mardi 11 décembre 2012

NOEL ET CHOCOLAT

Bon, on va s’en gaver. Il paraît qu’on va en bouffer plus de 30 000 tonnes en cette fin d’année. De quoi ? Du chocolat. Enfin, de ce qu’on appelle chocolat. C’est écrit dessus.

Ce qu’on va bouffer surtout, c’est du discours sur le chocolat. Dans ma rue, sur 200 mètres, quatre chocolatiers. Auto-proclamés, les chocolatiers. Je ne peux pas les voir sans penser au vieux moulin Noblia à Ayherre et à ses machines à broyer les cabosses. Sans avoir le nez plein (car il y a une mémoire olfactive) des jours de torréfaction chez Cazenave, à Bayonne. L’atelier de torréfaction était voisin de mon école. Ça facilite l’apprentissage des tables de multiplication, vous pouvez me croire.

Encore le Pays basque ? Ben oui. Au cas où vous l’auriez pas remarqué, le Pays basque, c’est une porte d’entrée pour les produits qui viennent d’Espagne et le chocolat, ça vient peut-être du Mexique, mais via l’Espagne. C’est à Bayonne que Madame de Sévigné achetait son chocolat, c’est elle-même qui le dit. Jeff de Bruges n’était pas né et mon ancêtre Poylo était jurat de la confrérie des chocolatiers.

Ça donne une légitimité historique quand même. Je sais bien que ça fait pas tout, mais ça compte. Jeff de Bruges était pas né.

Il m’arrive de penser à mon copain Christophe Puyodebat. Vous connaissez pas ? Pas grave, on peut pas tout connaître. Il continue à tenir son échoppe et à vivre sa passion à l’ombre de la Cathédrale. Il était compagnon chocolatier chez un grand chocolatier bayonnais. Il aimait son boulot et son patron qui lui avait tout appris. Et puis, le succès aidant, le patron eut l’idée d’ouvrir une seconde boutique qu’il appelât tout naturellement l’Atelier, histoire de faire artisanal, et c’était vrai. Le succès du premier Atelier entrainât l’ouverture du second, du troisième… Aujourd’hui on doit bien être à la quarantaine.

Alors, Christophe est parti. Pour fournir les Ateliers, le premier atelier s’était transformé en petite usine. Usine cachée, ateliers visibles, procédures et fournitures standardisées. Ça ne lui convenait pas.

De toutes façons, pratiquement aucun chocolatier ne maîtrise la première étape de la fabrication, la couverture. Torréfier et broyer, ça nécessite du temps, des machines sophistiquées, des investissements. En France, ils ne sont guère qu’une dizaine. Faut y penser : 4000 chocolatiers achètent la même matière première à une dizaine de fournisseurs. Pas tout à fait la même, cependant. Il y a des variantes, plus ou moins chères, en fonction de la qualité. Certains torréfacteurs (Pralus, Weiss) ont aussi des boutiques. Le plus gros, Valrhona, est juste un fournisseur de matière première.

Bon, vous avez compris. Quel que soit votre chocolatier chéri, y’a de fortes chances qu’il soit tributaire d’un industriel de la torréfaction. Ça relativise l’artisanat, ce truc. L’artisan, il intervient après. Quels que soient les mérites du torréfacteur, le produit livré n’est pas toujours identique. Le chocolatier va intervenir lorsqu’il va faire ses mélanges, qu’il va sentir (sentir avec son nez) les arômes qui se développent. Et cette étape, elle n’est pas industrialisable. C’est juste une histoire entre un mec et un produit. Une histoire qui fait que le chocolatier, il peut pas produire des tonnes et des tonnes de chocolat.

Et donc, on se trouve sur les barreaux d’une échelle. En bas, y’a Lindt, ses usines et son marketing envahisseur de grandes surfaces. En haut, y’a un petit mec qui passe des heures dans son laboratoire à faire son boulot au mieux. Chaque fois qu’on grimpe un barreau, on trouve que c’est mieux. Forcément. Et puis, on a pas toujours le choix. Moi, je peux pas filer à Bayonne voir Christophe chaque fois que j’ai envie de chocolat. Christophe, ou Cazenave, ou Daranatz. C’est mon tiercé, l’ordre d’arrivée dépend des jours et de mon humeur. Il m’arrive de me contenter de Debeauve et Gallais. Me contenter ? Oui. Quand j’y vais, il me manque les rues anciennes et l’histoire qui me fait frissonner. Alors, je préfère aller à la Maison du Chocolat, en souvenir de Robert Linxe, qui fut le premier à transporter ma culture provinciale dans la capitale. Ça n’a rien à voir avec le goût ? T’as qu’à croire !!!

Si ça n’avait rien à voir pourquoi les publicistes s’efforcent-ils de rajouter des légendes historiques., des notations stupides ? Des exemples ?

Le chocolat avait des vertus aphrodisiaques. Au XVIIème siècle, oui. On le consommait alors à la mexicaine, sous forme de mole, avec des épices et notamment du piment. C’est le piment qui faisait bander. Enlève le piment, tu retrouveras ta flaccidité habituelle.

Le chocolat a été introduit par les Juifs expulsés d’Espagne. Tu parles. Les Juifs sont expulsés en 1492, l’année ou Colomb débarque aux Antilles. Le chocolat arrive trente ans plus tard, après la prise de Mexico.

Le chocolat est devenu un discours. Comme le reste…. Et ça m’emmerde…..

On en reparlera…

Joyeux Noël quand même…

jeudi 6 décembre 2012

L’ART DE LA NEGOCIATION

Bon. La déception est générale sauf au MEDEF et chez les chroniqueurs économiques, notamment l’écurie BFM, François Lenglet, le vieux cheval de retour passé à la concurrence et Nicolas Doze, le poulain frétillant qui rêve d’une carrière identique.

Qui pouvait attendre autre chose que cet accord boiteux dont on commence à dire que le maintien d’emplois dans la circonscription d’Ayrault fut une clef ?

Hollande sort de l’ENA, école qui conduit indifféremment à la fonction publique ou au service privé. Il est à l’Elysée, il aurait pu être chez Mittal. Ou chez Vinci. Ou ailleurs, ça importe peu.

Ce qui importe, c’est que, lorsqu’il s’assoit à la table de négociation, il est prêt à comprendre, et donc à accepter, les arguments de l’adversaire. Que peut-il négocier dans ces conditions ? Comprendre l’adversaire, dans une négociation, est une erreur. Il faut seulement le connaître et connaître ses forces et ses faiblesses. Le comprendre, c’est déjà être dans sa main.

Le marché de l’acier est pas bon, dit Lakshmi. « Hélas ! » dit Hollande qui devrait dire « C’est votre problème. Vous auriez du anticiper. Vous êtes payé grassement pour ça. Anticiper. Gouverner, c’est prévoir. Je n’ai pas a payer vos insuffisances ».

« Je tiens 20 000 emplois » dit Mittal.. Là, Hollande sent sa vessie qui se serre. Il imagine Mittal fermer les sites, les uns derrière les autres. Mittal égrène : « Nantes, Saint Nazaire… » Là, c’est Ayrault qui balise…

Ce que Hollande ne dira pas : « Je m’en fous. Si j’en nationalise un, je peux bien nationaliser les autres. Sans indemnités. Il me suffit d’une loi et j’ai la majorité ». Alors, Mittal brandira l’Europe, les lois internationales. Et alors ? Van Rompuy nous déclarera pas la guerre. L’Inde, non plus. Il y aura des rétorsions ? Même pas en rêve. Ou alors, sur des sujets secondaires. L’Inde peut interdire à Carrefour d’implanter de nouveaux supermarchés. C’est juste un exemple. On s’en fout. La sidérurgie, c’est stratégique. Comment tu construis un sous-marin sans acier ? On va pas sacrifier notre défense aux marchands de carottes, tout de même ! L’Inde nous achètera plus d’armes ? Même pas en rêve ! On est excellents, par exemple, dans la fabrication de mortiers de montagne. Tu sais pas ce que c’est ? C’est un gros mortier, capable d’envoyer de bons gros obus d’une vallée himalayenne dans la vallée voisine. Les Indiens, ils en ont besoin pour canarder les vallées du Pakistan. Et vice-versa. Qui peut croire qu’ils vont y renoncer ? Et pour les construire, comme pour construire nos beaux Rafales, il nous faut de l’acier. L’acier, c’est stratégique, plus que les Ipad. Avec de l’acier, tu construis un avion qui va pulvériser l’usine d’Ipad. Avec l’Ipad, tu vas juste demander « Devine où je suis ? ».

Négocier, ce n’est pas céder. Jamais. Surtout aujourd’hui que tout le monde a peur de la baston. Le négociateur d’Etat, le négociateur politique, quand il s’assoit à la table, il a derrière lui un peuple, une armée et sa souveraineté. C’est pas rien. Ouais, mais le Mittal, il sait bien que l’armée, c’est pas une carte. Il sait que la souveraineté est entravée par l’OMC.

Il sait surtout qu’il a affaire avec des gens qui ont peur de passer pour des voyous, ou des mal élevés. Des gens qui ne savent pas se tenir mal. Là, Montebourg, il a un avantage, il est avocat. Il sait bien qu’un peu de brutalité ne messied pas. J’ai connu un avocat, un ténor du barreau, un qui n’avait pas peur de la mauvaise éducation. Quand son adversaire plaidait, il faisait semblant de dormir, affalé sur sa table. Le Président le tançait et il répliquait « Je m’emmerde, Monsieur le Président ». Il lui arrivait même de lâcher un rot sonore lors de la plaidoirie de son adversaire. Déstabilisation garantie. L’autre protestait, perdait le fil, menaçait de s’en aller. Le public se marrait, l’ambiance était pourrie. C’était un ténor du barreau, je vous assure. Il avait un associé, super-chicos, bien élevé. Dans les procès importants, ils étaient à deux et ils faisaient leur numéro. Le voyou et le gentleman. Succès garanti.

Je m’égare mais l’essentiel est là. Succès garanti. Montebourg, il est certainement mieux élevé ce qui est un peu dommage. Mais il sait qu’une baffe dans la gueule, ça assainit parfois la discussion. Comme au rugby.

C’est pour ça que les Français aiment bien Montebourg. Ils ont le sentiment d’être défendus. Pareil pour Mélenchon ou Marine. Le citoyen, il élit un politique pour être défendu. Aujourd’hui, il pense que Hollande défend mieux les homos que les ouvriers, ce qui est un truc à vous rendre homophobe.

C’est subtil. Copé, il croit faire pareil mais le militant de base, il commence à se dire que Copé ne défend rien d’autre que son poste. Leader populaire, ça s’apprend pas. En tous cas, pas à l’ENA.

D’accord, il peut y avoir des dérives. Les Teutons, ils ont voté Adolf pour être mieux défendus. Mais ça ne change rien à ma démonstration. Les peuples veulent être protégés, vraiment, par des gens qui le montrent. A s’écraser toujours, on ouvre la porte à ceux qui montrent les biscottos. Personne n’admire jamais les mous du gland, même s’ils sont efficaces. La faiblesse de François fait le jeu de Marine.

On en reparlera…