mardi 21 décembre 2010

QUELS DROITS DE L'HOMME ?

La visite de Hu Jintao a suscité de beaux commentaires. Ce qu’il en ressort, c’est que tous les cinq ans, on croit élire un Président alors qu’on élit un VRP. Fallait voir comment il était content de signer tous ces contrats, notre hyper-Président. Avec un commentaire de Louis Gallois sur lequel on reviendra : « La Chine est devenue le laboratoire du monde ». Juste. Sauf qu’on nous affirmait que ce n’était que l’atelier du monde. Là, c’est admis. Le cerveau s’ajoute aux muscles. Je vous l’avais déjà dit.

Les défenseurs des droits de l’Homme, ils font un peu la gueule. En plus, souvent, ils sont écolos. On leur fout dans les dents qu’une centrale nucléaire, ça compte plus que les droits de l’Homme. Amère potion.

C’est leur faute, après tout. Je les ai fréquentés un temps, et puis je suis parti parce que je ne supporte pas les confusions mentales. Les droits de l’Homme, ce n’est pas les droits de l’Individu. Ou mieux, en bon français : les droits de l’Homme, ce n’est pas les droits d’Un homme. Regardez les capitales : elles ne sont pas innocentes. Relisez la phrase, elle est grammaticalement claire. L’Homme, ce n’est pas l’homme.

A moins d’y mettre du religieux et du littéraire (relire Koestler) et d’affirmer que toute l’Humanité se retrouve dans un seul de ses membres. Que faire du bien à un homme, c’est faire du bien à toute l’Humanité. Ou faire du mal, c’est pareil. C’est de la littérature parce que c’est une confusion. Vous ne comprenez pas ? Faites comme moi : gardez Homme pour évoquer l’Humanité et mettez Individu pour un homme particulier. Vous verrez, c’est plus clair. Mais nous, on est perturbés par l’histoire de Jésus, le fils de l’Homme. Le mec sur la croix qui est tous les hommes à lui tout seul. Ça fait vingt siècles qu’on confusionne sur le sujet.

La preuve que les défenseurs des droits de l’Homme, ils se plantent, c’est quand ils ont choisi de parler de droits humains. Paraît que les femmes, c’est pas des hommes. Au niveau individuel, c’est évident. Au niveau conceptuel, c’est totalement faux. L’Homme (avec une majuscule) n’a pas de sexe, pas d’âge, pas de religion, pas de couleur. Ce n’est pas un individu, c’est une généralité, un concept, une abstraction.

Les droits d’un homme s’arrêtent où commencent les droits d’un autre homme. C’est à ça que servent les droits de l’Homme. A déterminer une plateforme commune à tous. Dans l’esprit des créateurs, c’étaient les droits de tous les hommes, femmes incluses. Le problème, c’est que tous ces hommes, ils vivent dans des sociétés et que ces sociétés, c’est pas les mêmes.

Pour faire clair, les droits d’un individu sont définis par la société dans laquelle il vit, qu’il s’agisse d’une nation ou d’une tribu. Une société, un appareil législatif ou rituel, des habitudes partagées, le plus grand commun dénominateur d’un groupe, quelle que soit sa taille. Les Droits de l’Homme, c’est autre chose : un but vers lequel doivent tendre les lois de toutes les sociétés. Ça ne remplace pas, ça indique un chemin. Et, toujours pour être clair, quand on défend UN homme, on ne défend pas l’Homme. Sauf à se prendre pour Dieu.

Faut être sérieux. Ça commence avec l’article 1. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. C’est toujours pas vrai. Et surtout pas en Europe. Dans l’Europe des 27, il y a neuf dynasties régnantes. Neuf pays où quand un ventre couronné expulse un lardon, il est sûr qu’il sera chef. Ou si pas lui, son lardon à lui. Il peut faire ce qu’il veut comme Charlie-Dumbo d’Angleterre et même se mettre la culotte de sa maîtresse sur la tête. Il est pas « égal en droits » avec les autres Anglais, ses « sujets ». Mais ses sujets, ils acceptent la situation. Je suis pas sujet de Charlie, j’ai rien à dire. Sauf que je veux pas m’allier avec lui, par rapport aux Droits de l’Homme, ce serait une régression.

J’entends déjà les commentaires : c’est pas si grave, c’est pas essentiel. L’Angleterre (ou la Norvège ou la Suède ou le Luxembourg), c’est des démocraties. Non. C’est des monarchies. Et les monarchies, c’est pas démocratique. Pas du tout. C’est pas démocratique par définition. Tu peux le tourner dans tous les sens et trouver toutes les palinodies que tu peux. Et le fait que les Anglais (ou les Norvégiens ou les Suédois) acceptent n’est pas un argument.

C’est que les Droits de l’Homme, c’est des principes. Pas des règles ou des lois qu’on peut adapter ou transgresser un peu. Un principe, par définition, c’est intangible. Tu peux pas dire que c’est pas si grave. Le principe, tu l’écornes un poil, c’est plus un principe. Les mots ont un sens.

A partir du moment où tu vas ruser avec les principes, tout le monde va ruser et le principe disparaît. Ça va loin. Tiens, prends l’article 18 de la Déclaration Universelle, celle de 1948 :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. »

Passons sur le glissement : pensée, conscience, religion. Admettons que la religion puisse être un mode de pensée (entre nous, ça se saurait). Mais le principe, c’est que tu peux la manifester comme tu veux, tant en public qu’en privé. Par rapport à la Déclaration de 1789, y’a comme une variante : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ». A l’origine, la manifestation publique de sa religion est tolérée sous condition. Dans le texte de l’ONU, la nuance disparaît : tu peux exprimer ta religion en public. Même si tu fous la merde ? Même.

C’est que la Déclaration de 1948, elle est un peu inspirée par les Anglo-Saxons qui, eux, trouvent normal de manifester sa religion dans le domaine public (voir ci-dessous La biroute de Henri VIII). C’est vrai ça, si tu prends l’article de 1792, t’as plus le droit de faire des shows religieux dans les stades. Le pasteur de l’Alabama, il aime pas.

La Déclaration de 1948, elle est bourrée de contradictions. Dans l’article 2, on te dit que « il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ». En clair, la loi de ton pays, t’en a rien à battre si tu juges qu’elle contrevient. Après quoi (article 7), on affirme que « tous sont égaux devant la loi ». Ben non. Tu peux pas être égal devant une loi que certains refusent. Porte ouverte à toutes les dérives.

Il faudra un jour que l’un des survivants de cette rédaction brouillonne, Stéphane Hessel, si sympathique sur les plateaux de télé, il nous explique pourquoi ils ont voulu modifier la Déclaration de 1792, si juste et si simple. Si laïque surtout. La Déclaration de 1948, elle est vachement orientée politiquement : « Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété ». A priori, ça veut dire que la propriété collective est admise au même niveau que la propriété individuelle. C’est suivi d’un complément « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ». Ce qui interdit, de facto, le transfert de la propriété individuelle à la propriété collective. Parce que si tu dis à un mec : « Ta propriété, elle devient collective », tu le prives. Ou tu le prives pas puisqu’il est toujours propriétaire, collectivement. La différence, c’est qu’il peut plus vendre. Et donc, il est privé. Pour les rédacteurs de la Déclaration de 1948, la seule propriété collective possible, c’est la société anonyme. Si c’est pas politique, ça….

En fait, on a cherché un truc acceptable par tous. « Propriété collective », c’était pour l’URSS, la religion dans la rue pour l’Arabie saoudite. Pour plaire à tous, on a écrit un texte où on trouve à boire et à manger. Les rédacteurs de 1792, ils s’en foutaient de plaire à tous. Ils savaient que la quasi-totalité des dirigeants du monde rejetteraient leur texte. Ils s’en foutaient parce qu’ils écrivaient pour les peuples, pas pour les dirigeants et que ce n’est pas tout à fait la même chose. Cassin et Hessel, ils ont fait un texte acceptable par des ambassadeurs.

On en reparlera….

vendredi 17 décembre 2010

LA BANLIEUE ET LE LUXE

Jeudi dernier, contre tous les avis officiels, j’ai pris la voiture. Je savais que ce ne serait pas la Bérézina claironnée par les médias.

Pierre Gentelle m’avait fait me livrer à un exercice que je conseille. Comparer les températures annoncées par la météo et les températures réelles. La température de Paris est relevée, m’avait-il appris, au centre du Parc Montsouris. C’est un bon endroit pour avoir une température médiane pour l’Ile-de-France. Entre ce que m’annonce la télé et ma rue du 9ème arrondissement, le différentiel est, en moyenne, de trois degrés. Quand la jolie Tania Young m’annonce 0, je sais que c’est 3.

Et donc, je savais que Paris serait déneigé et pas du tout verglacé. Je savais aussi que la situation serait catastrophique vers l’Est (what else ?) et que les autorités ne gèreraient pas la situation vu qu’elles ne gèrent pas les situations rares. En libéralisme bien compris, on n’investit pas dans des saleuses qui servent trois jours par an, et encore, pas tous les ans.

Et donc, ce matin, conduire dans Paris fut un plaisir. Rues dégagées, grands axes vides de voitures. Ce qui eut le mérite de me faire comprendre de visu ce que d’autres Parisiens ont pu comprendre comme moi : Paris n’est invivable que parce que, tous les matins, les banlieusards l’envahissent. Quand ils restent bloqués chez eux, c’est le bonheur.

De ce fait, on a tort de râler contre le plan de circulation de Delanoé. Il est fait pour les Parisiens, ses électeurs. Mais pour être complet, il devrait faire comme à Londres : instaurer un péage pour les banlieusards. Après tout, on nous serine assez que l’Angleterre est un modèle. Allons jusqu’au bout !

Parce que la banlieue, c’est pas que le problème de Paris. Toutes les villes ont des banlieues. Banlieusard, c’est génial. Tu te loges pour moins cher, tu as à ta portée toutes les commodités de la vie quotidienne et pour tout le reste, tu as la ville. Les théâtres de la ville, les salles de concert de la ville, les employeurs de la ville. Faut pas croire : le Zénith que Paris se paye, il fait le bonheur de Neuilly-sur-Marne. En province, c’est encore plus flagrant. Tu habites Bassussarry, tu ne payes quasiment pas d’impôts mais tu es à dix minutes du centre de Bayonne, des clubs sportifs financés par les Bayonnais, tout comme les équipements culturels et les évènements festifs, toutes choses dont tu profites sans que ça te coûte un rond. Le beurre et l’argent du beurre. Le jardin et le boulot.

C’est juste une question d’analyse du territoire. C’est quoi la banlieue ? Une limite administrative ? Pas exactement. On peut définir où elle commence, pas vraiment où elle finit. Une densité urbaine ? Qui fixe la limite entre fin de banlieue et début de campagne ? La banlieue, ça fait partie de ces trucs complexes qui appellent le « tu vois bien ce que je veux dire ». Les machins à définition négative : la banlieue, c’est pas le centre ville. Tu comprends ce que c’est pas, mais tu comprends toujours pas ce que c’est. Le domaine de la logique floue, comme dirait Douglas. La ville, on sait. La campagne, aussi. Entre les deux, on sait pas et on se satisfait de pas savoir. Ce qui ouvre la porte à toutes les dérives, à tous les poncifs. On découpe comme ça nous arrange : mon copain qui vit au Kremlin-Bicêtre, il te dit que c’est quasiment Paris. Mais celui qui habite Créteil, aussi. Déjà, y’a le métro. Métropolitain, ça veut dire que ça fait partie de la métropole, non ?

Et puis, ça triche. Quand t’es Cristolien en vacances à Biarritz, tu t’affirmes comme Parisien et, vu de Biarritz, ça peut paraître vrai. Surtout si tu travailles à Paris, c’est à dire que tu y passes autant de temps que dans ta banlieue. Dans ce cas, la banlieue est une pratique.

Le banlieusard, il a très vite l’argument économique. Si je vis en banlieue, c’est parce que j’ai pas les moyens de vivre à Paris. C’est le coup de la loi de Ricardo, les prix décroissent quand on s’éloigne du centre. Sauf que c’est faux. La vraie phrase serait : j’ai pas les moyens de vivre comme je veux vivre. Parce que le banlieusard, il pourrait vivre à Paris. Il lui suffit de diviser la superficie de son appartement par deux. Tu lui dis ça, il hurle… Forcément, il veut le beurre et l’argent du beurre, le prix ET la surface. Ben non. Le beurre et l’argent du beurre, ça ne marche jamais. Sauf dans le monde de Séguéla et des séries télévisées. Faut faire des choix, souvent cruels. Se dire que si on choisit les mètres carrés, on choisit aussi les heures de transport et les embouteillages aux portes de Paris. C’est pas une fatalité, c’est simplement les conséquences d’une décision, de l’acte d’un humain responsable qui a su peser le pour et le contre. Tu choisis la maison moderne dans une plaine ventée, tu sais que ton budget chauffage sera beaucoup plus élevé que dans un immeuble ancien de centre ville. Si tu le découvres après, c’est que t’as pas réfléchi assez. Surtout que, vu les prix, en centre ville, t’as deux fois moins de surface à chauffer. Mais râle pas : tu as décidé librement que le jardin était une raison suffisante à ton éloignement et tu lui as sacrifié ton budget chauffage. Faut savoir ce qu’on veut.

Moi qui vis dans un petit appartement de centre ville, par choix, je n’ai aucune raison objective de payer pour ton jardin. Je n’ai aucune raison de payer pour les places de parking dont tu as besoin pour venir bosser, aucune raison de payer pour allonger les lignes de métro dont tu as besoin pour prendre l’apéro au soleil. Solidarité ? Parce qu’on vit dans la même métropole dont personne ne sait ce qu’elle est ?

En fait, j’ai vécu les deux. La maison de banlieue avec jardin et le petit deux-pièces de centre ville. J’ai fait mon choix. L’espace est un luxe et je n’ai pas les moyens de ce luxe. Toi, mon copain banlieusard, tu juges que tu peux t’offrir ce luxe. Tu as donc les moyens de t’acquitter d’un péage. Logique, non ?

On en reparlera…..

mardi 14 décembre 2010

LE MONDE DES EPONGES

J’avais un copain, un jour, il me dit, tout fiérot : « Moi, les infos, je les absorbe comme une éponge ». J’étais affligé. C’est vrai qu’il avait tout pour accéder aux infos, l’informatique puissante et le téléphone intelligent. Plus la presse. Tous les jours, tous les journaux. Glouton, le mec. Et pas un cancre. Manager reconnu, un carnet d’adresses épais comme le Coran. Un mec qui compte, dans tous les sens du terme.

Comme une éponge. J’aurais eu honte de le dire. Une éponge, c’est un animal assez rustique, et mort de surcroît, qui absorbe tout. C’est même pour ça qu’on la pêche ou qu’on l’imite depuis des siècles. L’eau, le café, la pisse du petit, un coup d’éponge et c’est sec. C’est passé dans l’éponge.

Le problème, c’est que lorsqu’on presse l’éponge, ça ressort pareil. La pisse du petit est pas devenue du vieux Sauternes. Valeur ajoutée, zéro. En fait, mon copain, il trichait un peu : c’est pas des infos qu’il absorbait, c’est des idées toutes faites. Et il les ressortait à l’identique. Comme une éponge.

Il est pas le seul, bien entendu. Ça rentre par une oreille, ça ressort par la bouche. A l’identique. Il se rend même pas compte que c’est pas lui qui parle. Une info, une idée, tu l’absorbes, tu la digères, tu la mets en relation avec d’autres infos ou d’autres idées, tu tisses ta toile, c’est une vraie manducation de l’esprit. Bon, ça suppose que tu sois équipé pour ça. Pas qu’en neurones. En lectures, en modes de pensée, en modes d’apprentissage. Ça suppose aussi que tu peux pas, humainement, faire ça sur trop d’infos. Il faut du temps pour sucer une info et bosser dessus. Et ça, ça le gave. Il me l’a dit un jour que je lui conseillais un livre : « Non, c’est trop prise de tête ». Justement. Un livre, c’est fait pour te prendre la tête, t’obliger à réfléchir, à trier, à rejeter, à comparer, à douter. Surtout à douter. Mais quand t’es dans l’action, le doute t’en veux pas. Tu veux qu’on te cause simple et utilisable. C’est vrai, où irait-on sans certitudes ?

Et puis les infos, ça dépend qui te les file. Le jour où Alain Minc, conseiller des plus grands financiers français, a pris le pouvoir au Monde, j’ai cessé de lire Le Monde. Pas la peine de me dire « indépendance éditoriale » ou « journalistes libres », c’est pas vrai. Tout simplement parce que ça ne peut pas être totalement et globalement vrai. Y’aura toujours un filtre, plus ou moins fin, plus ou moins actif, mais il sera là. Mon copain, il est persuadé que certain magazine est le meilleur dans sa spécialité. C’est parce qu’il est copain avec le rédacteur en chef. S’il s’était un poil renseigné, il saurait que c’est pas vrai. Même qu’il y a une échelle pour ça : l’Université, elle note les périodiques, elle leur affecte un coefficient. Ça se comprend. Les chercheurs, ils publient et, à la fin de l’année, ils font la liste de leurs publications de l’année. Donc, on prend le nombre de pages et on multiplie par le coefficient pour savoir comment le mec est apprécié dans son domaine. Parce que quatre pages dans Nature, par exemple, journal scientifique qui reçoit du monde entier des centaines de contributions par mois, ça pèse nettement plus que douze pages dans le Bulletin de la Société Philomatique de Louviers.

Si donc, au lieu d’écouter le rédacteur en chef tout gonflé de sa superbe, il avait demandé le coefficient du magazine au Ministère des Universités, il aurait vu que ce qu’il considérait comme un périodique de haut niveau est tout juste capable d’orner la salle d’attente d’un gastro-entérologue des quartiers chics. Mais, méééh, y’a de grands noms. Certes. Des retraités, le plus souvent. Parce que les retraités, on les note plus et que le périodique en question paye plutôt pas mal. Le jeune chercheur, celui qui est à la pointe de sa discipline, celui qui fait avancer le savoir, il cherche les revues de qualité parce que ça fait avancer sa carrière. L’article ne sera pas payé sur le moment mais une carrière qui avance, c’est des augmentations année après année. Au final, c’est mieux.

C’est vrai que le périodique chic, tu comprends tout et vite. C’est pas « prise de tête ». Et puis, ça rassure. Vu que c’est simple, y’a forcément plus de lecteurs. Mon copain, ça le rassure de savoir que 50 000 personnes lisent comme lui. Une revue vraiment spécialisée avec 1000 lecteurs, ça compte moins à ses yeux. Il a un mot pour ça, et il n’est pas le seul : « pointu ». « Pointu », ça veut dire que c’est pas évident à lire. Quand t’es libraire, c’est un mot que tu entends souvent : « Hou, c’est pointu ». Le mec qui te dit ça, il se rend absolument pas compte qu’il est en train d’afficher ses lacunes. « C’est pointu », ça veut juste dire qu’on n’est pas au niveau. C’est pas une honte. On ne peut pas tout savoir. Mais quand on prétend s’intéresser vraiment à un sujet, c’est pathétique. On met simplement en lumière un gouffre d’insuffisances (et un Himalaya de suffisance). Ben non, mec, tu t’intéresses pas au sujet. Tu cherches à peine à collecter quelques idées pour ton prochain dîner en ville. T’as pas besoin de savoir. Il te suffit de savoir un poil de plus que les autres qui, eux, ne savent rien.

Mon copain, il est pas seul. On vit dans un monde d’éponges. Des éponges qui se gonflent des discours ambiants et les recrachent à l’identique. Des fois, ça donne même des notions pseudo-scientifiques. Le « consensus » des analystes financiers. C’est quand tout le monde pense la même chose et se plante régulièrement. « La croissance a atteint 0,2% alors que le consensus était à 0,5 ». Traduction : l’ensemble des analystes autoproclamés s’est trompé parce que chacun a eu peur de dire le contraire des copains. Ou a eu la flemme de travailler vraiment le sujet.

Y’a plein de gens comme mon copain. Des gens qui pensent qu’on peut tout savoir sur tout. Avec Google et Wikipédia. Ben non, ça suffit pas.

On en reparlera….

jeudi 9 décembre 2010

DOMINIQUE ET CYRANO

Bon, c’est sur lui que ça tombe. DSK, comme on dit à la télé. Il paraît que ce mec aspire à être Président de la République. Au moins, on est sûrs que rien ne va changer. On voit à l’œuvre le même mental que tous les autres. Préservation, précaution et calculs sordides.

Candidat ? Peut-être. Ça dépend des sondages, ça dépend de ses chances. Il n’ira qu’à coup sûr, voilà ce que ça veut dire. Pas envie de quitter le FMI, son salaire et les pouvoirs qui vont avec pour se retrouver le bec dans l’eau. Mon beauf me dit : « Mets-toi à sa place ». Ben non. J’ai pas envie. Pas envie de sortir le trébuchet pour peser si oui ou si pas oui.

J’aurais tant aimé un peu plus de panache. Le mec qui dit : « J’y vais, je renonce à tout, je vous fais le sacrifice de ma vie confortable, je vous offre mes assurances, ma tranquillité, j’y vais et vous allez me suivre ». Un langage de chef de guerre, pas des calculs de boutiquier. Cyrano à la tête de la France.

Mais voilà. Cyrano n’a plus la côte. Cyrano n’est pas raisonnable. Cyrano dépense en un soir sa pension mensuelle. Remarquez, c’est aussi ce que fait le gouvernement. Sauf que Cyrano le fait avec panache. « Pension paternelle, en un soir tu vécus ». Le gouvernement le fait à bas bruit, honteusement, en jurant qu’il ne le fait pas. Cyrano ne met pas ses sentiments en scène, il est pudique. Et la pudeur, avec sa sœur la dignité, a disparu du paysage de nos sentiments. Il suffit de parcourir Facebook.

J’imagine Strauss-Kahn, à Washington, avec ses conseillers politiques, analysant les sondages qui le donnent gagnant. Oui, mais on est à dix-huit mois, la tendance peut se retourner, on a déjà vu ça. Si la tendance se retourne, faut pas y aller. Attendons encore un peu. Pendant ce temps, la guerre économique fait rage. DSK y participe, côté adversaires. Parce que faut pas se raconter d’histoires, la guerre économique, elle est d’abord anti-nationale. C’est pas les nations les unes contre les autres. C’est les tenants du non-nation contre les nations. Comment il va faire pour nous protéger, ce qui est le rôle d’un Chef d’Etat ? Il va changer de discours en un moment, comme les lippizans changent de pied ? Cyrano est fidèle, mais Strauss-Kahn n’est pas Cyrano.

J’ai rien contre lui, remarquez. Les autres sont pareils. Ça calcule, ça se plonge dans les statistiques, ça bidouille, ça refuse les risques tout en parlant de stratégie, de guerre économique, tout un langage de militaire dans la bouche de notables portés sur le compromis. On évoque Koufra en rejouant Munich. Ecoutez ce que je dis, ne regardez pas ce que je fais.

Les commentateurs s’obsèdent sur l’Allemagne. L’Allemagne de Merkel, pas celle de Frédéric de Prusse qui avait fait découper sa table pour y loger sa panse. L’Allemagne des foires commerciales policées pas l’Allemagne de l’Oktoberfest. Peut être un jour découvrirons nous que l’Europe n’a jamais été aussi grande que quand elle vivait pour jouir. Jouir vraiment, pas profiter, le mot a les deux sens.

Nos chefs calculent comme des boutiquiers. Ils nous proposent des projets gris pour un avenir glauque. Des accents gris sur l’E du verbe gérer. On célèbre la mort de De Gaulle quand on devrait fêter le 18 juin. Le soleil d’Austerlitz n’illumine plus la guerre économique. On s’emmerde dans une guerre économique qui s’apparente plus aux tranchées de Verdun qu’aux chevauchées de Murat.

Quand on est en guerre, on ne choisit pas un chef hésitant qui, de surcroît, accepte les arguments de l’ennemi. Cyrano montait à l’assaut « à jeun ».

A jeun ! DSK fera comme les autres. Un régime….

On en reparlera….

jeudi 2 décembre 2010

LA BIROUTE D'HENRI VIII

C’est un sujet que j’ai déjà traité ailleurs. Les plus gros problèmes de notre époque naissent dans les érections du roi Henri VIII d’Angleterre. C’est une vraie boussole géopolitique que la biroute d’Henri VIII.

Un roi que j’aime bien, par ailleurs. Ses portraits par Holbein montrent un bon vivant, sensuel et malicieux. Après quelques années de mariage avec une Aragonaise royalement épousée, il en a marre. Il veut aller tremper le biscuit ailleurs. Mais Henri, quand il baise, il épouse. Et donc, il demande au Pape de dissoudre son premier mariage. Le Pape n’est pas d’accord. Le mariage, c’est un sacrement. Alors, Henri, il se proclame chef de l’Eglise d’Angleterre. Pour le dire en langage moderne, il fait un doigt d’honneur au Pape. Il répudie l’Aragonaise Catherine et il épouse Anne Boleyn. Après, le pli est pris. Il recommencera avec les suivantes.

Les historiens bien-pensants disent qu’il changeait de femme pour avoir un héritier mâle. Tu parles ! Sa troisième femme lui donne un fils. Il aura quand même trois autres femmes par la suite, démontrant que la raison n’était que prétexte.

En se proclamant Chef de l’Eglise anglicane, Henri fait un truc insensé : il réunit dans la même main le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Chef d’Etat et Chef d’Eglise en même temps. Et ça dure depuis près de cinq siècles. La Reine d’Angleterre, elle est toujours Chef de l’Eglise anglicane. Et pour un Anglais moyen, c’est tout à fait normal. La religion siège au gouvernement. La pensée politique anglo-saxonne y voit une norme. Le Président américain jure sur la Bible : sympa pour les Américains musulmans ou bouddhistes renvoyés ainsi à leur nullité religieuse.

Et donc, quand les Anglais font de la politique, la religion est toujours là. Quand ils décolonisent l’Inde, y’a des troubles religieux ? Pas grave. Ils créent deux pays dont le fondement est la religion. Un musulman, un hindouiste. Pakistan et Inde. Ils sont dans leur norme. Quand Balfour plaide pour la création d’un Etat juif, il est dans sa norme politique : un Etat caractérisé par sa religion. Comme l’Angleterre d’Henri VIII.

Quand ils arrangent les affaires du Moyen-Orient, ils découpent en fonction de problèmes religieux : les chiites en Irak, les wahhabites en Arabie. Et la norme anglo-saxonne ne dérange personne. Les dirigeants politiques actuels sont formés aux meilleures écoles anglaises ou américaines. Joindre le sabre et le goupillon ne leur pose aucun problème de conscience. Même nous, les enfants de Robespierre, on s’y est mis. On admet que la religion est un fait social, et donc politique. Bien entendu, on évoque régulièrement avec componction la laïcité, mais c’est juste pour faire bien dans le discours républicain. Du bruit qu’on fait avec la bouche, rien de plus. La laïcité militante, façon Jules Ferry, c’est ringard, qu’on se le dise.

Accepter ne fut-ce qu’une miette de cléricalisme dans la pensée politique, c’est ouvrir la porte à toutes les dérives. Si tu jures sur la Bible et si tu es cohérent, tu es obligé d’accepter que l’Iran soit une république islamique. Et, toujours si tu es cohérent, tu acceptes l’idée que la charia est la Loi. In fine, toujours avec cohérence, la lapidation devient normale.

Houla ! Polop ! on peut imaginer ou rationaliser ou discourir sur un Islam doux et attentif et tolérant. Ben non, mon gars, on peut pas. Qu’il s’agisse de l’Islam ou de toute autre religion. Le religieux, par nature, il est prosélyte. Il a trouvé ce qui est bon pour lui et donc, il juge que c’est bon pour les autres. Dans le meilleur des cas, il va vouloir te convaincre et te faire chier avec des arguments à la mords-moi-le-nœud et de grands sourires comme ces petits mecs en chemise blanche qui sonnent chez toi pour te faire découvrir la Bible. Dans le pire des cas, il va te passer par les armes en disant « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Le religieux, il veut que tu sois comme lui. Que tu mettes pas de capote ou que tu voiles ta femme. C’est pareil. C’est juste un moyen de t’imposer quelque chose que tu ne veux pas parce que tu juges que c’est pas bon pour toi. Ou pour ta femme. Juste un moyen de te priver d’une partie de ta liberté.

Seulement voilà. Depuis la biroute d’Henri VIII, on mélange tout. On perd toute cohérence. On rejette la lapidation mais on trouve normal de ne pas servir de porc dans les écoles de la République. On ergote, on transige, on minaude. On dit que c’est pas tout à fait pareil, qu’il faut respecter les croyances, on fait une soupe d’arguments comme une soupe de légumes. Un peu de poireaux en moins, un peu de tolérance en plus.

Ben, non. Une religion, c’est monolithique. Ça peut évoluer : quand j’étais petit, si tu faisais gras le vendredi, t’allais en enfer. Mais l’évolution, c’est pas toi qui la fixes. C’est des mecs qui font bien attention que le bout que tu changes ne modifie pas la structure de l’ensemble.

La religion, c’est monolithique, mais c’est pas cohérent. Normal, vu que c’est pas rationnel. Et donc, on ne peut pas parler. On a eu un bel exemple dans le catholicisme avec ce brave Pie IX. Lui, il s’est trouvé face à Darwin et Marx en même temps. Faut voir tout ce qu’il a pas inventé pour les empêcher de nuire à l’Eglise. De la résurgence du culte marial à l’invention du concept (négatif) de scientisme. Le scientisme, c’est de la science qui respecte pas l’Eglise. Tu changes les mots, ça aide pas à l’échange rationnel.

Et voilà comment les fils laïques de Robespierre acceptent de faire une union politique avec les anglicans issus des érections d’Henri VIII. Et ça choque personne ! On nous file un projet de Constitution européenne signé par un chef religieux (la Reine d’Angleterre) et on trouve ça normal ! Après, on gueule contre les Polonais qui veulent une référence religieuse à la chrétienté. Mais si tu as comme signataire un chef religieux chrétien, la demande polonaise est parfaitement cohérente. On peut inclure le Vatican dans l’Union Européenne puisqu’il est l’équivalent de la Reine d’Angleterre. Au moins depuis Henri VIII.

On en reparlera…

mercredi 1 décembre 2010

CE BRAVE RENE

J’ai de la tendresse pour ce brave René. Descartes. C’est quand même l’inventeur de l’informatique : « Diviser chacune des difficultés que j’examinerai en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre ». C’est simple : tu prends un gros problème et tu le découpes jusqu’à arriver à la question à laquelle on ne peut répondre que par 0 ou 1. D’accord : c’est une grosse découpe. Longue. Difficile. Mais c’est bel et bien la base de l’informatique.

Le bécasseau de base, il dit : « tout n’est pas noir ou blanc, le gris existe ». L’informaticien, il reprend la vieille technique des photograveurs et il te dit : « Au bout du bout, un pixel c’est noir ou blanc. Après, si tu les mélanges, t’obtiens du gris. Tous les gris. Ça dépend juste du pourcentage des pixels noirs et blancs ». Au fond, ça revient au même que Delacroix mélangeant du noir et du blanc pour avoir du gris.

Et les couleurs ? Pareil. Houah, l’autre, il sait bien qu’une image informatique, c’est trois couleurs mini : RVB pour Rouge Vert Bleu. Ben, c’est pareil, grâce à Boole. Le pixel, on l’analyse avec des SI et des SI NON. Si pas Rouge, alors Vert ou Bleu. Et si pas Vert, alors Bleu. Au bout de l’analyse, on retrouve 0 et 1. Les couleurs, c’est 0.0, 0.1 et 1.1. Toutes les couleurs. Même celles que tu peux pas percevoir.

D’accord, c’est compliqué. Ça passe par des algorithmes monstrueux avec des centaines de milliers de lignes.

D’accord, c’est agaçant. Ça laisse pas bézef de place au libre arbitre ou au hasard. L’argument final, c’est que c’est inhumain. Ou froid. En fait, ça veut surtout dire que ça laisse pas beaucoup de place au délire.

Tiens, mon addictologue préféré. Il m’a raconté des trucs. Le matin, quand je me réveille, mes neurones, ils se tendent vers les neuro-récepteurs qui leur font face. Horreur ! Les neuro-récepteurs sont vides. La norme, pour mes neurones, c’est d’y trouver une molécule de nicotine. Alors, ils s’énervent, ils envoient des ordres dans tous les sens, je tremble, je fouille mes poches, j’engueule ma femme. Jusqu’à ce que j’envoie enfin un peu de nicotine sur mes neuro-récepteurs. Tout ça, les tremblements, la hargne, l’angoisse, ça vient juste d’une porte fermée alors qu’elle doit être ouverte. Ou le contraire. C’est bêtement binaire. Et tout mon comportement, c’est des milliards de choix binaires vu que mes neurones, le seul truc qu’ils savent faire, c’est envoyer ou ne pas envoyer des mini-impulsions électriques. Soit ils envoient, soit ils envoient pas. 0/1. Ou 1/0, c’est pas un match de foot, le premier chiffre importe peu.

OK, dis-je à mon addictologue. T’as plus qu’à régler ce problème. Là, ça va plus. L’impulsion de base, il connaît. Les milliards d’actions qui suivent, il est moins à l’aise. Normal. Il y en a vraiment beaucoup. Je peux comprendre, mais lui, ça l’agace. Il est neuro-psy, il a fait plein d’années d’études, c’est pas pour que je le traite comme un garagiste ou comme un plombier. Alors, il discourt. Et au bout du discours, il va me sortir le mot magique : « volonté ». Je dis pas magique pour rire. Il sort de la pensée rationnelle pour tomber dans la pensée magique. Volonté, c’est connoté morale. Depuis la Grèce ancienne, « volonté » c’est positif. C’est pas ça que je lui demande à l’électricien de la matière grise. Je lui demande pas de me culpabiliser vu que mon manque de volonté, c’est pas bien au regard de la morale ambiante. Je lui demande simplement de changer les branchements. Lui, il ferait la gueule si son électricien lui disait de supporter l’eau froide plutôt que de réparer le chauffe-eau. "Un peu de volonté, que diable !" Il changerait d’électricien. Je change pas d’addictologue parce que les autres me diraient la même chose et que celui-là, je l’aime bien avec son crâne dégarni et ses addictions. Comme c’est un copain, je les connais ses addictions.

Tout ça pour dire que le système cartésien, il est vachement bien. On découpe, on découpe, on analyse, on va chercher la plus petite partie possible qu’on puisse comprendre. Quand on découpe, c’est binaire. C’est pour ça que je suis binaire. Parce que ce fonctionnement, quand je l’ai découvert vers mes seize ans, m’a paru lumineux. Parce que j’ai trouvé ensuite des gens qui l’appliquaient avec succès dans la linguistique que j’étudiais. Une consonne, elle est sourde ou sonore. Un gond n’est pas un con. Même si parfois, les gonds c’est con et si les cons vous font sortir de vos gonds.

L’étude du sens, c’est comme l’étude des neurones. On découpe, on fonctionnalise, on arrive à discriminer les phonèmes, et après ? Après, c’est tout simplement compliqué. Mais c’est pas parce que c’est compliqué qu’il faut arrêter. C’est pas parce que c’est compliqué qu’il faut inventer des pseudo-explications globalistes. C’est pas parce qu’il y a des erreurs d’application qu’il faut jeter le mode d’analyse.

Prenez Chomsky. La calamiteuse icône de la nouvelle gauche américaine. Dans les années 60, Chomsky travaille sur les problèmes de traduction automatique. Pas oublier qu’il est au MIT, un institut de technologie. Ce qu’il cherche, c’est une application, une technologie. Les instruments dont il dispose sont insuffisants. La traduction automatique, c’est tout simplement impossible. Suffit de demander une traduction à Google pour comprendre. Peu lui chaut. Il invente une grammaire universelle, rien de moins, qu’il appelle « grammaire générative ». Ça ne marchera pas parce que c’est un bricolage empirique. Parce que les connaissances théoriques sont insuffisantes. Il va finir par inventer un concept révolutionnaire (un de plus !) qui est l’agrammaticalité. Un énoncé est-il grammaticalement correct et donc interprétable ? Alors que ça n’a rien à voir. Un énoncé peut être grammaticalement incorrect et pourtant interprétable. Ça s’appelle la poésie. Quand Queneau écrit « doukipudontan », c’est parfaitement incorrect et parfaitement interprétable. Ceci dit, peut-on demander à un prof de technologie américain de prendre en compte l‘énoncé poétique quand son souci est de gagner de la productivité sur les traductions. Ce qui sous-tend la pensée de Chomsky, c’est Hewlett-Packard contre Claude Couffon ou Maurice Coindreau. Après, il vient se poser en penseur de gauche alors qu’il n’a jamais été qu’un valet du capital, comme on disait aux heureux temps où le style comptait en politique.

HP contre Couffon, c’est encore une opposition binaire. Mais une opposition qui rend compte. Les oppositions binaires, ça rend compte de tout. Et même du Cid. Il suffit que ce soit Serge Doubrovsky qui s’y colle. Lisez donc Corneille et la dialectique du héros. Dialectique, deux discours qui s’opposent. Une opposition binaire, en quelque sorte.

On en reparlera…