dimanche 15 avril 2018

BOMBARDEMENT DE MOTS

Bien. Nos magnifiques Rafales ont mené une magnifique opération en Syrie et leurs pilotes (les vrais, pas ceux qui étaient dans le cockpit) nous prennent définitivement pour des cons.

Regardons calmement.

Entre le tweet rageur de Donald Duck et l’intervention aérienne, trois jours. Largement suffisant pour évacuer les cibles. C’est une règle stratégique : une réaction doit être rapide pour être efficace. Rapide et silencieuse.

D’ailleurs, nos magnifiques missiles n’ont quasiment pas fait de victimes. Pas un militaire russe, pas un soldat syrien. Selon les sources, on indique de trois à dix civils. Sans déconner, des missiles à deux millions d’euro pour un tel résultat, c’est margarita porcis. Le napalm de Nixon, c’était plus rentable.

Les images montrées sont tout aussi ridicules. Des murs déflagrés, certes, mais rien qui marque l’impact d’un beau missile, surtout sur des stocks de chlore. Sérieux, tu fais péter une cuve de chlore, t’as quelques kilomètres carrés qui toussent. Tu peux ouvrir une colonne « victimes collatérales » dans ton communiqué de presse.

Nos magnifiques Rafales sont partis de Saint Dizier, dans notre belle Lorraine, et sont arrivés en Syrie après ravitaillement assuré par des AWACS américains, me dit BFM. Et donc, sans Donald Duck, on peut pas bombarder, pas de quoi être fier. En plus, interview de pilotes et intervention de la Ministre cornaquée par un général en uniforme ce qui nous permet d’apprendre que la défense anti aérienne syrienne et l’appui sur place des Russes ont pas été d‘une efficacité exceptionnelle. Je suis pas un pro, mais de Saint Dizier à Homs, y’a quelque chose comme deux heures de vol pour un Rafale. Minimum. Je dois donc admettre que les Russes sont incapables de voir décoller une escadrille d‘une base qu’ils ne surveillent surement pas, peut être parce qu’ils ne la connaissent pas. J’admets, je suis bon public. Quand les avions Dassault approchent de la Syrie, les moyens de détection sur place (navires essentiellement) remplacent les satellites déficients mais ne bronchent pas plus. J’admets encore.

Mais j’ai le sentiment d’être pris pour un con. Avec leurs mensonges, en creux, ils me dessinent un scénario plus réaliste et moins spectaculaire et qui me va bien. Un diplomate quelconque (et justement, pas quelconque) a utilisé ces trois jours pour expliquer à Poutine que Donald Duck ne pouvait pas perdre la face, délai utilisé pour vider les usines et rendre les objectifs inexistants. Après quoi les Russes nous ont laissé passer avec une grande politesse (davaï, tovaritch), on a mis dans le mille, et on est revenus à la maison.

Maintenant, faut voir ce qui va se passer. Moscou se sent « humilié » dit un porte-parole ce qui ne l’empêche pas de recevoir Macron à la fin du mois. L’humiliation doit être vite passée. La victoire, elle est pour Dassault. Donald s’est empressé de tisser des louanges à l’aviation française, à son professionnalisme et toutes ces choses. Y’a plein d’acheteurs d’avions qui ont entendu ça. Quand t’as le locataire de la Maison Blanche comme VRP, ça fait du bien.

Y’aura bien quelques clowns comme BHL pour mettre la seconde couche sur le décor du théâtre de marionnettes. Demain, on va aller au Parlement où personne ne va dire l’essentiel. Il y aura quelques gugusses qui insisteront sur les vetos de la Russie à l’ONU. Ça occupera le temps.

Mais sur le terrain, Poutine n’a mis aucun veto. Il nous a laissé passer. La facture viendra plus tard. Je crois que les derniers Sukhoi sont bien meilleurs que je pensais.


On n’a pas fini d’en reparler.

vendredi 13 avril 2018

LE RETOUR DU QI

C’est le bordel dans les facs. Merci qui ? Merci Jack Lang.

Faut pas avoir étudié longtemps pour comprendre. Jack le magnifique voulait 100% d’une classe d’âge au bac. En oubliant ce détail : le bac ouvre la porte des facs. Et les facs sont là pour faire des études supérieures, pas du rattrapage. 100% d’une classe d’âge ne peut pas faire d’études supérieures. Parce qu’ils n’ont pas le niveau. Plus simplement parce qu’ils n’ont pas les possibilités intellectuelles. Et parfois, les deux, car les deux sont liés. Mais aussi parce que nos facs ne sont pas prévues pour cet afflux.

En 1967, dans l’Académie de Bordeaux, le taux de réussite au bac était de 53%. Un môme sur deux. Cinquante ans après on flirte avec les 90%. Il n’y a que deux explications possibles : ou les candidats ont vachement progressé. Ou la difficulté a superbement régressé. Dans les deux cas, il y a plus de mômes qui veulent intégrer la fac. Et pas plus  de places. Comment on fait ? On peut pas mettre vingt sardines dans une boite

J’en parle avec un spécialiste. Son analyse ne me convient pas, elle s’appuie trop sur les instruments de la malmesure de l’homme. Il m’affirme que le bac à l’ancienne était calibré pour sélectionner les candidats avec un QI égal ou supérieur à 130, condition sine qua non pour un cursus universitaire. Et il s’appuie sur les échecs en première année de fac pour me prouver que le rééquilibrage est inévitable et que le fonctionnement actuel revient à utiliser les facs pour corriger les conneries du bac. La sélection est inévitable. Y'a que Jack pour supprimer ce qu'on ne peut enlever.

Je rigole. Dans ces conditions, pourquoi ne pas remplacer le bac par un test de QI ? Ben, j’ai rien compris. Il faut le QI et son utilisation dans des conditions inconnues, sur des sujets inconnus. Le QI seul ne suffit pas. Il est nécessaire mais pas suffisant. De toutes façons, m’assène t‘il, les mentions sont là pour corriger et permettre la sélection. A un poil près, elles collent avec l’ancienne sélection.

Je suis mal. J’ai jamais pensé que le QI pouvait être un instrument pertinent. Et j’ai jamais passé mon temps à comparer des statistiques.

La sélection, je suis pour. Elle vient acter la capacité de travail et la possibilité d’accumuler des connaissances. Elle aide aussi les mômes qui ont à cœur de s’intégrer. Même si t’as pas vraiment le QI, en bossant comme un malade, tu peux réussir. Ça s’appelle la méritocratie. Tu compenses. Bon, y’en a des qui doivent plus compenser que d’autres. Mon spécialiste, il est d’accord, et il pense que le premier handicap des enfants, c’est les parents. Ça, tu peux pas le dire. Les parents votent.

On mélange nos exemples. Avec Bourdieu, je pense qu’une bonne bibliothèque est un avantage. Lui, il croit que si les parents parlent bien français, et quotidiennement, l’avantage est suffisant. Il m’emmerde. Il a plus d‘exemples que moi. Forcément, c’est un spécialiste. Mais enfin, l’un dans l’autre, on est d’accord : le bac, c’est pour les enfants de la bourgeoisie, correctement éduqués et drivés par des parents responsables qui les colleront dans les bons rails pour faire des retraités de qualité, à condition qu’ils bossent un peu.

Mon spécialiste, il aime bien Hamon. Statistiquement, il pense que, vu le recrutement, les mômes qui passent le bac, ils seront chômeurs et donc, vaut mieux leur filer un revenu universel. Déjà, on va faire des économies sur l’enseignement supérieur. Il est un peu pessimiste, je trouve. Ceci dit, il est pas tout jeune, comme moi. Les fossés, on les a vus se creuser. Education, formation, rémunération. Moi, je pense qu’on peut corriger. Lui est sûr que non. Il me dit qu’une génération narcissique ne peut penser qu’à elle et qu’une génération sadienne privilégiera le plaisir contre le travail. J’ai peur qu’il n’ait raison.

Le QI a de beaux jours devant lui.


On en reparlera….

lundi 9 avril 2018

CRITIQUE ET VÉRITÉ

Titre volé à Roland Barthes qui me pardonnera l’emprunt.

Débat sur Facebook, à propos de TripAdvisor. Je m’insurge : TripAdvisor accepte  tous les textes, de tout le monde. Et personne ne veut admettre que critique gastronomique, c’est un métier. Il y faut quelques connaissances. J’ai bossé pendant six ans pour le Guide du Routard et, dans mes attributions, il y avait la formation des petits jeunes. Pas cadeau : ils ne savent rien.

Soyons clairs : il ne s’agit pas de mes goûts. Ils n’appartiennent qu’à moi et ne sont pas une intangible règle. J’aime le turbot sauce hollandaise. Sauf chez Pedro Arregui où la cuisson au grill me convient parfaitement. Parenthèse : El Kano sera toujours chez Pedro dès lors que le grillardin est Arregui.

Le poisson est une bonne pierre de touche, surtout au fond du Golfe de Biscaye. Première règle : il y a une saison pour le poisson. Ha bon ? disaient les gamins habitués à Sodexho. Ben oui. Le thon, par exemple. Il arrive vers fin mai, début juin. Il suit les sardines qui, elles-mêmes, suivent les anchois. Etonnement. Il n’y a pas d’anchois frais toute l’année ? Ben non, ça dépend de la température de l’océan. On va pas rentrer dans les détails de la biologie ichtyologique, mais, pour faire court, le restaurateur qui a du thon à sa carte en mars, il te prend pour un con : au mieux, c’est du surgelé. J’ai rien contre, mais ce doit être dit. Le restaurateur menteur, c’est une sale engeance. Et le mec qui a toutes les espèces toute l'année, c'est un menteur, vu que c'est pas possible.

C’est juste les grandes lignes. Après, y’a les détails. Tiens, le turbot. Son biotope, c’est les hauts fonds sableux. S’il y’en a pas au large, des hauts fonds, il peut pas y avoir de turbot. Enfin, pas sauvage.  Et, en plus, s’il y a une tempête, le turbot, il se barre. Et donc, après tempête, turbot sauvage impossible. La formation, c’était Paris XIII. Impossible de faire ce que j’avais fait avec José à Fontarabie, caresser les turbots pour distinguer sauvage et élevage. Je m’efforçais quand même. Et je les explosais de rire quand je leur racontais le restau de Port Vendres qui avait marqué sur son ardoise « turbot sauvage de la criée ». Suffisait de regarder une carte marine. Les hauts fonds sableux, tu pouvais les chercher… La criée, j’y étais passé. Règle basique : aller voir la criée.. Parce que tous les couillons marquent « poisson de la criée » pour mieux tromper les autres couillons. C’est tout simplement, un boulot normal de journaliste qui vérifie. Le restaurateur, je lui avais demandé de voir ses turbots et je les avais caressés, avant de dire « vos turbots, ils sont d’élevage et ils parlent basque ». Ça, c’était du flan mais, coup de bol, les turbots venaient de la ferme aquicole de l’Adour. Le patron, il était assis. Le mec du Routard pouvait reconnaître l’endroit où étaient élevés les turbots ! Je l’ai viré, il a pas discuté, et même il m’a invité à bouffer. La sauce hollandaise était très bien. Pas parfaite, à cause du beurre, mais très bien. Et donc, on a parlé beurre. Dans le Roussillon, c’est pas des spécialistes.

La différence entre Hachette et TripAvisor, c’est ça. Une louche de savoir. Parce que mes cours de formation, c’étaient pas les seuls. Pierre aussi s’y collait, et Benoit,  et Gérard et quelques autres. Surtout les vieux. Ceux qui savaient préparaient ceux qui savaient pas. Alors, le petit mec qui me met en doute et qui, en plus, est défendu par le vieil Alain, je vais lui expliquer.

Quand on ouvre un restau en bord de mer, on bénéficie de l’ignorance. En bord de mer, tu peux servir n’importe quoi, le client acceptera tout. Il ne sait rien. L’environnement lui suffit. Tu penses bien que quand tu viens de Garges les Gonesse, t’es pas un spécialiste de l’écaille. T’es là, tranquille au bord de la mer, ça suffit. Le restaurateur le sait. La machine à mentir est en place.

Le mec, il est installé dans les Landes. Regarde la carte. Rivage aussi plat qu’un électroencéphalogramme de Landais. Si tu es sur la terrasse, regarde mieux. Y’a pas un centimètre carré pour héberger des fruits de mer. Sauf les couteaux. Tout le reste vient d’ailleurs. Tout. C’est pas mieux qu’un restau au coeur de Paris. Ou à Labastide Clairence. Tes fruits de mer, couillon, c’est les mêmes que partout ailleurs entre Bordeaux et Bilbao. Ils viennent en camion.

Les chipirons. Là, je sais pas. Un excellent port, pour les chipirons, c’est Boucau, ville voisine. Et donc, a priori favorable. A vérifier. Sur facture, ça va de soi. Mais comme je sens la volonté de me baiser, je vérifie.

Forcément, la géographie te guide. Là, des poissons de roche, y’en a pas, il ne peut pas y en avoir, vu qu’il n’y a pas de roche. Oublie les rougets, c’est des migrants. Oublie aussi la soupe de poissons qui n’est possible qu’avec des poissons de roche. Tout ceci doit te guider.

Bien sur, le patron ne dit rien. Enfin, rien qui puisse se retourner contre lui. Tu sais tout de suite si tu es dans l’escroquerie. Le grand escroc, c’est celui qui suggère. Si tu sens qu’on suggère, barre toi. Sinon, tu seras complice. Dans l’enseigne, le mec met le mot « pêcheur ». Le pêcheur, il existe pas. Toi, t’en vois deux, trois, le long de la plage, avec leurs belles cannes. Mais c’est pas leurs prises qui finiront dans ton assiette. On te suggère seulement…

Une terrasse en bord de mer, ça suffit. Le petit mec de  Stains ou de Montargis, ça lui convient. Dans sa tête, les équivalences se mettent en place. Océan égale poisson. Poisson frais. Tu parles !! Fais lui les poubelles à l’apprenti escroc. Va voir les caisses en polystyrène. Ton poisson, il vient de loin. Et pas à la nage.

Mais comment je peux savoir ? Demande à Tripadvisor. Après, si t’es malade, t’as Doctissimo. Fais leur un procès. Monavocat.fr t’aidera. Parce que c’est ça que j’ai envie de dire à tous les enculés qui tripadvisorent à qui mieux mieux : et dans ton job, tu conseilles qui ? Toi, le médecin qui se transforme en critique gastronomique. Toi l’avocat qui juge du vin. Toi, le pharmacien qui sait tout des maisons d‘hôte. Dans ta spécialité, c’est bien Internet ? Non ? Alors pourquoi ce serait bien dans la mienne ? Mais moi, j’ai fait des études… Moi aussi. Même qu’on a le même diplôme universitaire. Pas dans la même Faculté, certes, mais un doctorat reste un doctorat.

Le miroir tendu reste toujours un bon indicateur. Tu vends des livres anciens. T’as toujours un pignouf pour te demander une remise. Alors, tu dis au mec : et vous, vous vendez quoi ? Des yaourts ? Et vous faites quoi comme remise ?

La réponse est toujours la même. Moi, c’est pas pareil. Si, c’est pareil. Un vendeur, un acheteur, un produit. Après, y’en a un qui survalorise son savoir. Ou sous-valorise le tien. Le mec, il est bon sur la jurisprudence des baux commerciaux ou les métastases des mélanomes et il veut t’expliquer que son savoir est quasi universel et écrase le tien. Ben non, connard. Laisse moi une heure pour faire de la biblio et je trouverai meilleur que toi.

Bon, ça nous éloigne des pleuronectes.


On en reparlera.

dimanche 8 avril 2018

LA GUERRE DE TRUMP

Bon, nous y sommes. Je vous l’avais dit à plusieurs reprises. Le joueur qui a perdu renverse la table et Trump déclare la guerre économique à la Chine. Arme habituelle : les droits de douane. Ça n’a aucune importance, on est dans la prestance.

Suivons la partie. Ça commence début mars avec une augmentation des taxes à l’importation sur l’acier et l’aluminium. Il s’agit simplement de prendre les électeurs dans le sens du poil : Trump a fait un carton dans les zones où la sidérurgie représentait une activité essentielle. Les Chinois, tranquilles, tirent la seconde salve en annonçant des taxes sur les alcools, le soja, la viande congelée, les automobiles et les petits avions. Rien de bien grave, sauf le soja. Les Chinois vont remplacer le soja américain par du soja brésilien.

Ce qui est amusant, c’est la réaction de Trump : un tweet, début avril où il affirme que ce n’est pas une guerre économique car « la guerre économique a déjà été perdue ». Lucide, Donald, qui fait porter la responsabilité de la défaite à ses prédécesseurs, notamment Obama. Il admet qu’il existe un déficit de 500 milliards de dollars dans la balance commerciale (comment le nier ?) et y ajoute un vol « intellectuel » de 300 milliards qui correspond à des transferts de technologie. S’il n’avait rien dit, on aurait pu penser « un partout, la balle au centre ». Mais quand un entraineur affirme qu’il a déjà perdu, l’espoir change de camp.

La raison véritable et bien connue. Les entreprises capitalistes sont persuadées vivre ans un monde apaisé mais également un monde où le politique marche avec l’économique. Ce n’est, à l’évidence, pas le cas. La guerre économique fait rage et, dans certains pays, l’économique obéit au politique. Horreur ! Ce sont les pays qui gagnent. On s’aperçoit, soudain, qu’investir dans Facebook est moins bon pour l’économie nationale que préférer les investissements industriels. Dans la guerre que personne ne peut nier, Mark Zuckerberg ne pèse rien. Sauf que son entreprise mobilise des capitaux qui seraient mieux investis ailleurs.

Dans la bataille des communiqués, il faut trier. Un coup le soja est concerné, un coup il est oublié. Le front est mobile. Les produits technologiques ne sont pas mobilisables. Imagine t’on une surtaxation des produits Apple qui rapportent tant aux deux pays ?

Aujourd’hui, 8 avril, un joli coup de weiqi vient d’être joué. La Chine vient de rappeler dix millions d‘automobiles pour raisons de sécurité. Essentiellement des voitures japonaises, et donc aussi des Nissan construites par Dongfeng. Déjà que Toyota s’inquiétait pour ses approvisionnements en acier….. Le message est clair : le Japon, allié des U.S.A., est dans le camp ennemi. C’est pas simple, la mondialisation. Le Japon va comprendre. Que va t’il faire ? Et que va faire Nissan ? Il va falloir jouer fin.

Trump, il est tout, sauf con. Il sait que l’adversaire n’est pas prenable sur le terrain militaire. L’OCS a dépassé l’OTAN sur tous les plans. Il sait aussi qu’il ne fait pas le poids sur le terrain financier. En fait, il a été élu pour être le syndic de faillite des U.S.A. et il aime pas trop. C’est lui que l’oligarchie harvardo-yalienne a choisi pour mettre la poussière sous le tapis. Ce sera ça, sa trace historique. Ça l’énerve. Comment en sortir ?

Alors, à tout prendre, autant tout faire péter. Il n’a plus rien en mains…Des fois, je me mets à sa place. Face à Xi Jiping et Vladimir Vladimierevich ; Appuyé par des militaires vendus aux lobbys de l’armement, aidé par des conseillers stipendiés, baladé, sous-informé. Incapable de faire le ménage. A t’il des amis ? Des alliés ? Tous le laissent seul, en première ligne. Pauvre Donald

On n’échappe pas à son destin


On en reparlera

samedi 7 avril 2018

MON FILS, LA POUDRE ET LES BALLES

Il va avoir douze ans. L’âge des questions existentielles a commencé. Etre papa devient bien difficile. On a, en face de soi, les médias et leur cortège de stéréotypes, les profs engoncés dans leurs certitudes. Que répondre ?

« Papa, tu crois qu’il y aura la guerre ?

Pas sûr. Mais, statistiquement, plus il y a d’années de paix, plus les risques de guerre augmentent.

Qu’est ce que je dois faire ? Maman dit qu’on partira à l’étranger.

C’est pas gagné. Trouver le pays d’accueil, passer les frontières, se réinstaller…

Ouais, mais tu réponds pas… Qu’est ce que je dois faire ?

Des études, mon chéri. Avec au bout, un beau diplôme qui te permettra d’entrer dans l’armée.

Dans l’armée ? t’es con, papa. Dans l’armée je vais devoir faire la guerre. C’est pas le but.

La guerre, mon chéri, est moins importante que ses effets. Or, depuis près d‘un siècle, on sait que les effets de la guerre portent sur les populations civiles. Quand il y a la guerre, il meurt plus de civils que de militaires. En portant l’uniforme, tu te protèges.

Ouais, mais les militaires se font tuer quand même. J’ai pas envie.

Regarde les statistiques, mon chéri. Ceux qui se font tuer, ce sont les soldats, les hommes du rang ainsi que les sous-officiers. Autrefois, on disait « la chair à canon ». Fais des études, on choisira les filières. Et quand tu seras officier, puis, rapidement, officier supérieur, tu échapperas au risque. »

Après, je dois expliquer. Les filières ? Ben oui. Tu peux intégrer l’armée après Sciences Po. Devenir un spécialiste de l‘intendance ou de la logistique. Tu peux faire de la géographie ou de la cartographie. Dans tous les cas, ton risque est nul vu que ce n’est pas un risque opérationnel. Je lui raconte. Moi, comme réserviste, j’étais à Taverny en cas de mobilisation. Servir en guerre avec 30 mètres de béton sur la tête, c’est plutôt tranquillisant. Il me regarde, bizarrement.

« Et moi ?

Quoi, toi ?

J’aurais été où ?

Ben, avec maman, dans Paris.

Pas protégés ?

Ben non, civils. Je t’ai expliqué. Civils, ça veut dire victimes aujourd’hui. »

Il me regarde encore plus bizarrement. Je dois lui paraître un poil égoïste. C’est pas totalement faux. Il faut lui expliquer que l’état de guerre, c‘est un peu spécial. On n’est pas vraiment libre. Lui expliquer aussi qu’un spécialiste, ça fonctionne pas pareil.

« Mais papa, tu aurais pu tuer des gens.

Non, mon chéri. Je n’aurais pas eu à choisir des cibles. J’aurais eu à donner des informations au gradé qui choisit. C’est tout. Le choix de la cible n’était pas de ma responsabilité, l’ordre d‘attaque ou de tir, non plus.

Mais, au bout, y’a des morts.

Forcément. »

Là, ça devient compliqué. Il faut expliquer qu’un massacre médiatisé n’est plus un massacre. Il y a tellement d’étapes. Même le mec qui appuie sur le bouton est innocent. Et personne ne voie rien, ne constate rien. Chaque geste est déconnecté du réel.

J’avais préparé des infos et des cartes dans les années 80. Je ne savais absolument pas pourquoi. Le hasard a voulu que, dix ans après, je rencontre un officier brillant et sympathique qui avait utilisé mes infos. Son boulot était de guider des Jaguars en mission de bombardement. Les docs que j’avais préparés étaient nickel. Sans cette rencontre fortuite, je n’aurais rien su. Evidemment que, au bout de la chaine, il y avait de la viande froide. En étais je responsable ? Depuis plus de vingt ans, je me pose la question. Et depuis plus de vingt ans, je réponds par la négative.

Inutile de me parler des SS qui exécutaient des ordres sans réfléchir. Oui, j’ai été un élément dans la chaine qui a conduit à des massacres. Et oui, j’ai été un élément déterminant vu que j’avais bien fait mon boulot. Après, je me suis construit un catalogue d‘excuses comme quoi je ne savais pas, je n’avais aucun moyen de savoir. Et que, de toutes façons, comme je n’avais pas vu les corps, ces massacres étaient de simples fantasmes, une construction intellectuelle

Il a compris, je crois. Il est de la génération jeux vidéos. Tant que t’as pas devant les yeux la viande froide, les mouches, l’odeur, les odeurs, la mort n’existe pas. Ta responsabilité, non plus. La guerre médiatisée n’est plus la guerre.

J’ai plus qu’à me renseigner. Faut que je lui trouve les bonnes filières. Parce que la poudre et les balles du petit Grec hugolien, c'est plus de saison.


On en reparlera…

jeudi 5 avril 2018

LE TESTICULE ODORANT

Je l’ai découvert au début des années 1970. Avec Mario. On arrivait à Modène, la première soirée était consacrée aux tortellini que ses sœurs avaient passé la journée à préparer, servis avec une crème épaisse parfumée aux champignons des bois après cuisson dans un bouillon qui sentait les rives du Po.

Le lendemain matin, c’était visite au Consorzio où un de ses beaux-frères occupait de hautes fonctions. Je n’ai jamais su le nom exact. En gros, c’était le Consortium des producteurs de vinaigre balsamique lequel, tout le monde sait ça, est une production modénaise. Comme Ferrari. Et comme Pavarotti.

Là, dans les boiseries classiques d’un bureau de bon aloi, on apportait à Mario un flacon qui ressemblait à un gros testicule vautré dans un écrin façon Mauboussin, adorné d‘un numéro qui proclamait sa singularité, et bien rempli du nectar pourpre. Et je voyais Mario payer avec ravissement une somme qui me semblait indécente pour un vinaigre. Faut dire qu’à Bayonne, le vinaigre, c’était Tête Noire (de Bordeaux). La première fois, je m’étais étonné et vlan ! j’avais pris un cours de balsamique, comme quoi c’était le meilleur vinaigre du monde et qu’avec une goutte (deux si t’étais dispendieux) tu parfumais tout un saladier. Même un gros. Et donc Mario payait cher sa consommation de l’année. Et puis cher…. Faut relativiser. Mario était raisonnable. Il achetait rarement des vinaigres avec plus de vingt ans d‘élevage. Les très grands crus pouvaient avoir été élevés pendant un siècle. Pour du vinaigre ! Vous demandez pas pourquoi l’Emilie est considérée comme la plus grande région gastronomique de la péninsule.

Après…. Ça se gâte. Les industriels comprennent le potentiel « marketing » du balsamique. Original, exotique, prix élevé et donc marges assurées, discours traditionnaliste avéré, toutes les conditions de la destruction sont réunies. Surtout qu’avec les aromes artificiels, on peut facilement torcher un ersatz. Bon, pour le testicule verrier et le numéro de garantie, vous repasserez…. Mais à 4 euro la bouteille chez Maille, vous allez pas, en plus, avoir des exigences. Vous avez le droit de dire à vos convives : « Moi, je fais tout au balsamique, c’est le meilleur vinaigre du monde ». Comme ils sont aussi incultes que vous, c’est pas grave et ça passe. A 4 euros, c'est pas cher la couronne.

Mais, c’est protégé !! Ben non. Il y a bien une IGP (ou une AOP) pour le vinaigre de Modène, mais la mention « vinaigre balsamique », elle est libre. Même si c’est pas du balsamique. C’et beau la légalité agro-alimentaire. En clair, t'as pas le droit de dire "vinaigre balsamique de Modène". Toute IGP porte en elle les germes de l'escroquerie.

Je te rassure, on trouve encore du  vrai balsamique de Modène, celui du Consorcio, dans les épiceries de qualité et même sur Internet. Juste un conseil : achètes en deux flacons. Vu que le premier, tu vas le consumer en essais. Même en te restreignant, tu vas utiliser le vinaigre comme tu en as l’habitude.. Et tu vas tout pourrir tellement que c’est puissant. Va falloir changer tes habitudes. Et t’as interêt à être bon cuisinier. Le balsamique ne pardonne pas l’erreur.

Ha, bon ? C’est cher et ça pardonne pas l’erreur ? Faut être con, alors.

Ben voilà. Tu réfléchis comme le patron de Carrouf…Tu vois qu’en me lisant, tu progresses.

On en reparlera…