dimanche 31 août 2014

SI LES RICAINS….

C’est Sardou qui bêle : « Si les Ricains étaient pas là, vous seriez tous en Germanie…. ». Et le troupeau approuve. Même si les faits prouvent le contraire.

Justement, revenons aux faits.

Juin 1941. L’Allemagne nazie envahit la Russie communiste. Russie communiste alliée avec la France et où se bat l’escadrille Normandie-Niemen. Que font les USA ? Rien. Le plus puissant groupe de presse américain, le groupe Hearst plaide ouvertement pour la neutralité. L’Allemagne nazie n’est pas considérée comme un adversaire mais comme un allié pour lutter contre le communisme. Roosevelt hésite. Il accepte de livrer des armes mais il demande que les livraisons soient gagées sur le stock d’or soviétique. Rien n’est gratuit.

Il faudra attendre le mois de décembre 1941 et l’attaque de Pearl Harbor pour que les USA se décident. Encore se positionnent-ils sur le front asiatique. En Europe, le conflit entre Allemagne et Russie les arrange plutôt. D’ailleurs, ils ne déclarent pas la guerre à l’Allemagne. Au contraire, ce sont l’Allemagne et l’Italie, liés au Japon, qui déclarent la guerre aux USA.

En 1942, l’essentiel de l’effort de guerre en Europe est supporté par la Russie communiste : les deux tiers de l’armée allemande se battent en Russie. Si les Ricains n’étaient pas là… Mais ils ne sont pas là !!! Cependant, pour montrer leur bonne volonté, ils débarquent en Afrique du Nord.

En 1943, changement de musique. En janvier, l’Armée Rouge gagne à Stalingrad et entame sa marche vers l’Ouest. Les Ricains sont toujours en Tunisie. Et là, le risque apparaît. Clairement. Si l’Europe est libérée par la Russie, elle basculera dans le camp communiste. Impensable. S’engage alors une course de vitesse. C’est à qui libérera le plus de territoires. Le problème des USA n’est pas l’ennemi Hitler mais l’allié Staline. Quand les Ricains débarquent enfin, Staline est à Varsovie, à une portée d’arbalète de Berlin.

Et donc, cher Michel Sardou, si les Ricains n’étaient pas là, nous serions malgré tout en France. Vraisemblablement en France communiste, mais est-ce si important ? Pour vous peut-être.

Pensons à un fait amusant. De Gaulle n’est pas à Yalta. Les Ricains n’en veulent pas à cause des mouvements de résistance français où les communistes jouent un rôle prépondérant. On doit le répéter. Début 1945, le problème de Roosevelt, c’est le communisme, pas le nazisme.

Dès la victoire acquise, la communication américaine se met en place. Là se trouve la vraie victoire américaine. Il va falloir prouver au « monde libre » qu’il n’est libre que grâce aux USA. Et ça dure depuis soixante ans. Au point que certains se sont étonnés que Hollande ait invité Poutine à la commémoration du Débarquement. C’était la moindre des choses. Sans Stalingrad, les Ricains ne débarquaient pas.

Depuis soixante ans, on nous le ressert : en Corée, au Viêt-Nam, en Irak, les Américains défendent nos libertés. Personne ne veut voir que les Ricains défendent surtout leurs marchés, leurs finances, leur influence et leurs libertés. La liberté d’accumuler de l’argent aux dépens des acquits sociaux, la liberté d’implanter leurs entreprises sans contraintes et surtout pas les contraintes écologiques. La liberté de drainer les ressources du monde au profit des USA. Certains ont même accepté l’idée qu’au Chili, Pinochet était un meilleur défenseur des libertés qu’Allende.

Aujourd’hui, ça continue. Poutine menace nos libertés quand il défend les siennes. Sur la Chine, c’est un peu différent. Les entreprises américaines en ont trop besoin. Donc, on infléchit. Ce ne sont pas nos libertés que la Chine menace mais les libertés du peuple chinois. C’est un peu tiré par les cheveux, mais ça fonctionne. Toute la presse est au travail pour ça. On en a déjà parlé….

On en reparlera…




samedi 30 août 2014

BRUITS DE BOTTES

Ben voilà…Suffit que je m’absente quelques jours et Poutine se précipite pour me donner raison sans même me prévenir. Bien la peine que j’en dise du bien (http://rchabaud.blogspot.fr/2014/03/jaime-poutine.html)

T’as vu Obama comment qu’il se met en colère sur l’Ukraine ? Pas que lui. Hollande aussi, il se met en colère. Façon Hollande, ça va pas trop loin. C’est que la situation évolue. Je vous fais le résumé. Le plus court possible. C’est un résumé.

Voilà quelques années que les BRICS accumulent l’or. D’autant plus facile que dans les BRICS, y’a l’Afrique du Sud et la Russie qui sont de gros producteurs. Ça, vous le savez (http://rchabaud.blogspot.fr/2013/12/il-est-lor.html). L’Occident se marre. C’est bien des habitudes de pauvres : acheter de l’or plutôt que des actions Facebook, faut vraiment être naze….

Et puis début juillet, voilà que les anciens pauvres décident de créer un organisme financier destiné à compléter l’action du FMI. C’est comme ça que c’est présenté. Il s’agit pas de remplacer le FMI (qu’est ce qu’on ferait de Christine Lagarde ? Personne n'en veut), juste de le compléter, de prêter aux vrais pauvres que le FMI peut pas aider pour cause d’insolvabilité organisée par le FMI lui-même. Les journalistes occidentaux se marrent : le nouveau Fonds, il a sept fois moins de fric que le FMI ! Un nain ! En dollars, c’est certain.Mais que vaut le dollar ?

Et puis fin juillet, voilà que la Russie et la Chine arrivent à élargir l’OCS, qu’est un organisme dont aucun d’entre vous n’a jamais entendu parler. Moi, bon prince, je vous informe (http://rchabaud.blogspot.fr/2014/08/shanghai-et-la-cooperation.html)

Content de moi, je vais me faire grattouiller par les méduses en Méditerranée et pendant ce temps mon copain Poutine décide que à partir de dorénavant et jusques à désormais, il n’acceptera plus de dollars en paiement de son pétrole et de son gaz. Et pour bien le prouver, il signe un bel accord avec Xi Jinping, comme quoi le yuan et le rouble serviront à payer leurs hydrocarbures respectifs. Poutine, il ajoute même qu’on peut payer en or.

Mine de rien, c’est plus qu’une bombe…Jusque là, pour acheter du pétrole, fallait d’abord acheter des dollars. Des bouts de papier vendus au prix fort par les Ricains. Plus la peine disent d’une même voix Russes et Chinois. Vous pouvez payer avec les sous que vous imprimez vous-même. Pauvre Obama ! Ça va faire un sacré trou dans son budget. Et c’est bien là le problème. Si on n’a plus besoin d’acheter des dollars pour acheter du gaz ou du pétrole,, ça sert à rien qu’il en imprime autant. Le dollar est au bord du gouffre. Nous aussi, tu vas me dire, vu que si le dollar plonge, l’euro va devenir hors de prix. C’est ce que vont nous expliquer tous les économistes médiatiques. En fait, c’est faux. L’euro sera à sa vraie valeur face au yuan ou au rand. C’est sa valeur face au dollar qui posera problème mais à la seule condition que le dollar reste une monnaie de référence.

Or, la vraie question est là : le dollar est-il toujours une monnaie de référence ? De moins en moins et seulement pour ceux qui le désirent. Ce que disent les grandes manœuvres en cours est clair : choisis ton camp. Or, les banquiers ne veulent pas quitter le camp du dollar. D’abord, parce que ça détruirait de façon drastique de la valeur. Si tes avoirs sont en dollars, une baisse du dollar réduit tes avoirs. Ensuite parce que ça compliquerait le jeu. Par exemple, toutes les transactions internationales sont basées sur le système IBAN dont le dollar est la référence. Une baisse du dollar va faire voler en éclats ce beau système dont les banquiers sont si fiers.

Et puis, me disent mes copains banquiers, les Chinois ont tellement de dollars dans leurs caisses qu’ils vont pas s’appauvrir volontairement. C’est bien un raisonnement de banquier. C’est clair que le dollar va pas exploser en vol. Mais tout est en place pour qu’il s’affaiblisse, lentement mais surement. Russie et Chine peuvent avaler une baisse programmée. Perdre un peu d’argent chaque année. Pour un banquier, perdre un peu, c’est déjà trop. Pour un gouvernement, il en va autrement. Surtout s’il a prévu le coup. Surtout s’il a accumulé des réserves en matières premières. Surtout s’il a signé des accords pour accompagner cette perte. Mais les banquiers (et les gouvernements occidentaux) ne peuvent pas imaginer un seul instant que le politique prime sur l’économique.

Elle est là, la vraie révolution. Le politique reprend le pouvoir. Les BRICS sont en train d ‘effacer trente ans de reagano-thatcherisme. Pour l’instant, on n’entend que des cris d’orfraie. Cris qui cachent les bruits de bottes. Car Obama n’a pas le choix. Pour défendre le dollar, il ne lui reste que les missiles. Ira t-il jusque là ?

Parce que s’il compte sur Facebook, il a du souci à se faire….

On en reparlera….


jeudi 7 août 2014

SHANGHAI ET LA COOPÉRATION

C’est un sigle que tout le monde ignore : l’OCS. L’Organisation de Coopération de Shanghai. Et l’OCS vient de faire un joli coup. Merci, Jean, de m’avoir informé.

L’OCS, c’est une sorte d’OTAN eurasiatique, une organisation de défense commune qui regroupait la Chine, l’URSS, le Kazakhstan, le Tadjikistan, l’Ouzbekistan et le Kirghizistan. Les médias français s’en foutent : ils voient ça comme une tentative des Russes et des Chinois de coopérer avec des Etats de montagnards nomades et bien folkloriques. C’est toujours le même mépris : quel intérêt ont ces Kirghizes ?

Mais voilà, les temps changent et le monde bouge. L’OCS vient d’admettre, après plusieurs années de discussion, de nouveaux membres : l’Inde, l’Iran, le Pakistan et la Mongolie. C’est pas rien… Voilà que l’Iran se trouve désormais dans une structure militaire internationale avec la Chine et la Russie.. Ça arrange pas vraiment les affaires d’Obama.

Voilà que l’Inde et le Pakistan se trouvent officiellement alliés. Bravo à tous les commentateurs qui glosent à longueur de pages sur le fossé qui sépare ces deux pays.

Voilà que la Chine et l’Inde appartiennent à la même structure de défense. Bravo à tous les journalistes qui nous abreuvent de reportages sur leur inimitié irréductible.

Année après année, les dirigeants asiatiques s’aperçoivent que Washington est un faux ami. Qu’ils sont utilisés dans un projet d’hégémonie mondiale qui ne profite qu’aux USA. Qu’on les joue les uns contre les autres et que ça ne va pas fonctionner éternellement. Alors l’OCS leur tend les bras.

L’OCS, officiellement, doit permettre de lutter contre les trois maux qui menacent l’Asie orientale : le séparatisme, l’intégrisme et le terrorisme. L’Organisation a d’ailleurs des bureaux à Tachkent uniquement dédiés à la lutte anti-terroriste. Les pays asiatiques savent bien que ces trois maux plongent leurs racines profondes dans la politique coloniale ou néo-coloniale des Anglo-Saxons. Logiquement, ils disent Stop. Et ils sortent de l’orbite de Washington qui vient de prendre, en moins d’un mois, deux claques, l’une financière (voir ici), l’autre diplomatico-militaire.

La difficulté pour Obama tient à son impossibilité de réaction. Les buts de l’OCS vont dans le sens de ses déclarations. Ceux de la nouvelle banque des pays émergents, aussi. Le ton est neutre, feutré, tranquille. En face d’Obama, les deux pays les plus peuplés du monde, deux économies puissantes dont il ne peut pas se passer. Des pays forts, qu’il a cru berner avec des mots et qui, aujourd’hui, posent le réel sur la table.

Pour survivre, il ne lui reste que le Traité transatlantique. Les USA vont donc s’y accrocher, faire le forcing. Je pense que l’Europe va céder. Alors même que c’est maintenant qu’ils sont demandeurs qu’il faut leur tordre le bras. Les négociateurs européens peuvent demander ce qu’ils veulent, les Américains céderont. Ils ne peuvent pas s’offrir le luxe d’être isolés. Mais ça, on l’avait déjà dit il y a plus d’un an.

Il ne faut pas s’imaginer que tout ceci n’est que militaire. L’OCS est un traité d’alliance entre pays méprisés (ou qui se sentent méprisés, c’est la même chose) qui ont décidé de redresser la tête. Sans surprises, la Russie fait un test sur les matières alimentaires. Sans surprises, les commentateurs affirment que la Russie s’isole, alors que c’est exactement le contraire. Regardez donc une carte. Avec l’Iran, l’étau se resserre autour des pays caucasiens et des régions caucasiennes de Russie, là où précisément les trois maux (séparatisme, intégrisme, terrorisme) posent le plus de problèmes à Poutine.. Et je ne serais pas surpris que, dans les tuyaux, il n’y ait pas une sorte d’OMC-bis, destinée à rééquilibrer des échanges Nord-Sud de plus en plus inégaux.

La seule chose qu’on ne peut pas imaginer, c’est que les USA cèdent. Ils n’ont rien compris car personne n’a envie de voir que les époques de grandeur sont derrière. Nous les suivrons dans cette descente aux enfers. Par manque de clairvoyance, essentiellement. Nous avons refusé toute aide à la Russie, alors que De Gaulle plaidait pour une Europe de l’Atlantique à l’Oural. Il fallait lui faire payer ces années de guerre froide où elle nous avait fait si peur. La Chine a tendu la main et la Russie s’en est saisie.

Tout ceci est le résultat d’années de propagande. De Gaulle savait ce que l’Europe devait à la Russie pour la victoire de 1945. Il savait ce que signifiaient une alliance avec la Russie et une alliance avec les USA. Il savait où était l’intérêt de la France. La propagande étatsunienne nous a aveuglés. Il faudra y revenir.

Dans les coulisses, les « petits pays » préparent la facture de toutes ces années d’erreurs.

Et la note va être salée.

On en rearlera…

mercredi 6 août 2014

LES DISSIDENTS

Le texte précédent m’a valu quelques réactions indignées… Il faut donc que je m’en explique…

Les dissidents, je connais.. Ils ont des ancêtres. Nous, on appelait ça les « réfus ». C’est une abréviation pour « réfugiés »…Chez moi, c’était majoritairement des Républicains espagnols qui avaient fui la dictature franquiste.Au lycée, j’avais plein de copains qui étaient fils de réfus….Ça incite à la sympathie, forcément.

En vieillissant, j’ai vu la population croître et se diversifier. Changer de statut aussi. Et très vite, un truc bizarre m’est apparu. Les nouveaux « réfus », ils vivaient dans leur pays. On les appelait des « dissidents ». Le mot n’est pas innocent, mais il me semblait doubler le vieux vocable d’« opposants ». Il ne m’a pas fallu longtemps pour faire ma petite analyse linguistique.

Un « opposant », c’est universel. Tout régime, tout gouvernement a ses opposants. Normal : c’est la base de tout régime politique, démocratique ou pas. Y’a le côté du manche et l’autre.

Par contre, il n’est de dissident que dans un pays communiste. Vous pouvez chercher, regarder, analyser, quand on vous parle de dissidence, Marx est derrière la porte. C’est caricatural : Pinochet avait des opposants, Castro des dissidents.

Allez voir l’article, plutôt pas mal fichu, que Wikipedia consacre au mot « dissident ». Pour faire court, un dissident se sépare du régime dans lequel il vit alors qu’un opposant l’accepte et lutte contre les hommes au pouvoir.. Voilà. Les opposants à Pinochet acceptaient le régime et rejetaient le bonhomme, les dissidents cubains refusaient avant tout le régime. C’est une différence de nature : changer les hommes ou changer la philosophie du gouvernement. Et donc, mes copains réfus, selon cette définition, ils luttaient contre Franco, pas contre son régime qu’ils devaient trouver sympa. Si je leur avais dit ça, ils ne seraient plus mes copains, je crois. Pourtant, ils étaient vus comme des opposants, pas des dissidents.

C’est bien les mots. Ils ne dissimulent rien, à condition de les analyser. Tout s’explique : les dissidents ne veulent pas du communisme. Franco, Pinochet avaient une philosophie du pouvoir acceptable par tous. Castro, Brejnev, non. Les premiers avaient des opposants, les seconds abritaient des dissidents.

Là, tu t’arrêtes, tu respires un grand coup et tu te demandes si tu te ferais pas manipuler par un organisme qui serait parfaitement anti-communiste. Or, tu as beau regarder, tu n’en trouves qu’un qui, depuis un demi-siècle, lutte avec constance et de gros moyens contre le communisme quasi-satanique. Et c’est la CIA. Remarque, le choix d’un vocabulaire aussi précis a l’avantage de ne laisser aucune place au doute. Il ne s’agit pas de changer les hommes. Ça, la CIA sait faire : le coup d’Etat fait partie de son fonds de commerce. Il s’agit de détruire le communisme. Choisir des individus, les mettre sous les feux des projecteurs, montrer et démontrer qu’ils sont des victimes d’une idéologie plus que d’un gouvernement, les financer aussi. La machine est rodée. Elle fonctionne avec des organismes financiers comme le NED (National Endowment for Democracy) qui distribue l’argent, du lobbying diplomatique, notamment à l’ONU, pour habiller l’action d’un peu de juridisme diplomatique, des associations qui servent de relais et quelques personnalités connues issues du monde du spectacle pour attirer ceux qui ne pensent pas. Et la doxa se met en place.

Une règle semble universelle : pour être dissident, il vaut mieux brandir une religion ou une théorie spirituelle qui peut y être assimilée. Ainsi le NED a soutenu Solidarnosc en Pologne (Lech Walesa n’a jamais fait mystère de son engagement chrétien) ou les bouddhistes tibétains. Il semble que les USA jugent que l’athéisme est le danger suprême que le communisme fait courir au monde. En plus, la spiritualité est bien pratique. Les relais sont innombrables, chaque mouvement « spirituel » se croyant obligé de défendre tous les autres. Elle couvre les dissidents d’une chape d’humanisme et les dégage de l’infamante accusation de faire de la politique. Face aux loups idéologiques, nous voyons apparaître des millions d’agneaux en recherche spirituelle, agneaux dont la nourriture s’élabore à Washington.

Nous, Français, devrions savoir décrypter. La lutte contre le christianisme fut une des constantes des Républicains du 19e siècle, au moins jusqu’à la loi de 1905. Nous devrions connaître toutes les ruses, depuis les aides financières jusqu’au travail sur l’éducation, on devrait connaître la propagande larvée et la diffusion des images pieuses ; car les catholiques étaient alors des dissidents, des gens qui refusaient un régime au nom de leurs croyances. Parfois, ils le redeviennent.

Si t’avais pas fait le rapprochement, c’est que t’as des lacunes historiques. T’as des excuses : mes copains de gauche, ils supportent pas les dissidents catholiques et ils se pâment devant les dissidents chinois. Comme quoi…on peut être de gauche et suivre la CIA.

Comme je vais me faire engueuler, on en reparlera…

mardi 5 août 2014

LE SPECIALISTE

Plein d’amis se sont attristés de la disparition de Paul Jean-Ortiz, le conseiller diplomatique de Hollande. S’il est toujours triste de voir disparaître quelqu’un, on m’autorisera d’avoir un regard, disons, décalé.

Conseiller diplomatique à l’Elysée, c’est pas rien. C’est plus que Ministre des Affaires Etrangères qui sont souvent « étrangers aux affaires ». Du moins cette disparition m’aura t-elle donné le nom d’un homme qui me fit piquer quelques coups de sang.

Je ne parle pas des calamiteuses positions françaises en Syrie. Elles ne nous ont attiré que le ridicule de chausser les bottes d’Obama, bottes mal taillées, on en conviendra. Suivre la politique américaine au Moyen-Orient quand on voit les résultats en Irak et en Afghanistan, c’est pour le moins osé. J’admettrai volontiers que Monsieur Jean-Ortiz, face au poids financier de certains Etats de la région ne l’a pas fait, le poids.

Je ne lui ferai pas non plus porter le fardeau des positions en Ukraine. Je conviens qu’il ne pouvait à la fois lutter contre Poutine et la maladie qui l’a emporté.

Par contre, ce spécialiste de la Chine où il fut en poste, spécialiste au point qu’on a songé à lui donner l’ambassade de Pékin a laissé le Président faire une des boulettes les plus monumentales de son court pouvoir.

En avril 2013, François Hollande se rend en Chine pour une visite d’Etat. Il va y passer 36 heures ! La plus courte visite d’un chef d’Etat français dans l’Empire fleuri.. Alors qu’il a passé trois jours au Japon et aux USA. Pour les Chinois, sensibles à de tels signes, une visite aussi courte ressemble à un camouflet. Toute la presse (informée par l’Elysée) a insisté sur l’aspect économique de cette visite. Un peu comme si Hollande s’était dit que pour prendre du fric, il avait pas besoin de beaucoup plus de temps. C’est une position blessante. Et stupide. Il aurait pu en profiter pour faire un peu de tourisme intelligent. Faire un saut au Sichuan où la position française est ancienne et respectable. Il en aurait profité pour faire la bise à un de ces pandas auxquels il ressemble parfois.

Tout ceci Monsieur Jean-Ortiz devait le savoir. C’était à lui de convaincre le Président. Mais je me pose la question de l’amour de la Chine que tous les commentateurs lui prêtent. C’est qu’il fut l’organisateur de l’exfiltration des dissidents lors des incidents de Tiananmen en 1989. Peut-on être l’ami de la Chine et soutenir ceux qui en combattent le gouvernement ? Je me la pose d’autant plus que mon vieux Lao Pierre, Pierre Gentelle, alors directeur d’Aujourd’hui la Chine, journal des Amitiés Franco-Chinoises, avait aussi pris fait et cause pour la dissidence ce qui contredisait absolument son itinéraire. Nous en avons parlé, mais pour une fois, il fut fort peu loquace. C’est qu’il avait fait une erreur d’analyse. Ça arrive. Mais ça n’engageait que lui. Un diplomate engage la France. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

A l’Elysée, Monsieur Jean-Ortiz travaillait avec le secrétaire-adjoint de la Présidence, Nicolas Revel. Le nom ne vous dit rien ? Il porte comme nom le pseudonyme de son père, Jean-François Revel (de son vrai nom Jean-François Ricard). C’est donc le demi-frère de Matthieu Ricard, porte-parole du Dalaï-Lama. Coincidence ou connivence ?

C’est une vieille lune française : on peut être l’ami d’un pays sans être pour autant ami avec son gouvernement. Il suffit de prétendre être ami avec son peuple. Je l’entends tous les jours : j’aime la Chine, j’aime les Chinois, je n’aime pas le gouvernement chinois. Même si le peuple est globalement satisfait ? Même. Il suffit d’affirmer que le peuple est trompé et le tour est joué. On le voit, aucune discussion n’est plus possible.

Sauf que là, on est dans la rhétorique, acceptable pour les journalistes ou les politiciens de bistro. Ce ne peut pas être un fonctionnement diplomatique. Un diplomate, un gouvernement ne peuvent pas jouer ce jeu. Pour un Chef d’Etat, une relation cordiale avec un autre Chef d’Etat est le minimum qu’on puisse demander. Et aider son opposition n’est tout simplement pas acceptable.

Je ne peux que supposer que Paul Jean-Ortiz avait fait sienne la théorie du « devoir d’ingérence ». Il faut rappeler que c’est Léon Blum qui a théorisé le premier cette idée dans ses Mémoires. A propos de la guerre d’Espagne. La situation était alors assez claire puisque le gouvernement républicain espagnol était en butte aux attaques d’une rébellion factieuse. Le devoir d’ingérence consistait alors à soutenir un gouvernement ami (et légitime) contre une opposition non-légitime en apportant une aide non-officielle. C’était le temps où l’on distinguait soigneusement la diplomatie qui gère les rapports entre Etats et l’intervention dans une guerre civile. Blum disait simplement que, en cas de besoin, on pouvait intervenir dans les affaires intérieures d’un gouvernement ami, sortir du strict jeu diplomatique.

Moyennant quoi, les héritiers de Blum ont décidé qu’on pouvait intervenir dans les affaires intérieures de tout pays. L’idée est devenue généralement acceptée, soutenue par une propagande essentiellement basée sur la Seconde Guerre mondiale et largement appuyée par les Américains (Soljenitsyne par exemple). Et donc, on admire l’exfiltration des dissidents, l’accueil fait à Gao Xingjian, sans se demander si le travail d’un diplomate n’est pas avant tout de conserver de bonnes relations avec le pays où il est en poste.

Et donc, gardant la tête froide, je me demande si Mr Jean-Ortiz qui laisse organiser une visite au rabais et s’implique dans les affaires intérieures chinoises était un si bon diplomate. Ce serait au gouvernement chinois de le dire mais il n’en fera rien.

Je me demande aussi si l’attitude générale de l’oligarchie française n’est pas en lien direct avec la faiblesse de nos échanges commerciaux. Je me demande aussi comment tout ça fonctionne. En 2008, quand les manifestants anti-tibétains pourrissent le passage de la flamme olympique, la Ville de Paris ne manifeste pas un zèle excessif pour protéger le cortège. Le directeur de cabinet du Maire de Paris est alors un certain Nicolas Revel. Il a peut être eu peur qu’on tape sur son frère. Va savoir.

Mais tout le monde sait que je vois le mal partout.

dimanche 3 août 2014

PREVOIR L’AVENIR PAR LA NORME

Y’a un truc que j’adore, c’est la norme ISO des noms de pays, celle en trois lettres. Celle où la France, c’est FRA. Pour codifier une base de données, c’est vachement bien. Tu regardes en travers, tu trouves ça bien technique et tout, sérieux, objectif, utile.

Ouais. En fait, c’est surtout superbement politique. Tiens, la Palestine dont on cause en ce moment. Je trouve une liste où le code PSE est donné à Gaza. Pourquoi seulement Gaza ? Mais l’ISO qui attribue les noms donne State of Palestine et affirme que c’est officiel. Sauf que l’ISO ne publie pas de cartes. Et donc on ne sait pas à quel territoire s’applique la norme. Tu parles d’un sérieux. Après, y'a des gens qui reprennent et modifient légèrement. Juste un peu. La porte ouverte aux dérapages.

Un autre truc marrant : les Antilles, nos Antilles. Elles ont un code : GLP pour la Guadeloupe, MTQ pour la Martinique. Idem pour l’Océan Indien avec REU pour la Réunion et MYT pour Mayotte. Bon. Admettons que l’éloignement de la métropole justifie ce traitement. Seulement, voilà. Toutes les îles ne sont pas égales. Hawai n’a pas de code ISO. Pourquoi ? Ça sent l’embrouille. Comme si les Antilles avaient vocation à devenir des pays indépendants, mais pas Hawai. Comme si on ne pouvait pas appliquer le même traitement aux mêmes situations. Hé ! Hawai est un Etat américain. Comme le Montana. Oui et la Guadeloupe un département français. Comme l’Isère. Qui peut m’expliquer ? D’autant que Saint-Martin, ce minuscule caillou, bénéficie de deux codes, un pour sa partie française, un pour sa partie néerlandaise. Remarque, c’est une île riche, elle a les moyens d’avoir deux codes.

Les îles, c’est vraiment marrant. L’île Bouvet, un caillou isolé dans l’Antarctique, couvert de glace, elle a un code. C’est pas demain que les habitants vont manifester pour son indépendance.Y’a pas d’habitants. Alors ? Mystère.

J’ai un copain qui voit le mal partout, il me dit que c’est des raisons financières. En Grande-Bretagne, Jersey à son propre code (JEY), ainsi que l’ile de Man (IMN). Il m’affirme que c’est des codes pour faciliter les transactions financières vers les paradis fiscaux. Possible. Mais les raisons financières pour l’île Bouvet où y’a pas une banque, faudra m’expliquer.

Hong-Kong a été rendu à la Chine, mais Hong-Kong a conservé son code. Admettons, Hong-Kong a un statut particulier. Mais dans ce cas, comment expliquer que les Ryu-Kyu n’aient pas leur propre code ? Elles étaient indépendantes jusqu'à la fin du XIXe siècle. Sans rire, si la Martinique a son code, Okinawa a droit au sien.

Et donc, on m’ôtera pas de l’idée que tout ceci est un vaste plan géopolitique, une manière de voir qui mène le jeu. On ne discute pas sur Hawai et Okinawa. Pas touche. Et le consensus s’applique par la norme. Chacun de ces codes a été longuement discuté. Par les diplomates. Mais pas que… On apprend que l’Union Postale Universelle a son mot à dire. Que les organismes financiers ont été consultés (finalement peut être que mon copain a raison) ainsi que l’OMC. Qu’on a interrogé l’Union Douanière et même Interpol. Cette liste de codes techniques sent fichtrement la négociation politique et les sous-entendus. Parce que, entre nous, si Jersey a son code, pourquoi pas la Corse ? C’est pareil : deux îles à une portée de ferry de la mère-patrie.Mais Jersey ne revendique aucune indépendance. Peur être que la France a peur que le code ouvre la voie à la séparation. Va savoir.

Si j’étais moins fainéant, j’irais y voir de plus près. Comment tout ça a été négocié ? Qui a demandé des codes et qui les a repoussés ? Quelles bonnes et mauvaises raisons ont été invoquées ?

Il faut se méfier des normes. Sous leur apparence glacée, elles cachent toujours une idéologie à l‘œuvre. Imposer des normes sanitaires, par exemple, permettra de mettre à mal les entreprises incapables d’investir financièrement dans des travaux et bénéficiera à celles dont les finances seront soutenues par leurs banques. En faisant mine de soutenir le consommateur, on soutient en fait la planète financière. C'est le fonctionnement à l'oeuvre dans la restauration et l'alimentation. Les experts, tu leur causes, ils le parlent que de santé, de protection du consommateur, t'es pas contre la protection du consommateur, quand même. Ben, faut voir.

En fait, il faut se méfier de tout discours qui se qualifie d’objectif. Qui veut prouver son objectivité met généralement en évidence des intentions douteuses.

Il faut se méfier des juristes et des malades du règlement.

Tartuffe continue de se reproduire.

On en reparlera….

vendredi 1 août 2014

LE TARIQUET

Moi j’aime bien le Tariquet. Certes, il y a meilleur, plus fruité, plus ceci, plus cela, avec des arômes de pêche, de citron (tant d’arômes qu’on a fini par inventer le rosé pamplemousse, comme ça on est tranquille). C’est Café qui m’a fait découvrir le Tariquet. A l’heure de l’apéro, ce petit vin du Gers faisait bien l’affaire et tenait le budget en laisse. Parce que l’apéro, c’est sérieux. Si c’est pour en boire qu’un, vaut mieux pas commencer. D’où l’inquiétude budgétaire.

C’était dans les années 80. Le Tariquet commençait sa fulgurante ascension, en même temps que son copain et voisin Colombelle. Des vins du Gers, près d’Eauze, ville tauromachique bien connu mais ça n’a rien à voir. Quoique.. Et tout le monde buvait du Tariquet qu’était bien agréable.

Mais voilà. Le succès implique la croissance et le Tariquet (ainsi que le Colombelle) est devenu ce qu’on appelle un blockbuster, un gros vendeur. Et donc, les minets, les bobos, ceux qui veulent surtout échapper à la masse par ce qu’ils consomment (ce qui est plus facile que par ce qu’on pense), se sont mis à foudroyer le Tariquet, comme quoi ils avaient près de 1000 hectares, qu’à ce niveau on pouvait pas être soigneux et que c’était pas bien de boire du Tariquet et que « il valait mieux boire du Perrier ». Bon. Des passionnés de pinard qui préfèrent boire de l’eau, ça m’interpelle comme on dit.

Du coup, un passionné compétent comme Jacques Berthommeau se met en rogne et introduit le Tariquet dans un débat politique en traitant les Tariquetophobes de « staliniens ». Pour lui, c’est une injure…. Ça se discute….

Il a des références, Berthommeau. Mais il va pas assez loin. Les minets, ils ont pas compris que pour défendre le vin français, il valait mieux boire du Tariquet ou du Vieux Papes, qu’un pinard venu d’ailleurs. Même de Rioja où j’ai pourtant quelques habitudes. C’est facile à comprendre. Tariquet, il crée des emplois en France, il paye des impôts en France, bref son succès allège ma charge fiscale. Tariquet et moi, on est dans la même barque. Et quand il s’exporte (ce qu’il fait très bien) il trace la voie pour ses petits copains.

D’autant que les minets n’ont encore rien vu. Les Australiens, les Chiliens et les Argentins, ils ont du souci à se faire. La Chine se met en marche, à sa manière, en commençant par la théorie. Regardez ça. La différence intellectuelle saute aux yeux. Les autres, ils ont fait pragmatique. Les Chinois, ils font théorique : on apprend avant de se lancer. Ils ont fait comme ça pour la tomate, la carotte, l’asperge, la pomme de terre, tous légumes pour lesquels ils sont devenus le premier producteur au monde. En plus, ils ont raison : un peu plus de 10 millions de kilomètres carrés, toutes les zones climatiques possibles, du désert aux terres tropicales,toutes les géologies possibles, ils ont le choix. Donc, on fait de la génétique et ensuite on appliquera les résultats à la variété des sols et des climats. Là, on n’est plus dans le fonctionnement « petits vignerons ». C’est du lourd qui s’annonce.

Pour rester dans le domaine chinois, les minets devraient réfléchir au concept de Front Uni. S’allier avec l’adversaire secondaire pour lutter contre l’adversaire principal. Il me paraît évident que Tariquet, c’est l’adversaire secondaire, celui avec lequel il faut s’allier pour défendre le vin français. Je suis sûr que Mao serait d’accord avec moi. Et que la dimension nationaliste lui plairait bien.

On peut toujours se moquer des Chinois riches qui achètent des domaines français. Du moins, permettent-ils à une profession de survivre sur son territoire. Et je suis bien sûr qu’ils sauront faire quand arriveront les containers de rouge « Pluie opportune du Shandong » avec des arômes de lichi et de belles étiquettes calligraphiées (Pluie opportune du Shandong, c’est un clin d’œil pour orientalistes). Parce qu’il faudra bien qu’ils trouvent une stratégie de défense pour préserver leur investissement. Peut-être bien qu’ils rachèteront Tariquet, va savoir…

Tout ceci pour dire que le snobisme mondialisateur, la trouille d’être pris pour un « franchouillard » ou un beauf, c’est un putain de vrai risque… Quand le premier MacDo a ouvert (à Créteil dans les années 1970) les snobions venaient de Paris pour manger comme à Nouille-Yorque. Ils creusaient la voie pour que le sandwich à la viande devienne un emblème du modernisme. Aujourd’hui, les mêmes (ou leurs enfants) crachent sur les fast-foods et ne parlent que de bistronomie. Bouffer des fleurs d’hibiscus plutôt que de la daube pour pas avoir l’air franchouillard. Ou beauf.

De la même manière, ils ont bu du Sonoma en affirmant que ça valait le Saint-Joseph, ils croient faire pros en parlant de cépages, alors qu’ils font comme le premier red-neck du Kentucky qui demande « a glass of Merlot ».

Hé les mecs ! voilà trente ans que vous vous trompez. L’avenir, c’est comme le soleil. C’est à l’Est que ça se lève. Vous préférez le Napa au Tariquet ? He bé ! vous aurez du Shandong… Vous préférez le bagel à la blanquette ? Vous aurez des nems.

Mais vous inquiétez pas. Y’aura des ponts. Par exemple les nems aux gras-doubles de ma copine Pascale Begards qui est femme de goût : elle n’a jamais fait de hamburgers aux gras-doubles.

On en reparlera…