dimanche 30 juin 2013

AUTOPROCLAMÉS

Ouais, bon, j’aime bien Ruquier. Gentil garçon, propre sur lui, avec un humour parfois décapant, rarement sauvage. On a les Desproges qu’on mérite.

On ne demande qu’à en rire. C’est bien vrai. Sauf qu’on ne rit pas. On a un droit à un défilé de jeunes gens qui nous affirment qu’ils sont humoristes. C’est eux qui le disent. Moi, dans l’ensemble, ils ne me font pas rire. Or, me semble t-il, ce serait à moi de les qualifier d’humoristes. S’ils me font rire, je qualifie. Si non, je dis « acteur » ou « bateleur ». Le plus souvent, je dis « le pauvre ! ». Remarque, en bas de chez moi, y’a un théâtre « d’humour ». J’y vais parfois et je ris peu. Ils sont pas sans talent. Pas mauvais acteurs. Mais pas drôles.

Hier, ils faisaient parodie d’émissions télévisées et je ne pouvais pas m’empêcher de penser sans cesse à Coluche et au schmilblick. Ils étaient pas au niveau, les gamins, tu peux me croire. Faut dire, y’en a un, il affirme sans rire (même lui, il se fait pas rire) qu’il écrit trois sketches par semaine. Il écrit pas, il bâcle. Tu peux pas écrire trois sketches par semaine. Après, y’a la Bernier qui s’extasie sur l’écriture. Elle aussi, elle est vachement moins drôle que son papa. Choron, il était pas toujours amusant mais au moins, il surprenait, il te faisait bouger les neurones. Avec son copain Cavanna, il a inventé un vrai style d'écriture.

La seule qui me plaise, c’est Catherine Barma. Je vois bien qu’elle s’emmerde autant que moi. Sauf qu’elle est la productrice, alors, elle peut pas le dire. Elle endort, elle circonvolute, elle apprécie des trucs. Un peu, pas trop. Elle va pas dire que ses poulains font de la daube, ça aiderait pas pour vendre l’émission. Alors, elle s’efforce. Elle a trouvé le truc. Elle dit aux mecs que c’est pas leur niveau habituel. Comme ça, elle justifie le choix du bonhomme (je suis une bonne productrice) et elle enveloppe le fiasco. Diplomate.

Ruquier, il sait que des Jonathan Lambert, y’en a un par an. Maxi. Mais lui, il doit produire de l’émission. Alors, il fait avec ce qu’il a et il cause autour. Avec des mots. Stand-up, par exemple. C’est ce que faisait Pierre Doris (vous connaissez pas ? tant pis pour vous), mais lui, il disait pas stand-up. Et moi, je me marrais.

Et moi, je pense aux chansonniers. Vous avez pas connu ? Pas grave. Des mecs comme Pierre-Jean Vaillard qui se moquaient des hommes politiques. En alexandrins. Là, de l’écriture t’en avais. De la maîtrise de la langue, de la référence, de la rime riche. Le dernier, c’était feu Amadou (celle-là, je la trouve drôle, mais moi j’ai eu un briquet à amadou, forcément).

Ma femme me dit que je suis trop exigeant. C’est vrai, pour l’humour, comme pour la bouffe ou la chanson. T’es élevé avec Brel et Brassens, tu te retrouves avec Cali et Bénabar. Ou tu passes de Colette Renard à Carla Bruni. Remarque, je suis pas le seul. A nostalgiser. Tous ces gamins, dès qu’ils peuvent, ils reprennent les standards d’Edith Piaf ou de Brel. Ça a un sens, je crois.Ils voient bien leurs limites. Ils osent pas encore reprendre les sketches de Coluche, mais ça tardera pas.

Ouais, me dit ma femme, mais le public a changé. Tu parles ! Le public, il aime ce qui le fait rire et c’est souvent du graveleux scato, de la vanne de chambrée. Bigard ou Guy Montagné. Tu racontes l’histoire d’un mec qui pète, c’est succès assuré. Tu peux varier le ton. Kersauzon sur les panaris du boulanger, c’est un grand moment. Pas vulgaire, une sorte de marmitako où le conteur prend un ton canaille bien élevé (la particule, c’est quasi-génétique) pour te raconter des horreurs, avec juste ce qu’il faut de vulgarité pour que la sauce prenne. Et Kersauzon, il s’est jamais collé l’étiquette d’humoriste, que je sache.

En fait, les poulains de Ruquier (je les suppose tous sous contrat avec lui), il leur manque l’essentiel, le référentiel (relisez Bergson). Le rire, c’est un partage. Quand tu te moques de Carla Bruni, tout le monde adhère. Un mec qui pète, tout le monde sait ce que c’est. Mais voilà, les jeunes gens, ils éliminent, ils font leur chochotte, ils écrivent avant tout pour leurs copains, avec des références qui m’échappent et qui échappent à tout le monde. Souvent, ils ne parlent que d’eux, vu qu’ils imaginent que deux passages à la télé leur a donné une notoriété nationale.

Et au milieu de ce désastre, t’as Bigard qui vient parler de turlutes et tout le monde se marre, vu que la turlute, c’est universel.

En fait, il leur manque l’excès. L’excès de Coluche, de Bigard ou de Choron. Attention ! l’excès, ça peut être un excès de retenue. Desproges. Un excès de sous-entendus.

Se lâcher, c’est un travail. Faut pas mollir sur les mots. Faut pas avoir peur de coller une femme voilée sur le plateau. Ce qu’a fait le mec qui a gagné. Le seul qui m’ait fait marrer.

Allez Ruquier, un effort. Choisis-les mal élevés, ça ira mieux. Rabelaisiens. Méchants. Scandaleux. Le mec qui tweete, il va râler. Sauf qu’il se sera marré avant. C’est le but, non ?

Ou alors, fais nous histoire de l’humour. Ressors nous Pierre Doris ou Jacques Grello. Au moins, t’es sûr qu’on va se marrer. Et ça te donnera un vernis intello vu que l’intello, c’est le mec qui sait ce que les autres ignorent.

On en reparlera….

vendredi 28 juin 2013

LE PRIX DE LA VASELINE

Il est en chute libre. Le marché s’élargit. Je vous explique.

Sur mon mur Facebook, j’ai plein de copains (Egmont, Xavier, Pascale, Jean-Louis, Alain) qui se réjouissent comme des malades. La loi, leur loi, celle pour laquelle ils se battent, ils lobbyisent depuis des mois, elle est passée. Les restaurateurs vont devoir indiquer ce qui est fait sur place et ce qui relève de la cuisine toute prête.

Moi, toujours Cassandre, je leur dis : calmos. Attendez les décrets. Faut voir. Les puissances de fric, elles reculent pas comme ça. Je les sens hausser les épaules. Casse-couilles senior est de retour. C’est à ça qu’on reconnaît les vieux : ils sont négatifs, le plus souvent.

Ben non. Ce soir, je me fais infliger une pub KFC. Vous savez la boîte du Colonel Sanders qui sert du poulet pané. Et que dit le texte : « du poulet cuisiné maison ». Z’ont pas été longs à réagir les fastfoudeurs. Tu vas voir qu’ils vont se le coller le logo « cuisiné sur place ». Après tout, le poulet, il est frit devant toi, à la demande, à peu de choses près.

Et tu vas voir que MacDo et les autres, ils vont élargir la brèche. Leur viande hachée, elle est bien cuite devant toi, sur une sorte de plancha et les frites sortent d’une friteuse. Enfin, je sais pas très bien, j’y suis allé qu’une fois, il y a vingt ans. Stricto sensu, c’est cuisiné maison, dès lors qu’on accepte que ce soit de la cuisine. En tous cas, c’est cuit, pas comme le sushi.

J’ai envie de dire à mes copains : ouvrez vos caves et prenez en une bien lourde, en mémoire d’une loi mort-née. La pub KFC montre bien que la riposte est déjà dans les cartons. Ça va casuistiquer jusqu’à la gauche. On va accepter une bonne dose de surgelé, un peu de pré-cuisson, tu vas voir que même Pizza Hut va y avoir droit au logo. Parce que faut pas croire que les décrets, ils vont y aller au cas par cas. Un bout de viande, un truc par dessus, c’est de la cuisine. Si le truc est un œuf, c’est pareil que si c’est du foie gras. Rossini, c’est de la musique, pas de la bouffe, non mais !

Juste une parenthèse. Je viens de relire La Croisade de Lee Gordon de Chester Himes. Si vous avez rien à foutre, lisez ça cet été, ça aide à réfléchir. Dans le texte, le traducteur des années 1950, il traduit hamburger par « sandwich à la viande ». Forcément. Il s’adresse à des Français qui n’ont pas la moindre idée de ce que peut être un hamburger et comme hamburger n’est pas un mot français, il traduit.

Je trouve que c’est une bonne base de discussion : un sandwich est-il de la cuisine ? (merci de pas m’emmerder avec les arguments à deux balles, style avec du bon pain et du bon jambon, ça peut être meilleur que bien des plats). Un sandwich justifie t-il le logo « cuisiné maison » ? Si vous répondez non, adoptez la traduction « sandwich à la viande ». Peut-être qu’on peut tenir MacDonald hors de portée grâce à la linguistique, va savoir…

Rêvons pas. On ne va pas tarder à avoir la démonstration que le titre ci-dessus n’est pas un ronchonnement de vieillard aigri. Comme bien d’autres, la loi va être vidée de son sens, affaiblie, réduite à rien. Prouvant (mais en est-il encore besoin ?) que le seul moyen d’obtenir ce qu’on veut et qu’on croit être juste ne se trouve pas au Parlement.

Et moi, j’en ai marre de rabâcher…. Un jour, je vous raconterai comment a été vidée la loi sur la participation des travailleurs que ce salopard de Hollande est en train d’achever… Le nombre de lois détricotée au fil des années est monstrueux…

On en reparlera…

LE MARIAGE INCONGRU

Bon, la messe est dite…. Poutine récupère un mec que les Américains veulent extrader et leur fait un bras d’honneur… Impensable, il y a encore quelques années.

Ça veut dire que les States n’ont plus aucun moyen de rétorsion. Militaire, on pouvait l’imaginer. Diplomatique, on commençait à s’en rendre compte. Economiquement, il n’y a plus rien. C’est la fin de la route. La besace aux arguments est vide.

Y’a que l’Europe qui comprend rien. Elle se précipite aux négociations pour la zone économique Europe-USA, une sorte de marché commun libéral. Elle s’imagine qu’elle va prendre deux points de croissance. Même pas en rêve !

L’économie américaine est à bout de souffle. Plus personne ne veut de leurs produits. Ils sont obligés de faire marcher la planche à billets pour continuer à consommer. Obama a mis les USA sous perfusion. Avec le pétrole de schiste par exemple, en oubliant qu’il n’est rentable que si le pétrole est cher. Que quelques pays ouvrent les vannes et les Ricains se recolleront leur pétrole dans la culotte.

On va se marier avec un moribond. C’est jouable si le subclaquant laisse un héritage. Mais un moribond pauvre, faut être maso…. Tu dis ça, y’a tous les zélateurs de l’Amérique (en gros les copains de Johnny Halliday, ceux qui pensent comme lui, c’est à dire qui ne pensent pas) qui te tombent dessus. Beuh non ! Ça reste un grand pays ! Ha ouais ? Militairement, ils sont foutus. Ils partent d’Afghanistan comme ils sont partis du Viêt-Nam, à poil. Ils osent plus intervenir nulle part vu qu’ils n’ont plus les moyens. Depuis quelques années, leur budget militaire se réduit et ils dépendent des matières premières du monde entier. On en a déjà parlé.

Economiquement, ils ne produisent plus les produits qui faisaient rêver le monde, à part le Coca, mais le vent de la révolte gronde. Même en musique débile, ils se font doubler par un Coréen grassouillet qui se moque des cow-boys. Où va t’on ?

Il y avait quelques valeurs aux States. Disparues. Ne restent que les prédicateurs du Sud profond avec la religion comme étendard. Ça va pas loin.

Et c’est avec ça qu’on va s’allier ! Le monde qui avance, le monde qui bouge, le monde qui crée, il n’est plus aux USA. Dans la piscine de la mondialisation, en s’accrochant aux States, on s’accroche à un corps mort et lourd qui va nous entrainer au fond. Comme si on était pas assez plombés !

En fait, on fait ami-ami avec des mecs qui ne rêvent que de quantités alors que le monde entier prend le tournant du retour à la qualité. Sur ce marché commun, on va nous bassiner de chiffres, pas nous parler de la vie. Vous pariez ?

Je crains le pire….

mercredi 19 juin 2013

ETRE A GAUCHE…C’EST BIEN DUR

Je connais plein de gens de gauche. Dans mon carnet d’adresses, ils sont majoritaires. Et donc, je cause avec eux… Et l’incompréhension s’installe. Tous ces mecs de gauche, ils n’ont jamais rien lu et surtout pas Marx. Ils le disent sans complexe : Marx s’est trompé. Ou Marx ne sert à rien. Ou le marxisme est mort. Ils ont pas lu non plus Bakounine ou Proudhon. Ils ont lu Libé et le Figaro et ça leur suffit bien. Alors, moi, brave con, je fais des piqûres de rappel.

L’une des bases de la pensée de gauche, ça reste (ça devrait rester) ce que l’on appelle pour simplifier le « matérialisme historique ». L’idée selon laquelle l’Histoire avance à cause des conditions réelles de la vie des peuples. J’admets, ça dévalorise un peu les bâtisseurs d’idéologie. C’est plus facile de jouer avec les idées qu’avec le prix du pain. Dans la réalité, les gens de gauche se moquent éperdument des conditions matérielles. Modernes, la plupart se vautrent plutôt dans le « virtualisme immédiat », cette sorte d’évacuation du réel qui domine la pensée occidentale. Les gens de gauche préfèrent un territoire virtuel (l’Europe) au territoire réel (la ville, la cité), territoire dont la réalité prend naissance dans le ressenti des habitants et dans des limites bien réelles. La définition même du territoire, c’est sa limite, et la gauche plaide pour un territoire illimité ! Si c’est pas être déconnecté de la matière….

Une autre base est que les sociétés progressent par les conflits. On appelle ça la dialectique et on l’exprime simplement par la lutte des classes. Terme dont je rappelle que même le PCF l’a supprimé de son vocabulaire. Alors, là, silence absolu. Les gens de gauche sont pacifistes. Comme Jaurès. Sauf que Jaurès, qui avait du vocabulaire, ne confondait pas la guerre (entre nations) qui s’oppose à la paix et la lutte (entre groupes sociaux) qui, elle, conduit à la paix sociale à l’intérieur de la Nation car elle atténue les inégalités.

Mes copains de gauche, qui ne connaissent pas ces principes premiers (et ne veulent pas les connaître), en ce moment, ils balisent face à la montée du FN. On a droit aux hurlements de meute.

Le peuple, le « petit peuple », il connaît ces principes. Il sait que la retraite, le temps de travail limité, les congés payés, il les a obtenus au prix de grèves et de luttes parce que la classe dominante, pas folle, elle donne pas spontanément. Et donc, le peuple se demande qui va l’aider à se battre. Il regarde autour de lui et il voit Marine. Va pour Marine ! Avec les autres, ça fonctionne pas. Le vote FN nait dans les principes marxistes. Avec un parti qui parle de réalités matérielles (l’immigration par exemple) et qui suggère de taper du poing sur la table. Le peuple rêve d’un beau combat Angela-Marine. Pas dans un bassin de boue, mais c’est tout juste. Se battre pour du pain. Toutes choses égales par ailleurs.

Moi, je pense que le FN peut être le détonateur qui conduira à l’explosion indubitable. J’essaye d’imaginer le FN au pouvoir. Normalement, ça devrait mettre du monde dans la rue. Normalement, ça devrait devenir un peu violent (du moins si les actes suivent les mots, ça, c’est pas sûr). Normalement, on devrait aboutir à un vrai conflit, avec, pourquoi pas ? intervention de l’armée.

Normalement, le FN devrait prendre des mesures un peu violentes (un peu, c’est déjà trop au jour d’aujourd’hui). Mesures qui, par le jeu normal action-réaction, pourraient conduire à quelques bagarres, au niveau de l’Europe, par exemple.

Bref, normalement, l’arrivée du FN au pouvoir devrait remettre au goût du jour cette bonne vieille dialectique hégélienne et permettre à l’Histoire d’avancer comme elle l’a toujours fait, avec des baffes. Normalement, le FB s’inscrit dans une perspective marxiste. Ce que la plupart des gens de gauche refusent de voir.

Il n’y a pas d’alternative ? Non. Les partis de gauche qui pourraient y prétendre traînent entre 1 et 8% des voix. Ils n’ont aucune chance de rattraper leur retard. Sauf le PC, peut-être, mais au prix d’une évolution drastique. Pierre Laurent n’est pas Waldeck Rochet et Ian Brossat n’a rien de Jacques Duclos. Seul le FN peut utiliser la voie démocratique pour ouvrir les voies de la révolution. A son corps défendant car on peut difficilement imaginer une nana qui a passé son enfance avec Haïli Haïlo se mettre à siffloter L’Internationale.

Mes copains de gauche, les vrais, pas ceux qui confondent Anne Hidalgo et Dolorès Ibarruri, quand je leur dis ça, ils hurlent. Preuve qu’ils préfèrent leurs idées à la réalité matérielle des faits ce qui jette quelque doute sur leur marxisme.

Mais, disent-ils, on est de gauche, on n’est pas marxistes… Ça me rassure….

On en reparlera…

samedi 8 juin 2013

MORT ET POLITIQUE

J’ai du mal avec ce fait divers. J’ai du mal parce que le discours est vachement brouillé, contrairement à ce que disent les commentateurs.

Clément Méric était un militant politique. Quand on fait de la politique, c’est pour conquérir le pouvoir ou le conserver. Pour un militant de gauche, on dira conserver. Quoique… En tous cas, le petit Méric, il était avec le pouvoir. Les images vues à la télé le montrent défilant contre les opposants au mariage pour tous. Il avait donc choisi son camp.

Le lieu n’est pas innocent non plus. Une vente privée… Il allait faire son shopping. Est-ce un lieu politique ? Ça peut l’être. Quand j’étais moins rouillé, on allait chez Fauchon. Pas pour acheter du saumon. Pour casser un lieu emblématique de la consommation capitaliste triomphante. Lui, le militant « de gauche », ça ne le gênait pas d’aller faire ses emplettes dans une « vente privée », un lieu réservé comme son nom l’indique, à l’élite consumériste. Navré, mais j’ai du mal à suivre. Tout ceci manque de cohérence. Où est la position de gauche ?

Et donc, Méric et ses copains s’embrouillent avec des fafs. Le présumé frappeur, il est vigile. Je regarde les photos de Clément Méric, il faisait pas le poids. La gauche est matérialiste et donc réaliste.. Quand tu vois le rapport de force, tu dégages. C’est pas de la lâcheté, juste de la survie. Et surtout, tu n’utilises pas les mots. Le vigile, les mots, c’est pas son territoire. Il sait qu’il aura le dessous. Alors, il regagne son terrain et il frappe. Avec les coups, il est chez lui. Ne jamais être sur le terrain de l’adversaire.

Sauf que Clément, à Sciences po, on lui apprend que les mots. On lui apprend que seuls les mots ont une légitimité en politique. Lénine doit se marrer. La Révolution n’est pas un dîner de gala. A Sciences Po, on n’apprend pas la Révolution, on apprend à gérer le monde. On apprend à négocier. Ce qui ne sert strictement à rien quand on est avec un mec qui frappe. C’est vrai pour une bagarre de rue comme pour un conflit armé. Avec une dimension supplémentaire : il n’y a aucune règle dans une bagarre, ni dans une guerre. Dans une bagarre, on savate le mec à terre, dans la guerre, on ouvre le robinet aux gaz de combat. C’est comme ça. Pas la peine de protester.

Par parenthèse, un conseil. Si vous voulez apprendre à vos enfants à se défendre, faites leur faire du rugby. Là, on apprend à se mettre en boule pour pas récolter une savate qui traîne.

Mais alors, la force prime le droit ? Oui. Car, dans nos sociétés, le droit est au service du pouvoir puisqu’il est, par essence, conservateur. Quand un homme politique dérape, tu peux toujours attendre la punition. Elle vient jamais, ou alors très tard, très atténuée, très négociable. Le pouvoir se protège.

Etre à gauche, c’est d’abord avoir compris que le pouvoir ne tombait pas comme un fruit mûr. Il doit être conquis et, le plus souvent, par la force des armes. Et, par voie de conséquence, il faut s’y préparer, avoir une stratégie et des moyens de l’appliquer. Ce qu’aucune gauche occidentale n’envisage aujourd’hui. Tout le reste est du théâtre.

Le môme est mort de cette mise en scène. De croire que s’embrouiller avec les fafs est un combat contre le fascisme. D’imaginer qu’on peut changer les mentalités avec des mots. De penser qu’on peut convaincre ceux qui ne veulent surtout pas être convaincus.

Les fafs, ils sont une poignée. Toujours la même. On va dissoudre. A nouveau. On a vu dissoudre le GUD, Union-Droit, Occident et bien d’autres. Ça ne change rien. Quand tu casses la coquille, le bernard-l’hermite va ailleurs.

Au bout du bout, quand tu réfléchis, tu arrives au problème de la mort. Elle est devenue insupportable en politique, alors qu’elle est consubstantielle au pouvoir. L’homme politique ne risque plus rien. On célèbre Jaurès, on oublie comment et pourquoi il est mort. On oublie Gavroche et le Mur des Fédérés. Pas tout à fait. On commémore à tout va. Mais rien de plus. Et on laisse les manifestations se disloquer (le beau mot !) au lieu d’aller vers l’Elysée, le Palais-Bourbon ou tout autre lieu emblématique d’un pouvoir qu’on prétend combattre alors qu’on se contente de le tancer.

Mais alors, tu prônes la violence révolutionnaire ? Je ne prône rien. Je regarde. Je n’analyse même plus. S’il doit y avoir violence, elle viendra d’un lieu inattendu et d’hommes inattendus. Comme toujours.

On en reparlera….