mardi 29 novembre 2011

C’EST GRATUIT !!

Marc Lemonnier poste un message outré car le texte de certains de ses livres est accessible gratuitement sur des sites qui l’ont piraté.

Ben oui, Marc. Tu découvres l’essence du Net : la gratuité. Avec ses séides : les bon plans, les remises hallucinantes et l’achat groupé.

Quand Internet cassait le marché des éditeurs d’encyclopédies, ça te gênait pas. Moi, non plus. Un clic sur Wikipédia, ça va plus vite que de se palucher les vingt volumes de l’Universalis et ça coûte rien. Les éditeurs de dictionnaires ont pleuré les premiers.

Les éditeurs ont adoré Internet qui leur permettait de faire des e-mailings. C’est bien l’e-mailing. Avant, il fallait payer les timbres à la Poste. Fini. C’est gratuit. Y compris pour faire la promotion de tes livres.

Les éditeurs ont adoré les catalogues en ligne. Plus de lettres à lire, plus d’enveloppes, de frais de port, de petites mains qui envoyaient les catalogues. Là, ce sont les routeurs et les imprimeurs qui ont pleuré. Et les petites mains quand on a contracté les services généraux.

Tout le monde a adoré le référencement. Plus besoin de chercher comment toucher les clients et les lecteurs. Ils venaient à toi. Gratuitement.

Tout le monde a adoré les réseaux sociaux. C’est immédiat et gratuit. On colle deux lignes et on communique. Plus besoin d’écrire une lettre, d’aller à la Poste, de mettre un timbre, plus besoin de téléphoner et de s’exploser le forfait. Comme dit Facebook (là où Marc Lemonnier a mis son post) : « c’est gratuit et ça le restera ».

Y’a qu’un hic : c’est qu’invariablement, un jour, c’est mon boulot qui devient gratuit. Et là, changement de musique. On a tous envie d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Tu peux te consoler en te disant que les droits d’auteur que tu as perdus, tu les aurais investis dans une encyclopédie. Et donc, ça ne change rien à ta trésorerie. Tu as perdu par Internet ce que tu as économisé par Internet.

Je te rassure, tu ne perds rien. Ceux qui accèdent à tes textes par Internet n’auraient pas fait l’effort d’aller les acheter dans une librairie. Parce qu’Internet ça ne rend pas seulement radin. Ça rend radin ET fainéant. C’est ça le succès d’Amazon. T’achètes sans bouger, le cul vissé sur ta chaise. Bien confortable ta chaise. D’ailleurs, tu l’as achetée sur Internet. Les éditeurs adorent Amazon qui permet d’économiser les kilo-euros de frais de port qu’il fallait facturer et percevoir quand il y avait des centaines de petites librairies, des centaines de petits comptes à gérer et des comptoirs de vente en centre ville. Tout cet argent immobilisé !

Tu es piraté ? Le pire reste à venir. Les copiés-collés, les citations non affectées, les textes tronqués et utilisés à des fins que tu réprouveras. Le piratage commercial n’est que le début. Va venir désormais le piratage intellectuel. Tout le Code de la propriété intellectuelle qui va être détricoté à coup de sites installés dans des pays qui ne respectent pas la Convention de Berne, à coup de sociétés non solvables et de mecs qui ne voient aucune raison de payer ce qu’ils n’ont jamais payé : des mégabits. Car pour eux, un texte, c’est juste des mégabits.

En plus pourquoi payer ce qu’ils offrent gratuitement ? Tu sers juste d’appât pour vendre de la pub. Remarque, chez Leclerc, tu sers d’appât pour vendre de l’eau minérale. C'est pareil.

Tu n’iras pas voir un avocat spécialisé. Parce que les 500 euro de la première consultation, t’es même pas sûr de les récupérer. Alors, tu vas râler et tu as raison.

Mais c’est trop tard. Un excellent sociologue, Raymond Boudon a décrit ce fonctionnement : c’est l’effet pervers. Je suis certain que tu trouveras le texte sur Internet.

Gratuitement.

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