bien vulgaire. Il hésitait entre deux sens, « emmerdé » et « imbécile ». Il était rare, même dans l’argot. Aujourd’hui, le voici réhabilité : un « enfoiré », c’est quelqu’un qui se dévoue pour les Restos du Cœur, quasiment une dame patronnesse. Jadis, vous traitiez un mec d’enfoiré, vous preniez une mandale. Pardon : jadis, quand vous utilisiez ce mot à l’encontre d’une personne, vous risquiez de recevoir un coup de poing.
Et la montée en puissance de « putain » ? Surprenant. A la fin des années 60, l’abondance de « putain » qui fleurissait ma bouche trahissait l’occitanité pas très bien élevée qui me marquait au fer rouge. A Paris, je veux dire. Je me souviens de mon plaisir en entendant Jean-Marie Rivière proférer cette évidence au micro de José Artur : « Chez nous, dans le Sud, « putain », c’est le point, « con » c’est la virgule et « putain con », c’est le point et virgule de la parole ». Moi, je me contrôlais, j’enfouissais mes « putain » dans une zone obscure de non-dit et d’interdiction.
Aujourd’hui, « putain » est partout, comme si tout le monde avait compris la nécessité de ponctuer l’oral  et « putain » s’est imposé en tant que signe de ponctuation. Je l’entends sans cesse, dans la rue, les magasins et même dans certaines émissions, pas forcément animées par Patrick Sébastien. Au point (j’ai fait un sondage) qu’il ne s’applique plus guère aux dames chantées par Villon qui sont restées des « putes ». La synonymie étroite qui enchaînait « putain » et « pute » s’est délitée. Putain n’est plus une pute. Et vice-versa. Putain ! c’est rigolo, ça.

L’oral, ça bouge, c’est normal, une langue ça vit. Alors, pourquoi l’écrit doit-il rester figé ? Pourquoi écrire encore et toujours avec le cul coincé en lorgnant par-dessus l’épaule de Maupassant ? Attention, ça veut pas dire qu’il faut oublier l’histoire, les écrivains d’avant. Au contraire, il faut les connaitre pour pas faire tout à fait comme eux. Tiens, juste un exemple comme ça : tous ceux qui béent devant rappeurs et slammeurs devraient relire les textes que s’envoyaient à la figure Breton et Cocteau sur ce que doit être une image poétique. Ils comprendraient que ce n’est pas un problème de gros mots ou de vulgarité, mais juste une exigence d’élévation du sens qui n’a rien à voir avec le vocabulaire.
Ça signifie pas non plus qu’il faille écrire comme on parle, ce serait trop facile. Il faut juste écrire pour signifier qu’on est entré dans un autre monde stylistique, un monde où l’oralité vient féconder le littéraire. Il faut écrire « comme si » et non pas « pareil ». Parce que la littérature, c’est un travail, pas une facilité. Si t’écris naturellement, c’est que t’écris pas, tu répètes.

Il existe un quasi-canon du récit bien peigné et c’est le prétérit. Valéry l’a épinglé avec justesse : « La marquise sortit à cinq heures ». On croit en utilisant les temps du prétérit (imparfait et passé simple) qu’on fait de la littérature alors qu’il ne s’agit que de rédaction. A cet égard, la plupart des récits de voyages sont affligeants et font irrémédiablement penser à des rédactions sur le thème : « Racontez votre dernier voyage ». Mais, mééééh, bêlent les écrivains-voyageurs (c’est une catégorie à part), on est bien obligés vu que notre voyage, c’est du passé. Et alors ? Est-on obligé d’utiliser un temps du passé pour relater une histoire passée ? Evidemment pas. Exemple : « Orly est le territoire de l’attente et tout mon voyage n’aura été qu’une exacerbation de l’attente. Au jour dit, je me retrouve donc à Orly… » et ainsi de suite. En fait, une histoire passée peut se raconter au présent. Il suffit de le vouloir.

La pierre de touche est là : si la première phrase est au passé simple, l’ennui est tapi derrière. L’écrivain-voyageur, c’est pas vraiment un styliste. Et que vaut un voyage qui est fait sans style ?  Inutile de me sortir les exceptions que sont Ella Maillart ou Dervla Murphy. Ce sont des dames de la bonne société qui écrivaient voici presque un siècle. Normal qu’elles aient l’écriture un peu gourmée.
Les écrivains, je veux dire les vrais, les contemporains, ont compris. Prenez Jean-Luc Coatalem. Sans cesse, le présent fait irruption dans son récit qui, du coup, prend l’allure d’un journal, se structure autrement, sort de la morne linéarité qui caractérise les rédactions.
Mais, mééééh, bêlent les écrivains-voyageurs, on ne peut pas commencer par la fin. Si. On peut. A condition de ne pas finir par le début ce qui serait décidément trivial. On peut jouer avec  le temps comme avec les temps. Un texte, ça doit bondir, puis se calmer, se répéter parfois, se dérégler, ça doit faire oublier de quoi ça parle.

Parce que, quel que soit le sujet d’un livre, l’important c’est son écriture.




jeudi 19 septembre 2019

NICOLAS JAEGER, MON AMI

Nicolas JAEGER

Il a glissé lentement dans les crevasses de l’oubli. Il n’est de semaine que je ne pense à lui. Nicolas Jaeger a certainement été l’alpiniste français le plus brillant. Le plus séduisant. Nicolas était l’homme de tous les superlatifs.

On a oublié. Les années 80. L’alpinisme est presque médiatique. Tout a été grimpé, l’âge de l’exploration est terminé. Commence le temps de l’exploit. Et un exploit, il y en a un, qui n’est pas à la portée de tout un chacun. Quel sera le premier homme à grimper les 14 sommets de plus de 8000 m, seul, sans expédition lourde, sans porteurs ?

Deux hommes en sont capables : Reinhold Messner, l’Autrichien et Nicolas Jaeger. Je n’aime pas Messner, sa vision de l’alpiniste surhomme, son côté monomaniaque. Nicolas n’est pas mon ami. Juste un client, un bon client avec qui j’ai du plaisir à être, à déployer une carte, à échanger des idées. Messner publie des livres d’une banalité effrayante. Nicolas écrit peu, mais bien, finement, humainement. Nicolas est un humaniste. Messner m’effraye.

Nicolas est médecin. Médecin et alpiniste. Il a fait sa thèse dans le Huascaran, vivant deux mois en haute altitude en analysant les effets de la haute montagne sur un cobaye soigneusement choisi : lui. Il en a tiré un livre superbe Carnets de solitude que tout amoureux de la montagne devrait lire et relire. J’aime quand il vient me voir. Dans la librairie, il sort son paquet de Gitanes : ça l’aide à se concentrer. Alpiniste de haut niveau, médecin et fumeur. Dans le Huascaran, il avait apporté son stock de tabac. Il sourit, ça n’a pas du changer radicalement ses observations.

On lui a souvent reproché ses clopes. Il a été le premier homme à allumer une cigarette en haut de l’Everest. Pierre Mazeaud, le chef de l’expé, n’a pas aimé. Mais il n’a rien dit. On ne pouvait rien dire à Nicolas. Le bon vin, c’était plus admissible. On a déjeuné une fois ensemble, chez Claude, un bistrot ouvrier aux plats bien traditionnels. On s’est tapé une bouteille de Bordeaux. Et quelques clopes. C’était un beau moment.

Moi, je suis persuadé que Nicolas va gagner. Il aime trop la montagne, la vie, la poésie, la photo de qualité. L’autre, l’Autrichien, il joue trop au surhomme, au dieu des sommets. Je sais que Nicolas va remettre les pendules à l’heure, qu’il va nous prouver que le sport de très haut niveau, c’est juste un jeu, qu’il va grimper les 14 montagnes et qu’il va ensuite mener une vie tranquille avec femme et enfants. Comme il l’a si bien écrit : « L’héroïsme, c’est de prendre le métro tous les matins ». Pas d’aller en haut du K2. Messner combat la montagne, Nicolas lui fait l’amour.

Il y a un livre au milieu de tout ça, un auteur que Messner aime à citer : Eugen Guido Lammer dont le livre Fontaine de Jouvence a été l’un des outils de propagande de l’Allemagne hitlérienne. Toujours l’idée du surhomme et de la race supérieure, toujours l’idée du combat. Nicolas ne supporte pas. Moi non plus. Le problème est que le livre a été tiré à moins de 1000 exemplaires chez un petit éditeur de Chamonix. Ni lui, ni moi ne l’avons lu.

J’ai eu un coup de bol et je l’ai trouvé. Je l’ai offert à Nicolas. Il est venu le chercher juste avant de partir pour le Lhotse. On a fumé une clope ensemble. Il était comme toujours, auréolé de bonheur, de soif de vivre. On a parlé politique. Pas d’élections ou de choses comme ça. On a parlé des hommes, de la manière dont ils menaient leur vie. Il a pris le livre, l’a glissé dans son blouson et m’a dit : « Je le lirai dans le Lhotse »

Nicolas n’est jamais revenu du Lhotse. Un journaliste imbécile a écrit que sa tentative était celle d’un homme qui jouait à la roulette russe avec six balles dans le barillet. Le même journaliste qui ne lui arrivait pas à la cheville est mort l’année suivante dans la Kangchenjunga.

Nicolas était un fou de plaisir. Grimper lui donnait du plaisir, être là-haut lui donnait du plaisir. Il ne se voulait pas surhomme, ni exemple, ni chef de file. Juste un mec qui faisait très bien ce qu’il aimait faire. Un mec qui n’était l’otage de rien, ni de personne.


Messner croit qu’il a été le premier homme à avoir grimpé les quatorze 8000. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il avait été précédé à chaque fois par l’esprit de Nicolas Jaeger.

lundi 9 septembre 2019

FÉMINICIDE



Voici deux jours, toutes les chaines info consacraient la soirée à cet immense problème de notre temps : le féminicide.

Le mot est ignoré de Littré mais toute lectrice de Gala le connaît. Gala contre Littré, on n’ira pas plus bas.

Et donc sur les plateaux, ça pérorait, ça gazouillait, ça s’indignait,  bref ça féminisait à tous crins. Si on avait pu, on aurait sorti du formol l’icône des féministes momifiées, la vieille Gisèle Halimi.

Dans ce désordre de salle des profs, ne manquait qu’un acteur : l’homme. Ben oui, on faisait un procès mais la parole n’était pas à la défense. C’est la loi façon Schiappa. Où irait on si les accusés pouvaient se défendre ?

Et donc, moi, vieux et isolé, je vais faire le sale boulot, celui qui me vaudra l’anathème des bien-pensantes : rappeler que les assassins ne tuent pas par hasard et qu’il serait juste de démêler l’écheveau. Depuis trois ans, je parle avec plein de mecs et, logiquement, leurs histoires se ressemblent.

Dans une séparation, il y a deux morceaux, inégalement considérés. L’un des deux décide de faire exploser la famille. Dans mon panel, la séparation est majoritairement le fait de l’épouse mais je veux bien croire que mon panel n’est pas fiable. Ce que j’entends, ce sont des histoires de matous aux aguets, de départs inattendus, de désirs d‘une vie plus ceci ou moins cela. En face le discours est tranché. La femme se tire par la faute de l’homme, chargé de tous les pêchés. Incompatibilité d’humeur.

La famille ayant explosé, il faut assurer la vie de ses membres. La machine à tondre les mecs se met en route. Les décisions provisoires servent à ça. Privé de sa famille, le mec va se voir privé de ses revenus. Entrent dans le bal, les travailleurs sociaux (généralement des travailleuses), les auxiliaires de justice…. Tout se met en place pour la bascule du fric.

La justice y est régulièrement bafouée. Les décisions de justice peuvent être mesurées et, par exemple, conserver une autorité parentale partagée.  M’opposant au choix de la mère pour un établissement scolaire, je m’en ouvre à la psy chargée d’une mission éducative, laquelle rétorque que « les enfants vivant avec la mère, elle connaît mieux leur intérêt ».Concrètement, tout le monde se fout de mon  autorité parentale. J’ai écrit à l’établissement concerné pour rappeler que le choix maternel était illégal. Peine perdue. Le JAF peut prendre des décisions, tout le monde s’en branle.

L’homme qui a perdu sa famille, l’homme qui est dépouillé de son fric, perd également ses enfants, à tout le moins son autorité sur ses enfants. Il lui reste quoi de ce qu’il a voulu construire ? Un champ de ruines. La doxa « considérant » que la mère sait mieux, tellement mieux que deux mères c’est deux fois mieux, aide à dépouiller l’homme avec le concours d’auxiliaires sociaux sourds à tout argument adamocratique.

Il faut alors une vraie maîtrise pour résister à la violence. La plupart des types que j‘ai rencontrés sont au bord du pétage de plombs. J’ai un souvenir, précis et personnel, d’une convocation chez la juge où j’étais le seul homme au milieu d’une quinzaine de bonnes femmes. Ma parole était totalement dévalorisée, plongé que j’étais dans un gloubi-glouba pseudo sociologique, où la psychologie de BFM avait remplacé Lacan. Je baignais dans la mythologie de la mère construite par les nanas de Psy et Po, plus Psy que Po, pour annihiler Folcoche. Là, ta violence monte…..

La juge bêlait « l’intérêt des enfants » alors qu’elle ne pensait qu’à sa carrière, les travailleuses sociales emboitaient le pas alors qu’elles voulaient seulement s’assurer deux ans de revenus. Et moi, je regrettais d’avoir soutenu mes copines qui brûlaient leur soutien-gorge. Je pensais à les libérer alors qu’elle rêvaient de me détruire

Alors, oui, le mec qui cède à la violence, je le comprends. Sans l’approuver, mais je le comprends. Le système évocratique l’a enfermé dans ce qu’il voit comme une impasse. Il a tout perdu. Qu’a t’il encore à perdre ? Sa liberté ? Il n’en a plus. Ses revenus ? Ils sont confiscables à merci. Ses enfants ? Ils seront mis en famille d’accueil tant le père est considéré comme quantité négligeable.

Vous fatiguez pas les nanas. La messe est dite et vous avez construit un système qui détruit les hommes. Et donc, les hommes étant ce qu’ils sont, les féminicides continueront grâce aux résistants.

Réfléchissez. Déjà, en inventant ce mot stupide, vous avez ouvert la porte. Le Code Pénal punit l’Homicide qui est la mort d’un être humain, pas d'un homme. En parlant de « féminicide », vous instaurez le deux poids-deux mesures. La Justice y perdra ce que le vocabulaire y gagne.