lundi 15 août 2011

COMPARAISON, RAISON, DERAISON

Là, on est repartis pour le grand serrage de ceinture. Ça balise sec dans les milieux politiques. Déjà qu’ils contrôlaient pas grand chose, nos chers dirigeants….

C’est admirable. Le monde de la finance, bouffi d’informations, découvre que les Américains doivent tellement de fric qu’ils pourront peut-être pas rembourser. Remarquons au passage que 14 000 milliards de dollars, c’est pas un trou que tu fais en huit jours. Y’a rien de nouveau sous le soleil.

Vous vous souvenez de Giscard ? En 1981, Crâne d’œuf décide de relancer l’économie par la consommation. Aussi sec, le déficit commercial explose : 62 milliards de francs en 1981, 150 milliards de francs en 1982. Pas vraiment étonnant : quand tu consommes ce que tu produis pas, faut bien l’importer. Giscard, il a essayé de colmater les brèches, de faire dédouaner les magnétoscopes à Poitiers, des petites ruses pour pas que nos beaux et bons francs aillent remplir le bas de laine des bridés. Sans résultat. Alors, il a bien fallu dévaluer notre beau et bon franc.

Je vous rappelle que la Chine était pas à l’OMC, que l’euro n’existait pas et que M’sieur Mittal avait pas acheté nos aciéries. On produisait encore un peu. Trente ans après, on produit quasiment plus rien. Et donc, tu peux y aller : plus on va relancer la consommation, plus on va creuser le déficit. Et la dette qui va avec.

Meuh, non ! disent les économistes. Le déficit commercial, c’est que dalle. C’est juste les marchandises, c’est pas ça qui compte. Y’a aussi les flux financiers, toute une mécanique bien complexe qui vient compenser. Vaut mieux regarder la balance des paiements. Moi, je veux pas mourir con. Je regarde. Je regarde et je vois que la balance des paiements, elle est également négative. Bien sûr, les services, les flux financiers, le tourisme, tout ça vient compenser. Mais pas assez. Au bout du bout, il manque quand même 20 milliards d’euro (en 2008).

Tout ça, c’est juste des conneries de statisticiens. Les statisticiens, ils ont un problème : si t’analyses trop fin, t’as des méga-chiées de chiffres que tu ne peux pas analyser. Donc, on fait des catégories, on regroupe et comme ça on peut comparer. C’est malin. Ouais, à condition de ne pas regrouper comme un con. Les « biens culturels », par exemple, tu mets les livres et les jeux vidéos. Ben oui, Super Mario, on le compte avec Dostoïevski. Par contre, les tableaux, c’est avec les meubles. Van Gogh avec Ikea. Si c’est pas des regroupements à la con, ça…. Et c’est avec des regroupements de ce type qu’on veut prévoir l’avenir.

Pour le budget, c’est pareil. Le fonds de pension américain qui achète un paquet d’actions Total, il va dans la colonne Crédit, tout comme quand EADS vend un Airbus. Pour un statisticien, c’est la même chose : du fric qui rentre en France. Idem pour les touristes. Le Japonais qui dépense ses yens à Paris, c’est considéré comme de l’export, vu que c’est des étrangers qui nous apportent leur pognon. Et donc, affirment les économistes et les statisticiens, le déficit commercial, on s’en tape. Ils ont tous le même exemple : la Suisse. C’est pas un pays pauvre, la Suisse. He bé, elle a un déficit commercial structurel. Même avec les labos, Nestlé et tout et tout… Le Suisse, il vit pas de Nespresso et donc, il importe comme un fou. Mais avec tout le blé qui rentre de partout, il a les moyens. Alors là, l’économiste statisticien, il te regarde bien en face. Et toc ! tu vois bien que tu comprends rien à l’économie. L’économie, c’est pas que des marchandises, t’as une vision de plouc nostalgique. Si ça se passe dans un dîner, t’as vraiment l’air d’un affaibli des neurones. T’es bon pour qu’à la sortie, ta nana te dise que tu aurais mieux fait de la boucler.

Mouais. Sauf que l’économiste statisticien, il oublie un détail. En fait, il ne l’oublie pas vu que c’est un détail pas quantifiable. Et donc, pour lui, ce détail n’existe pas vu qu’il n’est pas quantifiable. Ce détail, c’est l’obligation. Tu peux mélanger comme tu veux, mais toi, citoyen lambda, y’a des trucs que t’es obligé de faire : manger au moins une fois par jour, te loger, te chauffer, t’habiller. Là, t’as pas le choix.

A l’inverse, le fonds de pension américain, il est pas obligé d’acheter des actions Total. Il peut aller à Francfort acheter des actions BMW ou à Milan acheter des actions à Berlusconi. Et donc, la balance des paiements, c’est un joyeux mélange de fric obligatoire et de fric aléatoire. Si tu produis pas assez de légumes, t’es obligé d’en importer. Pareil pour le pétrole. Mais t’es pas obligé d’aller en vacances en Thaïlande, tu peux choisir la maison de tante Agathe dans la Creuse. Ouais, bon, la Creuse, ça sonne quand même comme une obligation.

Les économistes sont d’impénitents optimistes. Des fois, on se demande s’ils sont pas un peu jobastres. Parce que, crise ou pas crise, les biens obligatoires, va falloir aller les acheter à ceux qui les produisent. Si pas crise, pas grave. Si crise, faut quand même sortir notre beau pognon. A condition qu’il en reste.

Or, si vous avez bien suivi ce qui précède, quand le CAC40 dévisse, ça veut dire que le fonds de pension américain, il retire ses billes et que, par voie de conséquence, l’argent qui était dans la colonne Crédit, il passe dans la colonne Débit. La balance des paiements, elle en prend un vieux coup. Le virtuel créditeur se tire mais le réel débiteur demeure. Les beaux dollars qui nous permettaient d’acheter des asperges en Chine disparaissent. Va falloir supprimer les asperges. Va falloir faire une cure d’austérité.

Pas les économistes. Eux, ils vont continuer à être grassement payés pour raconter des conneries et justifier les catastrophes après coup. Et casser la machine politique.

La base de la politique, c’est l’indépendance. La vraie. Celle qui te permet de faire un bras d’honneur à celui qui te les brise. C’est quand t’as besoin de personne pour ce qui est obligatoire : la nourriture, l’énergie, les armes. Forcément, ça demande un effort. Tu vas payer les haricots verts un poil plus cher. T’en as pour des années à investir à la recherche de champs de pétrole ou à construire des usines pour y faire des avions. Mais, quoi qu’il se passe, quelles que soient les vicissitudes du monde, quelles que soient les évolutions, au bout du compte, t’es sûr de bouffer et de te chauffer. Tu assures l’obligatoire. En cas de crise, t’es peinard.

L’économiste, il s’en fout. Dans le paragraphe ci-dessus, la seule expression qui le fait bondir, c’est « payer un poil plus cher ». Y’a pas de raison ! Faut être débile pour payer plus cher ce qu’on peut avoir à moins cher ! Quand on sait seulement compter, c’est vrai. Quand on sait raisonner, c’est faux.

Insinuerais-je que les économistes ne savent pas raisonner ? Je l’insinue. Dans leur raisonnement, il manque toutes les dimensions intéressantes, géographiques, historiques, sociologiques, politiques. C’est juste des jeux avec les chiffres.

La crise, on y est. En plein dedans. On peut toujours se satisfaire que les bourses remontent un poil aujourd’hui, ou cette semaine, que les « indicateurs » passent au vert pour huit jours ou pour six mois. Tout ce jeu statistique n’a pas de sens. La réalité, c’est qu’on ne produit plus assez à bouffer pour nourrir notre population. Qu’on dépend du pétrole pour se chauffer et qu’on a refilé le pétrole aux financiers. Qu’on n’a plus d’industrie textile pour s’habiller. Et que pour ces choses obligatoires, on va devoir sortir du fric qui ne rentre plus. C’est du fric aléatoire (voir ci-dessus), alors y’a des aléas.

Les statisticiens, ils ont la parade. Ils élargissent la base. Si on élargit à l’Europe, ce qu’on importe d’Espagne ne compte plus. Certes, les Espagnols importent de Chine. Alors, élargissons la base au monde, dans une vision de bisounours, en chantant « Si tous les gars du monde ». C’est de l’angélisme. Le pays qui est position de gagner le bras de fer, tu crois tout de même pas qu’il va s’arrêter et te faire la bise ? Surtout quand ça fait trente ans qu’il calcule, qu’il ruse, qu’il analyse politiquement la situation pour devenir n° 1. Surtout quand ça fait trente ans que son credo, c’est son indépendance payée par ta dépendance.

Y’a des trucs pathétiques. La Chine lance un premier porte-avions et Obama lui demande de justifier son besoin de porte-avions. La réponse, c’est « T’as des porte-avions et donc j’en veux aussi et je t’emmerde. Viens le couler si t’es pas content ». C’est dit en termes plus diplomatiques, style « Il existe 21 porte-avions dans le monde dont 11 américains, l’équilibre n’est pas menacé ». On peut gloser, trouver Obama courageux ou les Chinois agressifs, le vrai résultat c’est que les USA vont écraser le coup et que le second porte-avions chinois est en chantier. Or, c’est le résultat qui compte, pas les manchettes des journaux. Le vrai résultat, c’est que les USA sont quasiment ruinés à force de créer des emplois chez leur principal ennemi politique. C’est le vrai enjeu : matériel contre virtuel et c’est le matériel qui gagne. Toujours.

Y’a plus qu’à prier Dieu, alors ? Même pas. La religion, c’est aussi du virtuel.

On en reparlera….

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