mercredi 16 octobre 2024

LA LAÏCITÉ

 J’en ai plein le cul de ces discussions sur la laïcité. Ça fait 120 ans que la laïcité est une des bases de la République et que je pense aussi souvent à mon oncle Adrien, républicain de gauche et maire de son village pendant 40 ans. Quarante ans pendant lesquels, il n’a pas mis une fois les pieds dans l’église. Il savait l’importance de certaines cérémonies, surtout les enterrements, pour la cohésion du groupe. Il exigeait que la porte de l’église soit ouverte et assistait à la célébration de l’extérieur, même sous une pluie battante. Il était avec ses concitoyens, mais pas avec Dieu.

 

Pour Tonton Adrien, la laïcité, c’était pas un jeu. Il s’était battu pour ça. Avant 1905, il participait aux actions d’un groupe qui s’attaquait aux bâtiments de la Calotte, essentiellement les maisons de bonnes sœurs où se fabriquaient les hosties dominicales. « Attaquer », c’est pas de la littérature parce que les Calotins se défendaient et les expéditions laïques laissaient plaies et bosses aux combattants. Tonton Adrien savait qu’un croyant est un danger. Physique. Il me l’a raconté, avant que les mahométans ne remplacent les calotins. Tonton Adrien, fallait pas lui insinuer que ne pas croire est une croyance. Pour lui et ses amis, le problème était Dieu, ce Dieu auquel l’Homme abandonnait son libre-arbitre. Un croyant est un esclave, on ne peut pas laisser un esclave diriger la République.

 

Bon, le Président De Gaulle était croyant mais lui, était un être à part et surtout pas un esclave.

 

je l’ai dit, Tonton Adrien était maire. De ce fait, il entretenait l’église mais aussi les calvaires : ils sont à tous et je suis le maire de tous. J’avais 10-12 ans et j’apprenais l’inexistence de Dieu, la tolérance et la République des champs. Pour être tout à fait franc, Tonton Adrien  avait un chef d’Etat-Major, l’instituteur du village, par ailleurs secrétaire de mairie, quasi-caricature de Pagnol père, hussard noir de la République quasi-parfait. Ce duo était complété par le médecin du village lequel visitait régulièrement les fermes isolées. Tonton Adrien savait tout de son village, jour après jour. Comme tous les maires de la région.

 

Et donc, au nom de la laïcité, rien n’était imposé ni même favorisé. Tonton Adrien connaissait les calotins du village qu’il ne traitait pas comme des ennemis. Lui avait gagné, excluant Dieu du village comme il l’avait exclu de sa vie. Inutile de rejouer ce combat au quotidien. Sauf le mercredi soir. C’était l’heure de la partie de manille coinchée entre l’équipe du maire assisté de son secrétaire de mairie contre le curé et son bedeau, le village rejouait 1905. L’équipe perdante payait les consos (le stade était le bar du village).

 

La laïcité avait entraîné la disparition de Dieu, du Dieu qui dominait la France depuis vingt siècles. Les soutanes et les cornettes disparaissaient du paysage et plus personne ne croassait au passage des grenouilles de bénitier. A sa mort, Tonton Adrien avait gagné le combat de sa vie. Personne ne lui avait dit que le ventre était toujours fécond.

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