mercredi 18 novembre 2015

IM-PI-TO-YA-BLE

La foire aux mots bat son plein. Le Président vient de l’affirmer : nous serons impitoyables ! Tu parles ! Dans ce monde où ne règne plus que l’affect, le pathos, la compassion devenue passion, il veut nous faire croire qu’il fera de la politique sans pitié, alors que tout son vocabulaire tourne autour de la sentimentalité la plus simple. Non, ces attentats ne sont pas une horreur. Ce sont des actes de guerre. Et la guerre n’est une horreur que pour les civils. Pour lui, ce devrait être son job. Ni plus, ni moins.

Alors faisons un peu de sémantique

Terroristes. Non. Musulmans. Les huit mecs qui ont attaqué sont tous les huit musulmans. Dans la Résistance, il y avait des communistes et des gens de droite, des cathos, des juifs, des protestants et même des musulmans. Là, les deux ensembles se recouvrent parfaitement. Le jour où des catholiques participeront aux actions des jihadistes, on pourra causer. Pour l’heure, les terroristes sont uniquement musulmans et donc j’ai toute légitimité à poser cette équivalence. Je ne dis pas que tous les musulmans sont terroristes. Je dis que tous les terroristes sont musulmans.

Il faut cesser de se voiler la face. C’est une guerre de religion. Les jihadistes ont pour projet de faire régner l’Islam sur le monde. Ils ne s’en cachent pas et se battent pour ça. Et donc la seule chose à leur dire c’est : on n’en veut pas. A aucun prix. Demandez aux musulmans modérés. Que l’Islam règne en France ne les offusque pas. Simplement, ils laissent les autres faire le sale boulot.

Mais il ne faut pas stigmatiser !! Ben voyons. Au temps fort de l’ETA, personne n’hésitait à parler de terroristes basques. Les Basques non terroristes ne se sentaient pas « stigmatisés ». Deux poids deux mesures ? Non. Basque n’est pas une religion. Mais dès qu’un clergé quelconque est en jeu, la doxa se met en branle. La religion fout la trouille, quelle qu’elle soit, vu que la peur, peur de vivre, peur de mourir, est son fonds de commerce. D’ailleurs, chaque chaine à son imam présentable. Celui de Bordeaux est omniprésent avec un discours lénifiant que ses actes parfois démentent.Je l'ai vu refuser de serrer la main d'une femme.

Impitoyable. On envoie des avions. L’aviation, c’est la guerre médiatisée. Le pilote qui bombarde ne voit rien des conséquences de son bombardement, que des images. Les images qu’on nous passe en boucle, ce sont des décollages de nuit, images pour jeux vidéo. Aucune image qui pourrait entrainer une quelconque compassion ou le moindre rejet. On est impitoyables mais on fait gaffe à ne pas susciter la pitié.

Ce siècle est religieux. Même ceux qui n’affichent aucune religion ou n’en pratiquent aucune ont des fonctionnements religieux, des fonctionnements basés sur la compassion, sur la rédemption, sur la charité, bref sur tout l’arsenal de l’irrationnel religieux.

Nous sommes devenus faibles et couturés de peurs. Peur de tuer des innocents, par exemple. Alors que c’est le cas dans tous les conflits. Nos adversaires n’ont pas de ces pudeurs. Justement ! me dit-on. Ne soyons pas aussi barbare. Pourquoi ? La base de la communication, c’est d’utiliser le vocabulaire de l’autre. Pour qu’il comprenne. Pour qu’il y ait un code commun. Là, nos ennemis ont choisi le code, suivons les. Ils veulent la barbarie ? Soyons barbares. Ils refusent la loi ? Ne laissons pas la loi qu’ils refusent les protéger. Ils décapitent sans procès ? Ne leur offrons pas les procès qu’ils rejettent. La phrase de Saint Just est toujours d’actualité. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Ce n’est pas renoncer à nos valeurs, c’est simplement adapter nos valeurs à leur discursivité.

Ce qui me troue le cul, c’est d’entendre des parents de victimes affirmer qu’ils n’ont pas de haine. Comment ? Un salopard tue ton gosse et tu n’as pas envie de le venger ? Je dois être un peu rustique, mais je ne comprends pas. Et je me fous qu’on me traite de barbare. Dans un monde barbare, je suis mieux adapté.

On en reparlera …

jeudi 12 novembre 2015

L’HISTOIRE HORS JEU

La rumeur court et se glisse dans la ville. Il se murmure que l’Armée voudrait se défaire du Château Vieux et que la Ville n’a pas les moyens de l’acheter.

Heureusement !

Si la Ville était riche, elle serait donc capable d’acheter (et de payer) un immeuble qui lui appartient déjà. Comment ? Mais qu’est ce ?

Ben oui. Par décret du 20 juillet 1808, Napoléon 1er a offert le Château Vieux à la Ville de Bayonne. Bayonne n’a aucune raison de sortir un centime pour acheter son bien. Faudrait être neuneu, non ?

Comment est ce possible ? Simple. Waterloo. Napoléon donne mais l’Armée fait un peu la gueule. Elle obéit cependant. Mais au rythme qu’elle a choisi. Je dis l’Armée, en fait c’est le Génie qui n’en est qu’une partie. Le Génie prend son temps. Tellement qu’arrive la Restauration, les 100 000 fils de St Louis, et quelques bonnes raisons pour permettre au Roi de ne pas exécuter le décret impérial. Et le temps passe. Une sorte de prescription larvée qui permet au squatteur de se croire propriétaire. 1870. 1914. L’importance de l’Armée républicaine est énorme. Qui osera s’opposer aux vainqueurs de la Grande Guerre.

Un homme. Un avocat. Honni et détesté. Député-maire, Joseph Garat lance une procédure pour récupérer le Château. Las ! Il sera emporté par l’affaire Stavisky et le vieux Maréchal prend les rênes. Peut on imaginer un Maréchal déposséder l’Armée ?

Et voilà comment, deux siècles après, le squatteur est toujours là. Mieux encore, il voudrait vendre la propriété qui ne lui appartient pas.

Il a raison. La mémoire a disparu avec l’Histoire. Seule l’Armée entretient l’Histoire. Dans ce cas, à son exclusif profit. Quand une société oublie son Histoire, il y a du souci à se faire.

Et moi, citoyen, je renâcle. Il y a, en ce moment, un mouvement autour de la conservation et de la préservation de la collection Gramont. Les Gramont qui gouvernaient Bayonne depuis le Château Vieux. C’est même pour ça que le Château se trouve rue des Gouverneurs. Et pourquoi ne pas faire un Musée Gramont dépendant du Musée Basque ? Ça aurait du sens.

Et donc je vais lancer un défi. Notre Maire et notre Députée appartiennent à deux bords différents mais sont tous deux avocats. Pourquoi ne feraient ils pas front commun pour permettre à leurs électeurs de conserver ce qui leur appartient ? Je suis certain qu’à eux deux, ils peuvent reprendre la procédure Garat qui se trouve dans les archives municipales (et que le délicieux Pierre Richard saura poser sur leurs bureaux respectifs).

Bon. J’attends la déclaration commune, j’attends que Colette se fâche avec Le Drian et que Jean-René fasse un bras d’honneur à ceux qui guignent le Château pour y installer un quelconque parador ou hôtel historique de charme.

Chiche ?....On en reparlera

samedi 7 novembre 2015

QUESTION D'ECHELLE

Comme le seul argument de ma députée est l’expertise du cabinet Acadie qui a pondu des « centaines de pages » et comme je n’ai pas eu accès à ces centaines de pages (je dois être trop con pour tout comprendre), j’ai fait ce qu’on doit faire dans ces cas là, j’ai cherché à la source sur le site du cabinet Acadie.

Putain ! ça en dit long. Dix noms de chercheurs. Un seul géographe. Surement pas mauvais le géographe, il a travaillé à l’Institut de Géographie Alpine qui fut l’antre du délicieux Philippe Grenier, gourou de la géographie patagone, que j’ai un peu connu dans une autre vie.
Un cartographe aussi. Mais lui, j’ai lancé des recherches pour savoir de quelle promo de l’ENSG il faisait partie. Pas encore de réponses, c’est pas bon signe.

Pour le reste, une architecte, un prof à l’Ecole d’Urbanisme et des diplômés de Sciences Po. Point barre.

J’ajoute que le géographe, dont j’ai épluché avec soin la bibliographie, n’a bossé que sur les villes et leur évolution urbaine.

Nous prendrait on pour des demeurés ? Nulle part, je ne trouve trace des géographes spécialistes des territoires. Ni Pierre Gentelle, ni Roger Brunet (en fait aucun représentant de l’école de Montpellier), ni Augustin Berque. En remontant un peu, exeunt Jean Dresch, Jean Delvert, Maurice Le Lannou sans parler de Max Sorre, l’un des maîtres fondateurs de la géographie humaine. Y’a du souci à se faire.

Sciences Po n’a jamais produit de géographes depuis le départ d’André Siegfried. C’est une école où la géographie n’est vue que comme la base de l’aménagement. Il ne s’agit pas d’accompagner les territoires mais de les démembrer, de les triturer, de leur donner le visage que veulent les politiques. A cette aune, l’équipe d’Acadie doit être bonne : elle donne aux politiques le brouet qu’ils attendent. Elle sait emballer ses propositions pour obtenir le seul résultat qui compte : les subsides publiques qui la font vivre. Après eux, le déluge !!

Quant aux politiques, demander une expertise à un cabinet dont la spécialité avérée est la géographie urbaine afin d’étudier une question qui concerne moins de trente communes sur 160, toutes les autres relevant de la ruralité la plus profonde (ce n’est pas péjoratif, mais la ruralité de la montagne est bien plus ancrée que celle des piémonts ou des plaines), demander une telle expertise, c’est demander à Herta son expertise pour la production d’un charcutier de montagne. Vu leur CV, aucun de ces experts n’a jamais chaussé une paire de bottes pour visiter une exploitation isolée. Or, il se trouve qu’une large partie de l’intercommunalité prévue est composée d’exploitations isolées. Daniel Behar, patron d’Acadie, a beaucoup travaillé sur le Grand Paris dont il est, parait-il un spécialiste. Nous sommes en droit de craindre le pire.

Ce que je crois et que j’ai déjà exprimé, c’est que nos politiques nous prennent pour des imbéciles heureux qu’il convient de rendre moins heureux tout en les laissant mariner dans leur imbécillité.

Je pense sérieusement, sans les avoir lues, que les « centaines de pages » ne soient un hymne à l’urbanisation et à l’intérêt de noyaux urbains puissants, tellement plus faciles à gérer que des centaines de bouseux dispersés dans des vallées isolées.

Je peux donc comprendre que les politiques de ces villes voient dans les études un avenir flamboyant pour leurs bouts de territoires. Mais je peux prévoir aussi que les édiles ruraux ne se laisseront pas faire. Bien au contraire. Certains doivent être comme les bandits des vieux westerns, en embuscade pour dépouiller les voyageurs de la diligence.

Car il va falloir payer pour tous les services obligatoires et je peux penser que la « faisabilité fiscale » repose essentiellement sur la capacité des villes riches à payer pour les pauvres villages. Il est vrai que le spécialiste du Grand Paris doit penser que Bayonne paiera pour Pagolle comme Paris paye pour Stains ou Sucy en Brie.

Oubliant malgré son cartographe de service que la première notion géographique est l’échelle.

Cette échelle qu’on tire quand on s’est planté.

On en reparlera…

BECASSINE A L'ELYSEE

Le préfet des Pyrénées Atlantiques a appris la géographie à l’ENA qui est l’école française où on s’en occupe le moins. Spécialisé dans les territoires, il prouve, jour après jour, qu’il n’y connaît rien.

Et voilà sa dernière lubie : il propose de créer une intercommunalité basque, certainement pour permettre au gouvernement Hollande d’accomplir une des promesses de Mitterrand en 1981. Alors que la promesse était d’un département, pas d’un conglomérat coupé de toute réalité.

Monsieur le Préfet Durand propose donc de réunir dans un même ensemble 158 communes, d’offrir une gestion commune à Bayonne (45 000 habitants) et Orègue (400 habitants) ou Pagolle (300 habitants) ou encore Hosta (80 habitants). Il ne faut pas avoir fait l’ENA pour s’apercevoir que tout oppose la plupart des communes ainsi assemblées comme haricots dans la garbure.

Monsieur le Préfet Durand n’hésite pas à vouloir offrir un destin commun à des villes côtières et portuaires comme Bayonne et Saint Jean de Luz et des villages de montagne comme Mendive ou Sainte Engrâce, situés à plus de 100 kilomètres de ce qui sera le cœur actif de l’intercommunalité. Elle va faire quoi cette intercommunalité : assurer le ramassage des ordures le même jour à Hendaye et à Larrau ? Elargir le réseau de bus de la capitale communale ? Assurer la gestion des cantines scolaires ? on est en plein délire. Quelles que soient les compétences, elles seront tout simplement impossibles à assumer. Ce n’est pas seulement une question de distance mais de réalité du terrain. On n’organise pas les transports en Haute Soule comme sur la frange côtière. Mais le Préfet Durand n’en a cure : il a un chauffeur. Pour moi, je garde le souvenir d'une livraison de Bayonne à Mendionde un jour de neige de l'hiver 1962 : plus de deux heures pour faire moins de 50 kilomètres !

Monsieur le Préfet Durand veut faire vivre ensemble une frange côtière à l’économie basée sur les échanges de biens et de services et un arrière-pays essentiellement agricole. Il ne veut pas savoir (ni ses thuriféraires) qu’on n’a jamais, nulle part, créé de communauté où populations urbaines et populations rurales vivent en parfaite harmonie. Il suffit de voir l’évolution de l’Ile-de-France où l’urbanisation a détruit le tissu rural dans la petite couronne.

En fait, qu’on le tourne dans n’importe quel sens, le projet du préfet Durand n’a aucun sens. Même pas historique et culturel. On pourrait penser que la langue structurerait cette intercommunalité. Patatras ! Selon l’Institut Culturel basque, les bascophones représentent 30% des habitants. Un tout petit tiers. Le plus drôle, c’est que les plus bruyants défenseurs de cette intercommunalité, à commencer par la députée, ne parlent pas basque. On devrait demander aux défenseurs de ce qu’on appelle déjà « l’intercommunalité basque » de défendre leur position en basque. J’en connais suffisamment pour savoir que cette obligation deviendrait vite muselière.

Historiquement, le Pays basque nord n’a jamais été uni. On y trouvait quatre territoires, chacun défini par une coutume, c’est à dire un ensemble juridique cohérent. Bayonne, la capitale « basque », possédait en effet des règles et des lois différentes des trois provinces historiques. Il faudra que nos avocats, nombreux en politique, m‘expliquent comment une « capitale » peut avoir un ensemble juridique différent du pays qu’elle commande.

Et donc, le Préfet Durand qui ne sait de la géographie que l’aménagement du territoire qui n’en est qu’une conséquence et non un fondement, imbu de son enarchite (l’enarchite est une pathologie qui consiste à savoir mieux que les autres ce qui leur convient), décide de regrouper 158 communes en un territoire qui n’a ni réalité géographique, ni fondement historique, ni substrat linguistique, ni cohérence économique. Son idée, pour reprendre un vieux mot bayonnais, est une « meusclagne », un terrifiant merdier enveloppé d’un stéréotype.

Jusqu’alors, les 158 communes étaient réparties entre dix structures coopératives à peu près signifiantes et cohérentes, en tous cas collant au terrain.. Mais voilà… Approchent les élections et le Président a besoin de montrer qu’il agit. Il avait déjà concocté la réforme régionale la plus incohérente de ce dernier siècle où on veut faire vivre ensemble la Corrèze et les Landes qui n’ont en commun que des champs de bruyère. Le Parti Socialiste est à la recherche effrénée d’idées pour communiquer. Pas pour agir. Pour dire qu’il agit. Le Préfet a donc appliqué les instructions présidentielles.

Instructions relayées par la députée du coin qui a pour seul argument d’avoir sous le coude « des centaines de pages d’études..et la Prefecture et les meilleurs experts du cabine Acadie montrent la faisabilité juridique, technique et fiscale ». Le cabinet Acadie, j’y reviendrai. Quant au Préfet, il est aux ordres du Président dont il relaie les idées. Mais qu’est ce qui a donc inspiré notre Président qui n’a certainement pas du lire les centaines de pages des rapports cachés aux citoyens.

J’ai retrouvé sa boîte à idées. Dans son élyséen bureau, le Président possède la collection complète de Bécassine. Il a donc fait une réforme régionale où il refuse de mettre Nantes en Bretagne (Bécassine à Clocher-les-Bécasses), il s’en inspire pour sa politique proche-orientale (Bécassine chez les Turcs), il y a choisi sa ministre de l’éducation (Bécassine maîtresse d’école), il l’a utilisée dans sa lutte contre le chômage (Bécassine cherche un emploi) et même dans sa vie privée (Bécassine au studio). Il lui restait le Pays basque, nous y sommes.

Le problème, c’est que ça risque d’être moins drôle….