lundi 18 avril 2016

TIRER SUR L’AMBULANCE


Putain que c’est bon !! Je repense à une planche de Reiser où un boxeur en prenait plein la gueule et qui s’achevait par un quasi-orgasme de Gros Dégueulasse. Que c’est bon !!

C’est un « critique gastro ». Il perd peu à peu tous ses appuis. Et vous savez ce que c’est ? Moins t’es soutenu, plus t’es faible. Quand le mec était au top, tu pouvais rien dire. A l’époque, je bossais dans la collecte d’adresses. J’étais vérifié. « Comment, tu n’as pas vérifié ses adresses ? ». Si, mais elles me plaisent pas. Même si tu bossais pas avec lui, t’avais intérêt à pas le contrarier. Ton rédac’ chef y veillait.

Bien. Un jour,je reçois un coup de biniou d’une copine de l’OT de Soule. IL venait. IL voulait découvrir le patrimoine gastronomique et authentique de la plus belle province du Pays basque (ça, c’est pas lui, c’est moi, la Soule est une merveille). Et la copine m’appelait parce que je devais l‘aider, moi qui avait l’habitude des journalistes de la capitale.

Et donc, je lui ai conseillé de l’emmener chez Battitou Etchebarne. Au pied d’Ahusky, l’auberge de Battitou était la Mecque des gras doubles à la basquaise dont Battitou était l’ayatollah respecté et reconnu. Je l’avais interviewé et il m’avait expliqué, avec sa faconde, que les gras doubles à la basquaise étaient supérieurs aux tripes normandes par la longueur de leur préparation ou par le nombre d’aromates mobilisés. Il était intarissable et j’ai oublié l’essentiel.

J’avais un produit authentique, un vrai spécialiste, un discours cohérent : pour moi c‘était gagné.

Sauf que j’étais encore trop jeune. Quand le chantre de l’authentique est arrivé chez Battitou, le cuisinier revenait de l’abattoir et s’était mis en devoir de nettoyer les tripes. Et donc le gastronome de la France profonde a eu l’obligation de pénétrer avec ses pompes bien cirées dans une salle qui sentait … la merde !!! Et ce fut le scandale. Il devait attendre plus de décorum, une invitation autre. L’OT de Soule s’en souvient encore. Moi aussi car l’engueulade descendit en cascade et j’en eus ma part.

Première leçon : l’authentique ne l’est que s’il ne l’est pas. Tout ce qui fait la cuisine traditionnelle authentique, le sang, le gras, la merde, doit être occulté.

Deuxième leçon : une adresse n’est bonne que si elle génère du chiffre. Un plouc dans la montagne n’a aucun intérêt.

C’était jadis. Battitou a presque fermé. L’auberge est ouverte deux jours par semaine. Et j’ai cru exploser le jour où j’ai vu dans un restaurant basque près du métro Dupleix : le mardi gras-double de Battitou. Il doit continuer à nettoyer ses tripes pour le bonheur de tous. L’opinion d’un gandin parisien, un GP, il s‘en fout.

Tout le monde s’en fout, en fait. A part un mini-microcosme composé de son éditeur, de son imprimeur et de sa secrétaire. L’écume des mots semble s’évanouir. Sauf qu’un ou une autre viendra reprendre le discours du pseudo authentique, viendra expliquer ce qu’il ne sait pas à ceux qui en savent encore moins mais qui sont si nombreux (les ignorants sont majoritaires) qu’ils forment un marché.

CP disparaît mais le ventre est fécond. Je vous rassure : il sera remplacé.

Battitou, ce sera plus difficile.

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