samedi 13 juin 2015

GEOPOLITICIENS

J’en ai jamais vu autant. Même moi. Et j’ai jamais entendu autant de conneries, d’à-peu-près (dangereux l’à-peu-près quand on veut réfléchir).

La géopolitique, c’est devenu le costard scientifique de la politique. Avoir une réflexion politique, ça fait pas très sérieux. Alors on prend les oripeaux de la géographie et on se croit sérieux. Et le public le croit.

La géopolitique, ça a commencé avec Chaliand. Pas le mauvais bougre, spécialiste des guérillas, élève de Rodinson qui est plutôt une bonne référence. Mais la guérilla, ça te marque une pensée, t’es tout de suite catalogué marxiste. Chaliand, il avait trouvé un truc avec son éditeur, il faisait des atlas. Et donc, il a inventé la géopolitique qui est juste l’illustration cartographique d’une pensée politique.

Pour moi, il n’y a jamais eu qu’un seul géopoliticien en France, Pierre Gentelle. Il n’a jamais atteint le grand public car il savait la complexité de la pensée géographique et il se refusait à simplifier. Pour faire une analyse géographique, il faut avoir des tonnes d’informations : géologiques, pédologiques, climatiques, historiques, des tonnes d’informations impossibles à synthétiser en cartes. Pour les livrer, il faut des dizaines de cartes que l’on croise, que l’on compare, des cartes compliquées avec des légendes qui font des dizaines de lignes. Bertin avait bien essayé avec sa sémiologie graphique mais les cartes étaient illisibles. Trop complexes. La géographie n’est pas une fille facile. Surtout quand tu lui colles une dimension diachronique.

La géopolitique, je l’ai découverte aux Langues O’ avec Jean Delvert. Fallait entendre Delvert remettre le Mode de Production Asiatique dans son contexte géographique. Ou prévoir l’évolution de la guerre du Vietnam en fonction des données climatiques. Je n’ai jamais retrouvé une telle clarté d’analyse. Sauf chez Gentelle. Pour les deux, l’un des ouvrages fondateurs était celui de Pezeu-Massabuau sur la maison japonaise.

Les géographes sont malheureux. Voilà des années qu’ils cherchent à remettre l’homme dans son cadre. Max Sorre avait eu une bonne idée avec sa notion d’oekoumène, reprise par Augustin Berque avec quelque succès. Mais Berque s’est heurté, comme tout le monde, à la complexité. Et n’a jamais eu le succès que pouvait laisser prévoir son premier livre sur la politique foncière au Japon.

Pourquoi toutes ses références ? Simplement pour dire que la géopolitique est devenue une agréable manière de parler de politique sans faire chier le spectateur. Une technique simple qu’adorent les chaines de télé, mais une pensée pleine de trous. Ce blog est un gruyère, mais si tu as quelque savoir, tu peux te glisser dans les trous et aller plus loin. Enfin, je l’espère.

Bon, j’avais envie de parler de Pezeu-Massabuau. Il nous dit quoi ? Que la maison japonaise est totalement inadapté au climat nippon. Comme il pense, à juste titre, que les Japonais ne sont pas idiots, il cherche les raisons (historiques, culturelles, sismiques –mais oui) qui ont conduit un peuple à faire perdurer au fil des siècles un habitat qui ne convient pas. C’est pas très sexy comme sujet, mais ça touche à tout, y compris à la langue (pourquoi ce système linguistique avec des enclitiques assez unique en Asie orientale ?).

Je suis tranquille : c’est bien le type de pensée que ne vous présentera jamais Victor, le gourou de la géopolitique télévisuelle.

Tiens, juste une question. Quel est le risque du nœud du Pamir dans l’évolution des Routes de la Soie ? Posez donc la question aux spécialistes. Déjà, il y a tous ceux qui ne savent pas ce qu’est le nœud du Pamir. Pas grave : les habitants du Sichuan le savent. Ceux du Népal aussi. Aujourd'hui 13 juin, Sichuan et Nepal ont encore morflé. Quand tu sais où trouver l'info, ça devient simple....

Et donc, se pose la question de la technologie antisismique chinoise. Savons nous ce que nous devrions savoir ? Pourquoi investir autant dans une zone fragile ? Parce que depuis 15 jours, ça a cartonné aussi au Tajikistan et en Afghanistan. Quand, je sais pas quoi faire, je chasse les tremblements de terre et les cyclones.

On en reparlera….mais c’est compliqué.

lundi 8 juin 2015

JE DE....BLATTER

Il est mal Sepp Blatter…. Il est mal parce que les USA ont décidé d’avoir la peau de la FIFA.

Faut se mettre à leur place. Le football est devenu un média international. Aussi puissant, sinon plus que les Jeux Olympiques. Et ils y sont quantité négligeable. A la FIFA, ils sont mélangés avec les Caraïbes et le Nicaragua. Poids économique zéro car le foot n’existe pas sur les télés américaines et donc poids politique zéro.

Au point que les gros pardessus préfèrent organiser des Coupes du Monde dans les déserts du Qatar ou les steppes russes. Ha, mais là ça va plus… La dernière coupe du monde aux USA, en 1994, n’a pas laissé de souvenir impérissable.… Faut dire que les villes américains et leurs stades se prêtent pas trop au jeu.

C’est pas mieux chez les femmes. Qui ouvre en 2015 la Coupe de Football féminine ? La Chine. Inacceptable pour les Américains.

Et donc, ils font le ménage. En dégageant les Antillais qui ne les aident pas trop et le Président qui préfère Moscou. Corrompu ? Voilà des années qu’on en parle et que tout le monde s’en satisfait. Même nous. Blatter paye pour la main de Thierry Henry et tout va bien. Le système est rodé, huilé. Mais il n’accorde aucune place aux USA. Ils sont la dernière roue du carrosse.

Or, ils savent l’importance du sport. Là aussi, tout change… Jadis, l’événement international, c’étaient les JO. Plus un peu de ski, de tennis et d’automobile. Les USA figuraient honorablement et surtout organisaient les événements. Aspen pour le ski, Indianapolis ou Daytona pour la bagnole, Flushing Meadows pour le tennis. Le glissement vers le football a rendu tout ça caduque. Le sport évolue dans une direction qui ne leur convient pas.

Et donc, ils réagissent en portant la question sur le tapis vert. Ils ne peuvent pas faire la guerre pour le football. Mais les circonvolutions juridiques, ils savent. En plus, la corruption a ceci de bien qu’elle est marque d’infamie morale.

La question qui reste est celle de l’organisation de la Coupe du Monde en Russie. Je tiens le pari que c’est là-dessus que vont se concentrer les avocats, avec le Qatar en dommage collatéral. Parce que les prochains JO se présentent mal avec le Brésil, le Japon, la Corée en puissances invitantes. Les BRICS s’invitent dans le sport de haut niveau et le lasso glisse des mains de Washington. Les sportifs américains ne trustent plus les médailles, les compagnies américaines ne monopolisent plus les droits de retransmission, le soft power se délite. Pour les USA, il faut que ça cesse et il faut reprendre la main dans le sport. Et donc, la cible est la corruption chez les proches de Poutine, voire chez Poutine lui-même.

C’est un signe très fort. Pour en arriver à utiliser le football comme arme, il faut que l’arsenal ait sacrément fondu. Bien entendu, ça ne marchera pas. Les USA eux mêmes mélangent allégrement sport et pognon et leurs équipes olympiques sont pleines de professionnels. Sans compter la dope, n’est-ce pas Lance Armstrong ? L’attaque risque de revenir en boomerang. Et, en tous cas, les rapports entre le public et les footballeurs est tel que rien ne bougera….

Les USA ont l’impression qu’ils ont imposé au monde leur mode de vie parce qu’ils vendent des hectolitres de Coca-Cola. Mais ils ont échoué dans le seul sport réellement universel. Autant dire qu’ils ont échoué dans le sport. Ils ont pourri le sport de fric. Ce qui a permis au minuscule et richissime Qatar de devenir une « nation sportive ». Tous les repères disparaissent, alors les quelques chèques de Sepp Blatter….

On en reparlera…