dimanche 22 janvier 2012

FRIC ET POLITIQUE

Ça, c’est une question récurrente : qu’est ce qu’ils ont tous à vouloir se présenter à la présidentielle alors qu’ils savent pertinemment qu’ils n’ont aucune chance ?

Ceux qui posent la question n’ont jamais joué au billard. L’objectif, ce n’est pas la présidentielle. C’est les législatives. La présidentielle sert surtout à se faire briller dans les médias pour trouver des candidats et gratter des voix aux législatives. C’est du billard à trois bandes.

Prenons un exemple : Lutte Ouvrière. Par le biais du financement des partis politiques, LO touche environ 300 000 euro par an. La loi est simple : il faut présenter des candidats dans au moins cinquante circonscriptions législatives. Partout où les candidats dépassent 1% (c’est pas beaucoup), les voix sont comptabilisées et le parti va toucher 1,63 euro par électeur et par an. A ce compte, le Trèfle (vous connaissez Le Trèfle, vous ?), parti écologiste indépendant et totalement inconnu touche 160 000 euro par an.

Y’a mieux. En plus des voix par électeur, on touche des sous en fonction des parlementaires qui déclarent être inscrits à ce parti. Et voilà comment, en 2010, Fétia Api, parti politique polynésien a touché 1 million d’euro, avec 23 parlementaires. Comment, me direz vous, un parti polynésien peut il avoir 18 députés et 5 sénateurs ? Très simple : les députés Nouveau Centre ont déclaré être inscrits à Fétia Api. Hervé Morin et les vahinés, à mourir de rire. D’autant que Fétia Api ne touche que 854 euro par an au titre de ses mille électeurs recensés. Mille électeurs, 23 parlementaires, c’est pas beau, ça ? Y’a pas beaucoup de partis qui peuvent en dire autant.

Comprenez bien le fonctionnement : en 2007, le Nouveau Centre n’a pas présenté de candidats vu qu’il a été créé en 2008. Les députés étaient candidats sous l’étiquette du Modem. Donc les sous correspondant à ses électeurs vont dans la poche du Modem. S’il veut pas faire la manche, Morin doit trouver une solution. Il se déclare Polynésien, le Fétia Api touche l’argent public et le reverse au Nouveau Centre. En gardant 20 000 euro pour ses menus frais. Gagnant-gagnant : Fétia Api ne pouvait pas espérer plus de 1000 euro par an, voilà qu’il en touche 20 000. Et le Nouveau Centre récupère son blé. Parce que le second étage du financement suppose qu’on ait obtenu le premier.

On finance les partis politiques pour plus de transparence. Mais les politiques sont malins. La loi prévoit un cadre différent pour l’outre-mer. Pour bénéficier du financement n° 1 (par électeur), il faut présenter au moins cinquante candidats en métropole et obtenir 1% des suffrages exprimés. En outre-mer, c’est plus facile. Il suffit de présenter UN candidat qui obtienne 1% des suffrages exprimés et on sera payé. Condition sine qua non pour obtenir le second financement. Un bémol toutefois, il faut n’avoir pas présenté de candidats en métropole.

Alors, considérons Démocratie et République. Beau nom. Avant, ça s’appelait Metz pour tous. Pas terrible pour présenter des candidats outre-mer. C’est le parti de Jean-Louis Masson, sénateur de Moselle. Suivez bien la combine, c’est rusé. Lui, il se présente en Moselle et il est sénateur. Donc, il ne peut absolument pas prétendre à un financement puisqu’il faut se présenter aux législatives. Mais son parti présente une candidate à la Réunion. Une seule et c’est exclusivement outre-mer. Comme elle fait un joli score, Démocratie et République va toucher 14 000 euro pendant cinq ans. Après quoi, Masson et deux autres sénateurs s’inscrivent sous le label Démocratie et République et on leur verse 133 000 euro par an. Deux mille électeurs, 150 000 euro. Bingo !

C’est beau l’esprit de la loi. On avait déjà appris la mécanique des micro-partis. Ça, c’est une spécialité de l’UMP. La loi plafonne à 7500 euro ce qu’un particulier peut verser à un parti politique. Ridicule quand on est riche. Et donc, chacun crée son parti. De Copé à Woerth en passant par Alliot-Marie, ils ont tous créé leur parti. Et donc, Madame X… peut verser légalement cinq, dix, vingt fois 7500 euro.

Pas a peine de se demander pourquoi chaque élection suscite tant de candidats. Pas la peine de se demander pourquoi les électeurs s’abstiennent massivement. Bien entendu, la plupart des électeurs ne savent rien de ces magouilles ultramarines. Mais ils flairent, ils subodorent. Des fois, ça sort. On croit que c’est oublié comme le micro-parti de Woerth, vu qu’on ne parle plus de Woerth. Mais la graine est dans un coin de la tête. La politique apparaît comme l’art de détourner la loi.

Surtout que la loi, elle est plutôt bien foutue. Elle permet à Fétia Api de toucher un peu d’argent pour faire vivre ses idées sur la Polynésie. Mille euro par an, ça grève pas le budget de l’Etat. Mais ça permet de faire quelques tracs, quelques affiches, d’exister. Le seul truc qu’on a oublié, c’est qu’Hervé Morin peut se prendre d’un amour fou pour les vahinés. Le seul truc qu’on n’a pas fait, c’est d’interdire (vilain mot) de s’inscrire à un parti qui ne t’a pas présenté aux élections.

Y’a des spécialistes du financement des partis. Des mecs qui vont te créer des partis, juste pour toucher du fric. En présentant le strict minimum de candidats. La barre est pas bien haute : 1% des voix. C’est logique, la loi veut permettre l’expression de toutes les idées. Mais en jouant finement sur les circonscriptions, tu t’assures une rente. Le parti de Philippe de Villiers touche ainsi près de 900 000 euro par an. Trois fois plus que Lutte Ouvrière. Avec ça, tu peux te passer d’adhérents.

La politique est un métier : on le savait. Un métier qui peut rapporter gros. On le savait aussi. On croit naïvement que seuls les gros gagnent gros. Ben non. Un petit malin peut gagner aussi gros que les gros.

Consolons nous : c’est une prime à l’intelligence. Y’en a pas tant que ça.

On en reparlera…..

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