jeudi 30 novembre 2017

PRIVÉ-PUBLIC

Qu’est ce qu’un lieu public ? En premier lieu, un lieu appartenant à la puissance publique, un bâtiment officiel. Tout comme un lieu privé est un lieu appartenant à une personne privée.

La différence est fondée sur la qualité du propriétaire. C’est clair, simple et indubitable.

Or donc, voici que, depuis des années, cette différence a été gommée, par l’Etat lui même. Est considéré comme public, tout lieu susceptible d’accueillir du public. Ce qui n’est à l’évidence, pas le cas. .Certains lieux sont des lieux privés susceptibles d’accueillir du public. Tous les commerces, par exemple.

Le commerçant est un homme libre. Cette liberté inclut le choix de vendre ce qu’il veut, à qui il veut, dans les conditions qu’il détermine librement.

Bon, moi je ne m’intéresse qu’aux biens culturels. Les livres, pour lesquels j’ai quelque expérience, mais ce peut être la gastronomie, par exemple. Premier point : il y a des gens qu’on n’a pas envie de servir. C’est pas une question de couleur ou je ne sais quoi. C’est des gens qui te parlent mal. Le mec qui entre chez toi et te dit pas bonjour. Ouais, c’est pas important… Ben si…Moi, le mec qui entre chez moi et me dit pas bonjour, je veux dire normalement, poliment, en français correct, il peut aller crever ailleurs. Moi, je suis un commerçant normal, pas une grande surface à la con. Tu entres, tu enlèves ta coiffure. Ben oui, les codes de la politesse imposent que tu enlèves ton chapeau ou ta casquette. Tu me trouves ringard ? Tu vas ailleurs. Si tu veux pas de mes codes, tu veux pas de ma marchandise. Je te rejette pas. C’est toi qui me rejettes en rejetant mes codes.

C’est toi qui veux m’entraîner dans un monde qui n’est pas le mien. Un monde avec tes horaires, tes envies, tes produits. Moi, je décide de mes horaires, de mes envies, de mes produits. Si ça te va pas, tu vas ailleurs. Tu peux hurler ou pleurer que c’est chez moi que tu veux venir. Tu viens. Mais à MES conditions, vu que t’es chez moi.

Mes librairies ont toujours été « fumeurs ». Tu supportes pas la fumée ? Je comprends. Je comprends d’abord que tu me supportes pas. Notre relation est mal engagée. Inutile de hurler, de râler. T’as pas besoin de moi, et vice-versa. Si tu as besoin de moi,  de mes produits, de mes conseils, tu as besoin de tout ce que je suis. Fumée incluse. Tu peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

Avec l’ami Gentelle et le copain Vienet, on fréquentait un restau du 18ème, tenu par un mal embouché que j’adorais. Restau fumeur, cuisine classique, et clope au bec du patron. Plaintes régulières et amendes à la clef. Les plaintes, il savait qui…Alors il avait une belle feuille »Réservations impossibles » avec les noms. Ceux qui n’avaient aucune chance, jamais. Il partageait cette liste avec quelques copains qui en faisaient autant. « Font chier. En plus, ils boivent pas. » Je dois dire que j’étais bluffé : il y avait des mecs qui portaient plainte contre un établissement et qui avaient ensuite l’outrecuidance de vouloir y retourner !

J’ai jamais été aux normes handicapés. Jamais. Trop de livres, trop de cartes, trop de bordel. Ça empêchait pas de vivre. Quand Parick Ségal venait préparer un voyage, c’était un voyageur, pas un handicapé. Des fois (souvent) il disait « Là, ça passe pas » et il y avait quelqu’un pour lui filer un coup de main, le plus souvent un client. C’est comme ça un commerce, de la connivence entre clients… Le commerçant, il est là pour lier la sauce. Pas pour considérer que la chaise roulante,  c‘est un grumeau.

Le client est roi. Oui. Mais le mec qui pousse la porte n’est pas un client. Il sera client quand il aura payé. Jusque là, c’est un visiteur, un prospect. Et quand il aura payé, on aura vraiment échangé. On aura parlé. J’en saurais plus sur lui… Visite après visite, notre relation grandira, s’affinera. On est loin d’Amazon. Tout simplement parce que nous avons réintroduit la notion de plaisir dans ce qui paraît n’être qu’utilitaire.

Plaisir dans le commerce ? Pour les biens culturels, oui. Les livres, la musique, la bouffe, les voyages, tout ceci n’est que plaisir. La culture ne peut pas être réductible à un corpus statistique, à des normes, à des processus. La culture est le domaine de l’unique, de l’individuel, de l’individu. C’est chiant pour les managers incultes. Les managers veulent des groupes, pas de l’individu. Les voyagistes modernes fonctionnent sur les codes. ESP si tu veux aller sur une plage de la Costa Brava. ESP si tu veux visiter les Alpujarras. ESP pour un week end à Bilbao….Idem pour les éditeurs et les marchands de bouffe. Et donc, ESP, c’est paella, même à  Bilbao. Normalement, à Bilbao, c’est morue à la biscayenne. Mais y’a pas de code pour le Pays basque. Alors on se démerde, on fait dans l’approximation et tout le monde fait semblant d’être heureux.

On en reparlera.


lundi 27 novembre 2017

LES BORGNES QUI NAGENT

Les mémés à chienchien se lancent tous azimuts..Après la corrida, après les cosmétiques et la fourrure, après le foie gras et l’abattoir de Mauléon, voilà qu’elles attaquent la recherche scientifique. Là, on rigole plus.

Je rendais visite à Michel, dans son labo, au Muséum. Lequel ? LE Muséum. Au pied du grand escalier, j’avise deux aquariums, nouvellement installés. Bien installés, d’ailleurs, l’organisme avait des notions en la matière. Pleins de petits poissons, du type guppies. Mais ce qui m’intriguait, c’est que dans un aquarium, ils tournaient vers la gauche, dans l’autre vers la droite.

« Tu regardes les nouveaux ?

Ben, oui… C’est quoi ? Hémisphère nord contre hémisphère sud ? »

Va savoir pourquoi, en regardant les fritures, je pensais à la force de Coriolis qui vide les baignoires en fonction de leur position. J’avais tout faux. Dans son labo, Michel accueillait des doctorants et l’un d’entre eux travaillait sur la régénération du nerf optique chez les vertébrés poïkilothermes.En clair, on avait remarqué que les poissons et les reptiles pouvaient reconstruire leur nerf optique. Selon quel processus ? Question fondamentale qui relevait d’un labo de Lyon, associé à la recherche. Pour plein  de mal-voyants, c’était une question cruciale, c’était la différence entre le jour et la nuit. Et donc :

« Là, t’as les enucléés de l’œil droit et là, les enucléés de l’œil gauche »

Faut pas croire. Michel, c’était un humaniste. Les poiscailles, il avait pas crevé les yeux comme un sauvage. Chacun opéré sous microscope, anesthésié, aseptisé. Un jour de travail par aquarium. Pas par amour des poissons. Par amour des bons résultats. Y’avait plein de mecs qui attendaient le résultat. Et d’abord, pourquoi les vertébrés à sang froid ? Faut pas rigoler. Quand t’as une saloperie qui te ronge la vision, c’est une question importante. Merde ! je deviens aveugle et pas les grenouilles ? C’est un coup à douter de Dieu.

« Demain, on fait les tortues. »

Avec ce boulot (dont j‘ai pas eu les résultats) et plein d’autres, la microphtalmie a reculé. C’est pas gagné. On a même joint le strabisme. Les équipes françaises sont en pointe sur le sujet. Alors, oui, connasse, pour que ton gniard ait pas besoin de culs de bouteille sur le nez, il faut énucléer de la friture. Et alors ? Tu vas appeler L214 pour te plaindre ?

J’ai été éditeur scientifique. J’avais plein de copains dans plein de labos. Tous impliqués dans la protection de la vie sauvage. Au point de bosser dans et pour des zoos. En y laissant leur santé et même leur vie. Et oui, ils expérimentaient, ils posaient des électrodes, ils énucléaient, ils lobotomisaient. Pas par sadisme. Par altruisme. Pour mieux comprendre et mieux soigner les hommes.

Mais il faut être honnête…. Dans le même temps et le même labo, une doctorante de Jean-Pierre travaillait sur les pattes des dindes. Figurez vous que ces grosses salopes de dindes, elles grossissaient tant que leurs pattes cassaient sous leur poids. Pour l’industrie de la dinde, c’était de la perte. Et donc un syndicat payait (cher) pour comprendre et corriger. Une partie des sous de la dinde payait les frais des futurs aveugles. Comme la NASA vu que Jean-Pierre travaillait pour la NASA. Ben oui, les minables Français bossent pour les grands Américains quand ils atteignent leurs limites, c’est à dire souvent.

La vraie vie d’un labo, c’est ça. On prend de l’argent à ceux qui en ont pour étudier les problèmes de ceux qui n’en ont pas. Avec toujours le souci d’avancer. En choisissant les protocoles et les expériences qui permettent d’avancer. On est loin des mémères à chienchien qui pensent d’abord à choisir le paletot de Mirza pour l’hiver, vu qu’elles pensent plus à Mirza qu’au gamin dont le nerf optique est rongé par une saloperie.

A celles là, je dirais qu’une chose. Si t’as besoin d’un chien (ou d’un chat) pour avoir de la compagnie, vas te noyer tout de suite parce qu’aucun humain n’a besoin de toi, aucun humain ne veut de toi. Et tu en es responsable.

On en reparlera certainement…


PS : j’ai pas eu les résultats parce que le cœur de Michel a cessé de battre, un soir d’hiver. Aucun rapport avec ce qui est ci-dessus. Sauf que tu peux laisser ta vie pour la comprendre. Pour les autres.

dimanche 26 novembre 2017

L'ECOLE DES DANDYS

Dandy est devenu un gros mot. Ou alors on vous renvoie dans les dents, Brummell et ses costumes. C’est un peu (beaucoup) réducteur. Dandy est un état d’esprit. Diogène était un dandy. Sans costume.

Le dandy est, avant tout, un être qui fuit toute vision téléologique. A quoi ça sert ?  est la dernière question qu’il se pose. Quand il se la pose.

Nous venons de fêter, avec mes copains, le jubilé de notre promotion de Japonais à l’ENLOV. Cinquante ans déjà que nous nous découvrions et que nous commencions à tisser des liens qui existent encore. Nous ne le savions pas, mais nous étions des dandys. Même Jean-Noël qui sévit au Collège de France.

L’ENLOV était alors une école, et même une Grande Ecole. On pouvait y entrer sans le bac dès lors que les enseignants acceptaient. Le diplôme n’avait aucune équivalence. Par prudence, les autorités avaient fixé une limite : pas question de préparer plus de dix diplômes. C’était frustrant pour certains comme mon copain Roger Ludwig, non bachelier, prolo, fils de prolo, mais qui, avec ses dix diplômes, s’est retrouvé Professeur de Langues et Littératures slaves à l’Université de Ljubljana. Un grand dandy, Roger. Il faudra que j’en parle longuement un jour. Il avait ajouté un diplôme de hongrois. Pour le fun. Le hongrois n’est pas une langue slave, mais une langue finno-ougrienne, ça faisait tâche.

Ceci dit, parfois, c’était compliqué. Tu voulais être interprète à l’ONU, on te faisait passer un exam. Le diplôme était pas reconnu. Normal. Parler une langue, ça n’a pas d’intérêt. Un petit Nippon rigolard me l’a dit, quand je suis sorti de l’école : « Vous parlez japonais ? On est 120 millions à faire ça tous les jours ». Il avait raison. On apprenait une langue pour accéder à un savoir, inaccessible sans ça. Et donc, dans notre sympathique promo, il y avait de tout. Des élèves journalistes, des grosses têtes d’HEC, des sciencepotards voulant entrer au Quai d’Orsay, des géographes, des jolies filles sans plan de carrière, des musiciens. On apprenait une langue pour le plaisir, pour savoir des trucs que les autres savaient pas, on était dans le savoir japonais comme un chien après une bécasse, dans un taillis. La plupart picoraient. On suivait tel prof plutôt que tel autre. On bossait. Comme des dandys. A fond mais sans le montrer. C’était l’époque où il était vulgaire de s’efforcer.

Cinquante ans après, on est tous fous de Japon. Sauf moi, pour raison de bouffe et de subtilité. Je me suis quand même tapé tout Kurosawa en version originale. Si c’est pas de l’amour, qu’est ce ?

Dans les années 70, l’ENLOV a été démantelé et fut créé l’INALCO. Avec des diplômes reconnus, des équivalences, des cursus (cursi ?), tout ce qu’il fallait pour que les mômes butinent pas.  On chiait du diplômé pour le marché du travail. Tu voulais faire HEC et INALCO ? Choisis, petit con L’orientalisme, c’est pas un vernis. Ou alors, tu fais l’un après l’autre ;

C’est comme ça qu’on tue  une école. En voulant qu’elle serve à quelque chose et qu’elle s’adapte aux besoins de Gougle. En refusant de voir qu’apprendre des choses à des mômes, c’est le devoir de base de l’enseignement. Et que décider aujourd’hui ce qui sera utile demain, c’est de la dernière connerie. Quand on nous apprenait l’économie asiatique, le Japon était l’exemple à suivre et la Chine était à la ramasse. Cinquante ans après… Le dandy que je suis en conclut que le capitalisme est destructeur.

C’est ça, le problème avec les dandys. Ils mordent la main qui les nourrit. Ils regardent toujours ailleurs. Ils ne respectent rien. Ben si. Je pensais à ça en regardant mes copains de promo. En écoutant l’un d’entre eux, respectable ambassadeur, parler de Kim et de la Corée du nord. Lui, il a appris et il applique son savoir mais personne ne le suivra. C’est un dandy, un homme qui perçoit les changements, qui les analyse, qui en tire des conclusions. Brummel faisait ça pour la couleur de ses cravates. C’est pareil. Comme cet autre, administrateur d’un grand groupe du luxe français. J’étais dans un groupe de chats dont les moustaches frémissaient aux changements du monde. Mais les chats sont des dandys.

Allez, je vous donne une info amusante (on est entre dandys, on va pas se faire chier) Depuis plusieurs mois et ça s’accélère, il y a  un  rapprochement entre les deux Corées, au point que notre beau pays a installé un chargé d’affaires à Pyong Yang. Où ? Dans le sous sol du chargé d’affaires allemand. Au rez de chaussée, l’employé de Merkel, dans la cave le valet de Macron. Tout est dit. On était entre dandys : on a ouvert une bouteille de champagne.

C’est vrai que les dandys respectent la mousse du champagne. Ils savent que c’est la mousse qui compte car c’est la mousse qui fait chavirer les yeux des femmes. Ils sont pragmatiques les dandys. Ils savent surtout que le pragmatisme est vulgaire. On ne se forme pas, on ne cherche pas les meilleures écoles et les meilleurs profs, pour être un épicier. A part peut être Madame Thatcher.


On en reparlera…

lundi 20 novembre 2017

LES TRUMPETTES

La mode est donc au populisme. L’étymologie nous montre qu’il s’agit de se référer au peuple ce qui, en république démocratique ne peut absolument pas être négatif. Là où ça coince, c’est que cette référence va de pair avec le rejet de l’oligarchie.

Remarquons donc que c’est l’élite qui nomme..

C’est l’élite qui décrète que le populisme flatte les bas instincts du peuple, pour la simple raison que le populisme est une menace pour le pouvoir oligarchique. Pour l’élite, le peuple a le droit de s’exprimer s’il s’exprime comme il convient (syndrome de Maastricht) et lui permet de faire perdurer son pouvoir. Sinon, il est une menace. Il convient donc de crier haro sur le populisme ce dont se charge, avec joie, la partie « intellectuelle » de l’élite, journalistes et penseurs approximatifs (qui expliquent les guillemets).

On vient donc à la bonne définition. Le populisme est l’idéologie de ceux qui parlent le discours du peuple et en font un discours clivant, que la majorité accepte et que l’oligarchie refuse et s’active à réduire à un discours minoritaire.
Le populisme est donc obligatoirement un champ de bataille où s’opposent deux discours antinomiques, dans leur contenu, mais aussi dans les moyens utilisés. Par exemple, tous les médias étant aux mains de l’oligarchie, la doxa antipopuliste y trouvera naturellement un écho sans commune mesure avec son impact réel. De ce fait, le discours populiste n’a d’autre choix que de se radicaliser et de se simplifier pour élargir son assise. Regardons les premiers discours de Trump et leur évolution. Au départ, Trump n’est pas idiot, c’est Hillary qui l’a rendu stupide.

L’excès est en germe dans le populisme. Il suffit d’arroser ce que fait très bien l’oligarchie. Et si les populistes refusent cette spirale et se modèrent, ils perdent leur base électorale qui est tout sauf modérée. Philippot est mort politiquement d’avoir rejeté l’excès.

On peut utiliser ce filtre pour parler  de mouvements populistes qu’on ignore en tant que tels.. Le féminisme, par exemple. Comme tout populisme, le féminisme est simple. Egalité totale de droits entre hommes et femmes.

Sauf que cette règle souffre de multiples exceptions. J’en ai souffert moi-même le jour où une DRH ressemblant à Angela Merkel m’a convoqué pour me reprocher de faire pleurer mes collaboratrices. Ce qui était vrai : je traitais les femmes comme des hommes et mes engueulades n’étaient pas sexo-orientées. Les mots étaient les mêmes, le ton aussi. Il faut dire que la librairie est le lieu parfait de l’auto-proclamation culturelle. Tout vendeur, même débutant, s’y croit dépositaire d’une partie de la culture mondiale, alors même que leur savoir tiendrait sur une feuille de papier à cigarettes.. Il me fallait recadrer tout ça et leur faire toucher du doigt leur nullité. Nullité femelle équivalant exactement la nullité des mâles. Mais les hommes serraient les poings et avaient parfois envie de me foutre sur la gueule, je le lisais dans leur regard, tandis que les filles pleuraient, cherchant visiblement à m’attendrir, avant d’aller informer la DRH de ma cruauté.

Dans ce cas précis, la stricte égalité s’est retournée contre moi qui la respectait pourtant quasi-religieusement. Car pour les féministes, l’égalité homme-femme est une règle sauf…

Une règle-sauf est une règle interprétée a minima…Les féministes adorent ça. Un autre bel exemple est celui des violences conjugales. Que l’on peut lier au combat contre la grammaire. C’est ainsi que dans une notice d’informations publiée par le Ministère de la Justice, l’auteur des violences n’est désigné que par des mots masculins : le conjoint, le concubin, l’auteur des faits, le partenaire, etc… Dans ce cas, l’inégalité est patente mais tolérée et le vocabulaire honni devient un allié bien pratique.

Notons aussi que se lèvent les bannières si la victime est une femme. La loi ne distingue aucunement entre les sexes. Pour elle, coller un plomb à  un homme est aussi grave que filer une torgnole à une femme. Mais pour la vox populi, il n’en va pas de même. Taper une femme est plus grave que taper un homme. Idéologie contre légalité. Posez la question à des féministes, vous entendrez la réponse. Encore une règle-sauf….

L’égalité ne se partage pas. Elle doit être stricte et surtout non-affective. Les juristes sont devenus des communicants et trichent comme des malades en utilisant des formules dénuées de sens. Style « personne en situation de faiblesse ». Ça, ça veut dire « femelle ». A t’on jamais vu inventer des lois basées sur le physique ? Si c’est pas discriminant, ça, c’est quoi ?

Tel qu’il est vécu aujourd’hui, le féminisme est un dernier avatar du populisme. Trump marche accompagné de trumpettes. Et vu le battage médiatique, ce sont, bien entendu, les trumpettes de la renommée..


On en reparlera…

lundi 6 novembre 2017

POUICHDEMONT, LE LATIN

On y revient encore…

Sur Fesse de Bouc, l’un des unionistes espagnols les plus virulents est ce cher Vincent Pousson. Et la question que je me pose est : de quel droit ?

Il habite Barcelone. Et alors ? Ils sont 1,7 million dans ce cas. C’est pas le gentilé qui donne la légitimité. Si mes infos sont bonnes, le Vincent, il est né dans le sud de la France, il a pas mal écrit (y compris sur ce cher Xiradakis), il a une belle carrière de journaliste gastronomique, toutes choses honorables mais qui ne donnent aucune légitimité sur l’administration d’un territoire. Ho ! me dira Vincent, je suis libre de mes opinions, même si mon bureau est à Coire (vous connaissez pas Coire ? Vous avez du bol). Certes. Chacun est libre de ses opinions. Mais, à mes yeux, les opinions de Vincent ne comptent pas plus que celles d’un natif de Selestat ou de Kiruna. Pas moins non plus, c’est évident. Mais sur le destin de la Catalogne, le natif de Gérone ou de Lleida a, quand même plus à dire.

Ceci me gonfle d’autant plus que sur Fesse de Bouc, il existe un groupe de neu-neus qui s’intitule fièrement « Tu sais que tu viens de la Côte basque quand.. » Moi, le Pays basque, je n’en « viens » pas. J’y suis. J’y suis né, j’y ai été éduqué. Juste un exemple. Villefranque d’où je descends en droite ligne d’un meunier de Poyloa. Villefranque, charmant village, administré aujourd’hui par Robert Dufourcq qui fut mon condisciple au Lycée où nous partageâmes l’enseignement de monsieur Escarry. Villefranque me trace un système de signes qui part de la fin du XVIIème siècle et se poursuit aujourd’hui. Du meunier sous Louis XIII au maire sous Macron, j’y ai mes traces de vie et d’histoire. C’est juste un exemple parce que des traces semblables, j’en ai un paquet. Alors, le jeune gandin d’Athis-Mons qui veut me donner des leçons, il me fait hurler de rire. Je dis Athis Mons, juste pour le fun. Dans les années 1960, j’ai bien connu deux frères, les Gardères, deux instituteurs à la Pagnol, dont l’un enseignait à Labastide-Villefranche, l’autre à Athis-Mons. J’avais huit ans et je m’espantais qu’on puisse habiter un village avec un nom aussi moche. Mais bon, le Gardères déraciné, il avait une fille qu’était jolie comme un camélia au printemps, ça humanisait Athis-Mons.

Tout ceci pour rappeler un fait juridique évident : le droit français est un droit du sol.

Ce qui signifie simplement que tu es d’où tu es né. Les loulous qui s’émerveillent, leur groupe, il devrait s’appeler : « Tu sais que tu es du Pays basque quand tu y es né ». OK. Y’en a des qui sont nés dans des patelins que tu sais même pas qu’ils existent. C’est simple. Ils ont pas eu de bol. Sauf si on considère qu’ils auraient pu naître à Bordeaux. Je comprends que tu préfères te dire d’Ainhoa que de Stains ou Pierrefitte… Mais, ça, c’est de la com.

Le droit du sol, ça s’applique aussi aux bateaux ou aux aéronefs. Tiens, tu nais sur un paquebot suisse, t’es suisse. Idem pour un avion Emirati. Comme quoi, si t’es un migrant malin, tu as d’autre choix que le zodiac turc.

Je voudrais aussi rappeler aux neu-neux émerveillés que la langue basque, sur laquelle on peut supposer qu’ils ont quelques notions possède deux particules enclitiques pour différencier les situations. Si tu habites  Espelette, par exemple, tu est Ezpeletako. C’est un génitif simple qui vient doubler le génitif de possession « ren ».. Par contre, si tu es originaire d’Espelette, tu es Ezpeletara. C’est pas la même chose. Là, tu montres l’essentiel : ta terre de naissance. Vincent, il a du bol. Le Catalan, cette langue latine, sorte de patois hispanisant, ne fait pas cette différence. Vincent, c’est pas du fascisme, juste de la linguistique et précise. Parce que tu peux exprimer que tu es né à Espelette et que tu habites à Sare (ou à Bordeaux, mais là, tu restes discret).

Pas la peine de hurler. C’est le simple droit du sol pour lequel tout le monde est prêt à se battre. Bon, le sol, c’est une question d’échelle. Les analystes à la con t’expliquent que la demande pour un territoire basque est décroissante. Exact. Elle a décru au même rythme que l’émigration intérieure. Aujourd’hui, on est envahis d’allochtones, alors forcément, la revendication politique, elle prend du plomb dans l’aile. Si on allait jusqu’au bout du droit du sol, on voterait là où on est né.

Comme beaucoup, Vincent oublie un fait historique rappelé par Marc Bloch Au début de son histoire, la Catalogne est une marche franque. Charlemagne l’a incluse dans son empire et l’administre directement. D’ailleurs, moins de trois siècles plus tard, quand Alphonse 1er le Batailleur veut récupérer aux Maures la basse vallée de l’Ebre, le comte de Barcelone, Bérenguer, ne bouge pas une oreille ce qui facilite une belle raclée aragonaise (bataille de Fraga, 1134). Ben oui, voilà un bon moment que la Catalogne ne fait pas partie de l’Espagne et s’est bien gardée de participer à la Reconquista.. Et Carles suit la route de Carolus.

Parce que faut pas se leurrer. Nos territoires sont ancrés dans le haut Moyen-Age. Derrière Charlemagne, il y a des siècles de relations humaines, de commerce, de routes et de péages, de sang et de violence, de mariages. Puigdemont, il fait comme Berenguer, il ignore l’Espagne. Les Catalans, les vrais, le savent. Et ils approuvent. Et les touristes ne comprennent pas.

Mais, dira Vincent, je ne suis pas un touriste. Ben, ce n’est pas la durée du séjour qui fait le touriste, Trois ans ou trois semaines, ce peut être la même chose. Non. Le touriste, c’est celui qui ne sait pas. Il ne sait pas que la maison, là, abrite le cousin de celui qui loge ici. Il ne sait pas que ce musicien dans une fête folklorique est aussi le médecin de son quartier. Les noms ne lui parlent pas, les visages non plus. Le touriste, c’est celui qui ne fait que passer. A l’échelle de l’histoire s’entend.. Pas à l’aune de son ego.

Tiens, j’ai vécu un peu plus de trente ans à Paris. En touriste. Je travaillais pourtant. Dans le tourisme. J’avais une famille, j’étais installé. J’avais même une concession à perpétuité, cimetière Montmartre, entre Berlioz et Heine et pas loin de Truffaut (je l’ai encore d’ailleurs). Mais j’étais là en touriste. Comment expliquer ? J’étais pas chez moi, j’étais à l’étranger. Des détails. L’absence de chocolatines. La soupe à l’oignon plutôt qu’à l’ail. L’accent, ou plutôt les accents. Je pouvais même pas me rabattre sur des restaus sympas car tout y était surjoué. Les cartes plus basques que nature, la clientèle, moitié parigot jouant à l’ethnologue, moitié rugbymen se la pétant, avec des patrons faussement joviaux. Je sais bien que la capitale est un théâtre, mais à ce point on vire à la caricature.

J’ai donc voyagé. Tant qu’à être touriste, autant l’être vraiment. Surtout qu’il n’y a plus rien à découvrir. Ne hurlez pas. Voilà beau temps que tout a été cartographié, beau temps aussi que les rites de mariage de la moindre peuplade sont connus, que tous les dieux du monde dorment dans d’immenses dictionnaires. Voyager impose de lire, ça tombe bien, c’est ce que je fais de mieux.

Pendant que j’engrangeais du savoir, d’autres prenaient le pouvoir et disaient « j’aime » plutôt que « je sais »…


Je n’ai jamais aimé la facilité.. On en reparlera…