samedi 7 novembre 2015

BECASSINE A L'ELYSEE

Le préfet des Pyrénées Atlantiques a appris la géographie à l’ENA qui est l’école française où on s’en occupe le moins. Spécialisé dans les territoires, il prouve, jour après jour, qu’il n’y connaît rien.

Et voilà sa dernière lubie : il propose de créer une intercommunalité basque, certainement pour permettre au gouvernement Hollande d’accomplir une des promesses de Mitterrand en 1981. Alors que la promesse était d’un département, pas d’un conglomérat coupé de toute réalité.

Monsieur le Préfet Durand propose donc de réunir dans un même ensemble 158 communes, d’offrir une gestion commune à Bayonne (45 000 habitants) et Orègue (400 habitants) ou Pagolle (300 habitants) ou encore Hosta (80 habitants). Il ne faut pas avoir fait l’ENA pour s’apercevoir que tout oppose la plupart des communes ainsi assemblées comme haricots dans la garbure.

Monsieur le Préfet Durand n’hésite pas à vouloir offrir un destin commun à des villes côtières et portuaires comme Bayonne et Saint Jean de Luz et des villages de montagne comme Mendive ou Sainte Engrâce, situés à plus de 100 kilomètres de ce qui sera le cœur actif de l’intercommunalité. Elle va faire quoi cette intercommunalité : assurer le ramassage des ordures le même jour à Hendaye et à Larrau ? Elargir le réseau de bus de la capitale communale ? Assurer la gestion des cantines scolaires ? on est en plein délire. Quelles que soient les compétences, elles seront tout simplement impossibles à assumer. Ce n’est pas seulement une question de distance mais de réalité du terrain. On n’organise pas les transports en Haute Soule comme sur la frange côtière. Mais le Préfet Durand n’en a cure : il a un chauffeur. Pour moi, je garde le souvenir d'une livraison de Bayonne à Mendionde un jour de neige de l'hiver 1962 : plus de deux heures pour faire moins de 50 kilomètres !

Monsieur le Préfet Durand veut faire vivre ensemble une frange côtière à l’économie basée sur les échanges de biens et de services et un arrière-pays essentiellement agricole. Il ne veut pas savoir (ni ses thuriféraires) qu’on n’a jamais, nulle part, créé de communauté où populations urbaines et populations rurales vivent en parfaite harmonie. Il suffit de voir l’évolution de l’Ile-de-France où l’urbanisation a détruit le tissu rural dans la petite couronne.

En fait, qu’on le tourne dans n’importe quel sens, le projet du préfet Durand n’a aucun sens. Même pas historique et culturel. On pourrait penser que la langue structurerait cette intercommunalité. Patatras ! Selon l’Institut Culturel basque, les bascophones représentent 30% des habitants. Un tout petit tiers. Le plus drôle, c’est que les plus bruyants défenseurs de cette intercommunalité, à commencer par la députée, ne parlent pas basque. On devrait demander aux défenseurs de ce qu’on appelle déjà « l’intercommunalité basque » de défendre leur position en basque. J’en connais suffisamment pour savoir que cette obligation deviendrait vite muselière.

Historiquement, le Pays basque nord n’a jamais été uni. On y trouvait quatre territoires, chacun défini par une coutume, c’est à dire un ensemble juridique cohérent. Bayonne, la capitale « basque », possédait en effet des règles et des lois différentes des trois provinces historiques. Il faudra que nos avocats, nombreux en politique, m‘expliquent comment une « capitale » peut avoir un ensemble juridique différent du pays qu’elle commande.

Et donc, le Préfet Durand qui ne sait de la géographie que l’aménagement du territoire qui n’en est qu’une conséquence et non un fondement, imbu de son enarchite (l’enarchite est une pathologie qui consiste à savoir mieux que les autres ce qui leur convient), décide de regrouper 158 communes en un territoire qui n’a ni réalité géographique, ni fondement historique, ni substrat linguistique, ni cohérence économique. Son idée, pour reprendre un vieux mot bayonnais, est une « meusclagne », un terrifiant merdier enveloppé d’un stéréotype.

Jusqu’alors, les 158 communes étaient réparties entre dix structures coopératives à peu près signifiantes et cohérentes, en tous cas collant au terrain.. Mais voilà… Approchent les élections et le Président a besoin de montrer qu’il agit. Il avait déjà concocté la réforme régionale la plus incohérente de ce dernier siècle où on veut faire vivre ensemble la Corrèze et les Landes qui n’ont en commun que des champs de bruyère. Le Parti Socialiste est à la recherche effrénée d’idées pour communiquer. Pas pour agir. Pour dire qu’il agit. Le Préfet a donc appliqué les instructions présidentielles.

Instructions relayées par la députée du coin qui a pour seul argument d’avoir sous le coude « des centaines de pages d’études..et la Prefecture et les meilleurs experts du cabine Acadie montrent la faisabilité juridique, technique et fiscale ». Le cabinet Acadie, j’y reviendrai. Quant au Préfet, il est aux ordres du Président dont il relaie les idées. Mais qu’est ce qui a donc inspiré notre Président qui n’a certainement pas du lire les centaines de pages des rapports cachés aux citoyens.

J’ai retrouvé sa boîte à idées. Dans son élyséen bureau, le Président possède la collection complète de Bécassine. Il a donc fait une réforme régionale où il refuse de mettre Nantes en Bretagne (Bécassine à Clocher-les-Bécasses), il s’en inspire pour sa politique proche-orientale (Bécassine chez les Turcs), il y a choisi sa ministre de l’éducation (Bécassine maîtresse d’école), il l’a utilisée dans sa lutte contre le chômage (Bécassine cherche un emploi) et même dans sa vie privée (Bécassine au studio). Il lui restait le Pays basque, nous y sommes.

Le problème, c’est que ça risque d’être moins drôle….

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