mardi 29 juillet 2014

LA CORRUPTION

C’est une gangrène. En nos temps d’argent-roi, elle est partout. Parfois, je me souviens de ce vieux dirigeant d’une importante société parisienne avec qui je parlais de revenus et je m’étonnais de la modicité de son salaire. Il m’avait dit : « J’ai plus de soixante-dix ans, mais je ne fais toujours que deux repas par jour. Et tout ce que je peux accumuler ne rentrera pas dans mon cercueil ». Il avait casé ses enfants, plutôt bien, il avait donc assuré leur avenir.. Tranquille et modeste.

Et donc, depuis son accession au pouvoir, le Président Xi Jinping a lancé une campagne anti-corruption. C’est que le corruption est une plaie historique en Chine, depuis des siècles. On en a déjà parlé ici.

Durant le dernier trimestre 2013, il a collé en prison près de 40 000 fonctionnaires. Pas des très gros. Des fonctionnaires locaux, le plus souvent. Ceci dit, les fonctionnaires locaux, c’est eux qui emmerdent le plus le peuple parce que c’est à eux que le peuple à affaire, c’est à eux qu’il faut glisser l’enveloppe. Moi, ça me plaisait bien. Un certain sens de la morale, un côté Robespierre. C’est ça qu’on demande d’abord à des dirigeants : l’honnêteté.

A priori, il vient de passer la vitesse supérieure . Là, c’est Zhou Yongkang qui vient de tomber. Membre du comité permanent du Bureau politique (ils sont 7, pas un de plus) et chef des services de la sécurité intérieure. Pour faire bref, le patron de toute la police chinoise. On est pas dans le fonctionnaire de village, tu peux me croire.

Moi, brave plouc, j’attendais que la presse salue le nettoyage. T’as qu’à croire. La presse française, elle supporte pas la Chine. On en a déjà parlé ici.

Et donc, ce n’est plus Xi Jinping s’attaquant à la corruption, ça devient Xi Jinping s’attaquant à ses ennemis politiques. C’est vrai ça : le lecteur pourrait penser que le Président chinois a un sens moral. Détrompons-le.

Soyons clairs. A ce niveau, tous ces mecs se côtoient depuis des années. Forcément des clans se sont formés, chacun a ses copains, ceux qu’il aime bien, et ses adversaires, ceux qu’il aime moins. Les différences ne sont pas politiques. Tous ces bonshommes travaillent ensemble, dans le même sens. S’il y a des différences, elles sont tout, sauf politiques. Elles sont humaines. Zhou, il était copain avec Bo Xilai, un autre corrompu, en prison depuis quelques mois. Pour faire simple, ils en croquaient ensemble. Et donc, Xi Jinping en tire les conséquences.

L’attitude de la presse française est immonde. Reporters Sans Frontières (oui, la secte de Robert Hénard, le mec qui fricote avec le FN en donnant des leçons de morale) diffuse une photo du Président chinois faisant un bras d’honneur. Ils sont gonflés les mecs ! En 2008, ils soutenaient les Tibétains qui selon eux, étaient un peu brimés. Par qui ? Par Zhou. Normalement, ça devrait leur faire plaisir que Zhou file en prison. Ben non. Ils le défendent ! Tu peux imaginer ?

Les psys appellent ça la « double contrainte ». Quoi que tu fasses tu fais mal. C’est incohérent, mais c’est comme ça.

Mes copains, ils m’engueulent. Ils me reprochent de toujours prendre le parti des Chinois. Du moins, je ne suis pas incohérent. Et puis, j’ai des arguments.
Des arguments simples, à mon niveau.

J’ai un copain chauffeur de bus. Il me montre une photo qui me sidère : il est en train de rigoler avec Peng Liyuan. Y’a de quoi s’étonner, non ? Peng Liyuan, c’est une chanteuse chinoise, plutôt populaire. C’est aussi la femme de Xi Jinping. Mon copain chauffeur de bus, il rigole avec la Première Dame de Chine. Et donc j’interroge. Et donc, il raconte.

L’an passé, Peng Liyuan a donné une série de concerts en Europe. Pour ce faire, elle a fait comme tous les chanteurs, elle a collé ses musiciens et ses techniciens dans un bus pour aller de ville en ville. Et elle est restée avec eux, dans le bus, à discuter, à déconner. C’est comme ça qu’elle est devenue copine avec le chauffeur de bus.

Mon copain, il se marre. Son bus était suivi en permanence par les gros bras des Services secrets. Quand il arrivait à destination, les gardes du corps envahissaient le véhicule. Ils pétaient de trouille. Pas Peng Liyuan. Elle avait juste envie d’être une artiste ordinaire dans une tournée ordinaire. On est loin de Carla.

Alors, je vais te dire. On est ce qu’on épouse. Ça fait près de trente ans que Xi Jinping vit avec une nana qui est copine d’un chauffeur de bus. Et, par voie de conséquence, je l’imagine comme elle. Des gens qui savent ce qu’ils doivent aux citoyens, leur succès, leur carrière, et qui ont envie de renvoyer l’ascenseur. D’améliorer la vie du peuple comme le peuple a amélioré leur vie

Peut être que je suis un gros naïf. Pas plus naïf en tous cas que ceux qui ont suivi Reporters Sans Frontières. Pas plus naïf que ceux qui lisent aujourd’hui dans Le Monde pis que prendre d’Alain Minc que Le Monde encensait quand il en était le patron.

Peut être que je suis un gros naïf. Et peut être que Xi Jinping est aussi un gros naïf, un mec qui voudrait que le pouvoir qu’il a conquis l’aide à construire un monde dont il rêvait à 18 ans.

Jusqu’à ce que les faits me prouvent le contraire, je le créditerai de ça.

En tous cas, je suis sûr d’une chose : Cahuzac est libre. Comparons ce qui est comparable avant de donner des leçons de morale.

On en reparlera…

vendredi 25 juillet 2014

L’ANCIEN REGIME

On y est. En plein dedans. Pas pour des raisons économiques liées à l’oligarchie et à toutes ces sortes de choses.

Non. C’est beaucoup plus simple et personne ne veut voir, tout simplement parce que c’est le fonds de commerce et de pensée de la plupart de ceux qui prennent la parole.

On a glosé sur les raisons de la Révolution, sur l’état économique du pays, sur le rôle des classes sociales, que sais je encore ? Or, sur le moment, rien de tout ça ne saute aux yeux. Dans les discours des représentants du Peuple, il y a une constante : les Français en ont marre du pouvoir d’une minorité. Les nobles, ils sont les moins nombreux et ils décident.

Et donc, ils mettent au point une règle démocratique simple : la majorité vote les lois, la minorité subit. Il y a quelques dérapages : la minorité vendéenne, elle a pas très envie de subir. Il faut donc lui expliquer, sans douceur excessive, que, désormais, il y a une Nation et que les particularismes régionaux, on ne peut pas toujours en tenir compte, surtout s’ils touchent aux grands principes.

Parce que le principe, il est intangible. Pour le dire crûment : la minorité, on s’en tamponne. C'est une peu quantitatif, mais ça semble plus juste.

Sauf qu'on nous a sorti un truc imparable : la discrimination. Ils hurlent tous qu'ils n'ont pas les droits des autres. Bien entendu, c'est faux. La Loi est la même pour tous. Tout majeur peut adopter, selon des conditions fixées par la loi et ces conditions sont les mêmes pour tous. Si n'importe quel citoyen ne remplit pas les conditions, il n'adopte pas. Si ça te vas pas, tu demandes un changement de loi. Si la majorité t'envoie paître, tu t'écrases. C'est la règle démocratique. Moi, j'acceptes et pourtant, sur plein de points, je suis vachement minoritaire.

J’en ai déjà parlé ici. Mais le mouvement s’amplifie, s’accélère. Il n’y a plus de Nation, juste des groupuscules qui hurlent « et moi, et moi, et moi ». La caisse de résonance des réseaux sociaux n’est pas innocente. On vous dit que c’est la vraie démocratie, la parole enfin libérée. C’est surtout une impitoyable cacophonie dont plus rien de cohérent ne sort. Babel et de retour. Du coup, les libérés de la parole, ils se passent d’aller voter. Ils s’expriment mieux sur Facebook que dans l’isoloir. Forcément, ça change rien à leur statut de minorité. Déjà que t’es pas nombreux, si en plus tu votes pas…

C’est qu’ils ne comprennent plus rien. Pourquoi on écoute ce groupe et pas le mien ? Ha mais ! ça va pas se passer comme ça. Nous, les métis androgynes du bas-Berry, on existe, on doit nous satisfaire. Même qu’on a une association loi de 1901. Vous allez voir ce que vous allez voir.

On voit. On voit les communautés minoritaires se taper sur la gueule devant un gouvernement qui ne sait plus quoi faire. Parce qu’il faut arrêter : les juifs et les musulmans sont des minorités auxquelles il est temps de rappeler que la politique est interdite dans les lieux de culte depuis 1905. Et que si l’imam ou le rabbin tolère, on ferme. La République est majoritairement laïque. L’imam ou le rabbin, ou le curé, ou le pasteur, il est là pour causer de Dieu. Idem pour le Pape. La situation en Syrie, c’est pas son affaire. Il fait ce qu’il sait faire, des prières, mais son opinion, on s’en passe fort bien.

J’en ai marre. Les minorités doivent réapprendre à vivre en groupe, dans une Nation, à sortir des tribus et des particularismes. A s’intégrer. A apporter leur pierre à l’édifice commun, pas à secouer la maison chaque fois qu’elles ont un pet de travers.

Elles l’ont fait pendant des décennies. On a intégré les immigrés de toute l’Europe. Plus ou moins vite. Plus ou moins bien. Et là, ce serait plus possible ?

Ben non. elles veulent plus appartenir à la nation française. Moyennant quoi, les loulous de banlieue, ils vont faire le djihad en Syrie et on apprend qu’il existe des soldats franco-israéliens. Mais l’armée de la Nation, de LEUR Nation, ils n’en ont rien à cirer. Ho ! si c’est le fusil d’assaut qui vous branche, l’infanterie de marine recrute. Jusqu’il y a peu, le service militaire valait choix de la nationalité. L’engagement dans la Légion Etrangère donne encore la nationalité française.

J’ai l’air de me focaliser sur le Proche-Orient. Faut dire qu’en ce moment, difficile de fermer les yeux. Mais c’est valable pour les LGBT. J’ai interrogé mes copains homos et, croyez moi, j’en ai une grosse brouette. Majoritairement (y’a une ou deux exceptions), l’adoption, la PMA, la GPA, ils s’en foutent comme de leur première capote. Ils vivent leur homosexualité tranquillous et ils s’occupent de leurs neveux et nièces. Ils savent bien qu’ils sont minoritaires. Sexuellement. Pas politiquement (enfin, sauf ceux qui ont voté Sarko, si, si, y’en a). Etre homo, c’est pas pire qu’être rouquin.

Parce que les rouquins, aussi, ils sont minoritaires

Pour l’instant, ils restent calmes.

On en reparlera….

lundi 21 juillet 2014

UNITÉ, MON CUL !!!

Ça, c’est la plus grande victoire des média simplificateurs. Faire croire qu’il y a une pensée unique juive, que tous les Israélites sont unis comme un seul homme face aux dangers qui « menacent l’Etat hébreu ».

Les médias aiment quand c’est simple. C’est plus facile de répéter comme un imbécile que de faire marcher ses neurones. Mais voilà : le monde est complexe.

J’ai plein de copains juifs. Et dans le tas des juifs antisionistes. Est-ce possible ? Ben oui. C’est des ultras, des qui disent que la Terre promise doit être donnée au Peuple élu par Yahvé (t’as vu les capitales ? je fais gaffe quand même). Par voie de conséquence, Israel étant une création des hommes n’a aucune valeur. Aucune valeur religieuse. C’est un Etat come les autres. Il se trouve qu’il est peuplé par des Juifs ce qui relativise la position de mes copains

Si on regardait en arrière ? Israel est fondé par des juifs ashkénazes, des qui venaient de se payer les camps et qui n’avaient pas envie de recommencer. On peut comprendre. Déjà, ça nous donne un regard. L’antisémitisme forcené, il vient d’Europe de l’Est. J’en ai déjà parlé ici. « Pogrom », c’est un mot russe. Et, en France, pour ce que j’en sais, les manifestations violentes d’antisémitisme, elles sont plutôt vers l’Est que vers le Sud. Et encore, pas trop….

Dans les colonies, ça se passe pas trop mal. En 1870, les lois Crémieux accordent la nationalité française à tous les juifs nés en Algérie. On est pas dans le pogrom, là !!! Pour le reste, c’est clair que les synagogues sont nationalisées en 1905. Comme les églises…

Moi, j’ai du mal à comprendre Israel et à approuver. Je suis né au Pays basque. Alors, j’imagine qu’un jour, un mec (disons un Songhai, mais ça peut être autre chose) arrive chez moi et me dise « voilà le texte sacré selon lequel le Pays basque est la Terre promise de mon peuple. Et donc tu dégages ». Je crois que je deviendrais assez facilement violent.

Effectivement, les Israéliens, leur titre de propriété, c’est rien qu’une grosse daube qu’on appelle la Bible. Y’a d’autres noms, mais celui là est connu de tous. Leur titre de propriété, c’est pas un acte notarié, c’est juste un texte religieux. Tout Israél est fondé sur la prise en compte de valeurs religieuses. Quand t’es laïque, t’en as rien à foutre. Surtout si t‘as des copains religieux qui t’expliquent que, religieusement, ça tient pas trop non plus.

Quand les mecs de l’Exodus débarquent, le système action-réaction se met en route. Les juifs prennent la terre des arabes ? Attends un peu, mon lapin. Dès qu’on décolonise, les Arabes virent les Juifs, de Tunisie ou du Maroc. Et donc les sépharades redeviennent les alliés des ashkénazes (et ça, ça me fait penser à un vieux copain, juif bayonnais, qui m’expliquait qu’il ne voulait pas avoir affaire aux ashkénazes de Biarritz. Cinq kilomètres !!! Si ça te renforce pas l’idée que t’as du territoire…)

Et donc, oui, il y a un semblant d’unité désormais… Une unité de la haine.. C’est pas avec ça qu’on va en sortir, d’autant que les autres en face, ils ont décidé qu’Allah était grand. Et donc, comment je fais, moi qui pense qu’Allah ne pèse pas plus que Yahvé ? j’essaye de le dire à mes copains Palestiniens, mais tu peux toujours te brosser. Du coup, j’ai envie de m’en laver les mains, de me dire que tous ces morts c’est jamais que des croyants et que ça nettoie. Mais, c’est sûr que ça marche pas comme ça.

Comment je me suis fait une opinion ? Je vais le dire bien que ça soit pas très pertinent. Enfin, c’est très personnel. J’étais dans un des châteaux qu’on trouve en Jordanie et qui dominent la plaine du Jourdain. Le tour-opérateur qui avait organisé le voyage, avait pensé à inviter des journalistes locaux. Celle qui me cornaquait était une ravissante sans burqa et les seins libres dans son tee-shirt échancré. Penchée (c’était mieux), elle me montrait un village où était sa maison de famille, confisquée par Israél. J’étais ulcéré parce que j’aurais bien confisqué autre chose. Forcément, j’étais d’accord avec elle…..

Alors, allez –y !!! Je vous attends, tranquille. Je préfère avoir une position politique basée sur une paire de seins qui me font de l’œil que sur des textes sacrés qui manquent sacrément de tenue. La seule chose qui m’emmerde, c’est que, vu l’évolution des choses, la petite, aujourd’hui, elle doit être voilée. Bon, c’est mieux parce qu’elle a vieilli autant que moi.

Les guerres de religion, c’est l’horreur. Il nous a fallu plus d’un siècle pour en sortir. Grâce à un Roi qui a tranché. Ça va durer plus que ça, vu que personne ne peut trancher. Même pas des têtes.

Et donc, les juifs antisionistes vont se faire flinguer par les juifs à cause de l’adjectif, les arabes athées vont se faire flinguer par les islamistes à cause de l’adjectif, et les deux se feront flinguer par les autres à cause du nom. C’est indémerdable.

Bon. J’aime bien les Songhais…Sur la terre des Songhais. Au Pays basque, c’est mieux quand c’est des Basques..

Merde ! V’là que je fais du racisme antiparisien… On peut plus rien dire…

Et donc, on en reparlera….

PS : la petite aux seins libres, je pouvais pas envisager un avenir avec elle…elle mangeait pas de cochon.

jeudi 17 juillet 2014

LE CIMENT ET LES BRICS

C’est une vanne d’un économiste plutôt pro-américain. Elle est assez drôle, même si elle transpire la trouille. La trouille de voir le dollar se dégonfler comme la baudruche qu’il est.

La nouvelle n’est pas passée inaperçue. Les BRICS viennent de créer un fonds de développement qui se met tranquillement en face du FMI. Et qui vise directement les pays en voie de développement. Et donc, tous les économistes libéraux ironisent, critiquent, tempèrent. Ça va communiquer, vous pouvez me croire : la pompe à conneries est en marche.

C’est un séisme : voilà que les pays émergents (ceux qu’on appelait il y a peu « pays en voie de développement ») s’invitent dans le financement mondial. Avec pour première règle, de ne pas avoir d’exigences politiques. En clair, on te prête mais tu pourras continuer à mener une politique non-libérale si ça te chante. Peut être même que si tu fais ça, on te prêtera plus.

Avec des modalités rigolotes (pour moi,parce que Lagarde, elle doit pas aimer). N’importe quel pays pourra participer à ce fonds, mais la majorité restera aux mains des Brics. Clairement, pas la peine de vouloir prendre la majorité.

Et donc, l’arme est politique. Visiblement politique. Première étape de la construction d’une arme anti-américaine et anti-capitaliste. Les pays pauvres n’iront plus à Washington, mais à Shanghaï. Pour les Ricains, c’est une grosse claque. On leur dit d’enlever leurs pattes des pays en difficulté.

J’ai un copain banquier qui rigole. Il me dit que ce fonds disposera de 100 milliards de dollars, alors que le FMI en a 750. Exact. Mais on parle en dollars, pour l’instant. Plein de chroniqueurs « spécialisés » rigolent et trouvent de pathétiques arguments. Ils ont partiellement raison. Par exemple quand ils disent que c’est pas l’amour fou entre l’Inde et la Chine. Et alors ? Ce fonds est un mariage de raison, pas d’amour.

Moi, la question que je me pose, elle est bien triviale : que va faire la France ?

Aujourd’hui, la France est le quatrième actionnaire du FMI. Officiellement, elle défend les pays les plus pauvres, comme indiqué par le gouvernement. Là, il va falloir choisir son camp. Pas demain, d’ici à cinq ou six ans. On reste au FMI ou on rejoint le camp des nouveaux riches ?

C’est un vrai choix politique. On pourrait (on devrait) transférer tranquillement les avoirs endormis à Washington vers l’Orient. Je vous rassure, on ne le fera pas. Voilà trente ans qu’on a choisi le camp des perdants. Pour justifier ce manque de clairvoyance à long terme, on va tout entendre. Bien entendu, ce ne seront que des mots. Des mots qui n’empêcheront pas un recul inéluctable. Qui peut croire que les pays africains ne seront pas tentés par l’offre des BRICS ? Les uns après les autres, ils quitteront l’orbite du cher vieux pays, ils fileront vers l’Orient et ce seront autant de marchés perdus. Il y aura toujours des commentateurs pour justifier…
D’autant que l’avenir de ce fonds est assez facilement lisible. Il va, peu à peu, se détacher du dollar. Il participe d’une stratégie générale qui vise à recadrer la monnaie américaine. Sont pas idiots les pauvres…Ils savent bien que c’est facile de prêter quand il suffit d’imprimer du papier-monnaie. Mais, toi, ce que t’apportes en garantie, c’est pas du toc. C’est des produits agricoles, par exemple

Quand allons nous comprendre que le combat économique est perdu ? Quand allons nous comprendre que les analystes marxistes avaient raison ? Je pense par exemple à Samir Amin qui avait fort bien vu que les relations Nord-Sud s’analysaient à cette aune. Le succès prévisible du fonds des BRICS va donner raison à Samir Amin. Et tort à l’Amérique qui a réussi à nous convaincre que le marxisme athée (oui, cette dimension existe) ne pouvait pas réussir. Tout faux. Il est en train de gagner.

Ben oui, la chute du mur de Berlin ne marquait pas la fin du communisme. Y’a que les télés qui pouvaient y croire . Pour reprendre la vanne du début, les BRICS vont trouver le ciment. Et on aura un nouveau mur. Moins télégénique.

Jusques à quand vont ils nier la réalité, cette réalité qui nous explose à la gueule jour après jour ?

On n’a pas fini d’en reparler…

mercredi 16 juillet 2014

COLETTE

Je l’aime bien, Colette, c’est ma députée. Enfin, pas tout à fait, je vote au nord de la Garonne. Mais c’est ma députée quand même. C’est elle qui représente mes quelques kilomètres carrés de nostalgie au Palais-Bourbpn.

Je l’aime bien parce qu’on aime plein de trucs en commun. Elle hésite pas à lichetrogner un gorgeon et elle rigole. Comme son Dam de mari, que quand tu le regardes, tu vois que son rire.

La dernière fois que je l’ai vue, vêtue de blanc et rouge, elle rentrait aux Arènes. Où ? Mais « les Arènes », c’est Lachepaillet et nulle part ailleurs. C’est pas pour rire. On a partagé ensemble (forcément) quelques mémorables soirées à la Peña, près de la gare du BAB. Tu sens bien que, quand elle voit un Miura, bien galgeado qui souffle dans les godasses de la ballerine de Cabrel, elle prend son pied. Je veux dire qu’elle va pas sur les gradas pour se faire voir, comme Bachelot, qu’elle est pas en représentation ou en chasse aux suffrages.

Alors, je me suis dit qu’elle était bien silencieuse quand les hystériques de l’anti-corrida, abreuvés des conneries huguenotes bruxelloises (je sais, c’est faux) venaient nous brouter les orteils. Je l’aurais aimée un peu plus impliquée.

Je l’avais même imaginée à l’Assemblée, sous le regard paternel de Bartolone, haranguer l’hémicycle au nom de la défense du toro brave. Soutenue par les membres du Groupe d’études « Tauromachie » qui regroupe les députés favorables. Elle n’y est même pas inscrite !!! Silence radio. Peut être qu’elle n’aime pas trop les participants : Collard, Devedjian, Apparu. Y’a même Lellouche ! Lui, c’est mon vrai député, celui de la circonscription où j’habite. Tu vois le truc : mon « vrai » député, celui que j’apprécie pas trop, il défend la corrida et Colette, ma copine, s’écrase. En plus, jusqu’à ce qu’elle soit élue, le groupe de députés était présidé par son prédécesseur. Elle a piqué le siège, pas les convictions.

Colette, elle est au PS. Elle lui doit tout au PS. Ses mandats (elle a commencé à la région, scrutin de liste, quand t’es pas trop connue, ça aide), sa carrière. Seulement, voilà : le PS est allié avec EELV, les écolos qui ne savent rien de l’écologie. Avec EELV, la corrida, c’est tabou. Pas touche ! Les huguenots grünen qui se mettent les miches à l’air à Montalivet, ils veulent pas qu’on prenne son pied avec un toro brave. C’est pas dans leur morale. L’homosexualité, oui (pacsons, marions, adoptons), la corrida, non. En plus, ils interdisent les gosses dans les arènes (heureusement qu’il y a Youtube pour que mon fils apprenne ce qu’est une chicuelina) et ils voudraient qu’on n’allume pas un puro au début du paseo. Ils m’en veulent, c’est pas possible. Des fois, je pense à mon père et à Madriles, un vieil arenero qui lui amenait le rosé après le troisième toro. Madriles, il avait été à Madrid avec Dolores Ibaruri, d’où le surnom. Les hystériques de gôche et les écolotes, ils en ont rien à foutre de Madrid. Quand ils disent « no pasaran », c’est à moi que ça s’adresse. Foutriquets ! On ne m'en voudra pas de préférer un militant qui s'est battu pour de vrai à une poignée de mirlitons qui se croient militants.

Mais Colette, elle a la trouille des Verts. Elle a la trouille de perdre quelques voix misérables, de pas être dans la doxa de ce conglomérat d’impénitents chouineurs. Elle a la trouille de se faire gronder par Eva Joly.

Du coup, je me demande si elle aime vraiment la fiesta brave. Parce qu’aimer la corrida, c’est avoir un peu de verguenza, savoir hausser le col , faire face à la gronde des imbéciles. Romero devant une bronca…

Bon, Colette, tu me rassures ? T’y vas ? Comme Millian devant un Miura. Tu me dis, là, publiquement (sur Facebook, par exemple) que tu vas défendre ce que tu aimes ?

Tu me dis chiche ? Parce que sinon, je vais croire que je me suis trompé d’amie… Tu vas pas devenir une Hollande féminine quand même ?

Quoique...


lundi 14 juillet 2014

LE BARBIER DE BUITRAGO

Ça y va dans les musées… succès total, files d’attente plus longues que la filmographie de Rocco Siffredi, la peinture se consomme. A vrai dire, c’est une consommation de grande surface. Faut que le musée soit grand, qu’on rentabilise l’entrée, qu’on voit plein d’œuvres estampillées premier choix, comme chez le boucher. Louvre, Prado, Offices, Orsay ou Guggenheim, l’amateur autoproclamé cherche le volume.

C’est idiot. C’est idiot pour de multiples raisons dont la moindre n’est pas que toutes ces œuvres ont déjà été reproduites des milliers de fois, dans des centaines de livres et qu’on les connait. Ne me dites pas que c’est pas pareil. Lequel d’entre tous ces « amateurs éclairés » est capable d’apprécier la manière dont le pinceau ou la brosse ont travaillé ? Poser la question, c’est y répondre.

C’est idiot parce que c’est long et épuisant. Si vous y traînez des enfants, vous êtes sûrs de les dégoûter de la peinture pour le restant de leur vie. Au bout d’une heure, ils commencent à se plaindre, à chercher les toilettes, la cafeteria. Mettez vous à leur place : ils s’en foutent, eux, de la manière dont Goya peignait les mains. Quizz : si vous êtes allé au Prado, avez-vous remarqué la manière dont Goya peint les mains ?

Partez à Madrid et, au lieu d’aller faire la queue au Reina Sofia, prenez une voiture et suivez la N-1 jusqu’à Buitrago de Lozoya. C’est à une soixantaine de kilomètres, peut-être un peu plus. Il y a, à Buitrago de Lozoya, un Musée Picasso qui vaut le voyage (si vous aimez vraiment Picasso, bien entendu). C’est le musée du barbier de Buitrago. L’histoire vaut la peine.
Il y avait à Buitrago,à la fin des années 1920, un jeune barbier, jeune et communiste. Personne ne sait plus ce qu’était alors un barbier en Espagne. Tous les matins, des dizaines d’hommes venaient se faire raser de près, rafraîchir la coupe de cheveux et partager les nouvelles du jour. Le barbier était le centre névralgique de la vie sociale.
Puis Franco vint et le barbier se vit obligé de quitter sa terre natale. Les vaincus, même barbiers, ont toujours tort. Réfugié politique en France, le barbier resta barbier et s’installa à Vallauris.
C’est là qu’il rencontre Picasso. Deux Espagnols, deux réfugiés politiques, deux progressistes, ils ne pouvaient que s’entendre. Picasso adopte le barbier qui sera dès lors en charge de ses poils. La rumeur affirme que Picasso avait des oursins dans les poches et préférait payer son barbier avec des dessins, des lithos, des céramiques. L’histoire officielle affirme qu’il s’agissait d’une part de cadeaux, d’autre part d’achats par le barbier à des prix préférentiels consentis par le Maître. J’ai un faible pour la première version, ça va de soi.

Et donc, le barbier amasse une collection d’œuvres de son copain. Parce que, forcément, ils étaient devenus copains. On le sent bien dans les œuvres présentées, il y a une connivence, un amour partagé de l’Espagne et des toros, une vision du monde, des hommes et des femmes. Après quoi, le barbier, Franco enfin mort, revient s’installer dans son Buitrago natal et il y installe sa collection dans son Musée Picasso qui est moins un hommage à l’œuvre qu’un hommage au copain. Je ne sais pas pourquoi, en visitant ce musée, j’ai pensé à cette phrase : « C’était un copain d’enfance que j’ai rencontré à trente ans ». Je ne sais pas pourquoi, il y planait l’ombre du peintre, bien plus qu’au musée homonyme du Marais parisien. On peut y passer une bonne heure, mas o menos comme disent les indigènes, et puis se balader dans le village, aller boire un coup sur une terrasse.

Un truc dont je suis sûr, c’est que s’il s’agissait d’une collection regroupée par une des femmes de Picasso, on en parlerait plus. On tiendrait un discours sur le peintre et les femmes, sur l’impact des femmes dans l’œuvre d’un grand peintre et autres banalités destinées à lier les femmes et le génie créateur. Personne ne veut admettre qu’un homme, peut-être plus encore un homme comme Picasso, est toujours plus fidèle à ses amis qu’à ses femmes ou ses maîtresses. On ne divorce pas de ses amis et leur impact sur la création a de fortes chances d’être plus durable et plus profond qu’une relation plus…, disons plus horizontale. Surtout quand l’ami est un barbier armé d’un rasoir auquel on tend régulièrement sa gorge. Il vaut mieux être sûr de sa fidélité car il est plus douloureux d’être égorgé que cocu.

Tout ceci étant dit, vous n’irez certainement pas à Buitrago de Lozoya. Vous irez au Prado voir les Majas et le Pélélé du grand Francisco. La « grande » époque de Goya. Ce faisant, vous ferez l’impasse sur la période française et vous ne verrez aucun des deux poignants autoportraits aux lunettes, dont l’un se trouve à Bayonne et l’autre à Castres. Le premier voisine avec le célébrissime portrait de Napoléon par Girodet, le second est accompagné d’un superbe Sorolla et de la première œuvre attribuée avec certitude à Velasquez. « Petits musées » ?
De Madrid, vous reviendrez vite à votre point de départ, vous ne ferez pas le détour par La Corogne dont le musée abrite deux toiles rescapées de la première exposition de Picasso. Le môme avait treize ans et était déjà en pleine possession de ses moyens. De La Corogne, un saut à Lugo vous aurait permis d’admirer l’une des plus belles collections de peintres espagnols du XIXème siècle avec Sorolla (encore), Madrazo, Fortuny. Tout ceci à l’étage, car, au rez-de-chaussée, il y a la collection de torques celtes en or la plus importante d’Europe. « Petits musées » ?

Oui, petits. Des prix d’entrée dérisoires, pas de file d’attente, un personnel disponible et bavard, une tranquillité absolue, un vrai bonheur. Pas de cafeteria non plus, le bistrot voisin en tient lieu. Une boutique réduite au strict minimum et qui ne prend pas les cartes de crédit. Un bonheur de visiteur.

Je sais. C’est pas rentable. C’est plein de kilomètres, d’heures dépensées pour peu d’œuvres, peu de valorisation sociale : « j’étais à Castres », c’est moins sexy que « je suis allé au Guggenheim ».

Etes vous certains d’aimer la peinture ?

CINQ LEGUMES PAR JOUR : LE PRIX A PAYER

Il y a deux Andalousies : à l’Ouest, toros, flamenco et stations balnéaires. A l’Est, c’est un autre voyage, un voyage vers les bas-fonds de notre société.

De Malaga, filez vers Almeria. Malgré son statut de nationale, la route n’est pas très large. Elle serpente en corniche au dessus des flots, offre des aperçus sur de sublimes petites criques. Les villages sont de plus en plus petits, c’est l’Andalousie maritime mais non balnéaire.
Quelques kilomètres avant Adra, l’horizon scintille et brille comme si le sol était couvert d’argent. C’est le cas. De l’argent bien sonnant et trébuchant. Ce scintillement éblouissant ce sont les serres de la province d’Almeria, ce que l’on appelle sans rire le potager de l’Europe. Des milliers de serres couvrant des milliers d’hectares où poussent toute l’année les tomates et les laitues que l’on retrouve à Rungis. Il fait beau, c’est l’Andalousie, pourquoi des serres ?

Tout simplement parce la hantise de l’agriculteur, c’est l’incertitude. Avec les serres pas d’incertitude : le sol est propre, c’est du géotextile (le géotextile est un sol artificiel produit par la pétrochimie, parfaitement stable, où les plantes peuvent s’enraciner) ; les plantes poussent en hydroponique : de l’eau, une solution d’engrais et de produits phytosanitaires et le végétal grandit, grandit, grandit. Pas de sable, pas de limaces, tout est propre, prêt à consommer. L’ordinateur central régule tous les paramètres pour ralentir ou accélérer la croissance en fonction du cours à Rungis. Quant à la serre, elle est là surtout pour que le vent et la pluie n’abîment pas les récoltes.

Dans quelques exploitations, on peut visiter. On n’y reste pas longtemps, la température oscille entre 40 et 50°C et l’humidité flirte avec les 100%. Irrespirable, surtout avec les effluves d’engrais. Mais, on vous le dira : avec la technologie, pas besoin de main d’œuvre, l’ordinateur fait tout.

Ah oui ? Et pour cueillir ? Cueillir ? C’est une plaisanterie…Mouais… l’interlocuteur élude, parle d’autre chose…

Il faut alors poursuivre jusqu’à El Ejido (ça veut dire le village, c’est joli comme nom), quitter la gran via et se balader. D’abord ce qu’on voit, c’est la gare routière et les garages. Ils sont tous là : Daf, Volvo, Magirus, tous les concessionnaires de poids lourds. Et des poids lourds, croyez moi, y’en a. Des centaines, garés, manoeuvrant, monstres énormes entre lesquels il faut se glisser pour parvenir au bidonville. Parce que El Ejido, c’est l’un des plus gros bidonvilles d’Espagne. On y parle plein de langues, du wolof au mandingue. … Des milliers de travailleurs, pratiquement tous clandestins. C’est génial un clandestin, ça accepte tous les boulots, tous les salaires, ça se syndique pas, ça râle pas. Pour bosser huit heures dans les serres par 50°C, c’est parfait. Bon, dire que les conditions de vie à El Ejido sont paradisiaques, ce serait mentir. Et puis, une petite laitue au mois de janvier, ça vaut bien quelques sacrifices, non ? Surtout les sacrifices des autres….

Toute la journée, les camions quittent El Ejido, chargés jusqu’à la gueule de cagettes, et prennent le chemin de Toulouse ou Rungis

Honnêtement, c’est du tourisme génial. Pas parce qu’on peut voir l’Afrique sans passer la Méditerranée.
Parce qu’on touche du doigt la réalité du quotidien. Pour manger tous les jours les cinq fruits et légumes que nous recommande le gouvernement, le prix à payer est faible :

1/ un paysage massacré, mais ce ne sont que des serres, c’est moins grave que le béton

2/ des quantités hallucinantes d’eau gaspillées. Au point qu’un plan du gouvernement espagnol avait envisagé de détourner le cours de l’Ebre pour satisfaire les besoins de l’Andalousie. Mais oui : ils étaient prêts à détourner l’Ebre sur plus de 600 kilomètres pour nos laitues. Les écolos ont râlé, ça s’est calmé. Mais les besoins en eau subsistent.

3/ tous ces engrais, il faut bien qu’ils aillent quelque part car les légumes ne consomment pas tout. Où ? Dios lo sabe…

4/ des hectolitres de gas-oil pour remonter vers le nord les bons produits du sud. 7000 camions par jour à Biriatou, 5000 au Perthuis, ça en fait du CO2 dans l’atmosphère

5/ et le coût humain ? En Andalousie, les associations qui s’occupent des clandestins sont toutes persuadées que le trafic est organisé. Pour casser les prix…

Quand je refuse de bouffer des tomates en janvier, on me dit que je suis snob ou jeanpierrecoffesque.

Non, je suis juste un touriste. Un touriste qui met son nez où ça pue, mais un touriste.

A El Ejido, pas besoin de chiffres, de statistiques où je ne sais quoi. On comprend vite…Surtout quand on regarde les petites annonces du journal local et qu’on voit le prix auquel se négocient les serres : 5 à 600 euros le mètre carré (un mètre carré, c’est pour six pieds de tomate) Allez vous étonner que la concession Mercedes d’Almeria soit la plus grosse d’Espagne… Allez vous étonner qu’une partie de ce fleuve de fric soit détournée pour que les lois ne lui fassent pas barrage…Allez vous étonner de bouffer de la merde…

On en reparlera…