samedi 29 juin 2019

LE SYNDROME DE BRASILIA

Ça m’obsède. Tu as envie d‘aller au Brésil ? Tu hésites : Rio ? Sao Paulo ? Ouro Preto ? Manaus ? T’as que l’embarras du choix. Sauf que ton choix n’est jamais Brasilia. La capitale. C’est le seul cas au monde où tu as envie de visiter un pays, mais pas sa capitale.

Brasilia, conçue par des aménageurs et des urbanistes est un échec majuscule. Une ville où personne n’aime vivre. Pourtant, tout a été pensé, étudié, pesé, structuré. Le hasard n’avait pas sa place.

Justement. Les capitales où se ruent les voyageurs n’ont pas été dessinées, planifiées, aménagées. Elles sont le fruit de centaines de hasards.  C’est comme ça que la vie s’est installée, parce que la vie, c’est le bordel.

Hou là !!! Insupportable ! Feignons d’en être l’organisateur. Trouvons des solutions. Structurons. Evacuons le hasard, cet empêcheur de bétonner en rond.

Et personne n’ose dire que ça ne marche pas. La figure tutélaire de Le Corbusier, commandeur des urbanistes, s’étend sur toutes les planches à dessin. Alors que Le Corbusier et ses séides sont les responsables d’une confusion littéraire car ils font de l’urbanisme métaphorique. Les rues sont des « artères » ce qui conduit à parler de « thrombose » pour un banal embouteillage. Les espaces verts sont des « poumons » et les centres commerciaux deviennent des « cœurs », dessinant à la ville un corps parfait d’où est absent, malgré tout, le trou du cul.

On  trouve bien quelques manques. La mixité sociale, par exemple. Elle revient comme une antienne. Alors on mélange les populations, comme on peut. Le plus souvent en intercalant des étages d’HLM dans des immeubles ordinaires. Manière de renommer ce qu’on a mal nommé : la mixité sociale est la mixité des revenus. Si tu ne me crois pas, relis Cavanna et sa description du Nogent de l’entre-deux guerres quand une colonie de migrants ritals phagocytait les quartier d’une ville de petits-bourgeois. Aujourd’hui, une telle installation serait nommée « communautarisme ». Il y avait une vraie mixité sociale, le maçon était le voisin de son patron, riches et pauvres mélangés. Mais les Ritals ne se mélangeaient pas aux autochtones. Alors, c’est quoi la mixité sociale ? Le mélange des revenus ? Le mélange des ethnies ? Le mélange des religions ? Un peu de chaque, en proportions variées. Mixité sociale veut donc dire homogénéiser et chaque aménageur va privilégier son idée de la chose en essayant, horreur ! de ne pas créer de ghetto alors que la population qui arrive a besoin d‘être accueillie par ceux qui sont déjà là et peuvent être une aide essentielle à l’intégration.

Les villes accueillent désormais plus de citoyens que les campagnes. Or, les villes sont le lieu de l’immobilité, de la sédentarité. Dès qu’il le peut, le nomade se sédentarise. L’erreur majeure est de vouloir faire de la ville le pivot de la mobilité ce qui est à l’opposé de sa vocation première. On ne fait pas un cheval de course avec un percheron. Avec le parpaillot suisse, les aménageurs ont insisté sur le côté téléologique de la ville. La ville ne sert pas à travailler,  dormir, prendre du plaisir. Elle sert d’abord à s’arrêter et doit être organisée en fonction de la halte.


Il faudra bien tout remettre à plat. Tous mobiles, ça ne marche pas.

mercredi 19 juin 2019

BRADER LA FRANCE ÉPARSE

C’est la spécialité de Macron. Pas seulement quelques aéroports ou la Loterie nationale. Non. Il veut nous enlever quelques milliers de kilomètres carrés jugés par lui insignifiants et dont il estime que la majorité l’approuvera. Raison pour laquelle, il vient de rouvrir les négociations avec Madagascar pour restituer les Iles Eparses de l’Océan Indien à l’Ile Rouge.

Déjà « restituer « !! Le terme suppose que les Iles Eparses aient, à un moment ou un autre, dépendu de Madagascar. Ce ne fut jamais le cas. Ce sont des atolls coralliens, inhabités et inhabitables, des confettis de l’Empire. Elles n’ont été prises à personne, il n’y a rien à restituer.

Faisons simple. Il y a les Eparses à l’Est de Madagascar (Tromelin par exemple) et celles à l’Ouest dans le canal du Mozambique (Europe, Juan da Nova et Bassais da India). Regardez une carte. Ce sont autant de porte-avions arrimés dans une zone sensible et sur des voies maritimes stratégiques. Les Iles Eparses permettent à la France de contrôler une partie de l’Océan Indien.

On y aurait suspecté une énorme réserve pétrolière. Relativisons : aucune prospection n’a été menée car c’est un milieu écologiquement fragile. Pour une fois, la prudence justifiée a été de mise. En revanche, nous y menons des recherches sur la biodiversité et nous y entretenons un réseau météorologique important pour le suivi des tempêtes tropicales ce qui  suppose la présence de quelques scientifiques protégés par une poignée de gendarmes. Présence indispensable pour conserver une zone économique exclusive de 600 000 kilomètres carrés (un peu plus que la France). Les Iles Eparses dépendent administrativement des TAAF, comme Kerguelen ou Bouvet.

Naturellement, les quitter est une énorme connerie. Pas à cause du pétrole ou de la richesse halieutique. A cause du vide.

Avec tout le respect que je dois à la République Malgache, je suis bien obligé de constater que, depuis son indépendance, elle n’a pas fait la preuve d‘une capacité de développement exceptionnelle. Les Iles Eparses vont ajouter un fardeau au poids que les Malgaches portent sur leurs épaules. Au mieux Madagascar n’en fera rien. Au pire, Madagascar essaiera de les valoriser.

Dans cette partie du monde, au sens large, la Chine et les USA sont engagés dans un bras de fer pour contrôler les voies entre Asie orientale et Europe/Afrique. Quitter le Canal du Mozmbique, c’est ouvrir une voie à l’un ou l’autre. Les USA sont à l’affut, installés sur cet autre confetti qu’est Diego-Garcia. La Chine, un peu moins car elle développe la ceinture et la route. Dans l’état actuel des choses, quitter les Iles Eparses revient à les offrir à Trump.

Si elles nous coûtent, il était possible de trouver un accord avec les Chinois, accord où nous aurions gardé la main pour l’écologie. Mais nos gouvernants ont les yeux fermés : pour eux, nous sommes au bout de la ceinture et la route. On oublie toujours les confettis. Il vaut mieux les balayer d’un revers de la main.

Je repense aux quelques arpents de neige de Voltaire. Pour Macron, seule compte la surface du pays d‘origine qu’il est, de toutes façons, incapable de gérer. Les confettis sont une gêne pour la « synthèse ». On s’en débarrasse donc, en se donnant les gants de s’abriter derrière une résolution de l’ONU, dont tout le monde se fout, y compris les Malgaches.


Macron fait plaisir à Trump : il lui offre une pierre sur le plateau du weiqi. Les USA n’en feront rien. Plus grave : la France ne pourra plus rien en faire. En donnant les clefs, elle se prive de la serrure. C’est facile de faire des cadeaux quand ils appauvrissent les autres. Méthode Macron. Et les autres, c'est nous.

jeudi 13 juin 2019

ERREUR DE PERSPECTIVE

On ne réfléchit jamais assez. Tiens, la géographie….demande autour de toi.. Tout le monde pense que la géographie est la science du stable. La Terre, sous nos pieds est stable, quasi immuable. Moi même, en plus formé à la cartographie, j’ai ce truc derrière la tête : la Terre ne bouge pas. Enfin, pas trop et dans des échelles de  temps qui ne nous concernent pas.

Dans la réalité, la géographie est une science du mouvement. Tu dois connaître la Terre pour t’y mouvoir, en connaître les voies et les passages. Ce n’est pas un hasard si le développement de la géographie est concomitant du développement des chemins de fer et si l’explosion du tourisme crée l’explosion du marché des cartes. Les géopoliticiens devraient y réfléchir et réintroduire le mouvement dans leur réflexion. Il est vrai que les techniques modernes semblent supprimer les frottements triviaux qui gênent les déplacements. Cependant, ils sont toujours là et on n’a pas fini de voir des bouchons dans le couloir rhodanien : un couloir n’est pas fait pour la vitesse. De même, tout militaire étudie encore la politique des détroits.

On le voit bien avec l’écologie, petite sœur de la géographie qui passe son temps à enregistrer des changements. L’étude du vivant est l’étude des déplacements. Quand le vivant est stable, c’est qu’il est mort.

Ce n’est pas très confortable. Tu t’habitues à un état des lieux et voilà qu’il change. Dans ta tête, il y a la vieille opposition entre Nature et Culture. Dans ta tête, la Nature est fixe et la Culture changeante. Dans ta tête, il y a la Genèse, Dieu qui fait le monde et l’homme qui le change avec l’approbation divine.

Ce que tu ne veux pas voir, c’est que le pouvoir de décision de l’homme, sa Culture, est déterminé par la Nature. Determiné, c’est à dire limité, entravé, immobilisé souvent, magnifié parfois. Avec Lacoste, la géographie s’est libérée du finalisme et on ne peut plus dire que l’art gréco-romain est fils du calcaire.

Ici, en plein Pays basque, la cathédrale est de style champenois. C’est normal. C’est ici qu’on franchit le mieux les Pyrénées, les palombes me l’ont dit. Et donc, l’architecte champenois qui va chercher du boulot en Espagne, il passe ici. Ce qui fait la cathédrale, c’est une voie de passage et un grès de bonne qualité, des éléments bien triviaux.

Et si on inversait le paradigme ? Si on inventait une géographie du mouvement ? Si on perdait quelques mauvaises habitudes, comme l’insularité, cette insularité bien pratique comme explication naturelle à des phénomènes culturels. L’insularité n’isole pas. L’Angleterre, comme le Japon, est traversée d’influences externes, culturelles, artistiques, idéologiques, politiques. Simplement, pour les atteindre, on ne franchit pas un col mais un détroit.

Pour un vieux cartographe, le GPS est un sujet d‘interrogation. La cartographie en est médiocre, la légende insuffisante, mais il bouge. Sa crédibilité réside dans le mouvement, attitude magique qui renvoie à un deus ex machina lequel me positionne bougeant.

La géographie est mouvement.


lundi 10 juin 2019

LA TURQUIE, LA DIGNITE ET LE SENS DE L’ETAT

40 000 Turcs sifflent la Marseillaise.. Ça a du sens. C’est notre hymne, un pan de notre Histoire. Siffler la Marseillaise, c’est siffler la France.

Le Président  dzveait être la France. Siffler la Marseillaise, quelque part, c’est siffler Macron.. On peut imaginer que Manu n’aime pas qu’on le siffle. Comment va t’il réagir ?

Jugeant qu’il s’agit seulement d‘une histoire de foot, il charge le Prssident de la Fédération de protester auprès des autorités footbalistiques turques. Comme si c’était une histoire de maillot ou de taille de vestiaires. C’est l’enterrement de première classe d’une injure nationale.

Alors moi, je pense à Louis de Guiringaud. Tout le monde l’a oublié. A la fin des années 1970, il est le Ministre des Affaires Etrangères de Raymond Barre. Il arrive en Tanzanie pour une visite officielle. Le jour de son arrivée le gouvernement laisse se déployer une énorme manifestation contre la France. Alors Guiringaud annule la visite et reprend l’avion. Si tu veux jouer au con, je peux être aussi con que toi. Principe diplomatique.

Un gouvernement a en charge l’ordre public dans les lieux publics. C’est Erdogan qui porte la responsabilité des sifflets, pas la chef du football turc. La police pouvait arrêter le match et évacuer le public. Le gouvernement turc n’est pas connu pour son excessive mansuétude.

Si Manu avait tant soit peu le sens de l’Etat et de la grandeur de son pays, il rappellerait l’ambassadeur à Ankara et réduirait l’activité de l’ambassade au minimum. Dans le même temps, il pourrait demander à l’Europe une mise en sommeil des discussions avec la Turquie sur l’intégration européenne. Quand les Turcs sifflent un pays fondateur de l’Europe, ils expriment leur souhait de ne pas être européen. Et il exigerait d‘Erdogan des excuses publiques et télévisées. Il aurait une attitude en rapport avec l’humiliation subie.

On me dit : ouais, bon, on va pas mettre en péril notre commerce avec la Turquie pour quelques hooligans qui déconnent. Dire ça, c’est admettre que notre dignité est à l’encan, c’est admettre que les factures pèsent plus que la Nation. C’est admettre que la politique étrangère de la France dépend du MEDEF.


Un pays n’est pas grand parce que son commerce est grand. Un pays est grand quand il est craint : qu’il me craignent s’il ne m’aiment pas reste un bon principe diplomatique. La Turquie nous humilie, faisons payer l’humiliation.. Testons nos amis. L’Allemagne a des rapports privilégiés avec la Turquie ? Ha bon ? L’Allemagne doit choisir son camp.. Sans ça, à quoi ça sert l’Europe ?

dimanche 2 juin 2019

LE CONSEILLER DES CONSEILLERS

Il paraît que notre Président, comme ses prédécesseurs, vit au milieu de ses conseillers. Il y a des conseillers pour tout. Sur les sujets que je connais un peu, je doute. Je doute du savoir et surtout de l’expérience, je doute de la compétence. Or donc, il s’agit de notre avenir. Si le conseiller analyse mal, le Président interviendra mal. In fine, c’est nous qui souffrirons.

Je pose donc la question essentielle : qui choisit les conseillers ? Par définition, ce ne peut être le Président. Sur quels critères choisir celui qui définira les critères ? Si je ne connais pas un sujet, ai je les clefs pour définir celui qui l’éclairera ?

Il me paraitrait donc indispensable que le Président nomme un Conseiller aux conseillers, un individu dont le boulot serait de choisir, indépendamment, ceux qui vont aider le Président, indépendants des lobbys, des groupes de pression, inaccessibles aux medias, ceux qui vont se faire engueuler et qui sauront tenir, droits et fermes.

Ils existent. Ils ont toujours existé. Surtout dans le monde universitaire dont le Président est si éloigné. C’est ce qui me bluffe. Notre personnel politique n’a aucune connivence avec l’Université. L’Etat forme des centaines de gens qui restent inemployés. Inutiles. Nous avons les meilleurs universitaires du monde et nous n’en faisons rien.

La plupart de ceux qui travaillent pour l’Etat n’ont pas été formés par lui. L’enseignement privé, non public, triomphe. Les « grandes écoles » sont des  coquilles universitairement vides. HEC ? Privé. Sciences Po ? Privé. Ce sont des sortes de collèges Saint Joseph post bac où on apprend des recettes et non de la réflexion. Après quoi, la carrière est assurée par le réseau des « anciens ».

Autour du Vieux Général, c’était le contraire. Normale Sup, le Muséum, formaient l’essentiel des décideurs. Avec Polytechnique, mais pas trop. Le général était saint-cyrien, ce n’est pas la même chose.

Un conseiller des conseillers devrait savoir ces choses. Dire au Président : « Votre conseiller à la Défense sait tout de l’armée et rien de la guerre. Virez le »

OK… Je rêve. Un Président bien conseillé est un Président entouré de gens qui ne pensent pas comme lui. Sinon, on appelle ça une cour.


En ce moment, c’est une basse cour.