samedi 25 février 2012

POURQUOI MELENCHON SE PLANTE

Comme beaucoup, Mélenchon imagine que les mots suffisent. Certes, son discours est solide, structuré, farouchement ancré à gauche. Il pourrait séduire si…

De 2000 à 2002, Mélenchon a été ministre de Jospin. Ministre et donc solidaire des décisions de ce gouvernement. Comme le dit avec justesse son copain Chevènement : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule ».

Jean-Luc Mélenchon a donc été solidaire de la privatisation du GAN, de la privatisation de Thomson, de la privatisation du CIC, de la privatisation du Crédit Lyonnais, de la privatisation d’Air France, de la privatisation d’Aérospatiale, de la privatisation des autoroutes. Et aujourd’hui, le voilà qui entonne le grand discours anti-capitaliste, l’antienne anti-financière. Il pourra toujours argumenter, discourir, expliquer, voire se battre les flancs. Les faits sont là, ses actes le suivent. A un moment de sa vie, il a accepté le discours du capitalisme qu’il rejette aujourd’hui. Ce qu’il critique avec violence, c’est une politique à laquelle il a adhéré. Et qu’il n’évoque jamais.

Dans toutes ces entreprises, il y a des guichetiers, des ouvriers, des ouvriers et des manœuvres qui se souviennent qu’ils ont été vendus au grand capital par un gouvernement où siégeait Mélenchon. Eux, n’ont pas oublié. Eux en parlent encore, à leurs voisins, à leurs familles, à leurs amis. L’électorat naturel de Mélenchon se souvient.

La gauche de la gauche rigole et rappelle à l’envi que Mélenchon est « mitterrandolâtre ». Manière de rappeler les dernières années de François Mitterrand et la soumission à l’économie de marché. Et il est vrai que le Parti Socialiste portera longtemps la croix de ses positions économiques et politiques, et notamment son énorme erreur d’appréciation sur l’Europe.

Il en va de Mélenchon comme de Martine Aubry dont j’ai déjà parlé (http://rchabaud.blogspot.com/2011/07/madame-fermeture.html) . Certes, les médias ont oublié. C’est leur boulot de médias, seul compte aujourd’hui et seuls comptent les mots. Mais les virés, les privatisés, les vendus traités comme des moins-que-rien, eux n’ont pas oublié. Ils n’ont pas oublié, les salariés de Renault, privatisés par un gouvernement socialiste.

Mélenchon peut se mettre en colère. C’est à cette époque que le paysage politique bascule et que le FN engrange les voix que perd la gauche. On fait semblant de croire que ce basculement est lié au discours frontiste. Il n’en est rien. Les mots comptent moins que les actes. La classe ouvrière s’est tout simplement sentie rejetée. Elle se fout de Brasillach qu’elle n’a pas lu (d’ailleurs qui lit encore Brasillach aujourd’hui ?), elle ne se fout pas de ses fiches de paye à l’electro-encephalogramme plat.

On attend une vraie repentance. « Je me suis planté » suffirait. Pas tout à fait, quand même. Il faudrait peut-être toucher à l’icône, Jacques Delors dont le discours européen cachait une volonté de remettre le pays dans l’économie de marché. Car ça reste le vrai sujet. L’économie de marché peut-elle faire le bonheur des peuples ?

Allez Jean-Luc, un effort. C’est le moment de tuer le père, d’expliquer que, finalement, François Mitterrand était peut-être pas aussi socialiste qu’on l’a cru. Et puis, Jean-Luc, calme toi. Quand on a été ministre d’un vieux copain de René Bousquet, on n’utilise pas sans cesse le mot « collabo ». Etre à gauche, c’est d’abord être cohérent.

Je vais te donner une idée. Ton dernier meeting, tu le fais à Tours et tu reviens aux sources. Tu nous dis que les communistes avaient raison dès 1920 et que la social-démocratie n’est pas la panacée. Tu pourrais même utiliser des mots comme « stipendiés du capitalisme », des éléments de langage qui font vieux jeu mais qui sont encore tellement d’actualité. Ton itinéraire plaide pour toi. Pourquoi veux tu à toute force protéger un PS que tu as quitté ? Tu veux encore être ministre pour avaler des couleuvres ? Tu veux aller à Bruxelles chercher comment pressurer encore plus les Grecs pour sauver les banques ? N’oublie pas Jean-Luc : l’Europe a obligé Arcelor à vendre et à s’affaiblir au nom de la concurrence. Moyennant quoi, Mittal a pu s’offrir notre sidérurgie. Les mecs de Florange, ils savent que qu’ils doivent à l‘Europe : leur licenciement.

Les électeurs aiment bien la repentance et, entre nous, le Congrès de Tours, ça a quand même une autre allure que la soirée du Fouquet’s.

On en reparlera….

dimanche 12 février 2012

POURQUOI GHOSN SE PLANTE

Carlos Ghosn ne craint pas le ridicule. Ce type a une vision étroite, riquiqui, du monde. En ce moment, il se répand pour expliquer sa vision du monde automobile dans les années qui viennent.

Selon lui, l’avenir est au low cost et même à l’ultra low cost. Pourquoi ? A cause des marchés émergents qui ne peuvent pas s’offrir de belles autos comme les nôtres. En gros, pour lui, il y a l’auto normale pour Occidental riche, le low cost pour les classes moyennes des pays émergents et l’ultra low cost pour les pauvres des pays pauvres.

Vision d’épicier qui ne voit pas plus loin que les recettes du jour. Ghosn refuse de voir l’évolution du monde. Les pays riches s’appauvrissent et le low cost envahit déjà l’Europe. Il devrait le savoir lui qui a fait la Logan pour les pays émergents et qui en vend des milliers en France. Si demain, il fabrique une voiture à 3000 euro, c’est chez les travailleurs pauvres d’Europe qu’il en vendra le plus.

Mais surtout, il commet l’erreur de tous les capitalistes occidentaux : il n’envisage pas un seul instant que les pays émergents peuvent construire des autos low cost ou ultra low cost sans lui, et même contre lui. Il a engagé Renault dans une course au bas de gamme qui va lui revenir en boomerang dans les dents. Ça commence d’ailleurs : l’an passé, Renault est le seul constructeur automobile occidental qui a vu baisser ses ventes en Chine. Les raisons en sont simples : (1) les Chinois riches préfèrent les voitures haut de gamme qui permettent d’étaler leur richesse (normal) ; (2) Renault n’a aucune usine en Chine et (3) la plus forte part de la croissance est accaparée par les constructeurs chinois eux-mêmes.

Les constructeurs chinois, on en connaît une trentaine. Les quinze plus gros sont des entreprises d’Etat. Ceux là sont appelés à fusionner dans les années qui viennent ou, à tout le moins, de partager certains services comme la recherche et développement. Pour ce qui est de la production, 27 provinces sur 31 peuvent produire des voitures. L’implantation des constructeurs est bien essentielle à l’équilibre des économies provinciales et à la gestion de la main d’œuvre. Le gouvernement y veille.

Note après note, le gouvernement chinois trace la voie pour son industrie automobile : les implantations étrangères ne sont « plus souhaitées ». Clairement, « le gouvernement va retirer son soutien à l’investissement étranger dans l’industrie automobile ». En fait, le gouvernement chinois a de la marge de puissance sous le pied. D’abord parce qu’il y a plus de 80 constructeurs automobiles en Chine. Si les quatre plus gros totalisent près de 70% des ventes, il ne faut pas négliger les autres. Souvent privés (mais on sait que cette notion n’est jamais bien claire), ce sont surtout des laboratoires. Ces constructeurs produisent essentiellement de petits véhicules populaires et des voitures électriques, mais aussi quelques 4x4 haut de gamme (allez voir la production de Xinhai, un petit dont personne ne parle). Ces petits constructeurs sont l’arme secrète du gouvernement chinois qui peut décider de booster leur production et même de la protéger. Car la Chine, faut-il le rappeler, n’est ni un marché libre, ni un marché ouvert. Le gouvernement les aidera quand il faudra se positionner sur le marché de la voiture électrique, puis sur le haut de gamme.

En face de Ghosn, il y a Hu Jin Tao. Hu Jin Tao qui s’appuie sur son marché intérieur pour développer l’industrie automobile chinoise avant de la lancer à la conquête du monde. Pas tout de suite et pas très vite. C’est pas le genre de la maison Chine. Dans les années qui viennent, les constructeurs européens de véhicule haut de gamme vont se régaler, surtout s’ils sont installés en Chine. Ce n’est pas le segment de marché qui intéresse les Chinois. Par contre, tous les efforts vont porter sur l’entrée de gamme. Le segment sur lequel Ghosn se positionne. Il peut la produire sa bagnole à 3000 euro. Il n’en vendra pas sur le plus gros marché du monde. Et sur les autres, il va voir débouler les concurrents de l’Empire fleuri. Et aussi les Indiens sur lesquels j’ai moins d’infos. Ghosn a choisi une stratégie perdant-perdant. Est-il plus bête que naïf ? On ne saura jamais.

L’erreur de Ghosn, c’est de sous-estimer l’adversaire. De le croire comme lui. Si le marché automobile chinois doit se développer, ce sera d’abord et avant tout avec des automobiles chinoises. Au nom de l’indépendance et de la fierté nationale. Seulement voilà : pour un capitaliste occidental, ces notions sont obsolètes. Et il n'en tient pas compte dans ses analyses.

L’erreur de Ghosn, c’est d’ignorer l’Histoire. Il s’imagine quoi ? Que les Chinois vont accueillir à bras ouverts un constructeur associé à une marque japonaise ? Il croit vraiment que les Chinois ont oublié Nankin et la guerre d’indépendance ? Le premier objectif des Chinois, c’est de planter les constructeurs japonais. Mais ils ont accueilli Honda et Toyota. Oui. Pour l’instant.

Alors ? Alors, Renault est mort. Renault va droit dans le mur. Ghosn s’en fout, il ne sera plus là. Je suggère à son actionnaire principal d’indexer la retraite de Ghosn sur les bénéfices de Renault, ça serait honnête. Parce que le successeur de Ghosn, il va lui falloir un sacré courage.

On en reparlera…..

vendredi 3 février 2012

LA DETTE, MA DETTE, TA DETTE

Ha ! ça, on s’en balance des chiffres. Normal, c’est de l’économie, alors les économistes balancent des chiffres.

La dette de la France, c’est 1800 milliards d’euro. Faux. Ça, c’est la dette du gouvernement français. Pour les milieux financiers, c’est de la roupie de sansonnet. La vraie dette, c’est 4200 milliards d’euro. C’est le total de la dette du gouvernement plus les dettes des institutions financières, notamment les banques. Sont pas cons les marchés. Ils savent bien que si une banque fait faillite, le gouvernement va se précipiter. Et donc que ce que doivent les banques, faut en tenir compte.

Ça donne un ratio que j’ai trouvé sur le site économique de la BBC et que regardent les marchés. L’Etat doit 87% du PIB (ce qui est raisonnable, paraît-il) alors que les institutions financières doivent 235% du PIB. Nos grandes, belles et solides institutions financières sont plombées jusqu’aux oreilles. Elles s’en foutent : on est là pour payer à leur place.

Remarque, l’Allemagne, c’est pareil. 4200 milliards au total. Le PIB est un peu supérieur mais pas lerche. Les institutions financières allemandes, leur dette ça reste 176% du PIB. Alors ?

Alors, face à ces dettes, y’a des créances. Et ces créances, elles sont plus ou moins fiables. Les Français, ils ont prêté 41 milliards à la Grèce, l’Allemagne 15 milliards seulement. Forcément la part bancaire de l’endettement est plus fiable dans un cas que dans l’autre.

Les marchés, ces chiffres, ils les tournent et les retournent dans tous les sens. Qui doit à qui ? C’est la clef de la crise.

Tiens, prends les States : tout confondu, la France doit 202 milliards aux Ricains. Mais eux, nous en doivent 440. Pas grave : leur dette de 11 000 milliards d’euro (ça fait des sous quand même), elle est quasi exclusivement gouvernementale. On fait tourner l’imprimerie à dollars et c’est payé. Nous, on peut pas, on est coincés par l’euro. Et donc, expliquent gravement les économistes, les 440 milliards qu’ils nous doivent sont plus fiables que nos 202 milliards. C’est la poétique économique. C’est pas les chiffres qui comptent, c’est l’histoire qu’ils racontent.

Alors, l’Espagne qui est tant stigmatisée, on comprend que sa dette de 1900 milliards, elle est pas fiable. Le gouvernement doit à peine 67% du PIB, une misère. Mais les banques et les institutions financières, c’est 284% du PIB. Pas bon, ça. Imagine que le gouvernement espagnol dise qu’il se tape des dettes non-gouvernementales, le système explose.

A se palucher tous ces chiffres, on comprend vite où est la clef du problème. Ce n’est pas la dette des Etats, c’est la dette du privé. L’Etat comme dit Mélenchon, il a les moyens de rembourser. Les moyens, c’est les citoyens. Par contre, le privé, il peut pas. C’est sa dette qui pose problème vu que l’alternative est simple : soit il fait faillite avec toutes les conséquences que ça peut entrainer, soit il transfère sa dette à l’Etat. En fait, tout le monde se tient par la barbichette.

Mais le plus rigolo n’est pas là. Dans les graphiques, il y a un gros absent : la Chine. Tu prends la dette globale de la France : 4200 milliards. T’additionnes ce qu’on doit à nos principaux partenaires (USA, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Japon, etc…). T’arrives péniblement à 800 milliards. Il en manque donc (excusez du peu) 3400 milliards. A qui on les doit ? Au Kiribati ? A la Moldavie ? Cherchez pas les statistiques chinoises sur la question : il n’y en a pas.

Pas la peine d’écouter nos politiques, tous partis confondus, nous filer leurs recettes. La réalité est incontournable : la dette de la BNP approche les 2000 milliards d’euro (25 fois les capitaux propres), la dette de la Société Générale, en gros, c’est 1000 milliards d’euro (40 fois les capitaux propres). 2000 plus 1000, on n’est plus très loin des 3400 qui manquaient ci-dessus. Qui détient ces dettes ? Les Chinois en grande partie. Enfin, on suppose….

Alors, rêvons. Imaginons que Hu Jin Tao, il dise à Sarko (jusqu’en mai…après, c’est moins sûr) : « File nous la BNP, la Société Générale et le Crédit Agricole et on efface la dette ». Il fait quoi, le Président ? Le rêve, c’est qu’il dise OK. Qu’est ce que j’aimerais voir nos grands banquiers donneurs de leçons remplacés par des hiérarques communistes ! Ne rêvons pas. Le Président, quel qu’il soit, il va avoir un mouvement du menton : on va pas filer aux bridés les fleurons de notre finance tout de même !

Y’a une solution plus lente mais assez rigolote aussi : la dette de nos banques, c’est surtout des obligations. Imaginons que les Chinois filent toutes ces obligations sur le marché. Les cours dégringolent. Ça fait baisser la dette en même temps que la valeur de nos fleurons de la finance. L’Etat fait quoi ? Il intervient et rachète massivement ? Mais, disent les économistes, s’ils font ça, les Chinois, ils perdent du fric. Et alors ? Ils perdent un peu d’argent et ils prennent la main sur notre système financier.

Dans tous les cas de figure, on est coincés. Faire baisser la dette de l’Etat en augmentant la TVA, par exemple, n’a qu’une utilité : faire des réserves stratégiques pour aller sauver la BNP si c’est nécessaire. Mais ne nous leurrons pas : on ne pourra de toutes façons pas sauver tout le monde en même temps. Et peut être bien que les Français, ils vont pas aimer que leurs impôts servent à sauver les banques qui les emmerdent au quotidien pour leurs découverts et leurs difficultés C’est vrai ça : t’as du mal à payer des impôts pour sauver les banques et pour te remercier, elles te bloquent les comptes.

Va falloir suivre tout ça d’assez près. Peut-être même qu’il va falloir se battre un peu.

On en reparlera…