mardi 30 juillet 2013

KOBE-TISIER

Ça y est, on y vient….Le bœuf de Kobe envahit l’Europe…La viande mythique est désormais disponible à des prix mythiques sur le vieux continent. Les gourmets se délectent, les critiques s’enthousiasment et les cons s’ébaudissent.

Bien entendu, ça commence par le mélange des genres comme pour le porc espagnol. On colle quelques mots exotiques, histoire d’appâter le cochon…de payant. Alors, moi,fort de mes années à l’ENLOV et de mes séjours au Japon à mettre en pratique des compétences linguistiques devenues évanescentes, je m’énerve.

Que nous disent-ils les thuriféraires du bovin nippon ? La viande wagyu est là !!!

Et alors ? Wagyu, ça veut dire « bœuf du Japon ». C’est un vieux mot vu que Wa aujourd’hui, ça désigne plutôt la tranquillité. Mais bon, Wa on le retrouve partout avec le sens de Japon, plutôt traditionnel (sauf dans wakan qui signifie la fornication). Si je devais traduire, je dirais « bœuf traditionnel japonais ». Ha ! tu vois bien !

Ben non, je vois pas. Au Japon, on distingue trois races de wagyu. En gros, elles proviennent de trois préfectures voisines. La préfecture de Kobe, c’est le terroir du bœuf tajima. Pour avoir du bœuf de Kobe, les deux autres, t’oublies. Ouais, bon, c’est à côté… C’est sûr. Le Bazadais et la Chalosse, c’est pas loin non plus. Pour la viande locale, tu pinailles, dès qu’il y a de la distance, tu t’en fous…

Et donc, premier point : wagyu, ça veut rien dire, juste « bœuf japonais », pas bœuf de Kobe. Bœuf de Kobe, c’est tajima.

Y’a un consortium du bœuf de Kobe. Des bons Japonais traditionnels qui estampillent la bête. Chaque bête est strictement répertoriée. Aux dernières nouvelles, y’en avait moins de 4000. C’est pas lerche, faut admettre. En tous cas, pas assez pour exporter massivement. Ben oui, disent les marketeurs, c’est pour ça que c’est cher.

Après, y’a un truc, un truc que j’ai vu, de mes yeux vu. C’est la préparation du bovin. C’est pas tout d’avoir la race, les champs (pas trop grands les champs, on est au Japon) et le climat. Faut savoir masser la bête. C’est surprenant. L’éleveur (petit éleveur, 4 ou 5 bœufs, guère plus), tous les jours, il masse les bœufs à la bière. Faut avoir vu ça, le mec qui s’enquille des gorgées de bière japonaise, et les souffle sur le bœuf pendant qu’il le masse. C’est ce massage particulier qui donne le persillé de la viande. Il fallait ce traitement pour avoir droit à l’appellation « bœuf de Kobe », jadis. Bon aujourd’hui, on colle la bière dans l’abreuvoir. Tout ceci est expliqué sur le site des producteurs de bœuf de Kobe (http://www.kobe-niku.jp/englishtop.html), même qu’ils disent que le massage est en voie de disparition. Dommage ! L’explication est simple : moins d’exploitations et plus importantes. Mais les mecs, ils ont remplacé par une attention totale à la génétique.

Là, où l’escroquerie apparaît, c’est quand tu vas sur l’onglet « Exported beef » du site. On te donne, au kilo près, les quantités de boeuf de Kobé exporté. Facile à vérifier. Pour les USA, 850 kilos en 2013. Mieux qu’en 2012 où on plafonnait à 130 kilos Et pour l’Europe ? RIEN. NOTHING. NIENTE. NICHTS. NADA ….

Rien. L’Europe n’a pas importé un seul kilo de bœuf de Kobe. Et donc, si, en Europe, un mec te facture au prix fort du bœuf de Kobe, file vite à la pharmacie du coin acheter de la vaseline. Ça soulage….

Mais comment est-ce possible ? Cherche pas et regarde une carte. Où est le pays anglo-saxon le plus proche du Japon (c’est simple, depuis Fachoda au moins, quand il y a une entourloupe, le mec parle anglais). L’Australie. Ces mecs qui ne se sont jamais remis de la toise que mon vieux Robert Caillou leur a filé en 1953 à Melbourne, ont monté une escroquerie qui s’appelle Australian Wagyu Association. Pas compliqué. Le bœuf de Kobe est contrôlé, pas les autres. Donc, tu achètes du bétail au Japon, c’est du wagyu. Comme le Kobe, voir ci-dessus. Tu l’élèves façon extensif et tu le vends à ces cons d’Européens en leur disant que le Kobe étant du wagyu, le wagyu c’est du Kobe. C’est le principe de la fausse équivalence qui est devenu une des règles du commerce, une bête application de la théorie des ensembles. C’est comme ça qu’un boucher a voulu me vendre du jambon de Bayonne pour de l’Ibaïona Comme il m’a dit « Ibaïona, ça veut dire Bayonne ». Et wagyu veut dire Kobe.

Les communicants, ils adorent. Ils te vendent du wagyu mais c’est toi qui vas dire Kobe, eux ils ont rien dit. Plus exactement rien écrit. Ils t’ont raconté, ils ont approximé. Les communicants adorent l’à-peu-près alors que la communication n’est que précision. Dans un autre domaine, j’ai connu un TO qui te vendait un vapeur offert par la Reine Victoria alors que le chantier affirmait qu’il avait été lancé en 1926. Vu d’aujourd’hui, c’est pareil, on n’est pas à trente ans près.

Après, on va me dire que je suis un pisse-froid.. Peut-être. Mais me faire baiser sur l’Aberdeen (voir http://rchabaud.blogspot.fr/2013/01/etre-pris-pour-un-con.html) , puis sur le Kobe par des mecs qui, en plus, ont pourri le rugby et détruisent le marché du vin, ça me gonfle grave…..

On n’a pas fini d’en reparler…

COCHON ET GEOPOLITIQUE

Après mon petit texte sur la Dehesa, la discussion s’est poursuivie. Notamment avec Vincent Pousson dont j’aime bien le savoir, même si je lui reproche parfois de trop simplifier. Il met toujours en avant un paramètre qui lui semble fondamental (le cépage par exemple) et il a tendance à négliger les autres. OK, c’est la règle des blogs, on n’est pas là pour faire avancer la science. Quoique… Ce désir de chercher la petite bête me vient d’une fréquentation trop assidue des bistros. Au comptoir, y’a toujours un mec pour t’asséner des vérités univoques, le mec qui a toujours UNE solution à UN problème. C’est pas comme ça que ça marche.

Prends le cochon. Y’a deux groupes. Les anglo-saxons, bien gros, bien mafflus et bien roses que l’éleveur industriel adore. Et les pas nets, un peu roses et noirs, plus sveltes. Ceux-là, ils sont majoritairement sudistes, basque, gascon, ibérique. Classique opposition nord-sud. Vincent me donne une information platonicienne que je vous livre : le gros anglais produit moins de gras que le sudiste qui semble plus maigre. Faut y penser quand tu mates le verrat : c’est le plus gros qui produit le moins de gras, encore le coup de la caverne. Pas faire confiance aux sens.

En général, le nordiste, il est élevé en stabulation et le sudiste en liberté. Ça, c’est politique. Le Britannique, il a subi les enclosures, c’est à dire la suppression des pâturages communaux. Et donc, plus question de laisser le pourceau en liberté. Le cochon gascon gambade sous les chênes, le british reste à la maison. L’anglais Darwin vous le dira : conditions écologiques différentes égale évolutions différentes. Le sudiste grossit moins vu qu’en liberté faut garder une certaine mobilité, pour échapper aux prédateurs par exemple. Il grossit moins mais engraisse plus à cause de son régime alimentaire, plus varié et plus riche. L’anglais enfermé grossit plus mais engraisse moins.

Petit rappel politique : certains auteurs voient dans le mouvement des enclosures l’un des points de départ de l’appropriation des moyens de production, caractéristique du capitalisme. D’où le titre…

L’industrie porcine aime le cochon anglais. Facile à stabuler, ne nécessitant pas d’espace et produisant peu de gras, car, affirme Vincent, la grande distribution n’aime pas le gras, considéré comme un déchet. Le gras, on le jette.

Parenthèse culinaire : la viande de cochon est sèche. Plus elle est maigre, plus elle est sèche, surtout à la cuisson. Faut un peu de gras pour la rendre moelleuse. Mais la grande distribution se fout de la gastronomie, sauf quand il faut payer Ducasse ou Veyrat (tiens, lui, il a un nom de cochon). Et la grande distribution est aidée par les médicastres, surtout Américains, en lutte contre le gras, censé boucher nos artères. Quand on leur prouve le contraire, ils parlent de « French paradox ». Petit rappel linguistique : être paradoxal, c’est s’opposer à l’opinion commune, la doxa, ce qui signifie qu’aux yeux des Américains, c’est leur opinion qui est commune, les autres, c’est caca. Mais ça, on le savait.

Et voilà que les deux évolutions se rejoignent. Une race créée à l’origine du capitalisme devient indispensable au développement de ce même capitalisme. Alors que la race liée à la propriété commune des biens de production se trouve hors de ce jeu. Sauf pour les nantis du capitalisme qui ont les moyens de manger du Jabugo et laissent le Madrange aux pauvres. Le Madrange, c’est pour rappeler Veyrat, vous croyez quoi ?

La leçon, c’est qu’on ne peut rien faire face à l’idéologie. L’idéologie, c’est simplement l’enfilage de stéréotypes sans aucune valeur scientifique, ce que les communicants font très bien et permettent à chacun de croire que le porc est une viande de mauvaise qualité ou que les épinards contiennent du fer. Je suis pas exempt de la chose. Je m’efforce mais bon, y’a des trucs que tout le monde croit et que je crois aussi. Quand un spécialiste me met le nez dans mon caca, j’ai envie de l’embrasser. Apprendre, c’est mon côté humain.

Heureusement qu’il y a des riches pour permettre au pata negra de survivre. Ceux qui savent se marrent de voir payer ce prix-là des produits tellement basiques et même, des fois, de voir des margoulins vendre pour du bon de la camelote bien marketée…

Ben voilà. Y’a des margoulins, des fois, c’est quasiment des Robins des Bois. Sans M’Pokora. Qui lui, vu le prix des places, est plutôt côté sheriff de Nottingham…. La vie est bien compliquée…

On en reparlera…

lundi 29 juillet 2013

VOUS CONNAISSEZ LA DEHESA ?

Ça veut dire « pâturage » et donc il y en a partout. Mais quand c’est un nom propre et qu’on vous dit LA Dehesa, c’est entre Madrid et Salamanque.

Paysage de rêve, même et surtout au cœur de l’été, quand le soleil a sorti l’artillerie lourde. Pâturages secs, assourdis de chaleur, où les bêtes se pressent autour des chênes-liège recherchant une ombre aussi maigre que l’herbe jaunâtre. Le mot dit « pâturage » mais la première évocation qui monte au cerveau, c’est la savane arborée. Madrid reprend son origine berbère, l’Afrique toque à la porte.

En été, la chaleur est telle qu’on ne sent plus rien, je veux dire avec le nez (il faut parfois rappeler en notre époque de ressenti universel que le verbe sentir est d’abord celui du sens olfactif). Il importe d’attendre le crépuscule, la tombée de la nuit qui tombe toujours pour remplacer le jour dont on sent bien alors qu’il ne passera pas la nuit (ceci est une évocation qui fera sourire les lettrés modernes). C’est le moment où les bêtes sortent du couvert des arbres.

J’y étais pour admirer les toros de combat. C’est là, dans ces improbables sécheresses qu’ils viennent le mieux. Mais ils ne sont pas les seuls. La Dehesa, c’est aussi le royaume du porc ibérique, le rustique cochon, pas trop rose et souvent pie, pas trop gras non plus, qui s’élève tout seul dans ces terres désolées. C’est qu’il a à bouffer le verrat espingouin : pas trop d’herbe, mais plein d’autres trucs : des glands, beaucoup de glands, des faînes aussi, des champignons en saison, des charognes de gibier (oui, le cochon aime les charognes, c’est comme ça). Quand l’été est trop sec, on le « supplémente » un peu, mais pas trop. Au prix du kilo de cochon, on va pas se ruiner le budget avec des granulés.

Des fois, comme chez Victorino Martin, le cochon batifole au milieu des toros. Personne ne peut comprendre ma béatitude : mes deux animaux favoris, ensemble sous les chênes.

Et puis il y a la fin de l’automne. Les pâturages sont plus avenants, le cochon gambade à la fraiche. C’est que les musiciens sont là. La Dehesa est la principale zone d’hivernage des palombes et ça roucoule comme dans une réunion Meetic. Pas bêtes les oiseaux. Ils viennent de Pologne et des pays baltes, alors la température pour eux, c’est du nanan. Et puis, il y a les glands et les faînes. Vu que les pâturages ont reverdi et que les champignons sont là, les cochons, ils délaissent un peu le gland. De toutes façons, il y en a pour deux, vous affolez pas. Et les palombes, elles vont repasser dans les cols, entre Sare et Ahusky, grasses des glands de la Dehesa. Le salmis va être goûteux, vous pouvez me croire. (Je m’aperçois que je viens d’évoquer deux horreurs pour le bobo de base : le tir de la palombe et la corrida. On en a excommunié pour moins que ça.)

Toros, cochons, palombes, c’est le tiercé gagnant. Au cœur de l’Espagne, la Dehesa est un miracle d’équilibre écologique. Il n’y a pas beaucoup d’hommes, c’est peut-être pour ça. Les bêtes qui vivent là y sont depuis fort longtemps (j’ai failli parler de temps immémoriaux mais c’eut été mépriser le lecteur). Le gros cochon rose anglais ne peut pas vivre ici, le palmipède landais non plus. L’animal est un peu laissé à lui-même, le toro un peu moins parce qu’il coûte plus cher. C’est un bon truc ça : ne pas s’occuper des animaux pour qu’ils vivent mieux, on n’y pense jamais. L’animal sait fort bien s’engraisser lui-même et c’est terriblement rentable. Et terriblement bon quand ça vient sur la table (ou dans l’arène).

Le cochon du sud, il est pie. Pas rose. Ou alors rose sale. C’est pas un gros cochon anglais qu’est pas si cochon que ça, surtout en élevage industriel. Le cochon du sud (parce que le gascon ou le cochon basque sont dans la famille), c’est vraiment un cochon, le gros dégueulasse de Reiser. Il fouine partout, prend des bains de poussière et chie où ça lui chante. Et puis, il est pie. Imaginez : l’adjectif à double tranchant. Faire œuvre pie, ça vient de « pieux », au sens théologique du terme. Mon cochon n’a aucune piété. Il se vautre et s’acoquine, et fait du gras rien que pour moi. Remarque, autrefois, la cléricature, moines et chanoines, avait aussi la réputation de faire du gras.

Le cochon anglais, il a le gras triste du chanoine, style obésité de l’anglo-saxonne de base. C’est le genre de gras qui passe mal à la poêle, qui reste terne et suintant, pas le gras craquant qui me fait craquer. Si tu savais pas que le gras devient craquant à la cuisson, va falloir changer de fournisseur. Va dans la Dehesa mater les pourceaux, rien qu’à les voir tu imagines l’assiette.

Je n’ai aucun scrupule à parler de la Dehesa. Je peux même ajouter qu’on passe de délicieux moments dans de petits bistros de campagne devant un verre de tinto bien frais, à parler de tout et de rien. Surtout de rien, l’été fatigue. Le patron, il s’emmerde pas à faire des tapas. Si on demande, il amène une planche de charcutaille et trois olives fondantes. On baigne dans l’Espagne.

Je n’ai aucun scrupule à parler de la Dehesa, personne n’ira là-bas, quelle que soit ma faconde. La Dehesa est bonne pour les toros, les cochons, les palombes, point barre. Les moutons vont ailleurs.

On en reparlera…..

samedi 27 juillet 2013

FUMEUR, PÉDÉ, OUI, NON.

Ça m’est venu comme ça, en réfléchissant tranquillement. Vous savez ce que c’est ? On regarde le monde, on manipule les choses et, tout à coup, plouf ! l’idée arrive. Le côté Géo Trouvetout du sémiologue.

Juste comparer deux situations. Je suis petit, je suis entouré de fumeurs et la honte majuscule, c’est l’homosexualité. Fumeur, oui. Pédé, non. Je suis vieux (pas pour moi, mais c’est pas grave), le miroir s’est retourné : pédé, c’est normal, fumeur, c’est caca. On marie les pédés et on poursuit les fumeurs. Quarante ans pour que la situation se retourne. A la louche, les évolutions sont concomitantes.

J’exagère pas. Il y a un indicateur, c’est la télé. Quand on y parle sodomie, tout baigne, on défend, on comprend, on approuve pas tout à fait, mais c’est cool. Que le sujet soit le tabac et les mouches changent d’ânes. On va chercher les autorités (on les connaît, Got, Dautzenberg, Huchon) pour mener le combat contre l’immonde fumeur. Mais qui va mener le combat contre le sodomite ? Personne, à part quelques histrions ridicules. Y’a pas de combat. Mais où donc les courbes se sont-elles croisées ?

Ho ! t’exagères ! C’est pas pareil Je sais bien que c’est pas pareil. Je connais des homosexuels fumeurs. A dire vrai, pas beaucoup, mais ça existe. Mais ils sont stigmatisés comme fumeurs, pas comme homosexuels. Et le vrai problème est là. Dans la stigmatisation. Tiens la fameuse photo de Barthes avec son cigarillo et son oeil plissé. On la voit plus. Du temps où on se fréquentait, il cachait "la déesse H" pas les cigarillos envoyés par Brecht.

Mais alors, t'es homophobe ? Rien à voir. Même que je suis vachement content que la situation ait évoluée. Cacher son homosexualité était une souffrance. Barthes (encore lui) a écrit des pages superbes là-dessus. La question est : pourquoi peut-on désormais faire ce qu'on veut de son sexe et pas de ses poumons.

On devrait faire une enquête chez les DRH, avec une seule question : vous préférez engager un homosexuel ou un fumeur? J’ai une idée de la réponse.

Faut pas croire que je délire. Je cherche simplement les éléments objectifs qui permettraient de rendre compte de cette double évolution : l’acceptation sociale de l’homosexualité et la stigmatisation du tabac.

J’y vois en premier lieu la valorisation du corps. L’homosexuel fait généralement attention à son corps et à son aspect physique et notre temps valorise le corps avant tout. On en a déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.fr/2013/07/arno-breker.html). A l’inverse le fumeur s’en fout. Il a les dents et les doigts jaunes, une haleine de chacal et il s’en tamponne.

C’est la marque cardinale du politiquement correct. Tu peux être d’une inculture crasse, ta conversation ne pas dépasser le commentaire de la Star Ac’ d’hier, c’est insignifiant, au sens plein. Ça n’a pas de sens. Le sens gît dans tes chaussures et dans la capacité que tu as de te fondre dans le groupe. Dans la plupart des actions de la vie quotidienne, les préférences sexuelles n’interviennent pas. Le tabac, oui. L’homo s’est fondu dans le troupeau de Panurge, le fumeur a insisté pour s’en détacher, encore et toujours.

Bon, c’est juste une remarque comme ça. De l'interrogation sociale à la fourche...

On en reparlera…

jeudi 25 juillet 2013

MERCI QUI ? MERCI LACTEL !

J’avais entendu cette idée. Un copain bien attentionné m’envoie une publication suisse (Prof. Georg Loss in Journal of Allergy and Clinical Immunology, 2011).

Le prof, il est à la fois suisse et scientifique. Doit pas être rigolo. Il a mené une étude sur quelques 3000 gosses en comparant ceux qui boivent du lait cru et ceux qui boivent du UHT. Edifiant ! Chez les buveurs de lait cru, on détecte 41% d’asthme en moins, 26% d’allergies en moins, et 49% de rhume des foins en moins ! C’est du lourd, on n’est pas aux marges quand on en est à ces pourcentages.

OK. C’est une simple corrélation statistique. Je la connaissais sans avoir trouvé de références. Un gestionnaire de la santé (si, si, ça existe) avait noté une corrélation entre l’augmentation des allergies et la consommation de lait UHT.

Le mécanisme reste inconnu mais, a priori, l’UHT dézingue un paquet de micro-organismes qui ont un effet immunologique important. Donc, en gros, si t’as vingt ans et que t’es allergique, tu peux aller coller une baffe à ta grosse feignasse de mère qui a passé son temps à se simplifier la vie.

Parce que la vérité, c’est ça. Quand j’étais petit, on allait chercher le lait trois fois par semaine, juste la quantité qu’il fallait. Un peu plus, s’il y avait gâteau à l’horizon. Et on faisait gaffe qu’il « tourne » pas. On gardait quand même le lait caillé, c’est vachement bon avec du sucre. Trois fois par semaine ! On avait le temps, quand même. Pas comme aujourd’hui, où on prend un pack chez Carrauchan, histoire de faire la quinzaine. C’est vrai que c’est pratique le lait UHT. Tu peux le conserver trois semaines, t’as pas à laver le pot à lait et puis, c’est écrémé, c’est bon pour la santé. Là, bémol : écrémer le lait, ça t’oblige à acheter le pot en plastique avec une vache dessus. Oui, mais dans le pot en plastique, la crème est à 0%, c’est meilleur pour la santé.

Ça, c’est ce qu’on te dit. « On », c’est l’agroalimentaire, Lactel, Danone et les autres. La réalité statistique est toute autre : en buvant du lait UHT, tu favorises l’apparition d’allergies et d’asthme chez ton môme. Bon, maintenant tu le sais. Tu fais ton choix et t’assumes le résultat. Mais tu viendras pas chouiner si le môme, tu dois l’abonner à la Ventoline.

En fait, c’est toujours le même truc. On veut avoir le beurre et l’argent du beurre et le meilleur des deux mondes. Du lait en abondance, pas trop cher, qui se conserve longtemps et qui a les mêmes propriétés que le lait naturel qu’il faut aller chercher quasi tous les jours et surveiller. Comme le lait sur le feu. Mais, ma poule, c’est pas possible. Même si t’as qu’un neurone, tu comprends bien qu’un lait qui tourne pas, il a été modifié sévère et qu’il n’a plus rien de naturel. Tu veux le croire parce que ça t’arrange, comme toujours. Mais c’est un gros pipeau. Remarque, tu crois aussi que Lactel, il écrème le lait parce qu’il fait gaffe à ton cholestérol. Bernique ! Il écrème le lait parce qu’il va vendre la crème en plus et à part aux professionnels pour faire les produits annexes (crème, fromage blanc) que tu vas acheter en plus dans le rayon « frais » de Casiclerc. T’as pas remarqué qu’écrémé ou pas, le lait il vaut pratiquement la même chose. Or, écrémer, c’est du boulot, le lait écrémé, il devrait coûter plus cher. Non ? Ben non. Le boulot en plus, il est payé par le mec qui achète la crème. L’est pas belle la vie ? Surtout que le mec, au bout du bout, c’est toi.

Je rigole pas. J’achète aussi du UHT parce que la ferme, elle est un peu loin. Bien sûr que je fais comme toi, mais sans enthousiasme, en maugréant, avec la conscience de me faire baiser. Tu vas me dire, c’est le meilleur quand on se fait baiser : en avoir conscience.

Tout ça pour dire que la machinerie cellulaire, c’est compliqué et que, INDEPENDAMMENT DU GOUT, tous les poulets ne se valent pas. Et tous les cochons non plus. J’avais demandé un jour à un maître ès-cuisine moléculaire si le cochon de mon charcutier dont le gras prenait à la cuisson la teinte du miel de montagne, était identique à celui du supermarché qui restait diaboliquement pâle. « C’est de l’analyse trop fine » qu’il m’a répondu.

Moi qui suis con, je pensais qu’il analysait les molécules, le mec. Plus fin que la molécule, je vois pas trop. Même pas ! Il savait pas, mais surtout il voulait pas savoir. Faut dire qu’il cherchait des financements pour son labo et que mon carnet de chèques est moins gros que celui de Justin Bridou.

Comme dit la maxime : un pessimiste est un optimiste bien informé.

On en reparlera…

dimanche 21 juillet 2013

BHL ET LA MANIPULATION

J’aime pas BHL… Chaque fois que j’ai lu, j’avais une certaine gêne, le sentiment diffus que ce mec est un gros manipulateur. Mais c’est pas une raison pour faire comme lui… Pas lui faire dire ce qu’il a pas dit.

Le buzz courait, comme tous les buzzes, rumeurs incertaines qui font penser à Edgar Morin et à la rumeur d’Orléans. BHL avait été « foudroyé » par la conversion de sa sœur au catholicisme. Outre qu’on s’en fout majuscule (c’est juste un retour aux sources, le christianisme n’étant qu’une filiale du judaïsme), je trouvais bizarre que BHL prête ainsi le flanc à la critique. C’est pas le genre du mec… Trop fin…

J’ai donc écouté le philosophe pas si nouveau. Qu’est-ce qu’il dit ? « Ça m’est tombé dessus comme la foudre ». Et là, le trucage apparaît. Si tu causes le français comme ta concierge ou ton psy (c’est souvent kif-kif), ça t‘a evidemment pas sauté à la figure. Dans les deux cas, y’a la foudre, c’est de l ‘équivalence. Ben non…

« Foudroyé », c’est la MANIERE DONT TU RESSENS LA NOUVELLE, l’impact qu’elle a sur toi. C’est l’effet qu’elle te fait.

« Comme la foudre », c’est simplement, la MANIERE DONT LA NOUVELLE TE PARVIENT. Et c’est pas pareil.

Tiens, tu m’annonces au milieu de la nuit qu’Hollande s’est suicidé devant la pauvreté de ses résultats, ça me tombe dessus comme la foudre. Mais comme j’en ai rien à battre, je me sens pas foudroyé pour autant. Tu peux apprendre un truc brutalement et t’en tamponner complet. Or, BHL, il a tous les défauts du monde, mais la langue française, il sait ce que c’est. Plus que toi et plus que moi. Il écrit pas jean-foutre, lui, il prépare l’Académie (Il y arrivera, surtout s’il continue à nous la jouer philosophe de la Torah, y’a des quotas, tant de femmes, tant de Noirs, tant de Juifs, tant de militaires, et même un raton-laveur, ancien Président de la République). Juste pour dire qu’il a choisi ses mots. Il aurait voulu nous parler de ses sentiments, il aurait dit : étonné, surpris, voire ébahi. Un poil plus fort : bouleversé, sidéré (la sidération n’est pas le foudroiement).

Ainsi va la langue sur Internet et dans notre monde. On analogise, on glisse,, on transforme aux marges, on truque. Mais on truque petit-bras, merdiquement, comme tous les communicants. On fait de l’à-peu-près, on est tout le temps dans le « mais tu vois bien ce que je veux dire ».

Ben non, connard ! Je vois pas. Tu as la chance d’avoir une langue d’une précision extrême (pas comme l’autre qui sert qu’aux cours de la Bourse- voir http://rchabaud.blogspot.fr/2013/02/do-you-speak-french.html), tu peux tout exprimer, toute la palette des sentiments et des savoirs, c’est pas pour faire de l’à-peu-près, surtout dans l’espoir de détruire la réputation d’un mec qui fait ça très bien tout seul (http://rchabaud.blogspot.fr/2011/04/bhl-la-carte-les-godasses.html).

Alors, oui je défends BHL Parce que c’est dégueulasse de truquer comme ça. Sur BHL, y’a des choses à dire, mais pas ça. On se vautre et ça pue….

On en reparlera…..

vendredi 19 juillet 2013

PINARD ET GEOGRAPHIE


Bon, pour une fois que je prends mon pied à lire un livre sur le vin, j’ai envie de partager.. Ça s‘appelle La souche, la cuve et la bouteille, écrit par un Georges Guille-Escuret, que je rangerai volontiers au nombre de mes amis.

Le sujet, c’est le vignoble languedocien dans l’Histoire. En fait, ça s’interroge sur la place culturelle des vins du Languedoc dans l’ensemble français. Sur leur mauvaise réputation, le plus souvent. A tort ou à raison. Bien sûr qu’y en a de bons. Il n’en reste pas moins que quand tu dis Corbières, t’allumes pas les yeux comme quand tu prononces Aloxe-Corton.

Le mec, l’auteur, il se pose la question : le sol est bien, les cépages sont les mêmes, le climat va comme il faut. Pourquoi ?

Ben, c’est géopolitique, qu’est ce que vous croyez ? Le vignoble languedocien, isolé géographiquement, est beaucoup plus soumis aux aléas du marché et vit depuis des siècles dans l’urgence, avec des années où il faut faire pisser la vigne et des années où c’est catastrophique. Ainsi n’a t-il pas pu construire à long terme et donner une « plus-value culturelle » à ses vins.

Au départ, faut pas croire, les vins qui font saliver, ils sont méditerranéens. Dans le premier classement connu, au début du XIIIème siècle, on désigne le pape des vins (un vin de Chypre), un cardinal, trois rois, cinq comtes et douze pairs, rien que ça ! Tous méditerranéens comme le célèbre malvoisie. Y’a bon pour Béziers !!!

Ça change au XVIIème siècle. Le vin, faut le transporter. Et comme le plus gros consommateur, c’est Paris, prime à la Bourgogne. D’autant que les princes de Conti, ils ont des domaines là-bas, alors pour la promo à Versailles, ils sont bons. Et ils en rajoutent, comme quoi si t’es pas prince du sang, tu feras jamais que de la piquette. Tu sais ce que c’est : le roi boit du Romanée-Conti, alors les nobles imitent et les bourgeois imitent les nobles. Y’a aussi Lyon, grosse ville et même problème : Beaune est plus près que Narbonne, c’est de la biture endogène.

Consommateur n° 2, les Anglais. Ils viennent chercher le picrate en bateau, alors, Bordeaux, c’est quand même moins loin que Montpellier, t’as pas Gibraltar à te taper. Les Britons, ils veulent bien pousser jusqu’à Porto, mais faut pas se briser les voiles avec le mistral….

Et voilà comment, juste pour gagner sur le port, t’as deux régions qui se gavent. Les négociants, ils vont en Languedoc quand la récolte se passe mal ailleurs. Et comme le port est plus élevé, le client est plus exigeant, il a vite fait de trouver les défauts. Si tu payes plus, faut que ça soit meilleur.

Second point : Bourgogne et Bordelais appartiennent majoritairement à l’aristocratie et à la grande bourgeoise, des gens qui cherchent dans le vin un statut social qu’ils arrivent ensuite à vendre. Pas le Languedoc, dont l’aristocratie a été décimée par les multiples croisades. Au temps du Grand Roi, ça te fait du handicap culturel qui vient s’ajouter aux frais de port. Comme dit l’auteur « Faute de pouvoir participer aux enjeux politiques de la Nation, faute donc d’une fonction symbolique et diplomatique, le destin des vins languedociens tourna court ».

Au bout du bout, t’as le classement de 1855. Dans le Médoc, ça s’explique. Ça vient enfoncer le clou. Le mec de Fitou, il peut pas lutter. Toujours comme dit l’auteur « depuis le XVIIème siècle, les Montpelliérains ont pris l’habitude de répondre en termes de quantité : ils font tant de vin… A St-Émilion, on fait tel vin ». En d’autres termes, quand on a un vin prestigieux, on peut réduire la quantité, quand on a vraiment besoin de vendre, on fait du volume. Et ça fait trois siècles que ça dure amenant cette conclusion « les vins du Languedoc ont besoin de crises viticoles ».C'est vrai, ça. Quand t'es pas prince du sang, tu sors facile le drapeau rouge.

Bon, je vous le fais un peu à l’arrache, le livre est édité par la Maison des Sciences de l’Homme, ça reste du bon style académique. Mais l’analyse est impeccable et débouche pourtant sur un constat optimiste. C’est que les conditions géographiques ont changé : les frais de port pèsent moins sur le négoce. Mais aussi les conditions culturelles : la république permet à tous d’obtenir une légitimité culturelle. Sauf que ça prend du temps. Mais aussi les conditions économiques : les vignerons sont moins dans les mains du négoce.

Vous l’avez compris : on vous y parle peu de cépages, de goût de fruits rouges et toutes ces choses. C’est juste pour dire comment le vin, avant d’être un produit de consommation, est fils de conditions socio-culturelles, et les Cathares ont été plus importants que la syrah pour la production viticole languedocienne. C’est des trucs que tous les cavistes devraient savoir, il me semble, mais je vais encore me faire traiter d’arrogant.

C’est vrai que pour écrire un livre comme ça, faut beaucoup plus travailler que pour sortir le énième guide des vins de France. Et t’as pas intérêt à oublier la modération, ça nuit à la référence bibliographique. On n’a rien sans rien.

Moi, le pinard, c’est comme ça que je l‘aime, chargé d’histoire autant que de tanin. Oui, parce que j’aime les vins tanniques, les vins qui me disent le tonneau et les communions à la campagne, les vins lourds qui font la trogne embaumée, ceux qui vont chercher au fond de notre histoire. Le vin léger, il est léger en tout. Sauf en discursivité légère….

Tiens, un jour il faudra que je vous parle de Peyrache et de ma découverte des variances beaujolaises. C’était rue Monge et ça s’appelait Le Sarrans…. C’était pas un « bar à vins », juste un bar-tabac de proximité, normal…. Mais la cave du père Peyrache, je connais des patrons de "bar à vins" qui se damneraient pour la récupérer. Impossible. On l’a bue…

On en reparlera…,

ARNO BREKER

Il est bien oublié celui-là. Il a pourtant eu son heure de gloire : il était le sculpteur favori de Hitler.
On peut gloser sur l’œuvre de Breker et lui refuser l’étiquette d’art « nazi » au motif qu’il n’était que le représentant allemand d’un courant qui regroupait des sculpteurs comme Despiau, Landowski ou Belmondo, pour ne parler que des Français. Il se trouve que ce courant portait les mêmes valeurs et, parmi celles-ci, la glorification du corps, de préférence blanc et sculptural. Il se trouve que Breker bénéficiait du statut d’artiste « officiel », apprécié par le Führer et par Albert Speer qui le harcelait de commandes.

Breker prônait un retour au classicisme et aux valeurs esthétiques de la Grèce antique. En Allemagne, ce n’était pas original. Mengs en fit autant à la fin du XVIIIème siècle. La fascination allemande pour la Grèce n’est pas une vraie nouveauté et Goethe lui-même, dans le second Faust, introduit le personnage d’Hélène de Troie. L’importance de Breker vient de la place qu’il prend dans un courant politique qui vise à la glorification de la race, glorification qui ne trouve pas sa source dans les travaux intellectuels mais uniquement dans la beauté des corps. A contrario, la propagande nazie insiste sur les difformités des autres races. Pour la première fois, un régime politique transforme le corps, sculptural, athlétique en icône et ce régime politique est le nazisme.

Le culte du corps est une idée nazie.

L’idée n’était pas récente et elle cheminait depuis un siècle : améliorer la santé humaine revient à améliorer la santé sociale. Bien entendu, cette idée repose sur une image dévoyée, celle du corps. Il est à noter d’ailleurs que nombre d’erreurs de jugement proviennent de cette image. A considérer les villes comme des corps, les urbanistes ont cassé les sociétés et les modes de vie. Il est exact qu’une artère (du corps) doit être large et non bouchée et doit favoriser la circulation (du sang). Cela ne signifie pas qu’une artère (une rue) doit être large et favoriser la circulation des automobiles. L’image, la facilité littéraire conduisent à une réflexion qui n’en est que la poursuite et reste une image, et non la réalité. Le corps est une chose, la ville en est une autre.

De même, le corps social n’est pas le corps humain. Les hygiénistes du XIXème siècle ont commencé par améliorer les conditions de vie pour améliorer la condition de l’homme. Le mouvement fut général : en Angleterre, James Cook invente le tourisme de masse pour détourner les ouvriers de l’alcoolisme tandis qu’à Paris, le préfet Poubelle lutte contre les rats en inventant la boite qui porte encore son nom. A tout cela, on ne peut que souscrire.
Mais très vite, l’image prend le pas sur le réel. A la propreté de la rue doit répondre la propreté du corps qui devient la marque de la propreté de l’âme. Le mouvement s’accélère avec la vaccination : on lutte contre la tuberculose comme on lutte contre la syphilis et lutter contre la maladie devient une lutte contre les lieux de plaisir et la prostitution.

Les mesures techniques deviennent alors des mesures morales. Les gouvernements y ont intérêt : une jeunesse saine fait les armées solides. L’invention du sport par les Anglais vient couronner le tout et les premières épreuves olympiques seront l’équitation, la course, les lancers et le tir. Le sport prépare à la formation des soldats. On ressort la vieille formule latine de Mens sana in corpore sano que l’on détourne de son sens : tout le monde comprend qu’une âme saine dépend d’un corps sain. Ce qui reste encore à prouver. Voir les sportifs de haut niveau.

Le nazisme a été le point culminant de cette idéologie. En glorifiant le corps, marque de la race, les nazis ont abouti à la dernière étape : l’eugénisme. L’assimilation était complète : on nettoie la nation de ses miasmes comme on se lave les pieds. Tout ce qui s’éloigne d’une norme pré-établie doit être détruit. Les statues de Breker fixaient la norme.

Or, dès qu’on parle du corps, c’est la norme classique qui s’applique, l’Apollon du Belvédère et les plaquettes de chocolat du discobole. C’est valable aujourd’hui comme au temps de Breker. Il ne faut pas se moquer du nazisme : il valorisait le corps comme nous le faisons, avec les mêmes images, les mêmes arguments hygiénistes et moraux. Qui va en salle de gym est un apprenti SS. D’ailleurs, je me suis laissé dire que les skins qui forment la garde rapprochée de Marine aiment la musculation.

Valoriser le corps, c’est plonger dans une idéologie douteuse. La devise du plus grand adversaire d’Hitler, Churchill, était bien « No sport ». Chacun choisissait ses priorités.

Et donc, je me méfie des gens qui cultivent leurs corps. J’y vois des relents d’homme parfait, des miasmes glauques qui préparent aux défilés sanglants. C’est pas que j’aime pas la compétition. Par exemple, le championnat du monde des mangeurs de boudin.

Il ne s’agit pas de revenir à Molière. Le corps, cette guenille. Il suffit juste de dire qu’on a le corps de son ADN, de l’accepter et de ne pas mélanger les notions. Ne pas répondre aux canons de la beauté, ce n’est pas asocial. On est comme on est et ça n’a aucun sens moral particulier.

On en reparlera…

vendredi 5 juillet 2013

T’ES PAS CHEZ TOI

La mode sur Facebook, en ce moment, c’est des messages vachement sérieux sur la protection des données et le droit de propriété intellectuelle. C’est la Grande Foire aux Naïfs….

Facebook, c’est un territoire. Virtuel, peut-être, encore que… Mais c’est un territoire. Y’a un mec qui a créé ce territoire et toi, tu as décidé de le rejoindre. Sur ce territoire, tu as créé ta page. Gratos.

Réfléchis à ça : Zuckerberg, pour te permettre de créer ta page, il a bossé. Il a engagé des gens, une poignée au départ, puis de plus en plus. Il a dépensé des sous et de l’énergie. Ça, tu veux pas trop le voir. T’imagines Zuckerberg comme une sorte de philanthrope qui t’offre un espace de liberté. Tu veux pas entendre que s’il y avait des philanthropes à Wall Street, ça se saurait.

La réalité qui te saute à la gueule, c’est que tu ne possèdes pas ce territoire. Ta page, c’est pas une possession, c’est une concession. Zuckerberg ne donne pas, il concède. C’est pas pareil. S’il est pas content de la manière dont tu cultives ton jardin, il te sucre la concession. Et toi, tu peux que fermer ta gueule, vu que t’es pas chez toi. La preuve, tu peux pas partir. J’ai une page que je veux annuler depuis un an, j’y arrive pas. Je suis obligé de la garder sur Facebook. Par parenthèse, si quelqu’un peut me donner une manière de fermer une page….

Mon copain Christian, il hurle. Facebook lui a fermé sa page. Il y publiait des photos de nus. Plutôt sympas et artistiques. Il hurle à la censure morale. Que dalle ! Le nu, le charme, le porno, le cul, c’est un marché. Un marché dont Facebook a besoin pour vivre. Si tu mets des gonzesse à poil gratos sur Facebook, Facebook peut plus vendre ses liens sponsorisés vers des sites de cul. Or, Facebook t’offre pas une concession gratos pour que tu lui démolisses son fonds de commerce.

Faudrait voir à pas oublier que Facebook, c’est des milliers d’employés et une cotation à Wall Street. Il vit pas sur la gratuité de ses pages. Il prend juste une dîme sur ses concessionnaires, c’est à dire toi et moi. Si tu veux pas qu’il utilise tes données, c’est simple, t’y vas pas.

C’est un vieux principe : on sépare la nue-propriété et l’usufruit. Facebook ne te donne aucune propriété. Il te concède l’usufruit. Tu plantes et tu cueilles les fruits mais le terrain n’est pas à toi. Si ta récolte va dans le sens du proprio, ça marche. Sinon, le proprio reprend son terrain, sans dédommagement vu que la concession est gratuite. Et toi, ce que tu fais, ça sert à rien.

C’est le gros merdier du monde virtuel. Simplement parce qu’il n’est pas virtuel. Au bout du bout, y’a des dollars, plein de dollars, bien verts, bien réels. Les réseaux « sociaux », ça crée de la richesse personnelle, pas sociale. Toi, t’es dans ton délire de partage et de convivialité, Zuckerger, il mate son cours de Bourse.

Oui, mais il avait dit que… Il a peut être dit, mais il a pas écrit. Comme Google. Tu te souviens pas ? Au début, la devise de Google, c’était « No Evil ». Pas de Mal. Et puis, ça a glissé vers les adwords et les liens sponsorisés. Celui qui paye décide.

Ça s’appelle le capitalisme. T’acceptes ou tu refuses. Mais quand t’as accepté, tu peux plus refuser.

Mais alors, ils m’ont niqué ? Même pas. Tu t’es niqué toi-même. En avalant tout. Mais t’es pas perdant. Ça t’a rien coûté d’aller sur Facebook. Me dis pas que tu veux le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière ? T’as rencontré des gens passionnants, t’as pu balancer tes riches idées, tes sensationnelles photos de ton jardin sous la neige et la photo de ton petit-fils que le monde entier attendait. Tout ça gratos. Tu t’es brossé l’ego. Ben, je vais te dire. En te censurant, Facebook te donne raison. Ton ego était intéressant. Les gros nuls comme moi n’intéressent pas Facebook. En te piquant tes données, Facebook te trouve intéressant. C’est ça que tu voulais, non ?

On en reparlera….