mardi 28 octobre 2014

LE VENTRE MOU DE L’ASIE

On en a déjà parlé ; mais de temps en temps, une bulle vient crever à la surface. Il y a quelques mois, Al-Qaïda a annoncé la création d’une branche Inde-Pakistan. Le Pakistan, on peut comprendre… Mais l’Inde ? Ben, l’Inde a plus de musulmans que le Pakistan dans sa population. Ha bon ?

Ouais et c’est pas fini. Voici quelques mois, Al-Jazira, la télé qatarie s’est installée en Inde. Pas grave. Ils sont bien installés à Paris, ça ne veut rien dire.

Mais voilà t’y pas que je rencontre un jeune journaliste sympa, sérieux et bavard qui bosse pour Al-Jazira. Son truc à lui, c’est les documentaires. Et, en ce moment, il travaille sur une nouvelle loi indienne qui oblige à déposer une demande auprès du gouvernement pour changer de religion. Bizarre. Et novateur. En clair, t’es hindou, tu veux devenir musulman, il faut que tu déposes une demande auprès de ton gouvernement. Ça relativise le côté tolérant des hindouistes, Gandhi et tout le discours qui va avec. Ça relativise aussi le côté laïc du gouvernement indien. Bizarre.

Y’a pourtant une raison. Les Hindous se convertissent à l’Islam. A fond la caisse. Au point que ça pose problème.

Ha bon ? Tous les Hindous ? Ben non. Pas tous. Les Intouchables, uniquement. Pour sortir du système des castes (que plein d’Européens apprécient), ils n’ont trouvé que ça. Faut se mettre à leur place. Quand t’es intouchable, c’est à vie, et ça touche tes enfants et les enfants de tes enfants. C’est le barrage total, le stigmate absolu. Si tu deviens musulman, le brahmine, tu l’emmerdes puissamment. Tu sors de son jeu, tu casses un jeu social où tu jouais toujours perdant.

Chrétien, ça marche aussi. Mais voilà, va savoir pourquoi, les Intouchables, ils se voient mieux musulmans que chrétiens. Faut dire que ça touche à leur histoire, conquête moghole et tutti quanti. Faut pas oublier que la première destination touristique en Inde, c’est un pays en STAN, le Rajasthan. Là où les mecs arborent un turban. Comme à Damas. Il y a toujours de l’histoire sous les jeux religieux.

Je pense à Mountbatten et à tous ses efforts pour bien séparer les Indiens et isoler les musulmans dans un Etat bien à eux. Pour rien. Mountbatten, obsédé par la religion n’a pas vu que le problème n’était pas chez les dieux mais chez les hommes. Que ce sont les discriminations sociales qui posent problème, pas les frontières religieuses.

Et donc, par la faute de ses religions, l’Inde est en train de devenir le ventre mou de l’Asie. Je vous rassure, ça va pas exploser demain….Mais ça se met en place, tranquillement, à bas bruit. Vu que les Intouchables, s’ils changent de religion, c’est pas juste pour changer de lieu de culte. Ça sent l’envie de revanche, tout ça. Les imams, ils vont pas avoir trop de boulot pour faire monter la mayonnaise. Faut s’attendre à du clash.

C’est peut être pour ça que l’Inde se rapproche de l’OCS. Le gouvernement indien sent poindre les problèmes et il lui faudra de l’aide.Or, il a compris ne rien pouvoir attendre de l'Occident, gavé au pétrole musulman. Les obsédés de l’immigration attendent une conflagration anti-islamique en Europe. Et si ça avait lieu en Asie ?

Mais ce n’est pas l’essentiel à mes yeux. Certains parlent de compétition sino-indienne pour le leadership asiatique. J’ai lu quelques belles âneries sur le sujet. Si compétition il y a, on va peut être pouvoir répondre à une question essentielle : la religion est elle ou n’est elle pas un fardeau sur les épaules des sociétés humaines ?

On en reparlera…

mercredi 8 octobre 2014

REVO CUL DANS LA CHINE POP

C’est un titre. Un titre de livre. L’un des plus beaux travail de désinformation, le livre qui expliquât en son temps que la Révolution Culturelle n’était rien d’autre qu’un règlement de compte dans le PCC. Ne résistons pas au plaisir de citer Wikipédia.

En 1966, Mao décide de lancer la révolution culturelle afin de consolider son pouvoir en s'appuyant sur la jeunesse du pays. Le dirigeant souhaite purger le Parti communiste chinois (PCC) de ses éléments « révisionnistes » et limiter les pouvoirs de la bureaucratie. Les « gardes rouges », groupes de jeunes Chinois inspirés par les principes du Petit Livre rouge, deviennent le bras actif de cette révolution culturelle. Ils remettent en cause toute hiérarchie, notamment la hiérarchie du PCC alors en poste.

Mais pourquoi « culturelle » ? Ben, figurez vous que c’est pas un hasard. En 1958, l’Assemblée plénière du PCC adopte le système de transcription pinyin. C’est politique : jusque là le chinois se transcrivait en lettres latines avec des systèmes étrangers, celui de l’Ecole Française d’Extrême Orient pour les francophones ou celui de Wade-Giles pour les anglosaxons. Insupportable pour Mao qui ne veut pas d’un système non-chinois pour transcrire le chinois. D’autant que la réforme des transcriptions s’accompagne d’une vraie révolution. En 1962, près de 3000 sinogrammes sont simplifiés. Le but est de diminuer le nombre de traits, parfois de manière drastique. Et dans le même temps, on privilégie l’écriture horizontale de gauche à droite contre l’écriture verticale de droite à gauche.Si c'est pas une Révolution !!!

Naturellement, les réticences sont nombreuses, essentiellement les réticences des universitaires et plus généralement de tous ceux qui, dans la lignée des mandarins traditionnels, vouaient à la maîtrise des caractères une véritable vénération. La réforme patinait. C’est alors que Mao s’appuyât sur la jeunesse pour forcer le passage. A cette aune, Wikipédia a raison : il s’agissait bien de limiter les pouvoirs des bureaucrates arc-boutés sur leur savoir linguistique. Quant aux « révisionnistes », il s’agissait surtout de ceux qui voulaient empêcher toute révision du système.

C’est ainsi que débutât la Révolution Culturelle qui méritait parfaitement son nom : il fallait détruire les « quatre vieilleries », dont l’ancien système d’écriture.

Naturellement, les jeunes gens ne firent pas dans la dentelle. Il y eut une réelle volonté de casser le système d’enseignement. Naturellement, les orientalistes occidentaux prirent le parti de leurs copains universitaires. Pour eux aussi, toucher aux sinogrammes anciens revenait à toucher à leur savoir, c’est à dire à leur pouvoir.

La violence de la Révolution Culturelle était à l’aune de l’importance du sujet. C’était une vraie Révolution dans le domaine de la culture. Les passions s’exacerbèrent et l’opinion mondiale fut vite persuadée qu’il s’agissait d’une purge dont on s’empressât d’affirmer qu’il s’agissait de conforter le pouvoir de Mao sans vouloir accepter que Mao utilisait son pouvoir pour promouvoir un nouveau rapport entre le peuple chinois, surtout le plus illettré, et sa langue.

La principale conséquence de cette Révolution fut que le chinois put disposer d’un système qui s’adaptât sans trop de difficultés à l’arrivée de l’informatique. On ne peut pas affirmer que Mao l’avait prévu, ce serait ridicule.

Naturellement, cette Révolution s’est trouvée emportée par des vents mauvais. Désorganisation du pays, paupérisation, famines, destruction de nombreux joyaux culturels. Qu’on ne m’accuse pas de minimiser.

Naturellement, l’Occident ne put rien y comprendre. Crée-t’on une guerre civile pour une réforme de l’orthographe ? Nous avons oublié le lien qui unit les Chinois et leur langue écrite. Ou plutôt, nous l’avons sous-estimé. Il nous fallait une autre explication, plus conforme à notre mode de pensée. La purge faisait l’affaire.

Nous ne cessons de tomber dans ce piège : appliquer aux autres civilisations notre grille d’analyse. Ce qui nous condamne à ne rien comprendre, à inverser les effets et les causes. Le PCC fut repris en mains parce qu’il s’opposait à la transformation de l’écriture. Transformation qui fut une raison et non un prétexte.

Je ne crois pas qu’on en reparle…