vendredi 9 janvier 2015

JE NE SUIS PAS CHARLIE

Tout simplement car je manque de talent. Charlie, au départ, c’est un mensuel qui succède à Linus. Et Charlie-Hebdo, c’est le successeur du petit frère d’Hara-Kiri mensuel, Hara-Kiri hebdo, disparu pour cause de bal tragique à Colombey.

Tout ça, c’est les Editions du Square, fabuleuse rédaction groupée autour de Choron : Cavanna, Reiser, Gébé, Fournier et son an 01, Cabu et Wolinski (qui avait adapté La Reine des Pommes dans le mensuel), Siné, Delfeil de Ton, Topor ou Gourmelin parfois. La plus grosse densité de QI jamais regroupée. J’étais fou d’eux. Mais pas au point de me prendre pour eux. Il faut savoir raison et modestie garder.

Hier quand on nous a appelés, Pierre et moi, on était rue Choron. Ça s’invente pas. Ce qui ne s’invente pas non plus, c’est que rue Choron, y’a un restau qui s’appelle Il Professore avec la photo de Choron en vitrine. On y bouffe propre et chic. Je suis sur que Choron aurait pas aimé. Le truc manque de truculence. Voilà, c’est le mot : truculence.

Après…. Après, on voit débarquer Luce Lapin, qui me propose d’adopter des petits chats, prélude à Philippe Val qui me demande de voter pour l’Europe. Le mec, il est assis dans le fauteuil de Choron et il vote pour l’Europe !!! Cherchez l’erreur.

J’ai décroché. Delfeil de Ton aussi. Quant à Siné, il a été décroché. Caroline Fourest venait d’arriver. Charlie réussissait l’exploit d’être politiquement correct. L’esprit d’Hara Kiri s’est déglingué. Pas l’oublier. Pas oublier les romans photos avec les gonzesses à gros seins et Coluche assis sur ses chiottes. Moi, c’est ça que j’aimais. C’était jamais assez décalé, jamais assez grossier (Reiser et son Gros Dégueulasse, bonheur total), jamais assez vulgaire, jamais assez esprit de chambrée. Choron, il avait été légionnaire. Quand Sciences Po remplace la caserne de Lunéville, forcément, c’est moins drôle. Ou c’est pas le même humour. Du Hara Kiri de Choron au Charlie de Val, y’avait comme un fossé.

J’ai jamais pu le franchir. Je ne suis pas Charlie.

C’est mon drame. J’oublie jamais. J’oublie pas Linus, ni Mad…Toujours la même équipe. J’oublie pas les éditions du Square et Les Pauvres sont des Cons. Et j’imagine pas Choron, cadre à Radio-France. Jusqu’au jour où Cavanna a reproché à Bukowski de se torcher sur un plateau. Là, j’ai su que le ver était dans le fruit

Charlie, le dernier, manquait de truculence.

D’ailleurs, dans tous les hommages, personne ne parle de Choron. Et personne n’a repris les romans photos de Choron. Un seul être vous manque…

Je ne suis pas ce Charlie. Qui semble avoir commencé vingt ans plus tard que mes souvenirs.

Bien sûr, les nouveaux, ils s’efforçaient. Charb aurait plu à Choron, je pense et Choron aurait magnifié Charb. Caroline Fourest, je suis moins sûr. Elle n’a pas de gros seins, même si elle a la grosse tête. Et puis on nous montre plein de reportages. Chez Charlie, personne ne fume. Choron, il aurait pas aimé, je pense.


Les temps ont changé. Moi, pas trop. C’est bien mon drame. Alors, je ne suis pas Charlie. Et je m’interroge. Charb, il vivait avec une ancienne Secrétaire d’Etat de Fillon. Je vois pas trop Choron avec une ministre de Giscard. Désolé, ça me brouille les repères.

Je ne suis pas Charlie. Charlie était devenu respectable. Et Charlie, pour moi, c’était apprendre à ne pas respecter. Rien. Aucune bien-pensance. Quand la foule se masse, tu t’installes à côté. Bal tragique à Colombey.

Je pense à une double planche de Reiser. Devant une affiche appelant à la mobilisation générale (c’est une sorte d’union nationale) un petit mec se marre, se marre, se marre tant qu’il meurt de rire. Alors, la foule le charge sur ses épaules et appelle à venger la première victime, le premier martyr, de la guerre. Voilà, nous y sommes. Ceux qui rigolaient deviennent des martyrs d’une cause qui les faisait rire.

On en reparlera certainement…..

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