dimanche 24 mars 2019

PENSER AVEC SES PIEDS

C’était, comme le rappelle avec pertinence Augustin Berque, la définition du géographe par notre maître commun Jean Delvert. "Un géographe, ça pense avec ses pieds".

Ce qui me permet de rebondir sur une anecdote de Pierre Gentelle. Lao Pierre était en Iran et avait repéré un paysan local qu’il avait embauché comme guide tant il était efficace et compétent. Afin de couvrir plus de terrain, il embarque donc le Perse contemporain dans sa Land-Rover. Après deux heures, le fils de Darius fait arrêter la voiture et dénonce les accords. En voiture, il ne savait plus rien. Il était trop haut pour voir, trop isolé de la texture du terrain, le bruit du moteur détruisait le chant du vent, il ne savait plus où il était ni quelle route prendre. Son catalogue sémiologique avait volé en éclats.

Pierre en avait déduit une pensée originale sur la vision du monde et du paysage. Ce qui nous semble structuré, immuable, est en fait un monde flottant où le plus important est le regard de l’observateur. Le Codex Calixtinus ne décrit pas le chemin de Saint Jacques mais la vision d’un pèlerin médiéval cheminant à pied sur un chemin vierge. Ce qui réduit encore la définition de Delvert. Dans « penser avec ses pieds », le mot important est « ses » car nos pieds étant différents, le travail des neurones mobilisés par leur action conduira à une pensée différente, et donc vacillante.

Ce peut être perçu comme un dynamitage de la géographie comme discipline scientifique, la science étant généralement pensée comme susceptible de généralisation. Il n‘en est rien. Gentelle  voulait avant tout qu’on sache où on se positionnait en tant que sujet observant et décrivant. Exactement comme Barthes posant la question, parfois moquée : « D’où parles tu ? ». Mais aussi comme Jaulin réfléchissant à la position de l’ethnologue. Dans tous les cas, il s’agit de discriminer le général et le particulier, ce qui est la première étape de la réflexion scientifique. On revient à Montaigne : « Si haut qu’on soit assis… ». Etre assis sur son cul est une généralité, la hauteur du siège une particularité.

 Et alors ?

Alors, le seul intellectuel à avoir décrit le mouvement des Gilets Jaunes, avant qu’il n’apparaisse est Christophe Guilluy, géographe. Parce qu’il est le seul à voir posé son cul à la bonne hauteur. Moyennant quoi Macron ne l’a pas convoqué à son raout intellectuel. Où irait on si l’on devait changer son angle de vue ? Guilluy s’est inspiré de Gravier, bon géographe, rejeté en bloc parce que royaliste et conseiller de Pétain (d’où tu parles ?) mais il est allé beaucoup plus loin, en convoquant Orwell et la common decency, cette manière de vivre populaire qui implique une morale de l’entraide. Il aurait mieux fait, à mon sens, de s’intéresser à un autre anarchiste, Brenan, qui voit dans cette notion d’entraide populaire une expression de la « patria chica » espagnole où nait la common decency dans un cadre géographique, c’est à dire territorial.

Bon. On va pas sodomiser les diptères. Dans l’ensemble, la réflexion de Guilluy reflète bien la réalité et analyse bien la société dans laquelle nous vivons. Mal. On peut en discuter aux marges. Je le dis d’autant plus facilement que j’ai fait, chez moi, le même constat que Guilluy (https://rchabaud.blogspot.com/2011/02/lenfoire-des-terroirs.html). On peut aller plus loin. Alzheimer n’ayant pas encore frappé, mes souvenirs restent vivaces. La destruction de la France, je l’ai vécue. Impuissant. Un peu manipulé. Avec, toujours, un temps de retard.

Tout ceci étant posé, on voit peu Guilluy sur les plateaux. Un géographe, ça pense avec ses pieds. Pourtant, un pied qui pense doit avoir des ampoules. Pour les médias, ça n’en fait pas des lumières. Ils doivent savoir que la géographie, ça sert à faire la guerre, même civile.


On en reparlera…

samedi 23 mars 2019

NOVLANGUE-I : TOURISME

J’ai un petit problème. Un copain bien informé m’adresse à l’Agence Départementale de l’Attractivité et du Développement Touristique. Waouh ! C’est nouveau, ça vient de sortir ?

Non. C’est juste le nouveau nom du vieux Comité Départemental de Tourisme. Analysons.

« Comité », ça fait vieillot. Comité des Fêtes, Comité des Anciens, Comité des Sages. Ça fait vieillot à cause du « Com », issu du Cum latin qui signifie « avec » et que la novlangue éradique sans modération, préférant le négoce au commerce et l’empathie à la compassion. Où va t-on si les citoyens se retrouvent « avec » d‘autres citoyens. On dirait un attroupement, désormais interdit, voire une manifestation. Seule la communication conserve le haut du pavé mais c’est parce qu’elle a évacué la compréhension au profit de la recette et a sacrifié la théorie à la pratique.

« Agence », ça vous a une autre gueule. On se trouve immédiatement dans le monde de l’action, de l’agissement, voire de l’agitation. Le comité évoque le club, l’agence la salle de sport. On ajoute l’Attractivité bien connotée séduction, et le tour est joué. On baigne dans le pléonasme, vu que si tu séduis pas, le tourisme va mal. L’attractivité touristique est une obligation.

Sauf que…. Il faut aller jusqu’au bout.

Voici trente ans, mon ami Manfred m’invite à déjeuner à Munich. Il voulait quelques infos sur l’Espagne. C’était assez simple. Il avait décidé de créer une filiale à sa boîte d’édition. Et il pensait à l’Espagne pour l’installer. Pourquoi ? Parce qu’il était convaincu qu’à salaire égal, la vie en Espagne séduirait les jeunes gens de qualité qui y trouveraient un meilleur niveau de vie et un environnement attrayant. Les informations touristiques étaient insuffisantes, par exemple sur les lignes aériennes ou sur l’enseignement. Mais aussi sur les imprimeries. En bon Allemand, Manfred pensait à la Catalogne et à la Costa Brava. Il me fallut de la conviction et pas mal de boulot pour que la Biscaye l’emporte.

Le tourisme, ce n’est pas un graphique avec des nuitées d‘hôtel. C’est beaucoup plus vaste, beaucoup plus large et, au bout du compte, ça devient l’image du territoire, cette image qui finira par attirer les retraités et bouleverser la pression foncière. L’attractivité n’est pas seulement touristique et elle n’est pas toujours suscitée par le tourisme. C’est un ensemble culturel où rien n’est isolé, où rien n’est suffisant, même si tout est nécessaire.

Il faudra que les responsables touristiques changent leur logiciel : le tourisme est une activité culturelle et, à ce titre, son analyse économique relève du processus de Longue Traine : son impact relève d‘une accumulation de raisons uniques qui, additionnées, ont un poids supérieur à celui des généralités. Pour le dire simplement, on ne choisit pas le Pays basque pour ses plages : il y a plusieurs milliers de plages dans le monde qui offrent les mêmes avantages et souvent à un prix plus intéressant. Mais, si l’on ajoute le patrimoine architectural, la gastronomie, la culture, on crée une différence. Chaque touriste a sa raison pour venir et il importe de la connaître et de l’analyser car les raisons non culturelles varient. Ainsi du surf dont Biarritz dans les années 1960 était la capitale atlantique. De Lacanau à Mundaka ou Nazaré, la couronne s’est effritée et il y a désormais plus de locaux sur les vagues basques que d’allochtones. En revanche, que sait on des touristes affligés d’une pathologie médicale et rassurés par la présence d’un hôpital de bonne qualité où leur carte Vitale est acceptée sans barguigner ? Mais oui, un hôpital peut être un atout touristique… Tout comme un garagiste. N’oublions pas que les premiers guides Michelin listaient les concessionnaires avant les restaurants étoilés. Le confort est un élément de l’attractivité.

Et, par voie de conséquence, je m’interroge sur le bien fondé du syntagme « attractivité et développement touristiques ». C’est une mauvaise formule car elle déconnecte le tourisme de la vie. Une « agence pour l’attractivité » serait bien suffisante et elle impliquerait de facto le développement. Avec, bien entendu, la participation de la CCI car l‘attractivité, ça marche aussi pour les entreprises, y compris les entreprises non touristiques. Comme ça marche pour l’enseignement. S’il est tranquille pour les études de ses enfants, le cadre se délocalise joyeusement. Nos offices de tourisme ont quelques difficultés à assurer l’accueil de citoyens locuteurs de langues « rares » comme le russe ou le chinois. Langues qui peuvent servir également à des cadres commerciaux ou à des ingénieurs. Qu’on ne me dise pas d‘un air méprisant qu’il s’agit de « niches ». Je me suis trouvé, voici un an, seul Français au milieu d’une volée de Russes dans un restaurant de la Chambre d’Amour. La carte Gold ne faisait pas de tourisme , croyez moi……

Juste un autre exemple. Qui connait Ornitholidays ? Agence de voyages britanniques qui, depuis plus de 50 ans organise des voyages d'observation des oiseaux. Quand je les ai connus, ils avaient un programme Orgambideska-Migration en Soule qui a disparu de leur catalogue. Vu les prix pratiqués, ce ne sont pas des voyages pour écolos désargentés, l'Espagne centrale vaut aussi cher que le Kenya. C'est l'exemple typique d'un segment de clientèle qui ne pèse pas sur le pays par son nombre, mais qui aide à l'attractivité. Pourquoi sont ils partis ? Comment les faire revenir ?

L’Agence a conscience de l'importance de sa mission. Elle a un département pour accueillir les tournages car elle sait l’effet démultiplicateur d‘un film sur l’attractivité. Dany Boon a sauvé le Nord, on ne le dira jamais assez.

L’attractivité passe par l’unicité. On va dans un lieu perçu comme unique et différent. Soleil et sable ne font pas  de différence et ne plaisent qu’aux voyagistes « industriels » qui amènent des milliers de voyageurs en limant les marges des réceptifs.

Se vendre, c’est pas terrible. Se vendre au rabais, c’est inacceptable.


On en reparlera…

mercredi 20 mars 2019

LES SCIENCEPOTARDS

A la suite de mon dernier billet, on m’a violemment reproché ce mot, jugé « péjoratif ». Hou la ! J’avais touché juste. Soyons francs, je le savais. Mais enfin il ne s’agissait que de rappeler que nous parlions d’un établissement d’enseignement privé, une sorte de Collège Sainte Eulalie post bac. Sciences Po n’a pas de statut universitaire. C’est une école « libre » et les enseignants n’y ont aucune obligation de cursus ou de diplôme.

Je l’ai compris un soir, rue Sainte Anne. Mon hyperinculte boss m’avait demandé d’organiser une soirée sur la Chine, sujet sur lequel j’ai quelques lumières, et j’avais choisi comme intervenant Pierre, Pierre Gentelle, mon vieux copain, l’un des meilleurs sinologues français. Quelques jours avant la date, je suis informé, sans ménagement excessif, que le boss avait demandé à JLD d‘assurer la soirée et que je devais décommander Pierre. Je m’étonne et il m’est rétorqué que JLD, prof à Sciences Po, est beaucoup plus médiatique que Gentelle. Médiatique, sûrement. Compétent, ça se discute. J’avais d’autres copains sous la main : François Martin ou à l’opposé René Viénet. Jacques Pimpaneau était à Lisbonne. Pour Marianne Bastid ou Marie-Claire Bergère, il fallait un peu de temps. Il est exact qu’aucun de ces noms ne peut être associé à une médiatisation. Et puis, quand Dieu ordonne…..

Voilà donc qu’en préalable à la conférence, je vais boire un verre avec le Bouddha de la rue Saint Guillaume, histoire de rencontrer l’homme. Pour entendre une démolition en règle de quelques uns de mes maitres dont Jean Chesneaux. Une accumulation de sottises, de contre-vérités englobées dans une écharpe dont la trame était  « Chesneaux était stalinien » ce qui permettait de ne pas discuter l’essentiel, le travail sur la culture de la révolte ou la révolte des Taipings. J’étais effondré de tant d’incompétence quand débarqua le patron de presse qui avait décidé mon boss de choisir cette chose. Je dis patron de presse, pour faire bien. Le mec dirigeait des journaux pour salle d’attente de gastro-entérologues des quartiers chics Et il était un ancien élève de JLD..

La soirée fut insipide, d‘une banalité effrayante. Il n’y avait rien à apprendre sur la Chine. Mais la potiche pontifiait et c’était l’essentiel. J’avais beau ne pas me sentir responsable de cette déroute, je me posais des questions. Comment était ce possible ? Il me parut évident que le réseautage-copinage avait joué à plein : l’élève avait imposé son maître dans un processus de valorisation réciproque dont j’étais obligé de convenir qu’il aurait pu être mien.

Mais la question réelle était autre. Sciences Po est un passage obligé vers l’ENA et je constatais que nos « élites » étaient imbibées de savoir anorexique, voire boiteux, sur l’un de nos plus importants partenaire/adversaire du moment. En clair, nos dirigeants ne pouvaient pas être armés comme il convenait pour une discussion ou une négociation.

J’ai donc enquêté. J’ai de nombreux copains dont les enfants fréquentaient l’établissement et il était facile de les interroger sur leurs maîtres et l’enseignement dispensé. J’ai vite compris : la théorie est outrageusement absente des filières. En communication, on leur parle à peine de Saussure ou de Greimas. On glisse sur Bourdieu, on évoque Boudon parce qu’on ne peut pas faire autrement. C’est l’exact opposé d’un travail universitaire. Sciences Po est un collège technique valorisant le pragmatisme et l’efficacité lorsqu’elle est escortée par la rapidité. Sans oublier le fameux esprit de synthèse, lequel consiste à gommer les éléments gênants,  ceux qui dépassent et freinent la conclusion. Le doute, base de la réflexion, na pas sa place ici.

Tout ceci est à l’oeuvre dans la méthode Pépy. Voilà une bonne vingtaine d’années que Guillaume Pépy est à la tête de la SNCF. Il a eu l’opportunité de construire son équipe et on peut dire qu’il est entouré de gens qu’il a choisi au fil du temps. Il a pu réaménager les gares et organiser plannings et horaires. Moyennant quoi, les trains sont moins à l’heure qu’il y a trente ans et Montparnasse est régulièrement bloquée par des pannes électriques de grande ampleur. La principale solution de Pépy a consisté à créer une cellule de communication de crise, non pas pour gérer les retards, mais pour calmer les voyageurs avec des paroles lénifiantes. Les medias apprécient l’effort de la SNCF et nul ne dit qu’un vrai succès serait de rendre inutile cette communication dont la racine est le retard. Les mots justes sont bannis. On ne dit pas que Pépy est un incapable (il n’y a plus de gens incapables, il y a seulement des gens qui ne sont pas en capacité …), on dit que le Président a lutté contre une malheureuse série de dysfonctionnements. Sans préciser que ces dysfonctionnements naissent de ses décisions, ou des décisions prises par ceux qu’il a choisis, ce qui revient au même. Il est vrai que ce n’est pas une nouveauté. L’expression « accabler le lampiste » est une expression ferroviaire visant à faire porter la responsabilité à qui n’en peut mais et n’a pas les moyens de se défendre. Du moins Pépy respecte t’il la tradition.

Au fil du temps, la méthode sciencepotarde a consisté à remplacer les choses par des mots, des mots soigneusement choisis pour gommer les aspérités du réel et créer une doxa à laquelle le peuple peut adhérer. Ce matin du printemps 2019, l’INSEE publie un bulletin où ses calculs statistiques montrent que la crise des Gilets Jaunes n’a pas affecté la croissance et l’économie françaises. A l’encontre des piaillements de la mediasphère qui veut faire endosser au peuple les  résultats des décisions gouvernementales.

Idéologie pure. L’Histoire nous enseigne que les guerres, les insurrections et les destructions sont un merveilleux tremplin économique qui crée de la richesse et des emplois. Il faudra bien reconstruire le Fouquet’s et les kiosques à journaux. Tous les samedis, les vitriers parisiens aiment les Gilets Jaunes qui leur assurent un chiffre d‘affaires inespéré et leur permettent de donner du travail à leurs employés. Les flammes à la télé, c’est d’abord du PIB, comme est du PIB la maladie et même la mort (t’as vu le prix d’un cercueil ?). Mais il ne faut pas le dire aux citoyens, désormais appelés "les gens" pour détruire leur existence politique.

C’est là qu’apparaît le biaisage par les mots. Sciences Po enseigne les sciences politiques. La communication, l’économie, l’histoire et la géographie n’existent que par le prisme du politique et deviennent des outils de pouvoir et/ou de maintien au pouvoir. Des outils, une boite à outils, un livre de recettes. Et si la recette n’est pas bonne, on vous la servira malgré tout. Calons l'estomac.


On en reparlera…

mardi 19 mars 2019

LA DÉMOCRATURE

J’aime bien Antoine George que je ne connais pas mais il est de la race des voyageurs que j’aime, ceux qui labourent un terrain, toujours le même, mois après mois, année après année pour apprendre, et donc aimer. Une sorte de fils de Jean Malaurie ou de frère de Sylvain Tesson. Loin des zappeurs de destinations qui sont des coureurs de lieux comme il y a des coureurs de jupons. Je suis certain que lorsque nous nous rencontrerons, nous aurons des amis en commun, Pierre Vernay, Jean Paul Duviols ou Etienne Moine.

Antoine, que je ne connais pas, me fait ce matin un magnifique cadeau, il me fait cadeau d’un mot : démocrature. Nous vivons en démocrature.

Nul besoin d‘explications, le mot contient sa définition : la démocratie a été transformée en dictature par les stipendiés du langage, les sciencepotards qui dominent outrageusement la mediasphère et sont persuadés que les mots sont équivalents aux choses. Ceux qui ne savent de Cocteau que le mot célèbre : Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d‘en être l’organisateur. Ceux qui feignent, feintent, rusent pour mettre le réel sous le tapis comme une femme de chambre fait de la poussière.

 Quand le peuple descend dans la rue pour crier son mal-être, la mediasphère aux revenus opulents s’empresse de nier le réel et dégaine son mantra : nous sommes en démocratie, laissons œuvrer le Président démocratiquement élu. La démocratie devient une tunique couvrant les pires exactions, la destruction d’un modèle social protecteur et une répression dont on n’avait pas vu d’équivalent depuis Thiers conduisant les Versaillais à l’assaut de la Commune. La démocratie comme armure de mots pour protéger la destruction d’une société qu’il convient de « réformer » et personne ne dit que depuis Giscard, réformer est le synonyme de détruire. Tous ont suivi, Mitterrand en tête, et Macron est seulement le maçon qui pose le bouquet en haut de l’édifice. C’est le moment où le peuple, en bas, voit l’œuvre achevée et s’exclame : « Mais c’est pas ça qu’on voulait ».

Non. Mais vous avez, démocratiquement, accepté que l‘on construise une chose qui ne vous convient pas car vous n’avez jamais vu l’ensemble des plans que l’on s’est gardé de vous montrer. Nous sommes en démocrature. Feintes, dissimulations, cachotteries pour faire accepter l’inacceptable.

Et on entend, comme hier, un enseignant de Sciences Po (what else ?) expliquer avec la componction d’un chanoine que les Gilets Jaunes sont simplement le produit d’une « culture de la révolte », travers bien français qui remonte à la Révolution, travers incompatible avec la démocratie (Desmoulins, Danton, Marat, tous ces antidémocrates qui ont mis en place notre démocratie !). Il ne va pas jusqu’au bout, le spécialiste. Il n’a pas vu qu’une effigie présidentielle avait été décapitée ou que  Lordon, fin styliste, écrit à Macron qu’il « se repoudre la perruque ». Nous sommes en 1789. Raison pour laquelle, toutes les comparaisons se font avec mai 68. La mediasphère préfère les révoltes qui se terminent bien et préservent ses prébendes.

Le peuple croit la mediasphère qu’il ne connaît pas. Il ne sait pas que certains ont travaillé et alerté sur les dangers que nous courrions. Christohe Guilluy, par exemple, jamais invité par Yves Calvi. Ou Frédéric Lordon. Ou un grand ancien, comme Raymond Boudon, qui explique inlassablement que la prise de décision rationnelle est impossible. Vous rigolez ? La mediasphère est là pour justifier la prise de décisions et sa rationalité. Pas le contraire. Où va t’on si le peuple doute de ses dirigeants ?

La mediasphère gomme soigneusement tout exemple contraire. Personne n’a jamais dit, à ma connaissance, que la Chine avait bâti son succès sur l’adoption-adaptation du modèle économique français conçu par le CNR (primauté du politique sur l’économique, planification, nationalisation des secteurs stratégiques) jusqu’au modèle de protection sociale (sécurité sociale, retraites) qu’elle est en train de mettre en place. Ben oui ! Macron, poussé par le Medef et Roux de Mesdeux, détruit le système que la première économie du monde est en train d’adopter. On verra bien qui se trompe. Macron s’en fout : sa retraite au Conseil constitutionnel est assurée. Mais nous sommes en démocrature : il va nous parler de bien public, assurant sa retraite en détruisant celle de ses électeurs.

Le peuple n’est pas idiot. Il manque parfois d’un savoir qu’on lui dissimule et qu’il remplace par l’intuition. La pauvreté rend intuitif. En ce moment, son intuition lui souffle que la mediasphère le trompe, lui bourre le mou, prend le parti de ses ennemis. Naturellement, il ne peut pas le reprocher aux responsables, calfeutrés dans leur bureau protégé par les services de sécurité. Et donc, il s’en prend aux journalistes de terrain envoyés au carton par leurs hiérarques. Il viendra bien un moment où le peuple osera. J’imagine : Bolloré, Bouygues, Niel, Drahi et quelques autres, réfugiés à Coblence ou Baden-Baden par peur de la vindicte populaire.

Les spécialistes de la démocrature oublient toujours la richesse et la complexité du sens car il faut synthétiser pour aller vite, penser vite, décider vite. Ils se fixent généralement sur la connotation, la partie du sens la plus généralement partagée, et oublient la dénotation qui est la cheville attachant le sens à la réalité. Ils sont communicants, pas linguistes.

Ils ignorent donc que la réalité peut être dissimulée, mais pas gommée, et qu’elle revient toujours, comme les boomerangs.


Et parfois, même, dans la gueule du lanceur.

lundi 18 mars 2019

GEOPOLITIQUE DES LETTRES



J’ai retrouvé Sollers. Je suis environné de messages, de textes qui me ramènent à Sollers quarante ans après Tel Quel. Ça revient de loin, parfois. Ce jeune peintre qui me reçoit dans son atelier et me parle de l’enseignement de Pleynet. Sollers est tapi dans un coin de la pièce.

Et donc, j’essaye de comprendre l’admiration ancienne et les récentes réticences. Apparait alors une évidence. D’emblée, dès les temps anciens, une méfiance géographique : Sollers est bordelais. Chez moi, le Bordelais suscite l’inquiétude, plus que le Parisien, c’est l’envahisseur mitoyen, celui dont on se méfie car il sait produire les signes qui anesthésient la méfiance. Le Teuton a l’invasion franche et brutale, le Bordelais est insidieux et amical.

Et Montaigne ? Fiché dans un coin de ma tête par Bernard Croquette et Jean-Yves Pouilloux.  A bien y songer, c’est pareil. Montaigne baigne dans la ruse. C’est comme ça qu’il survit. Les Essais sont un manuel de survie en temps difficiles.

A vingt ans, j’en avais l’intuition. J’aimais Monluc et Brantôme, écrivains si proches de moi, s’intéressant aux vins lourds et aux femmes légères. Et je dois avouer qu’assez vite, Blondin remplaça Sollers dans mon panthéon littéraire. Il manque à Sollers, comme à Montaigne, comme à Mauriac, la dimension excessive qui me ravit. Sauf en conformisme, discipline où le Bordelais excelle.

Jeune, Sollers flirtait avec le maoïsme qui était une révolte convenable, une révolte de Bordelais qui ne pouvait adhérer au marxisme du PCF car le PCF menaçait le pouvoir bourgeois sur la banlieue bordelaise ce que ne faisait pas le PC Chinois.

En politique, le Bordelais a inventé le jacobino-girondisme, chimère intellectuelle qui mêle harmonieusement le meilleur du jacobinisme et du girondisme. Il s’agit de se débarrasser du centralisme parisien et national pour créer un centralisme bordelais et régional qui mettra l’Aquitaine aux pieds de la métropole vinophile.  Ne nous y trompons pas, arriver à centraliser une région au profit d‘une capitale géographiquement excentrée, c’est assez fort.

Relisant mon livre sur le Sud-Ouest après sa publication (et donc plusieurs relectures) je m’aperçois que je n’ai pas consacré une seule ligne à Bordeaux. Je m’en ouvre à quelques amis qui, tous, me rassurent : Bordeaux n’avait rien à y faire. Je n’ai pas la place de dresser le catalogue des bonnes (et mauvaises) raisons. Pour faire bref, l’Aquitaine (et la Gascogne) est terre de ruralité assumée et orgueilleuse ce que n’est pas Bordeaux qui se rêve seulement citadine et capitale. Le Bordelais n’aime pas l’odeur du fumier ni le fumet des charniers.

Sollers est un excellent styliste, un peu bridé, un peu convenu. Il écrit comme peignait Bouguereau, avec une langue où rien ne dépasse, une langue gourmée qui plait aux notaires et aux assureurs, pour tout dire, un style de gendre idéal. Je ne comprends pas qu’il ne soit pas à l’Académie. C’est que sa vraie recherche porte sur la structure du récit qui n’en est pas la langue et qui demande une attention plus soutenue. En fait, l’Académie ne se trompe pas, elle sait ceux qui ont de la poudre dans leur gibecière. Le Bordelais Sollers sait comment dissimuler la poudre. Comme Montaigne. Peut être insuffisamment. Le livre a évolué.

Mais, de Brantome à Sollers, il y a une géopolitique des lettres qui reste à comprendre et à étudier. Il y a certainement de l'Escarpit chez Sollers.

On en reparlera…




mercredi 13 mars 2019

LES BOCHES

Je sais, c’est pas bien de les appeler comme ça. Mon grand père, mes oncles, ils n’utilisaient que ce mot, et donc je l’ai gardé. Comme Bécassine qui cherchait « la Bochie » sur l’atlas de Loulotte. La Bochie qui a oublié sur le calendrier de son histoire la date du 8 mai 1945. En général, les vaincus, ça fait profil bas. Pas les Boches.

Accusons donc De Gaulle. Après guerre, l’Allemagne est occupée. Russes, Américains, Anglais et Français y casernent des troupes. L’humiliation est à la mesure de la défaite. De Gaulle est fin politique et sait, depuis le Traité de Versailles, qu’il ne faut pas ajouter l’humiliation à la défaite.

Et donc, le Vieux Général  fait l’aumône à Adenauer de la réconciliation avec le premier traité franco-allemand. Je pèse mes mots. C’était une aumône pour permettre à l’Allemagne de revenir dans « le concert des nations ». Le Vieux Général, pétri de bonnes intentions avait tout simplement oublié que leur hymne s’appelle « L’Allemagne au dessus de tous les autres ». Ils sont donc sortis de leur humiliation assez vite. Dans un premier temps, ils se sont mis à faire du fric. Beaucoup. Faut dire qu’ils avaient pas trop de dépenses. Budget Défense réduit au maximum. Les Ricains, les Britons et les Franzouses se sont chargés de la protection des vestiges du Grand Reich.

Recherche fondamentale, pas lerche. Tu regardes la liste des prix Nobel, les enfants de Goethe brillent par leur absence. C’est pas des inventeurs, les Boches. C’est des techniciens, des adaptateurs. Un Français, Louis Neel, invente le laser et c’est Siemens qui devient leader de l’imagerie médicale. C’est l’Europe des Boches qui font du blé avec les idées des autres.

Sont pragmatiques les Teutons. Depuis 45, ils ont la natalité en berne. Ça les arrange, les gosses ça coûte, maternités, crèches, écoles….. Comme ils ont du bol, ils ont récupéré les cousins communistes ce qui leur a refait la cerise démographique et ils ont fait la manche pour que le « monde libre » les aide dans leur combat devenu idéologique. Après quoi, ils ont annoncé que les migrants étaient les bienvenus vu qu’ils étaient déjà formés et qu’on pouvait les utiliser sans avoir eu à investir. La comptabilité comme marqueur politique.

Et voilà comment l’Allemagne a oublié la défaite. En dépensant le minimum, elle a accumulé du fric, la chancelière turriforme a posé son gros cul sur le tas d‘or qui justifiait sa politique et s’est mise à éructer des leçons de gestion en direction des domestiques méditerranéens. Manière de sortir du jeu les peuples qui s’étaient opposés au Grand Reich. Il fallait bien que les Grecs payent pour les canons de Navarone.

La nouvelle, celle qui va succéder à la graisseuse walkyrie, elle va plus loin. Elle estime que nous devons partager avec la Bochie notre siège au Conseil de Sécurité !! Conseil qui a été créé pour les vainqueurs de 45.. Et donc pas pour l’Allemagne ou le Japon. Si on accepte, c’est une claque magistrale aux morts de la Résistance et aux victimes du Reich, à Jean Moulin et à Simone Veil. Il faut remettre l’Annette à sa place qui est celle des vaincus. Alors, je sais. Je vois déjà se lever, mouchoir à la main, tous les fils de Vichy, les centristes mous et les stipendiés de l’Europe germanique qui vont chouiner que, n’est ce pas ?, nous sommes amis, qu’ils n’ont pas à payer éternellement… Ho ! Vous déconnez !! Vous faites l’aumone à quelqu’un et il vous fait les poches. Et vous trouvez ça bien !!!

D’autant qu’on les sait désormais tricheurs. Volkswagen ne fait pas des profits grâce à la Deutsche Qualität mais grâce à un logiciel truqué. Menteurs, tricheurs, arrogants, vénaux, ces gens là ne sont pas respectables.

D‘où le titre



dimanche 10 mars 2019

XAVIER DENAMUR

J’aime bien Xavier Denamur. Je le connais peu, ayant seulement diné une fois avec lui. Je l’aime bien parce qu’il mène le seul combat qui vaille, celui du savoir. Je lui trouve un côté Don Quichotte qui m’évoque De Gaulle. Non, je déconne pas.

Regardons. Depuis son film sur la République de la Malbouffe, il a été mis dans la case « Restaurateur donneur de leçons » alors que l’essentiel de ses exigences porte simplement sur l’information du consommateur. Première utopie : il est persuadé que l’homme qui sait est mieux armé que l’ignorant., en quoi il a raison, mais il porte la guerre au cœur de l’exploitation capitaliste qui fait de la destruction du savoir l’arme absolue de la production d’argent.

Utopie : personne ne pense que le savoir est essentiel dans l’activité la plus naturelle, la plus triviale qui soit : manger. Le discours dominant, mythologique a transformé une activité culturelle en activité naturelle. On va cueillir les légumes à l’hypermarché au lieu du jardin. Ce qui permet de nier les saisons, la terre,  les pratiques culturales (et culturelles), d‘oublier le transport, son coût et son impact. Une tomate est une tomate, point barre.

Le marché de la bouffe est immense : tout le monde est concerné. Il est scindé : les consommateurs n’ont plus rien à voir avec les producteurs. Ce qui signifie que le savoir des producteurs est minoritaire et concentré sur des zones désertifiées où le marché ne s’exprime pas.. Un mur a été dressé entre producteur et acheteur.

Denamur  veut abattre ce mur comme Don Quichotte les moulins. C’est pas gagné. Le mur protège le pouvoir d’achat du consommateur même s’il détruit sa santé et sa société.. Entre la fin du mois si proche, et l’espérance de vie, si lointaine, le choix est vite fait. Chaque fois que j’ai abordé le sujet, la réaction est venue : « Tu nous emmerdes ». Gentille réaction de copains gentils. J’imagine les autres.

L’essentiel du combat de Denamur est la traçabilité. Il a raison, c’est la première cause de désinformation. Tiens, les légumes. Les melons de janvier, origine France parce que produits à la Guadeloupe. Les piments de Padron, variété atlantique, produits au bord de la Mediterranée, et tant d’autres….La difficulté est que c’est un savoir infini et changeant. Aujourd’hui, l’Espagne ne produit pas d’endives, légume septentrional… Aujourdhui…

Les légumes en conserve ont l’obligation d’indiquer le lieu d’emballage, pas de production, ce qui permet aux conserves de tomates du Vaucluse de ne pas avoir à préciser que les tomates sont cultivées dans le Xinjiang chinois, et, la semaine dernière, Leclerc a retiré de la vente des haricots verts qui contenaient de la datura, plante toxique à distribution essentiellement tropicale. Il importe de changer la loi.

Pour l’heure, Denamur se bat pour la traçabilité dans les cantines scolaires. Là encore, c’est pas gagné. Voilà des années que les mairies ont passé la bébé aux industriels en s’abritant derrière le bouclier des impôts locaux. Et les industriels sont maitres en traçabilité intraçable. La loi est faite pour eux.

Il y a quelques jours, j’ai pensé à Xavier. Sur mon boulevard, quatre bistros sur cinq offraient du coq au vin. Improbable probabilité. Il m’a fallu une heure pour découvrir que Métro faisait la promotion de ce grand classique. Les mecs, ils croyaient faire saliver alors que le vrai message sur leurs ardoises était « Je me sers chez Métro ». Voilà désormais le monde de la nourriture. Ce monde où un industriel peut nommer un produit « Terrine maison » permettant à son client de l’afficher ainsi sur sa carte. La loi est respectée : est elle respectable ?

De mes souvenirs de producteur de guides, je garde la mémoire d’innombrables tentatives de tromperies. Quand on partait en mission, la première obligation était la lecture du courrier des lecteurs afin de vérifier s’il n’y avait pas de pépites cachées, le cuisinier génial bossant dans un improbable hameau. En généal., on gardait moins de 10% d’infos. Aujourd’hui, ils ont Tripadvisor que personne ne vérifie. Et Facebook où le mensonge fleurit comme datura au Kenya.

Ils ont réussi à faire de la désinformation un marché. C’est pourquoi j’aime Denamur. Il choisit les combats les plus difficiles et il prend les coups les plus tordus, les attaques les plus viles. On lui reproche sa réussite alors même que sa réussite est la preuve de la justesse de ses analyses..

On en reparlera…





vendredi 1 mars 2019

L’ENNEMI : LES CHIFFRES

La discussion a été lancée par un historien. Avec une argumentation sur les chiffres qui ne lui ressemble pas.

Les chiffres, ça fait sérieux, scientifique, objectif, mais c’est rien que des conneries. Exemples.

Premier constat stupide : les ventes de biens culturels sont supérieures aux ventes d‘automobiles. Tous ceux qui se croient cultivés frétillent du  croupion. Relativisons : les jeux vidéos sont inclus dans les biens culturels. Super Mario et Flaubert, même combat. Discussion : normal, c’est la culture populaire. La culture populaire, magnifique oxymore qui justifie que le personnel du musée de la faïence de Longwy soit affecté au tout nouveau musée du fer  repasser !! La culture a vocation à l’élitisme et l’héritier de Balzac, feuilletoniste populaire, est Robbe-Grillet, tout comme Roland Kirk est le successeur de Fats Waller.

L’orchiclaste de service pose alors la question qui fache. Mais comment vous faites pour les ventes de livres anciens, notamment en salle des ventes ? Evident : les ventes aux enchères, toutes, sont comptabilisées avec les meubles puisque c’est leur titulature officielle : ventes aux enchères mobilières. Ainsi, une vente expertisée par Blaizot vient s’ajouter aux ventes d’Ikea, lequel Ikea retrouve les meubles de Hache ou Jacob-Desmalter. Un tableau vendu un million d‘euro  à Drouot est dans la même catégorie statistique que la table basse de ma belle sœur ! Vivent les statistiques !

Je ne parle ici que de ce que je connais, mais je peux imaginer sans peine que les autres catégorisations sont de la même eau et qu’une Bugatti rarissime vient se coller aux ventes des Clio de l’an passé.

Les biens culturels ont ceci de particulier que leur valeur vient de leur rareté. Ils sont donc inaccessibles à la statistique. On peut toutefois noter des incohérences. La question qui agitait était de savoir comment qualifier la mort d’un automobiliste accidenté bourré. Relève t’il de la mortalité automobile ou de la mortalité alcoolique ? Dès lors qu’on peut rentrer chez soi à pied et calciné mais sain et sauf, la réponse va de soi. C’est l’automobile qui tue. Ajoutons que la question est simplette : un mien ami est mort dans les Landes après avoir heurté un chevreuil au sortir d’une boite de nuit. Qui l’a tué ? L’alcool, la voiture ou le cervidé ? En hiver, on aurait pu rajouter le verglas. Mais la pluie d‘orage aurait pu aussi être impliquée. Tout dépend des conclusions de la gendarmerie.

La statistique est donc à géométrie variable lors de sa conception mais également lors de l’analyse. Les batailles napoléoniennes coûtaient au pays environ 10 000 morts par engagement, les bombardements de Dresde ou Hiroshima ont flirté avec le demi-million. Nous sommes émus par 800 morts chaque mois. Soyons sérieux puisque les chiffres sont sérieux.

Le grand public qui réfléchit peu et est impérialement sous-informé adore les statistiques, surtout biaisées et mal foutues, dès lors que les chiffres confortent ses certitudes. C’est le boulot des journaliste que de l’abreuver en lui donnant raison et en guidant ses conclusions. Jamais un journaliste n’expliquera comment on trompe en truquant. Expliquer, c’est toucher au cœur du système dont la finalité est de décérébrer le citoyen. Et c’est du boulot. Il faut identifier les spécialistes, les interroger de manière précise, décrypter leur réponse et la mettre à la portée de tout un chacun.

C’est du boulot, alors on bacle. On l’a bien vu lors du passage aux 80 km/h. Combien de kilomètres étaient concernés ? Combien de morts justifiés (ceux qui étaient morts sur ce kilométrage exclusivement) ? Chercher, gratter, fouiller. Déterrer les questions annexes. Par exemple, l’état d‘entretien. Je pense à une route en particulier. Super-accidentogène voici trente ans. Et donc, améliorée, refaite, signalisation impeccable. Tous ces travaux ont fait baisser le nombre d’accidents. Tous ces travaux ont augmenté la mortalité car il y avait plus de véhicules qui roulaient plus vite. Moins d’accidents, plus de morts. C’est logique. Du moins dans un système à multiparamètres.

Mais voilà. Nous vivons au milieu des piliers de comptoir, les rois du yaqua dans tous les bistros du monde.. Les mecs qui éructent UNE solution pour UN problème. Quand ils sont au gouvernement, il écrivent UNE loi pour imposer UNE solution, la leur. Et ça ne marche pas. Ça ne marche jamais.

Le monde est complexe, divers, subtil. Tu règles UNE difficulté, t’en as une autre qui apparaît. Ou une petite insignifiante qui devient prépondérante. C’est simplement que ton analyse est mauvaise.  Raymond Boudon a construit son œuvre là dessus.

Je regardais hier le Grand Débat. Je regardais Macron et Schiappa et je les voyais accoudés au zinc. « Mets m'en une autre Jeannot, on peut pas partir sur une jambe. Je vais te dire, moi, ce qu’il faut faire ».

« Ouais, t’as raison, Manu. Et d’abord, faut féminiser les noms. Ça évite d’augmenter les salaires. »

Quand t’as écouté Schiappa, tu as compris.. C’est même pas l’alcool qui tue. C’est le discours dans lequel tu baignes, la marée des sottises qui te conduisent à la mutité alcoolique.

L’alcool est coupable de tout et nos gouvernants portent la responsabilité de nos addictions. Le monde est complexe et Marine remplit les verres. Ha ? Elle n’est pas au gouvernement ? Elle le mérite. « Vas y Jeannot, mets moi une dose de migrants. Ça soigne tout, comme le Fernet-Branca. Et d’abord, c’est Salvini qui me l’a dit »


On en reparlera…